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22/07/1998 | LUXEMBOURG | N°10086

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 22 juillet 1998, 10086


N°s 10086 et 10135 Inscrits les 30 juin et 11 juillet 1997 Audience publique du 22 juillet 1998

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Recours formé par l’administration communale de Redange-sur-Attert contre le ministre de l’Environnement en matière de protection de l’environnement

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I.

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 10086 et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 30 juin 1997 par Maître Nicolas DECKER,

avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administr...

N°s 10086 et 10135 Inscrits les 30 juin et 11 juillet 1997 Audience publique du 22 juillet 1998

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Recours formé par l’administration communale de Redange-sur-Attert contre le ministre de l’Environnement en matière de protection de l’environnement

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I.

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 10086 et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 30 juin 1997 par Maître Nicolas DECKER, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Redange-sur-Attert, représentée par son collège des bourgmestre et échevins en fonctions, établie à L-8501 Redange-sur-Attert en la maison communale, tendant à la réformation de la décision du ministre de l’Environnement du 9 janvier 1997 refusant l’autorisation d’ériger un chalet en bois dans la forêt dite « Quaekeboesch » sur un fonds cadastré dans la commune de Redange-sur-Attert, section D de Redange, sous le numéro 1389;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 6 mars 1998;

II.

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 10135 et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 11 juillet 1997 par Maître Nicolas DECKER, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Redange-sur-Attert, représentée par son collège des bourgmestre et échevins en fonctions, établie à L-8501 Redange-sur-Attert en la maison communale, tendant à la réformation de la décision du ministre de l’Environnement du 4 juillet 1997 statuant sur le recours gracieux introduit le 4 avril 1997 et déclarant maintenir sa décision antérieure du 9 janvier 1997 ci-avant déférée;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 9 mars 1998;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 7 avril 1998 par Maître Nicolas DECKER au nom de l’administration communale de Redange-sur-

Attert;

1 Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises;

Vu la visite des lieux à laquelle il a été procédé en date du 26 mai 1998;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Nicolas DECKER, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER et Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives aux audiences publiques des 18 mai, 29 juin et 13 juillet 1998.

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Considérant qu’en date du 26 juillet 1996, l’administration communale de Redange-sur-

Attert a demandé auprès du ministre de l’Environnement l’autorisation d’ériger « un chalet en bois en complément avec le sentier de la nature » au lieu-dit « Quaekeboesch » sur un fonds de bois appartenant à la commune de Redange-sur-Attert et inscrit au cadastre de ladite commune, section D de Redange, sous le numéro 1389;

Que le chalet en question s’est déjà trouvé sur place au moment de la demande d’autorisation, et le ministre de l’Environnement avait par ailleurs été saisi dès le 18 juillet 1996 d’une plainte par les adjudicataires du lot de chasse n° 313 de Redange-sur-Attert marquant leur désaccord avec les travaux « très importants » réalisés par la commune sur leur dit lot et ayant engendré à leur avis une destruction de biotopes et une diminution de la valeur cynégétique du lot de chasse en question;

Que les avis des autorités consultées ont été contraires en ce sens que le chef de l’arrondissement centre de l’administration des Eaux et Forêts a émis le 25 octobre 1996 un avis favorable relativement à la construction d’un chalet en bois devant servir exclusivement à des fins forestières, tandis que le chef du service de la protection de la nature de la même administration a retenu en date du 23 décembre 1996 que la fonction d’abri temporaire pour classes scolaires visitant un sentier de la forêt, ne saurait être assimilée à une exploitation sylvicole;

Que le ministre de l’Environnement, se ralliant au second avis, a, par décision du 9 janvier 1997, refusé l’autorisation sollicitée en retenant que la vocation agricole de la construction n’était pas établie et que la fonction d’abri temporaire pour classes scolaires visitant un sentier de la forêt ne saurait être assimilée à une exploitation sylvicole, invitant ainsi l’administration communale de Redange-sur-Attert à enlever le chalet érigé et à remettre le terrain en son pristin état;

Qu’en date du 4 avril 1997, l’administration communale de Redange-sur-Attert a fait introduire un recours gracieux en faisant notamment valoir qu’en zone verte peuvent également être érigées des constructions ayant un but d’utilité publique, donné en l’espèce en ce que le chalet en question constitue un outil destiné à faciliter aux enseignants de la commune et de la région leur tâche de faire connaître la nature et la forêt à leurs élèves;

