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22/07/1998 | LUXEMBOURG | N°10486

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 22 juillet 1998, 10486


N° 10486 du rôle Inscrit le 2 janvier 1998 Audience publique du 22 juillet 1998

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Recours formé par Monsieur … KAYSER, … contre le directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 10486 et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 2 janvier 1998, par Monsieur … KAYSER, fonctionnaire de l’Etat en

retraite, …, par laquelle il exerce un recours au fond contre la décision du directeur de l’adminis...

N° 10486 du rôle Inscrit le 2 janvier 1998 Audience publique du 22 juillet 1998

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Recours formé par Monsieur … KAYSER, … contre le directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 10486 et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 2 janvier 1998, par Monsieur … KAYSER, fonctionnaire de l’Etat en retraite, …, par laquelle il exerce un recours au fond contre la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 29 septembre 1997, ayant rejeté sa réclamation contre le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 1995, basée essentiellement sur les articles 131 et 132 de la loi sur l’impôt sur le revenu, comme n’étant pas fondée;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 17 juin 1998;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision directoriale critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Monsieur … KAYSER en ses explications, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Marie KLEIN en ses plaidoiries à l’audience publique du 17 juin 1998.

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Considérant que par réclamation du 24 mai 1996, Monsieur … KAYSER, fonctionnaire de l’Etat en retraite, …, a critiqué le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 1995 émis le 9 mai 1996 pour avoir imposé au taux normal suivant barème des rémunérations « extraordinaires, exceptionnelles et non périodiques.. correspondant à des prestations de services ponctuelles au Centre Universitaire de Luxembourg et dans le cadre de cours dispensés au service de l’Education des Adultes », d’un montant total de …- francs pour en demander l’application d’un taux réduit suivant les articles 131 et 132 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, désignée ci-après par « L.I.R. », au motif qu’elles se rapporteraient à des années antérieures à l’année d’imposition;

Que dans des observations ultérieures datées du 8 mai 1997, Monsieur KAYSER invoque l’égalité devant l’impôt en ce que pour des situations analogues, d’autres enseignants se seraient vu imposer des revenus extraordinaires exactement identiques aux siens par leurs bureaux d’imposition respectifs, suivant le taux allégé de 30,75% et sur base des articles 131 et 132 L.I.R. précités;

1 Que par décision sur réclamation datée du 29 septembre 1997, le directeur de l’administration des Contributions directes a reçu la réclamation contre le bulletin de l’impôt sur le revenu 1995 en la forme, tout en la rejetant comme étant non fondée;

Que par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 2 janvier 1998, Monsieur … KAYSER a introduit un recours au fond contre la décision directoriale précitée où il énonce que « si je puis me rallier aux arguments de Monsieur le Directeur des Contributions au sujet des articles 131 et 132 L.I.R., je me sens très mal à l’aise de le suivre dans la logique des choses.

J’ai essayé de faire comprendre aux autorités fiscales que les articles 131 et 132 L.I.R. sont différemment appliqués selon les circonscriptions fiscales…. En fait, je me demande: 1) si nous sommes tous égaux devant la loi et en conséquence devant certaines lois.

2) s’il faut changer de domicile pour pouvoir bénéficier du taux allégé de 30,75% … En conséquence, je sollicite de l’administration des Contributions de me faire bénéficier pour les années fiscales 1994, 1995 et 1996 du même tarif que celui qui a été appliqué aux personnes que j’ai citées dans ma plainte du 8 mai 1997. Pour ce qui est de l’avenir, je formule le souhait que nos lois et règlements soient identiques, où qu’on élise domicile»;

Considérant que dans son mémoire en réponse le délégué du gouvernement conclut à la recevabilité du recours concernant l’impôt sur le revenu pour l’année 1995;

Considérant qu’il est constant en cause que la décision directoriale déférée n’a statué que relativement au bulletin de l’impôt sur le revenu émis le 9 mai 1996, concernant la seule année d’imposition 1995;

Que cette décision a été seule visée par la réclamation introduite en date du 24 mai 1996;

Qu’il en découle que le recours est irrecevable concernant les bulletins d’impôt sur le revenu des années fiscales 1994 et 1996, aucune indication particulière n’ayant par ailleurs été fournie au tribunal à leur égard;

Considérant que la décision directoriale du 29 septembre 1997 étant présumée être parvenue au destinataire trois jours après la mise à la poste sous pli recommandé en vertu des dispositions du paragraphe 88 de la loi générale des impôts, dite « Abgabenordnung » et désignée ci-après par « AO », soit au plus tôt le 2 octobre 1997, le recours introduit le 2 janvier 1998 a été formé dans le délai prévu par la loi;

Que ce recours ayant été introduit par qui de droit suivant les exigences légales de forme, il est recevable dans la mesure où il concerne l’impôt sur le revenu pour l’année 1995;

