N° 10728 du rôle Inscrit le 27 mai 1998 Audience publique du 22 juillet 1998
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Recours formé par Monsieur … BELLOMO, Grevenmacher et 24 consorts contre l'administration communale de Grevenmacher en présence de EIFEL-HAUS LUXEMBOURG sàrl en matière de permis de construire - effet suspensif -
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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 10728 et déposée en date du 27 mai 1998 au greffe du tribunal administratif par Maître Henri FRANK, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, assisté de Maître Christian-
Charles LAUER, avocat inscrit à la liste II dudit tableau, aux noms de 1. Monsieur … BELLOMO, 2. Monsieur … UEHLEIN, 3. Madame … BRUUN-SCHMIDT, 4. Monsieur … GRIES-DAUBENFELD, 5. Monsieur … THOMMES-WIRTZ, 6. Monsieur … DE NARRE-BECKERS, 7. Monsieur … SCHMELTZELE-STEINBACH, 8. Monsieur … PERRINI, 9. Monsieur … CLEMENS, 10. Monsieur STEINMETZ-SPELLER, 11. Monsieur … MICHELY, 12. Monsieur … THIELE, 13. Monsieur … GOLDMAN, 14. Monsieur … ASCANI-STEINBACH, 15. Monsieur … DEMUTH, Madame … CLEMENS, 16. Monsieur et Madame LOCITIGNOLA-HASTERT, 17. Monsieur … STEINBACH, 18. Monsieur … COGNIOUL-LOOS, 19. Monsieur et Madame PRADO-CAUCHE, 20. Monsieur … WOCHNER, 21. Monsieur … HAAS-JOST, 22. Monsieur … PLUMER-LETTAL et Madame … PLUMER-LETTAL, 23. Monsieur … BACKES-FRICK et Madame … BACKES-FRICK, 24. Monsieur … STOOS, 25. Monsieur … LAUER-HOCHWEILER, cette requête contenant une demande d’effet suspensif tendant à voir prononcer le sursis à exécution d’une décision du bourgmestre de la commune de Grevenmacher du 5 juin 1997 par laquelle la société EIFEL-HAUS LUXEMBOURG sàrl a obtenu l’autorisation de construire un immeuble à appartements sur un terrain inscrit au cadastre de la commune de Grevenmacher, section A, n°mesurage 797 du 29.05.97, lots A, 19, 92, 108 et 109 au lieu-dit …, sis aux abords et à droite du chemin vicinal, …, à Grevenmacher;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Guy ENGEL, demeurant à Luxembourg, du 22 mai 1998, portant signification dudit recours à l’administration communale de Grevenmacher, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions, ainsi qu’à EIFEL-HAUS LUXEMBOURG sàrl;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 18 juin 1998 par Maître Jean MEDERNACH, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour le compte de l’administration communale de Grevenmacher;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Georges NICKTS, demeurant à Luxembourg, du 17 juin 1998, portant signification dudit mémoire en réponse à Monsieur BELLOMO et les 24 autres consorts, ainsi qu’à EIFEL-HAUS LUXEMBOURG sàrl;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 2 juillet 1998 par Maître Jean-Luc GONNER, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, pour le compte de EIFEL-HAUS LUXEMBOURG sàrl;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Guy ENGEL, demeurant à Luxembourg, du 30 juin 1998, portant signification dudit mémoire en réponse à Monsieur BELLOMO et les 24 autres consorts, ainsi qu’à l'administration communale de Grevenmacher;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maîtres Henri FRANK, Jean MEDERNACH, et Jean-Luc GONNER en leurs plaidoiries respectives.
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En date du 5 juin 1997, le bourgmestre de la commune de Grevenmacher a accordé à la société EIFEL-HAUS LUXEMBOURG sàrl une autorisation de construire un immeuble à appartements sur un terrain inscrit au cadastre de la commune de Grevenmacher, section A, n°mesurage 797 du 29.05.97, lots A, 19, 92, 108 et 109 au lieu-dit …, situé aux abords et à droite du chemin vicinal, …, Grevenmacher.
Cette autorisation a été accordée dans le cadre d’un plan d’aménagement particulier approuvé provisoirement par le conseil communal de Grevenmacher en date du 29 novembre 1995 et définitivement le 10 janvier 1996. Le ministre de l’Intérieur a approuvé le plan d’aménagement particulier en date du 9 mai 1996.
Par recours introduit en date du 27 mai 1998, Monsieur … BELLOMO, demeurant à …, et 24 autres consorts, habitant dans le lotissement faisant partie du remembrement … plan II au lieu-dit …, ont demandé l’annulation de la prédite décision du bourgmestre.
Par recours introduit le même jour, les demandeurs sollicitent également qu’il soit sursis à l’exécution de la décision du bourgmestre du « 4 » juin 1997, en attendant que le tribunal ait statué sur le recours au fond.
A l’appui de leur demande d’effet suspensif, les demandeurs font uniquement valoir que la société EIFEL-HAUS LUXEMBOURG sàrl aurait entamé les travaux de terrassement en vue de la construction de l’immeuble en question et qu’il y aurait dès lors « extrême urgence de voir suspendre l’autorisation, alors qu’en attendant la décision au fond, EIFEL-HAUS LUXEMBOURG sàrl risque d’avoir entamé la construction et ainsi causé un préjudice grave et irréparable ».
L'administration communale de Grevenmacher fait d’abord préciser que le recours porterait en fait sur une autorisation de construire délivrée en date du 5 juin 1997 à la société EIFEL-HAUS LUXEMBOURG sàrl, et non pas comme indiquée erronément dans la requête introductive d’instance, en date du 4 juin 1997. Elle se rapporte à prudence de justice en ce qui concerne la recevabilité et le bien-fondé du recours.
