Numéro 10434 du rôle Inscrit le 27 novembre 1997 Audience publique du 29 juillet 1998 Recours formé par la société en commandite simple MUNIMMO s.à r.l. et Cie, … contre le directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu et d’impôt commercial
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Vu la requête, inscrite sous le numéro du rôle 10434, déposée le 27 novembre 1997 au greffe du tribunal administratif par Maître Albert WILDGEN, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société en commandite simple MUNIMMO s.à r.l.et Cie, ayant son siège social à …, tendant à la réformation, et subsidiairement à l’annulation du bulletin de l'impôt commercial communal relatif à l’année 1994 émis à son encontre le 17 octobre 1996, suite au silence gardé par le directeur de l’administration des Contributions directes face à sa réclamation du 9 janvier 1997;
Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 4 mars 1998;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 19 mai 1998 par Maître Albert WILDGEN au nom de la société en commandite simple MUNIMMO s.à r.l.et cie;
Vu les pièces versées en cause et notamment le bulletin critiqué;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Charles OSSOLA, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Marie KLEIN en leurs plaidoiries respectives.
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La société en commandite simple portant actuellement la raison sociale MUNIMMO s.à r.l. et cie, s.e.c.s., et ayant son siège actuel à …, était dénommée R. X. et Cie s.e.c.s. jusqu’au 4 octobre 1994, date à laquelle les associés de cette société ont décidé, entre autres, le dit changement de raison sociale.
Par contrat de bail à durée déterminée du 8 juillet 1993, cette société a donné en location, avec effet au 1er janvier 1990, à la société X. S.A. son immeuble commercial situé à …, inscrit au cadastre de la commune de … avec l’ensemble des constructions se trouvant érigées sur ce terrain.
Suivant un contrat de bail oral, la même société, à cette époque dénommée R. X. et cie s.e.c.s., a loué pareillement à partir du 1er janvier 1990 à la société X. S.A. son fonds de commerce de négociant, importateur et distributeur de boissons et articles accessoires connu sous l’enseigne « Etablissements R. X. » et exploité à la même adresse.
La même société, sous sa nouvelle dénomination de MUNIMMO s.à r.l. et cie, s.e.c.s., et appelée dans la suite « la société MUNIMMO », a vendu par convention du 4 novembre 1994 à la société X. S.A. le fonds de commerce susvisé d’après des modalités plus amplement précises par cette même convention. Le prix de cession s’étant élevé à … LUF tandis que la valeur comptable restante des éléments transmis était de … LUF, la société MUNIMMO a réalisé un bénéfice de cession de … LUF lors de cette transmission de fonds de commerce.
Dans sa « déclaration pour l’établissement en commun du bénéfice commercial et déclaration pour l’impôt commercial de l’année 1994 », la société MUNIMMO a déclaré un bénéfice global de … LUF, comprenant notamment, d’après les comptes annuels y annexés, des recettes de loyers du chef de la location respectivement de l’immeuble commercial susvisé à hauteur de … LUF et du fonds de commerce à concurrence de … LUF. Dans la même déclaration, le bénéfice de cession du fonds de commerce fut inclus dans le bénéfice global susdit, mais inséré dans la rubrique « montants non soumis à l’impôt commercial » et déduit du bénéfice soumis à cet impôt.
Par bulletin d’établissement des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés 1994 émis le 17 octobre 1996, le bureau d’imposition Sociétés 3 a fixé le bénéfice commercial imposable à … LUF, comprenant les recettes de location et le bénéfice de cession prévisés. Ce même bénéfice fut repris dans le bulletin de l’impôt commercial communal 1994, portant la même date du 17 octobre 1996, comme bénéfice commercial soumis à l’impôt commercial constituant la base de calcul du bénéfice d’exploitation imposable arrondi fixé à … LUF.
Sur base d’un mandat conféré le 8 janvier 1997, la société civile KPMG Experts Comptables a réclamé le 9 janvier 1997 au nom de la société MUNIMMO contre le bulletin de l’impôt commercial communal 1994. La motivation de cette réclamation suivait par courrier recommandé du 7 février 1997.
Le directeur de l’administration des Contributions directes n’ayant pas statué sur sa réclamation, la société MUNIMMO a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation par requête déposée le 27 novembre 1997.
Etant donné que tant l’article 8 de l’arrêté grand-ducal du 26 octobre 1944 concernant les impôts, taxes et droits, abrogé avec effet au 1er janvier 1997 par l’article 97 (4) de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, que l’article 8 (3) de cette dernière loi prévoient un recours de pleine juridiction en matière de bulletins relatifs à l'impôt commercial communal, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal. Le recours en annulation introduit à titre subsidiaire est en conséquence irrecevable.
2 Le recours en réformation est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.
La demanderesse se base d’abord, quant au bénéfice de cession du fonds de commerce, sur les « Gewerbesteuerrichtlinien für 1943 » du 4 avril 1944, ainsi que la jurisprudence fiscale allemande pour estimer que le bénéfice par elle réalisé lors de la cession litigieuse du 4 novembre 1994 n’est pas soumis à l'impôt commercial communal.
Concernant les revenus de location issus à la fois de l’immeuble et du fonds de commerce visés, elle renvoie encore aux jurisprudence et doctrine fiscales allemandes pour considérer que la soumission d’une société en commandite simple à l'impôt commercial communal commence seulement au moment où elle exerce effectivement des activités commerciales et prend parallèlement fin dès lors que la société arrête pareilles activités. Ayant cessé toute exploitation commerciale personnelle au 1er janvier 1990, la demanderesse considère que la mise en location par elle de l’ensemble, voire de parties essentielles de son ancienne exploitation n’est plus une activité commerciale, faute d’exploitation constituée. Elle relève enfin que la notion de scission d’entreprise ne saurait lui être opposée, puisque Monsieur R. X. senior n’est pas associé de la société X. S.A., et que les circulaires Nos 66 et 66a des 3 novembre 1978 et 13 janvier 1986 ne s’appliqueraient dès lors pas.