Considérant au fond que s’il est vrai que dans son recours, Monsieur KAYSER indique pouvoir se rallier au motifs de la décision directoriale déférée concernant l’application des articles 131 et 132 L.I.R., il n’en reste pas moins qu’il en réclame indirectement le bénéfice pour son cas, ne fût-ce qu’à travers les principes d’égalité devant la loi et d’égalité devant l’impôt invoqués, ainsi qu’il résulte de sa dite requête introductive ensemble les explications 2 orales fournies en audience publique, de sorte que ce moyen est à considérer comme ayant été maintenu en l’espèce;

Considérant qu’en fait, il est constant en cause que Monsieur KAYSER a touché en 1995 des rémunérations relatives à 3 sortes de prestations fournies durant les années 1993 et 1994 d’un montant total de …- francs, à savoir:

- …- francs correspondant à des prestations de travaux d’organisation et à l’enseignement effectué dans le cadre de l’Education des adultes pendant les mois de septembre à décembre 1994;

- …- francs concernant la période de septembre 1993 à juillet 1994 et correspondant à l’excédant lui redû pour une tâche hebdomadaire de 10 leçons en tant que professeur au Centre Universitaire de Luxembourg, seulement la contrepartie de sept leçons ayant été rémunérée mensuellement, la différence résiduaire redue ayant été versée en bloc au mois de mars 1995;

- …- francs correspondant à des prestations en relation avec les examens de la session de septembre 1994 du cycle court du Centre Universitaire de Luxembourg;

Considérant qu’il est constant en cause que Monsieur KAYSER a touché en 1995, en dehors de son traitement régulier …, des rémunérations d’un total de …- francs pour diverses prestations de services, dont le montant ci-avant relaté de …- francs;

Que tous ces revenus proviennent d’une occupation salariée et rentrent dès lors dans la catégorie prévue par l’article 10 numéro 4 L.I.R.;

Que d’après l’article 108 (1) L.I.R. les recettes qui entrent en ligne de compte pour la détermination du revenu net visé à l’article 10 numéro 4 précité, sont celles à attribuer à l’année d’imposition au cours de laquelle elles sont mises à la disposition du contribuable;

Que les revenus à hauteur de …- francs actuellement litigieux ont été liquidés dans le chef de Monsieur KAYSER par la Caisse générale de l’Etat aux mois de mars et avril 1995, soit au-delà du laps de « peu de temps » après la fin de l’année à laquelle elles se rapportent du point de vue économique, tel que défini par l’article 108 (1)1. in fine;

Que les revenus en question sont dès lors imposables au titre de l’année d’imposition 1995;

Considérant que s’il est vrai qu’il est fréquent en pratique que des revenus soient mis à la disposition de leur bénéficiaire au courant de l’année suivant celle à laquelle ils se rapportent d’un point de vue économique, et en tout cas plus tard que le destinataire ne l’aurait souhaité, ce retard n’est que très rarement de nature à voir constituer ces revenus d’extraordinaires au sens des articles 131 et 132 L.I.R.;

Considérant que l’article 131 L.I.R. détermine suivant des taux allégués l’impôt correspondant à des revenus extraordinaires, ces derniers étant définis d’après les dispositions de l’article 132 L.I.R.;

Considérant que l’application correcte du tarif progressif instauré par la loi sur l’impôt sur le revenu présuppose que le revenu imposable se rapporte à un laps de temps déterminé, en l’occurrence l’année;

3 Que pour éviter que dans certains cas de revenus non annuels, l’application normale du tarif n’aboutisse à un impôt exagéré, certains revenus, énumérés à l’article 132 L.I.R. sont qualifiés d’extraordinaires et obéissent à des règles spéciales tarifaires formulées à l’article 131 L.I.R. (cf. doc. parl. 5714, commentaire des articles ad art. 157 (devenu art. 131 L.I.R.), page 272);

Considérant que les revenus extraordinaires provenant d’une occupation salariée au sens du numéro 4 de l’article 10 L.I.R. sont susceptibles d’être couverts par les dispositions de l’article 132 (1) 2 respectivement a) et b), si les conditions spécifiques y émargées se trouvent être remplies;

Considérant que l’article 132 (1) 2. a) L.I.R. vise « les revenus extraordinaires provenant d’une occupation salariée au sens du numéro 4 de l’article 10 qui se rattachent du point de vue économique à une période de plus d’une année et qui, pour des raisons indépendantes de la volonté du bénéficiaire et celle du débiteur des revenus, deviennent imposables au titre d’une seule année d’imposition »;

Que d’après les travaux parlementaires à la base dudit texte « il ne suffit pas que le laps de temps auquel se rattachent les revenus à favoriser soit à cheval sur deux années d’imposition; il faut que le revenu se rattache effectivement à une période de plus de 12 mois » (doc par. 5714, commentaires des articles, ad art. 158 (devenu art. 132 L.I.R.), page 276);

Qu’il se dégage des données soumises au tribunal que tout en ayant trait en partie à plus d’une année d’imposition, les revenus spécifiquement visés par Monsieur KAYSER, suivant les trois catégories préindiquées, ne se rapportent toutefois pas à une période de plus de 12 mois;

Que dès lors les dispositions de l’article 132 (1) 2. a) L.I.R. ne sont pas applicables en l’espèce;

