N° 10215 du rôle Inscrit le 13 août 1997 Audience publique du 29 juillet 1998
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Recours formé par Monsieur … WARK contre la commission des pensions de l’Etat en matière de mise à la retraite
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Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 13 août 1997 par Maître Monique WATGEN, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … WARK, commis principal à l’administration commune des caisses de sécurité sociale des classes moyennes, demeurant à …, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision de la commission des pensions de l’Etat du 21 mai 1997 ayant déclaré qu’il était hors d’état de continuer ses fonctions et de les reprendre dans la suite et qu’il était également hors d’état d’occuper un autre emploi;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Georges NICKTS, demeurant à Luxembourg, du 14 août 1997, portant signification dudit recours à la commission des pensions de l’Etat;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 21 avril 1998;
Vu le mémoire en réplique déposé le 25 mai 1998 par Maître Monique WATGEN au nom de Monsieur … WARK;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre KREMMER, demeurant à Luxembourg, du 26 mai 1998, portant signification dudit mémoire en réplique à la commission des pensions de l’Etat;
Vu le mémoire en duplique déposé par le délégué du gouvernement au greffe du tribunal administratif en date du 2 juin 1998;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Monique WATGEN, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives.
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Monsieur … WARK, né le 9 novembre 1937 et domicilié à …, a été engagé auprès de l’administration commune des caisses de sécurité sociale des classes moyennes, ci-après dénommée « la caisse de sécurité sociale », en date du 1er décembre 1957 et y a occupé en 1 dernier lieu la fonction de commis principal au grade 8 dans la carrière de l’expéditionnaire administratif, affecté au service du contentieux (cotisations) et des carrières d’assurance.
Par lettre du 18 décembre 1996, la caisse de sécurité sociale a prié le ministre de la Sécurité sociale de saisir la commission des pensions de l’Etat afin que celle-ci statue par une décision portant sur la mise à la retraite pour inaptitude au service de Monsieur WARK, à la suite de ses « nombreuses absences dues à son incapacité de travail et surtout son indisponibilité pour cause de maladie persistant depuis le 1er juillet 1996, qui causerait une entrave certaine au bon déroulement des exécutions de tâches dans le service concerné ».
En date du 7 janvier 1997, le ministre de la Sécurité sociale a transmis le dossier afférent à la commission des pensions conformément à l’article 2, paragraphe III, alinéa 1er, de la loi modifiée du 26 mai 1954 fixant le régime des pensions des fonctionnaires de l’Etat.
Par transmis de la commission des pensions de l’Etat du 13 janvier 1997, Monsieur WARK a été prié de se prononcer, si besoin en était, au sujet de la demande présentée par la caisse de sécurité sociale en vue d’obtenir une décision sur le point de savoir s’il était encore en état d’exercer ses fonctions, et de communiquer à la commission tous documents relatifs à l’action intentée, dont il souhaiterait faire usage au cours de la procédure.
En date du 15 janvier 1997, la commission des pensions a prié Monsieur WARK de se présenter chez le docteur Camille REISEN, en vue d’un examen médical.
Dans son rapport du 24 janvier 1997, le docteur REISEN a noté, après avoir analysé en détail l’état de santé de Monsieur WARK, que « Monsieur WARK n’est plus à même de reprendre son travail », en se basant sur un taux global d’incapacité de travail partielle permanente d’au moins 70%, qu’il est incapable d’exercer ses fonctions actuelles, qu’il est incapable de les reprendre dans la suite ou d’exercer une autre fonction publique.
Par lettre du 3 avril 1997 de la commission des pensions de l’Etat, Monsieur WARK a été invité à assister à la réunion de cette commission convoquée pour le 16 avril 1997.
Le 9 avril 1997, Monsieur WARK s’est présenté au secrétariat de la commission des pensions de l’Etat pour faire usage de son droit de prendre inspection du dossier.
En date du 15 avril 1997, le médecin traitant de Monsieur WARK a certifié que celui-ci était incapable de se présenter aux débats de la commission des pensions, fixés au 16 avril 1997, pour cause de maladie.