La société EIFEL-HAUS LUXEMBOURG sàrl conclut à l’irrecevabilité du recours dans la mesure où il porte sur une prétendue autorisation de construire délivrée en date du « 4 » juin 1997.
Elle soutient encore que le recours serait irrecevable, étant donné que le sursis à exécution ne serait recevable qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au demandeur un préjudice grave et irréparable et, d’autre part, que les moyens invoqués à l’appui du recours apparaissent comme sérieux et qu’en l’espèce ces conditions ne seraient pas remplies.
Elle estime que pour une bonne compréhension de l’affaire, il serait nécessaire d’analyser les moyens invoqués par les demandeurs à l’appui de leur recours en annulation.
A ce titre, elle relève que le moyen d’annulation tiré de ce que le bourgmestre de la ville de Grevenmacher était incompétent pour délivrer l’autorisation déférée, ne serait pas pertinent, étant donné que la plupart des demandeurs se seraient également vu délivrer l’autorisation de construire sollicitée par le seul bourgmestre, nonobstant les dispositions de l’article 20 de la loi modifiée du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes. Les demandeurs n’auraient dès lors aucun intérêt pour quereller l’autorisation délivrée en date du 5 juin 1997 à la société EIFEL-HAUS LUXEMBOURG sàrl. Cette autorisation ne leur causerait par ailleurs aucun préjudice.
Elle relève encore que l’autorisation qui lui a été délivrée serait, contrairement aux affirmations des parties demanderesses, en tous points conforme au plan d’aménagement particulier tel qu’il avait été adopté par le conseil communal et approuvé par le ministre de l’Intérieur en date du 9 mai 1996, de sorte qu’aucun reproche à ce sujet ne saurait lui être adressé.
Elle conteste également que la construction de l’immeuble à appartements en question causerait torts et griefs à l’ensemble des demandeurs en ce qu’il ne s’intégrerait pas du point de vue urbanistique dans le paysage et en ce qu’il augmenterait de façon substantielle les inconvénients en matière de circulation.
A l’audience, les parties étaient d’accord pour retenir que la date du 4 juin 1997, indiquée dans la requête introductive d’instance, provient d’une erreur matérielle de la part des demandeurs et que l’autorisation qui fait l’objet du présent litige est celle délivrée en date du 5 juin 1997 par le bourgmestre de la commune de Grevenmacher.
La demande d’effet suspensif ayant été introduite dans les formes et délai de la loi, elle est recevable.
Il découle tant de l’article 8, (3) 5e alinéa de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif que de l’article 3 de l’arrêté royal grand-ducal du 21 août 1866 portant règlement de procédure en matière de contentieux devant le Conseil d’Etat, maintenu en vigueur par l’article 98 alinéa 1er de ladite loi du 7 novembre 1996, que le recours contentieux n’aura pas d’effet suspensif, à moins qu’il n’en soit autrement ordonné par la juridiction administrative saisie. Il est constant, en outre, que le sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au demandeur un préjudice grave et irréparable, et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours apparaissent comme sérieux.
Cette double condition est remplie en l’espèce. D’une part, par l’effet de la construction d’un immeuble à appartements d’une certaine envergure, à proximité immédiate du lotissement des demandeurs, ces derniers risquent d’encourir un préjudice grave et définitif, notamment dans la mesure où les décisions des juridictions judiciaires, pénales et civiles, ne prononcent que rarement le rétablissement des lieux dans leur pristin état.
D’autre part, les moyens du recours quant au fond, déposé par les demandeurs en date du 27 mai 1998 au greffe du tribunal administratif, présentent un caractère sérieux et paraissent de nature, en l’état actuel du dossier, à justifier l’annulation de la décision du bourgmestre du 5 juin 1997.
En effet, l’autorisation déférée a été délivrée par le bourgmestre de la commune de Grevenmacher, alors qu’en vertu des dispositions de l’article 20 de la loi précitée du 12 juin 1937, les constructions à ériger sur un terrain compris dans un projet d’aménagement dressé par un particulier ou une société, ne peuvent être autorisées qu’après que les plans en auront été approuvés par le collège échevinal.
En outre, les demandeurs font également valoir que l’autorisation de construire serait en contradiction avec le plan d’aménagement particulier qui définissait les constructions à autoriser dans le cadre du prédit plan comme des résidences du troisième âge. Il résulte cependant clairement des pièces et informations mises à la disposition du tribunal, que l’autorisation porte désormais sur la construction d’une résidence à appartements, que l’actuel promoteur aurait demandé un changement d’affectation du projet, mais que ce nouveau projet n’a pas encore été approuvé par la commune, de sorte que cette dernière ne saurait autoriser la construction d’un immeuble contraire au plan d’aménagement particulier dûment approuvé par les autorités compétentes.
Ces moyens et arguments sont de nature à justifier la demande en sursis à exécution.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;
déclare la demande d’effet suspensif recevable;
ordonne le sursis à l’exécution de la décision du bourgmestre du 5 juin 1997 autorisant la société EIFEL-HAUS LUXEMBOURG sàrl à construire un immeuble à appartements sur un terrain inscrit au cadastre de la commune de Grevenmacher, section A, n°mesurage 797 du 29.05.97, lots A, 19, 92, 108 et 109 au lieu-dit …, situé aux abords et à droite du chemin vicinal, … , à Grevenmacher, jusqu’à la décision au fond;
réserve les frais.
Ainsi jugé par:
M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 22 juillet 1998, par le vice-président, en présence de M. Schmit, greffier en chef.
Schmit Schockweiler