Considérant que l’article 132 (1) 2. b) vise « les rémunérations périodiques d’une occupation salariée au sens du numéro 4 de l’article 10 qui sont relatives à une période de paye antérieure et postérieure à l’année d’imposition et qui, pour des raisons indépendantes de la volonté du bénéficiaire et de celle du débiteur des revenus, deviennent imposables au titre de l’année d’imposition considérée »;

Qu’il résulte encore des données soumises au tribunal que les revenus tirés des prestations en relation avec les examens du cycle court du Centre Universitaire de Luxembourg, session de septembre 1994, ne sont pas périodiques et ne rentrent dès lors pas dans le champ d’application de l’article 132 (1) 2. b);

Que les deux autres séries de revenus prévisées sont périodiques;

Qu’il n’est cependant pas établi en cause, tout comme il n’a même pas été allégué par les parties, que ces revenus soient devenus imposables au titre d’une année d’imposition ultérieure à celle à laquelle il se rattachent d’un point de vue économique pour des raisons dépendantes de la volonté de leur bénéficiaire;

4 Que dès lors le caractère « indépendant de la volonté du bénéficiaire » est à retenir en l’espèce;

Considérant qu’il résulte encore des travaux parlementaires précités que « d’une façon générale les payements de suppléments de salaires et de traitements pour le passé ne sont pas à considérer comme indépendants de la volonté de l’employeur toutes les fois que ces paiements ne sont pas imposés par une décision judiciaire ou une disposition légale ou réglementaire » (doc. parl. 5714, page 276, précité);

Qu’en l’espèce il appert que les paiements en question sont intervenus suivant une cadence devant être considérée comme normale compte tenu de l’évacuation des affaires de règlement afférentes par l’administration considérée, les parties étant d’accord à admettre l’absence de décisions judiciaires ou de dispositions légales afférentes imposant pareil délai de paiement en l’espèce;

Qu’aucune des parties n’a établi l’existence d’une disposition réglementaire imposant pareil délai en l’espèce, malgré l’offre par elles faites d’en communiquer l’existence au tribunal durant la première quinzaine suivant la prise en délibéré, le tribunal n’ayant lui-même aucune connaissance de pareille disposition;

Que dès lors le caractère « indépendant de la volonté du débiteur » laisse d’être établi en l’espèce;

Qu’il résulte des développements qui précèdent que les revenus en question ne répondent pas aux conditions fixées par l’article 132 (1) 2. b) aux fins d’être considérés comme rémunérations extraordinaires;

Que le premier moyen laisse dès lors d’être fondé;

Considérant qu’en second lieu et essentiellement la partie demanderesse insiste dans son recours que la non-application dans son chef des articles 131 et 132 L.I.R. pour les revenus prémentionnés constituerait une violation des principes de l’égalité devant l’impôt, ainsi que de l’égalité devant la loi, étant entendu que d’autres personnes nommément citées par elle se trouvant dans les mêmes conditions de fait, se seraient vu accorder le bénéfice de l’imposition suivant un taux plus favorable de 30,75% pour des revenus analogues;

Considérant que le délégué du gouvernement retient dans son mémoire en réponse que « l’égalité n’est un absolu que pour Procuste. Le respect des lois importe bien davantage à la société, et le gouvernement y veille dans un Etat policé. Quant au juge, son rôle n’est pas de concilier la diversité naissant des problèmes d’interprétation, de preuve, de qualification, mais de dire le droit dans le cas concret. C’est pourquoi il ne peut y avoir d’égalité dans l’illégalité »;

Considérant qu’il n’est pas établi en l’espèce que certains bureaux d’imposition aient accordé un taux de faveur dans le chef d’autres contribuables pour des revenus analogues à ceux de Monsieur KAYSER;

Considérant que le principe constitutionnel voulant qu’aucun impôt au profit de l’Etat ne puisse être établi que par une loi (article 99) appelle comme principe corrélatif, inscrit dans 5 l’article 101 de la Loi fondamentale, qu’aucune exemption ou modération ne peut être établie que par une loi;

Que dès lors, même à supposer qu’un bureau d’imposition eût appliqué à des revenus analogues à ceux de Monsieur KAYSER un taux réduit suivant les articles 131 et 132 L.I.R., question dont n’est pas saisi le tribunal dans le cadre du présent litige, ce fait ne serait de toute façon pas de nature à autoriser le demandeur à réclamer dans son chef l’application à son profit desdites dispositions tarifaires plus favorables, alors que l’égalité devant la loi, impliquant l’égalité de traitement de tous les administrés, notamment au regard des charges publiques et plus précisement devant l’impôt, n’a lieu que dans les limites de la stricte légalité;

Que ce second moyen laisse dès lors également d’être fondé;

Considérant qu’il résulte de l’ensemble des développements qui précèdent que la décision directoriale déférée est à confirmer en toutes ses forme et teneur;

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement;

dit le recours recevable en tant que dirigé contre la décision directoriale concernant l’année d’imposition 1995 et irrecevable pour le surplus;

au fond le dit non justifié et en déboute;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 22 juillet 1998, par:

M. Delaporte, premier vice-président M. Campill, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Delaporte 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 10486
Date de la décision : 22/07/1998

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1998-07-22;10486 ?

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