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29/07/1998 | LUXEMBOURG | N°10166

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 29 juillet 1998, 10166


Numéro 10166 du rôle Inscrit le 24 juillet 1997 Audience publique du 29 juillet 1998 Recours formé par Monsieur … SPIELMANN, … (F) contre le directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

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Vu la requête, inscrite sous le numéro du rôle 10166, déposée le 24 juillet 1997 au greffe du tribunal administratif par Maître Fernand ENTRINGER, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats Ã

  Luxembourg, au nom de Monsieur … SPIELMANN, demeurant actuellement à F-…, tendant à la...

Numéro 10166 du rôle Inscrit le 24 juillet 1997 Audience publique du 29 juillet 1998 Recours formé par Monsieur … SPIELMANN, … (F) contre le directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

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Vu la requête, inscrite sous le numéro du rôle 10166, déposée le 24 juillet 1997 au greffe du tribunal administratif par Maître Fernand ENTRINGER, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … SPIELMANN, demeurant actuellement à F-…, tendant à la réformation, et subsidiairement à l’annulation du bulletin de l'impôt sur le revenu relatif à l’année 1981 émis le 7 novembre 1986, en l’absence de décision sur sa réclamation du 5 décembre 1986;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 29 avril 1998;

Vu le mémoire en réplique parvenu au greffe du tribunal administratif le 26 juin 1998 et déposé par Maître Fernand ENTRINGER au nom de Monsieur SPIELMANN;

Vu les pièces versées en cause et notamment le bulletin critiqué;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Fernand ENTRINGER, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Marie KLEIN en leurs plaidoiries respectives.

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Monsieur … SPIELMANN, ayant demeuré à l’époque à L-…, était au début de l’année 1981 associé à concurrence de 48% dans la société anonyme X., les autres 52% étant détenus par Monsieur Y.

Par bulletin de l'impôt sur le revenu rectificatif émis le 7 novembre 1986 sur base du paragraphe 222 de la loi générale des impôts, dite « Abgabenordnung », ci-après désignée par « AO », Monsieur … SPIELMANN s’est vu ajouter par le bureau d’imposition de Dudelange des revenus nets provenant de capitaux mobiliers de … LUF, ventilés en un principal de … LUF et … LUF d’intérêts mis en compte, le tout par rectification du bulletin initial de l'impôt sur le revenu pour l’année 1981. Cette imposition complémentaire était fondée selon le dit bureau d’imposition « suite à un renvoi du bureau d’imposition Luxembourg - Sociétés II » par l’existence d’une distribution de bénéfices en faveur du sieur SPIELMANN dans le cadre du rachat par la société X. des 52% de parts détenues par Monsieur Y..

Par courrier du 5 décembre 1986 à l’adresse du bureau d’imposition de Dudelange, Monsieur SPIELMANN a réclamé contre ce bulletin rectificatif, tout en sollicitant un délai de paiement pour le solde d’impôt litigieux restant dû. Cette dernière demande a été rejetée par courrier du préposé du dit bureau d’imposition du 12 décembre 1986. La réclamation a été plus amplement motivée par une lettre subséquente du 10 février 1987 à laquelle étaient jointes un certain nombre de pièces.

Cette réclamation étant restée sans réponse de la part du directeur de l’administration des Contributions directes, Monsieur SPIELMANN a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation par requête déposée le 24 juillet 1997.

Etant donné que Monsieur SPIELMANN soulève en premier lieu des moyens dirigés contre le bulletin d’impôt du 7 novembre 1986 et demande ensuite la « restitution des impôts payés avec les intérêts qui lui ont été mis en compte, respectivement avec le taux légal », il y a lieu de consacrer des développements séprés à ces deux volets du recours.

Quant au bulletin critiqué La question de l’existence d’une voie de recours à l’encontre d’un bulletin d’impôt est régie, en l’absence de dispositions transitoires, par la loi sous l’empire de laquelle a été rendue le bulletin critiqué. En l’espèce, le bulletin critiqué a été émis le 7 novembre 1986, de sorte qu’il y a lieu de se référer à l’article 8 de l’arrêté grand-ducal du 26 octobre 1944 concernant les impôts, taxes et droits, abrogé avec effet au 1er janvier 1997 par la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, qui a prévu un recours de pleine juridiction en la matière. Il en découle que le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation contre le bulletin en question et que le recours subsidiaire en annulation est irrecevable.

Le recours en réformation contre le bulletin critiqué du 7 novembre 1986 est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, Monsieur SPIELMANN reproche au bureau d’imposition de lui avoir imputé des revenus de capitaux mobiliers de 1.536.665 LUF en tant que distributions cachées de bénéfices, représentant 48% du montant de 3.120.000 LUF retiré de la société. En réalité, il n’aurait jamais perçu ces fonds qui auraient été payés intégralement à Monsieur Y. en paiement des parts qu’il a vendues à la société X., de sorte qu’il y aurait eu de la part du bureau d’imposition « qualification erronnée en droit d’une transaction sur actions de société ».