Le délégué du Gouvernement constate d’abord que, d’après le paragraphe 2 alinéa 2 de la loi du 1er décembre 1936 concernant l'impôt commercial communal, appelée « Gewerbesteuergesetz » et ci-après désignée « GewStG », l’activité des sociétés de personnes ne déclenche l’impôt commercial que si les associés peuvent être considérés comme coexploitants d’une entreprise commerciale au sens de l’article 14 de la loi du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, ci-après appelée « LIR », auquel renvoie le paragraphe 2 alinéa 1er GewStG. Il admet ensuite qu’il n’existe dans le cadre de l'impôt commercial communal aucune extension semblable à l’article 15 LIR afin d’inclure le bénéfice de cession dans le bénéfice imposable. Il considère encore que la location d’un fonds de commerce et la dation à bail d’un immeuble ne constituent pas une entreprise commerciale, ne déclenchant ainsi pas l'impôt commercial communal, sous réserve toutefois de la jurisprudence relative à la scission d’entreprise.
Conformément au paragraphe 11bis de la loi d’adaptation fiscale du 16 octobre 1934, la société en commandite simple est considérée comme n’ayant pas de personnalité juridique distincte de celle des associés.
Le paragraphe 2 (2) GewStG dispose notamment: « Als Gewerbebetrieb gilt stets und in vollem Umfang die Tätigkeit 1.
der offenen Handelsgesellschaften, Kommanditgesellschaften und anderer Gesellschaften, bei denen die Gesellschafter als Unternehmer (Mitunternehmer) des Gewerbebetriebs anzusehen sind ». La soumission d’une société en commandite simple à l'impôt commercial communal suppose donc l’existence d’une entreprise commerciale au sens du paragraphe 2 (1) GewStG dans le chef d’une telle société, les associés devant être considérés comme exploitants de cette entreprise commerciale. En présence d’une telle entreprise commerciale, même si elle ne couvre qu’une partie de l’activité globale de la société en commandite simple, la société est soumise à l'impôt commercial communal pour la totalité de son activité.
3 La soumission à l'impôt commercial communal cesse au moment de l’abandon effectif de l’exploitation qui correspond à l’époque où l’une des conditions fixées par l’article 14 LIR, suite au renvoi à cette disposition par le paragraphe 2 (1) GewStG, ne se trouve plus vérifiée.
La location de l’exploitation ou d’une partie de celle-ci, considérée à titre isolé, ne constitue pas une exploitation commerciale soumise à l'impôt commercial communal.
Pareillement, la location d’un fonds de commerce ou d’un immeuble commercial ne constitue en principe pas une activité commerciale, sauf si elle est accompagnée d’autres prestations ou d’autres circonstances, l’activité commerciale exercée par le locataire grâce à ces éléments d’actif n’ayant point pour conséquence de rendre la location commerciale.
En l’espèce, il n’est pas contesté que la demanderesse a cessé toute activité de négoce de produits alimentaires au début de l’année 1990, qu’elle a transféré à la société X. S.A. une partie de son actif et qu’elle a donné en location à cette société son fonds de commerce et l’immeuble qu’elle utilisait jusqu’à cette date. En l’absence d’autres activités commerciales en dehors des deux locations précitées et d’usage d’autres éléments de l’actif à des fins propres, la demanderesse doit être considérée comme ayant cessé l’exploitation commerciale constituée (« stehender Gewerbebetrieb ») qu’elle entretenait jusqu’à cette date.
La cession du fonds de commerce intervenue le 4 novembre 1994 ne rentre dès lors pas dans le bénéfice soumis à l'impôt commercial communal en l’absence d’exploitation commerciale constituée dans le chef de la demanderesse à cette date. Par ailleurs, une cession d’une part autonome d’entreprise ne représente pas un bénéfice commercial imposable.
Il s’en suit que les opérations litigieuses ne sauraient être soumises à l'impôt commercial communal pour autant qu’on prend en considération la seule demanderesse.
Force est cependant de constater que l’abandon de l’exploitation commerciale par la demanderesse est le corollaire direct de sa reprise économique par la société X. S.A.. La théorie de la scission d’entreprise (« Betriebsaufspaltung »), développée par la jurisprudence fiscale allemande et applicable également au Luxembourg (cf. C.E. 16 juillet 1982, n° 6677), est de nature à pouvoir, le cas échéant, infirmer la solution dégagée dans un premier stade sur base des seules données relatives à la demanderesse.
Etant donné que les parties n’ont pas exhaustivement pris position face à ces données et que le tribunal ne dispose, à ce stade, pas de toutes les informations nécessaires afférentes, il y a lieu d’ordonner la continuation des débats à une audience ultérieure.
PAR CES MOTIFS Le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours principal en réformation en la forme, déclare le recours subsidiaire en annulation irrecevable, 4 avant tout autre progrès en cause, tous droits des parties restant réservés, fixe l’affaire pour continuation des débats à l’audience publique du mercredi 16 septembre 1998, réserve les frais.
Ainsi jugé par:
M. DELAPORTE, premier vice-président, Mme LAMESCH, juge, M. SCHROEDER, juge, et lu à l’audience publique du 22 juillet 1998 par M. le juge SCHROEDER, délégué à ces fins, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.
s. SCHMIT s. DELAPORTE 5