Dans sa décision du 21 mai 1997, la commission des pensions de l’Etat a pris acte que Monsieur WARK a été dans l’impossibilité de comparaître personnellement devant elle et qu’il ne s’était par ailleurs pas fait représenter, et elle a décidé que Monsieur WARK était « hors d’état de continuer ses fonctions et de les reprendre dans la suite et qu’il est également hors d’état d’occuper un autre emploi ».
Par lettre du 22 mai 1997, la commission des pensions de l’Etat a notifié la décision précitée notamment à Monsieur WARK.
2 Par requête du 13 août 1997, Monsieur WARK a introduit un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision précitée du 21 mai 1997.
L’article 50 de la loi modifiée du 26 mai 1954 réglant les pensions des fonctionnaires de l’Etat, prévoyant par renvoi à l’article 32 de cette même loi, un recours de pleine juridiction contre les décisions de la commission des pensions de l’Etat relatives à la mise à la retraite ou à la pension, c’est à bon droit que le délégué du gouvernement relève que le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation qui est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi. Le recours subsidiaire en annulation est par conséquent irrecevable.
A l’appui de son recours, le demandeur conteste tout d’abord, par des moyens et arguments développés pour la première fois dans son mémoire en réplique, la régularité de la procédure en ce que, d’une part, l’article 2, paragraphe IV de la loi précitée du 26 mai 1954 aurait été violé au motif qu’il n’appartenait pas au directeur de la caisse de sécurité sociale d’entamer la procédure en vue de la mise à la retraite, agissant par délégation du président des comités directeurs réunis, mais à ce dernier, en tant que chef d’administration, d’initier la procédure en question, étant donné qu’il s’agit d’un acte dépassant le cadre de la gestion courante qui ne saurait faire l’objet d’une subdélégation de signature, et, en ce que, d’autre part, il n’aurait pas appartenu au ministre de la Sécurité sociale de saisir la commission des pensions de l’Etat, mais au comité directeur de la caisse de sécurité sociale de ce faire. Dans ce contexte, le demandeur estime que la commission des pensions aurait été, à tort, saisie sur base de l’article 2, paragraphe III, point 1. de la loi précitée du 26 mai 1954, alors qu’elle aurait dû être saisie sur base du paragraphe IV du même article. Il s’ensuivrait que la procédure de saisine de la commission des pensions de l’Etat n’aurait pas respectée les dispositions légales applicables et qu’elle devrait partant être déclarée illégale.
Le délégué du gouvernement soutient que c’est à bon droit que la commission des pensions de l’Etat a été saisie sur base des dispositions de l’article 2, paragraphe III, alinéa 1er de la loi précitée du 26 mai 1954, et qu’en vertu de l’article 48, alinéa 1er de la même loi, le ministre du ressort était compétent pour saisir la commission des pensions.
Les paragraphes III et IV de l’article 2 précité ont des champs d’application distincts.
Alors que le paragraphe III en question dispose que « la mise à la retraite est prononcée d’office dans les conditions ci-après: 1. si le fonctionnaire est atteint d’infirmités graves et permanentes et si l’inaptitude au service a été constaté par la Commission des pensions prévue aux articles 47 et suivants de la présente loi; … », le paragraphe IV du même article a exclusivement pour objet de réglementer le cas du fonctionnaire malade, pendant 6 mois consécutifs ou non, au cours d’une période de 12 mois, auquel cas « le ministre du ressort est tenu de demander au président de la Commission des pensions de désigner un médecin pour examiner le malade ». Ce n’est qu’au cas où « le médecin estime que les conditions d’invalidité prévues au paragraphe III, 1. de l’article 2 (paraissent remplies, que) le ministre devra traduire le fonctionnaire devant la Commission des pensions … ».