Le délégué du Gouvernement considère que l’alinéa 3 de l’article 97 de la loi du 4 décembre 1967 concernant l'impôt sur le revenu (LIR) exclut des revenus de capitaux les allocations qui sont la contre-partie du capital constitué par les apports des associés (litt. b.), ainsi que, plus spécifiquement, les sommes allouées à l’occasion du partage de l’actif net investi (litt. d.). Aux termes de l’article 101 alinéa 2 LIR, il y aurait partage partiel de l’actif net 2 investi en cas de rachat d’une participation avec réduction du capital. Le représentant étatique en déduit que le prix de rachat, qui n’aurait pas été payé au recourant, ne serait pas à considérer comme revenu de capitaux réalisé par ce dernier, sauf l’hypothèse d’une simulation au sens du paragraphe 5 de la loi d’adaptation fiscale, pour laquelle il n’y aurait pas d’indice en l’espèce. Il demande au tribunal de statuer ce qu’en droit il appartient.

Les arguments des parties ayant porté primordialement sur la qualification fiscale de l’opération litigieuse, il convient de discuter en premier lieu ce point.

D’après l’article 97 (3) d) LIR, les sommes allouées à l’occasion du partage de l’actif net investi, visé à l’article 101 LIR, ne constituent pas un revenu de capitaux mobiliers.

L’article 101 LIR dispose en son alinéa (1): « Lors du partage total ou partiel de l’actif social de l’une des sociétés mentionnées à l’alinéa premier de l’article 100, le produit alloué aux associés possesseurs de participations importantes est considéré comme le produit d’une aliénation de la participation au sens de cet article ». Dans son alinéa (2), deuxième phrase, le même article 101 LIR considère que « lorsqu’une participation fait l’objet d’un rachat ou d’un retrait et qu’il en résulte une réduction de capital, l’actif social est censé être partagé pour la fraction correspondant à ladite participation ».

En l’espèce, il est constant que la société X. est une société anonyme, forme sociétaire visée par l’article 100 alinéa 1er LIR, et que la participation de Monsieur Y. de 48% dans cette société est une participation importante au sens du même article. Il ressort encore des éléments versés en cause, et notamment d’un rapport de la réunion du conseil d’administration de la société X. du 9 février 1981, que Monsieur Y. a exprimé son désir de vendre l’ensemble des actions qu’il détenait dans cette société et que, suite à l’opposition unanime du conseil d’administration à une vente de cette participation majoritaire de 52% du capital à une société concurrente, Monsieur Y. a offert ses actions à la société X. elle-même. A l’issue des discussions, le conseil d’administration a arrêté la valeur de la société X. à 6.000.000 LUF et a préconisé le rachat de ladite participation majoritaire au prix en résultant de 3.120.000 LUF, proposition qui a été acceptée par Monsieur Y.. Le conseil d’administrationa encore arrêté que le procès-verbal de cette séance vaudrait compromis de cession d’actions et que les actions rachetées feront l’objet d’une décision d’annulation par une assemblée générale extraordinaire à convoquer.

L’assemblée générale extraordinaire des actionnaires de la société X. du 26 février 1981 tenue pardevant Maître …, notaire de résidence à…, dont le procès-verbal fit l’objet d’une publication au Mémorial C de l’année 1981, …, a décidé une réduction du capital de 500.000 LUF à 240.000 LUF par l’annulation de deux cent soixante actions, rachetées de Monsieur Y.

et détenues par la société X., ainsi que la suppression correspondante de la réserve spéciale à concurrence de 2.860.000 LUF. Cette assemblée a décidé ensuite une augmentation de capital à concurrence de 260.000 LUF, ventilée en l’incorporation de 250.000 LUF depuis la réserve spéciale et 10.000 LUF d’apports nouveaux sous forme de dix actions de 1.000 LUF, ainsi que l’augmentation de la valeur nominale des actions à 2.000 LUF.

Il se dégage encore des pièces versées en cause, ensemble les explications fournies à l’audience par le mandataire de Monsieur SPIELMANN, que Monsieur Y. a reçu paiement du prix des 260 actions cédées à la société X. sous forme de deux chèques de respectivement 1.620.000 LUF et 1.500.000 LUF, la circonstance que le chèque de 1.500.000 LUF, dont la copie versée ne renseigne pas de date, a été payé anticipativement moyennant débit du compte 3 de la société X. en date du 2 janvier 1980 étant expliquée à l’audience par le mandataire de Monsieur SPIELMANN par la nature d’acompte qu’il fallait reconnaître à ce paiement.

Sur base des développements qui précèdent, le montant de 3.120.000 LUF ne saurait être qualifié de distribution de bénéfice, mais constituerait un partage partiel de l’actif social au sens de l’article 101 (1) et (2) LIR.