Qu’elle insiste encore sur la complémentarité du chalet en question avec des travaux entrepris dans la forêt « Quaekeboesch » ayant consisté notamment en la construction d’une 2 piste cyclable ainsi que d’un sentier de la nature ensemble l’aménagement de sentiers forestiers à travers ladite forêt qui se prêterait ainsi particulièrement bien à des fins d’enseignement;

Qu’à défaut de prise de position du ministre compétent, exception faite d’un accusé de réception du 14 avril 1997, l’administration communale de Redange-sur-Attert a introduit en date du 30 juin 1997 un recours en réformation contre la décision ministérielle précitée du 9 janvier 1997, inscrit sous le numéro du rôle 10086, à la base duquel elle a repris les moyens ci-

avant exposés de son recours gracieux;

Que par courrier daté du 4 juillet 1997, le ministre de l’Environnement a déclaré maintenir sa décision négative antérieure, aucun élément nouveau ne plaidant en faveur d’une décision autre que celle prise en date du 9 janvier 1997;

Que les deux instances de l’administration des Eaux et Forêts ci-avant consultées avaient, chacune en ce qui la concernait, confirmé leurs avis antérieurs, faute d’éléments nouveaux;

Qu’en date du 11 juillet 1997, l’administration communale de Redange-sur-Attert a fait déposer un recours en réformation également contre la décision confirmative sur recours gracieux du 4 juillet 1997 prérelatée, inscrit sous le numéro du rôle 10135 et reprenant pour l’essentiel les moyens formulés dans le recours précédent;

Considérant qu’une décision sur recours gracieux, purement confirmative d’une décision initiale, tire son existence de cette dernière et, dès lors, les deux doivent être considérées comme formant un seul tout (trib. adm. 21 avril 1997, Gres, n° 9459 du rôle, confirmé par Cour adm. 23 octobre 97, n° 10040C du rôle; trib. adm. 23 octobre 1997, Schramen, n° 9480 du rôle, Pas. adm. 01/1998, V° Procédure contentieuse, n° 20, p. 97);

Considérant que dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice il échet dès lors de joindre les deux recours introduits respectivement sous les numéros du rôle 10086 et 10135 pour y statuer par un seul et même jugement;

Considérant que l’article 38 de la loi modifiée du 11 août 1982 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles prévoyant un recours de pleine juridiction en la matière, les recours en réformation déposés sont recevables pour avoir été par ailleurs introduits dans les formes et délai prévus par la loi;

Considérant au fond que le délégué du gouvernement fait valoir que si l’administration communale de Redange-sur-Attert soutient actuellement que son projet devrait être autorisé pour des raisons d’utilité publique comme ayant un caractère exclusivement éducatif, le ministre n’aurait pas suivi ce raisonnement, déjà exposé dans le recours gracieux, en ce que, d’après le second avis du chef de l’arrondissement centre de l’administration des Eaux et Forêts, daté du 29 mai 1997, le chalet aurait une double destination, servant à la fois d’abri aux ouvriers forestiers et à des fins d’enseignement;

Que le ministre aurait en outre tenu à mettre un terme à la politique du fait accompli à laquelle il serait de plus en plus confronté en matière de protection de l’environnement, en ne voulant pas céder à travers la régularisation d’une situation créée par une administration 3 communale ne pouvant valablement faire croire qu’elle ignorait qu’une autorisation était nécessaire pour ériger en pleine forêt un chalet aux dimensions de 6x5 mètres;

Que le représentant étatique de conclure que si le tribunal entendait envisager une régularisation, une visite des lieux serait indiquée pour voir sur place l’emplacement et les conditions à inscrire dans l’autorisation;

Considérant que dans son mémoire en réplique, l’administration communale de Redange-sur-Attert insiste pour dire qu’elle n’entend nullement se servir du chalet à des fins d’exploitation sylvicole, seul le but d’utilité publique de mise à disposition aux enseignants de la commune et de la région du chalet en question à des fins éducatives étant poursuivi par elle;

Qu’elle estime encore qu’en prenant inspection des différents avis soumis au ministre, elle ne saurait s’abstenir de conclure à une querelle de clocher entre fonctionnaires d’une même administration;

Considérant que le terrain ayant accueilli d’ores et déjà le chalet érigé par l’administration communale de Redange-sur-Attert pour lequel l’autorisation est demandée, est situé en zone verte en vertu du plan d’aménagement général de ladite commune;