En l’espèce, la décision litigieuse s’est expressément basée sur l’article 2, paragraphe III, alinéa 1er de la loi précitée du 26 mai 1954. Il ressort par ailleurs des faits de l’espèce, que le demandeur ne tombe pas dans l’hypothèse visée par le paragraphe IV du même article, étant donné qu’il ne ressort ni du dossier administratif ni de la décision critiquée que le demandeur 3 ait été malade pendant six mois au cours d’une période de douze mois. C’est partant à tort que le demandeur entend se baser sur le paragraphe IV de l’article 2 précité en vue d’apprécier la régularité de la procédure suivie en la matière. Comme le délégué du gouvernement l’a indiqué à juste titre, la commission des pensions peut être saisie sur base du seul paragraphe III de l’article 2, sans que la procédure prévue par le paragraphe IV ne doive préalablement avoir été accomplie.
Le demandeur soulève encore une irrégularité de procédure en ce que ce serait à tort que le directeur de la caisse de sécurité sociale a agi, par subdélégation, au nom et pour compte du président des comités directeurs réunis, au motif que l’acte ayant pour objet de faire entamer une procédure pouvant, le cas échéant, aboutir à la mise à la retraite d’un fonctionnaire dépasserait le cadre de la gestion courante et ne saurait partant faire l’objet d’une subdélégation de signature.
A part le fait qu’il ne ressort d’aucune pièce ni d’aucune autre information contenues au dossier quelles sont les attributions et délégations de pouvoir dont bénéficie le directeur de la caisse de sécurité sociale, et qu’il est partant impossible de vérifier s’il a été autorisé par le comité directeur d’exercer des attributions dépassant le cadre de la gestion courante, le tribunal estime que le fait pour un directeur d’une caisse de sécurité sociale d’entamer la procédure prévue par le paragraphe III de l’article 2 de la loi précitée du 26 mai 1954 rentre parfaitement dans le cadre d’une gestion courante du personnel qui lui est subordonné, et, par conséquent, aucune autorisation ou procuration spéciales n’ont dû lui être accordées de sorte que la procédure est régulière sous ce point de vue. Le moyen afférent de la partie demanderesse est à écarter.
En ce qui concerne le moyen invoqué par le demandeur, tiré de la violation de l’article 18, point 7 du règlement grand-ducal du 24 décembre 1993 concernant le statut du personnel (…) de l’administration commune des caisses de sécurité sociale des classes moyennes (…), qui dispose que « les attributions dévolues au Grand-Duc, au Gouvernement, au Conseil de Gouvernement, au ministre du ressort et à l’autorité investie du pouvoir de nomination sont exercées par respectivement le conseil d’administration de l’union des caisses de maladie, les comités directeurs des caisses de maladie ou les comités directeurs réunis des administrations communes visées par le présent règlement, sauf dispositions contraires au présent article », en ce que ce serait à tort que le ministre a saisi la commission des pensions, alors que cette initiative aurait dû être prise par le comité directeur de la caisse de sécurité sociale, il échet de relever que l’article 48, alinéa 1er de la loi précitée du 26 mai 1954, dispose que « la commission (des pensions) est saisie, soit à la requête du Gouvernement, soit à la requête du fonctionnaire actif ou retraité ou de ses ayants droit, …. ».
En l’espèce, ce sont bien les comités directeurs réunis qui, conformément à l’article 18, point 7 du règlement grand-ducal précité du 24 décembre 1993, ont pris l’initiative de la saisie de la commission des pensions, conformément à l’article 48, alinéa 1er et à l’article 2, paragraphe III, point 1. de la loi précitée du 26 mai 1954. Le fait que le ministre de la Sécurité sociale a agi en tant que simple transmetteur de la demande au président de la commission des pensions de l’Etat est indifférent, étant donné que le ministre n’a ni pris l’initiative de la procédure ni influencé celle-ci dans un sens ou dans un autre, en exprimant un avis au sujet de ce dossier. La commission des pensions de l’Etat a donc été valablement saisie.
Le moyen afférent du demandeur est partant à rejeter.
4 A l’appui de son recours le demandeur soutient encore que la procédure prévue à l’article 48 de la loi précitée du 26 mai 1954 a été violée, en ce que, d’une part, la commission des pensions de l’Etat aurait dû surseoir à statuer et le convoquer à une nouvelle audience publique afin de lui permettre d’exposer sa position personnellement devant ledit organe, et, d’autre part, ce serait à tort que la décision du 21 mai 1997 a été déclarée contradictoire.