Il y a cependant encore lieu en l’espèce de trancher une seconde question tendant à savoir si le produit de ce partage partiel d’actif peut être imputé fiscalement à Monsieur SPIELMANN. A cet égard, l’article 6 (1) LIR dispose que « l’impôt frappe le revenu imposable réalisé par le contribuable pendant l’année d’imposition ». Un revenu ne saurait ainsi être imputé à un contribuable qui si celui-ci doit être considéré fiscalement comme l’ayant réalisé. Or, les données de l’espèce indiquent clairement que c’est Monsieur Y. qui a vendu ses actions détenues dans la société X. à celle-ci même, exécutant ainsi l’opération de cession donnant lieu au revenu en cause, et qu’il a personnellement touché prix de cession.

Etant donné qu’aucun indice d’une simulation au sens du paragraphe 5 de la loi d’adaptation fiscale ne résulte du dossier, ou n’est avancé par l’administration des Contributions directes, l’opération litigieuse ne saurait être requalifiée d’un point de vue fiscal.

Il s’ensuit qu’aucun revenu ne peut être imputé à Monsieur SPIELMANN et que c’est à tort que le bureau d’imposition a retenu par bulletin rectificatif dans son chef un revenu de capitaux mobiliers de … LUF, de sorte que le recours est à déclarer fondé.

Quant à la demande en restitution Monsieur SPIELMANN fait encore « valoir la restitution des impôts qu’il a payés suite à cette qualification avec les intérêts qui lui ont été mis en compte, respectivement avec le taux d’intérêts légal » et a précisé cette demande dans le dispositif de sa requête en sollicitant « la restitution des impôts payés suite à cette rectification avec les intérêts légaux à partir du payement jusqu’à remboursement ».

Le délégué du Gouvernement soulève à l’encontre de cette demande le moyen d’irrecevabilité tiré de ce que la restitution en exécution d’un dégrèvement est extérieure à la procédure du dégrèvement et fait l’objet d’une décision séparée d’après le paragraphe 151 AO.

Monsieur SPIELMANN s’oppose à ce moyen en soutenant que le paragraphe 151 AO n’aurait « strictement rien à voir dans la présente cause ».

La perception de l’impôt se divise en trois phases, à savoir la phase d’assiette, la phase de liquidation de l’impôt et la phase de recouvrement de l’impôt (cf. Jean OLINGER, Le droit fiscal, Etudes Fiscales nos 93-95, p. 63). Un bulletin de l’impôt sur le revenu, dans la mesure où il comporte les seules détermination du revenu imposable et fixation de la cote d’impôt sur le revenu y relative, ne porte que sur les deux premières phases. Les questions relatives respectivement à l’obligation du contribuable de régler un solde d’impôt ou son droit de se voir restituer un impôt déjà payé relèvent par contre de la phase de recouvrement.

Dans le cadre de l’impôt sur le revenu et de la réformation d’un bulletin par une instance de recours, le contribuable tire à la fois de l’article 154 LIR et du paragraphe 151 AO un droit au remboursement du trop-payé d’impôt sur le revenu. Dès lors que l’administration n’entend pas exécuter le remboursement dans la mesure voulue par le contribuable, elle doit, 4 conformément au paragraphe 150 (2) AO, matérialiser son refus par un bulletin qui constitue ainsi une décision autonome propre à la phase de recouvrement de l’impôt et soumise aux voies de recours prévues par le paragraphe 235, n° 5 AO.

Une décision du bureau d’imposition prise sur base du paragraphe 251 AO concernant l’effet suspensif à conférer à une réclamation est étrangère à la restitution d’impôts payés, même si elle a pareillement trait à la phase de recouvrement, et constitue par essence une décision autonome.

En l’espèce, le tribunal est saisi d’un bulletin de l’impôt sur le revenu se confinant à déterminer le revenu imposable dans le chef de Monsieur SPIELMANN au titre de l’année 1981 et à fixer une cote d’impôt sur le revenu afférente dont il est redevable, mais ne comportant aucun élément décisionnel quant à une restitution d’impôt. En l’absence d’une décision de l’administration, préalablement contestée devant le directeur de l’administration des Contributions directes, sur le remboursement d’un trop-perçu d’impôt sur le revenu à Monsieur SPIELMANN et faute de disposition légale investissant le tribunal d’un pouvoir spontané pour ordonner un remboursement d’impôts, le tribunal, bien qu’étant en principe compétent pour connaître de ces contestations, ne saurait connaître à ce stade de la demande en question laquelle doit dès lors être déclarée irrecevable.

PAR CES MOTIFS Le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours principal en réformation en la forme en ce qu’il tend à la réformation du bulletin de l’impôt sur le revenu rectificatif critiqué, au fond le déclare justifié, partant, réduit le revenu imposable du demandeur au titre de l’année d’imposition 1981 de … LUF, déclare le recours irrecevable dans la mesure de la demande en restitution des impôts payés avec les intérêts mis en compte, respectivement avec le taux d’intérêts légal, déclare le recours subsidiaire en annulation irrecevable, condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par:

M. DELAPORTE, premier vice-président, Mme LAMESCH, juge, M. SCHROEDER, juge, 5 et lu à l’audience publique du 29 juillet 1998 par M. le juge SCHROEDER, délégué à ces fins, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

s. SCHMIT s. RAVARANI 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 10166
Date de la décision : 29/07/1998

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1998-07-29;10166 ?

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