Que suivant les dispositions de l’article 2 alinéa 2 de la loi du 11 août 1982 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, dans les parties du territoire dénommées zone verte, « seules peuvent être érigées des constructions servant à l’exploitation agricole, jardinière, maraîchère, sylvicole, viticole, piscicole, apicole ou cynégétique, ou à un but d’utilité publique » étant entendu que ces constructions restent soumises à l’autorisation du ministre ayant dans ses attributions l’administration des Eaux et Forêts, soit en l’occurrence le ministre de l’Environnement;

Considérant qu’en l’espèce, après avoir défini l’objet de sa demande initiale du 26 juillet 1996 comme visant un chalet en bois en complément avec le sentier de la nature, l’administration communale de Redange-sur-Attert a précisé ses intentions dans son recours gracieux du 4 avril 1997 en ce qu’au vu des richesses naturelles de la forêt du « Quaekeboesch », celle-ci se prête à merveille pour faire connaître la nature et la forêt aux élèves de la commune et de la région et que ce « modeste chalet » serait à voir en ce sens;

Considérant qu’une construction à ériger dans l’intérêt de l’éducation des enfants à initier sur place aux richesses naturelles du site considéré est de nature à servir à un but d’utilité publique au sens de l’article 2 alinéa 2 précité;

Considérant cependant que tant la commission de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement de la Chambre des Députés que le Conseil d’Etat ont insisté que « les dispositions concernant les constructions pouvant être autorisées dans la zone verte soient à interpréter restrictivement en ce sens notamment que sous le couvert d’une construction servant à l’exploitation cynégétique, des chalets ou des résidences secondaires ne pourront être érigés » (doc. parl. 24634, page 4);

Considérant que le tribunal a pu se rendre compte lors de la visite des lieux à laquelle il a été procédé de la beauté hors commun du site, rehaussé par une mare naturelle étendue et sa flore exceptionnelle, appelant ainsi des efforts de préservation d’autant plus poussés;

4 Considérant que le but de faire connaître aux élèves les richesses de la nature consistant en leur faisant voir sur place la multitude des éléments de flore et de faune dans leurs milieux forestier, voire aquatique propres, tout en les initiant aux impératifs de la protection de la nature et des ressources naturelles, implique que toutes ces activités ont vocation à se dérouler principalement et essentiellement en plein air;

Que ce n’est qu’accessoirement aux fins de stockage d’éléments didactiques indispensables aux initiations à faire en pleine nature, ne pouvant être déférés en salle de classe dans le cadre de la présentation et du passage en revue ainsi que de la mise en valeur éducative des observations faites sur place, de même qu’en cas d’intempéries aux fins de permettre de trouver temporairement une protection sous abri que la construction en question aura sa raison d’être;

Considérant que compte tenu de l’interprétation restrictive à donner aux exceptions prévues à l’article 2 alinéa 2 précité, le tribunal estime que la construction d’un chalet, tel celui envisagé, dépasse le but poursuivi, même assorti de l’écran de verdure tel que résultant des plans déposés par le mandataire de la demanderesse aux audiences des 29 juin et 13 juillet 1998;

Que dans cette mesure le tribunal estime qu’un abri en bois, couvert, mais partiellement ouvert de plusieurs côtés, comportant le cas échéant un endroit de stockage de matériel didactique fermé à clé, s’intégrant dans son environnement par l’aspect des matériaux employés, est le mieux adapté pour rencontrer à la fois les besoins réels de l’enseignement naturel in situ et les exigences d’une protection efficace d’un site naturel de qualité;

Que dès lors il n’y a pas lieu à autorisation de la construction du chalet tel que projeté;

Considérant que le mandataire de la partie demanderesse ayant expliqué à l’audience que les enseignants de la commune de Redange ne pouvant admettre la construction d’un abri en bois à l’instar de celui prédécrit, seul un chalet tel celui érigé pouvant convenir à leurs visées, aucune autorisation, par voie de réformation, ne saurait être conférée à ce stade par le tribunal, faute d’objet, en l’absence de demande portant sur une construction autorisable suivant les dispositions légales applicables et compte tenu des développements qui précèdent;

Que le recours laisse dès lors d’être fondé;

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement;

joint les recours introduits respectivement sous les numéros du rôle 10086 et 10135;

les dit recevables, mais non fondés;

partant en déboute;

laisse les frais à charge de la partie demanderesse.

5 Ainsi jugé par:

M. Ravarani, président M. Delaporte, premier vice-président M. Schroeder, juge et lu à l’audience publique du 22 juillet 1998 par le premier vice-président délégué à ces fins, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Ravarani 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 10086
Date de la décision : 22/07/1998

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1998-07-22;10086 ?

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