Le délégué du gouvernement estime qu’une nouvelle convocation de la commission des pensions de l’Etat n’était pas nécessaire au motif qu’au titre de l’alinéa 10 de l’article 48 précité, la décision de la commission serait réputée contradictoire notamment dans l’hypothèse dans laquelle la commission des pensions a reconnu l’impossibilité de l’intéressé de comparaître, basée sur un certificat médical.
L’article 48 de la loi précitée du 26 mai 1954 dispose en ses alinéas 7, 9 et 10, ce qui suit:
« (7) le fonctionnaire actif ou retraité et ses ayants droit sont tenus de comparaître, sauf impossibilité dûment reconnue par la commission. Ils peuvent se faire assister par une personne de leur choix. Dans les cas, où ils sont dispensés de se présenter en personne, ils peuvent comparaître par un mandataire de leur choix.
(9) au cas où l’intéressé ne se présente ni en personne ni par mandataire, une nouvelle convocation est envoyée au moins trois jours francs avant celui fixé pour la réunion. La convocation mentionne que faute par l’intéressé de comparaître, la commission statue en son absence et la décision à intervenir est uniquement susceptible du recours prévu à l’article 32 de la présente loi.
(10) si l’intéressé ne comparaît pas, la commission statue en son absence par une décision réputée contradictoire ».
L’alinéa 7 de l’article 48 précité dispose donc qu’en principe le fonctionnaire concerné par la procédure de la mise à la retraite est dans l’obligation de comparaître devant la commission des pensions, à l’exception du cas dans lequel cette dernière accepte les raisons exposées par lui, qui l’empêchent à assister à l’audience. D’après l’alinéa 9 du même article, une nouvelle convocation doit être envoyée à l’intéressé au cas où celui-ci n’a pas comparu en personne ou par mandataire lors de la première audience de la commission des pensions, peu importe s’il a présenté à la commission des motifs reconnus valables par cette dernière excusant sa non-comparution.
En l’espèce, Monsieur WARK a été convoqué, par lettre du 3 avril 1997, à assister à l’audience publique de la commission des pensions de l’Etat, fixée au 16 avril 1997.
Par un certificat médical daté du 15 avril 1997, Monsieur WARK a informé la commission des pensions qu’il était dans l’incapacité de se présenter à l’audience précitée « pour cause de maladie », ce dont acte lui a été donné par la décision du 21 mai 1997 qui fait l’objet du présent recours. Il y est également fait mention que Monsieur WARK ne s’est pas fait représenter devant elle.
5 Malgré la non comparution du demandeur, et tout en ayant accepté les motifs de son absence, la commission des pensions n’a pas procédé à une nouvelle convocation et elle a statué par une décision réputée contradictoire.
En agissant ainsi, la commission des pensions a violé l’alinéa 9 de l’article 48 précité, en ce qu’elle a privé Monsieur WARK de son droit d’exposer personnellement son point de vue et de prendre position par rapport aux pièces versées au dossier soumis à la commission des pensions.
Comme il s’agit d’une violation d’une formalité ayant pour objet de garantir les droits de la défense, et qu’elle a partant trait à l’ordre public, le tribunal est amené, dans le cadre du recours en réformation, à annuler la décision litigieuse et à renvoyer le dossier à la commission des pensions de l’Etat afin que celle-ci se conforme, dans l’instruction du dossier, à la règlementation prévue par la loi, sans qu’il y ait lieu d’analyser les autres moyens invoqués par le demandeur.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;
déclare le recours en réformation recevable;
au fond le dit justifié;
partant annule la décision de la commission des pensions de l’Etat du 21 mai 1997;
renvoie le dossier à la commission des pensions de l’Etat;
déclare le recours subsidiaire en annulation irrecevable;
condamne l’Etat aux frais.
Ainsi jugé par:
M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 29 juillet 1998 par le vice-président, en présence de M. Schmit, greffier en chef.
Schmit Schockweiler 6