N° 10218 du rôle Inscrit le 14 août 1997 Audience publique du 8 juillet 1998
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Recours formé par Madame … CRETEUR contre le ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour
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Vu la requête déposée le 14 août 1997 au greffe du tribunal administratif par Maître Laurent NIEDNER, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … CRETEUR, …, faisant le commerce sous la désignation « Club Lady-
Night », demeurant à …, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 2 juin 1997, dans la mesure où celle-ci a fixé à quatre le nombre d’artistes non-ressortissants d’un Etat membre de l’Union Européenne ou d’un Etat membre de l’Espace Economique Européen autorisés à séjourner temporairement au Luxembourg en vue d’être engagés en tant que travailleurs indépendants auprès de la partie requérante;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 26 mars 1998;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Laurent NIEDNER et Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives.
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Par lettre circulaire datée du 28 mai 1997, adressée par Monsieur … SIDON, commissaire au service de recherche et d’enquête criminelles, section moeurs, du commissariat central de la police de la ville de Luxembourg, à des établissements de cabaretage, parmi lesquels figure Madame … CRETEUR, …, faisant le commerce sous la désignation « Club Lady Night », demeurant à …, ces cabarets ont été informés d’une décision prise par le ministre de la Justice à la date précitée, qui avait pour objet de mettre en vigueur à partir du 1er septembre 1997 de « nouvelles mesures » en matière de recrutement d’artistes non-
ressortissants d’un Etat membre de l’Union Européenne ou d’un Etat membre de l’Espace Economique Européen, dénommés ci-après « les artistes ». En annexe à cette lettre circulaire se trouvait un « résumé des nouvelles mesures » contenant entre autres certaines procédures à suivre en vue d’obtenir des autorisations de séjour en faveur des artistes, un relevé des quotas applicables à partir du 1er septembre 1997, de nouveaux contrats - types en français, allemand, 1 anglais, espagnol et russe, qui doivent être conclus entre l’établissement de cabaretage et l’artiste ainsi qu’un modèle d’un décompte en français, allemand, anglais et russe.
Par lettre du 2 juin 1997 adressée par le ministre de la Justice au cabaret « Club Lady Night », ce dernier a été informé de ce qui suit: « j’ai l’honneur de vous informer que le régime applicable aux artistes de cabarets qui ne sont pas ressortissants de l’Union Européenne et de l’Espace Economique Européen a été revu par le ministère de la Justice.
Ainsi, les modalités nouvelles exposées ci-dessous seront applicables à partir du 1er septembre 1997:
1. Quotas:
Le quota de votre cabaret a été fixé à 4.
2. Contrat d’engagement:
Le contrat - type d’engagement modifié se trouve en annexe.
Toutes les rubriques du contrat doivent être remplies par les parties.
3. Modalités d’entrée et de sortie:
Les artistes sont invitées à arriver et à repartir du Luxembourg par la frontière extérieure du pays, c’est-à-dire l’aéroport de Luxembourg.
Le départ du pays de l’artiste à l’expiration du contrat doit s’effectuer à destination du pays d’origine de l’artiste.
4. Contrat d’assurances:
Les artistes sont invitées à souscrire un contrat auprès d’une compagnie d’assurance agréée au Luxembourg.
5. Dépôt des demandes d’autorisation de résidence:
Les demandes d’autorisation de résidence pour les artistes doivent être présentées au moins deux mois avant le début de l’engagement de l’artiste ».
En réponse à une question parlementaire posée par Monsieur le député Jean-Paul Rippinger en date du 13 juin 1997, le ministre de la Justice a informé Monsieur le président de la Chambre des Députés, par lettre du 15 juillet 1997, notamment de ce que « le régime de quotas d’artistes non-communautaires que connaît le Luxembourg a fait l’objet de nombreuses critiques de nos voisins européens qui nous reprochent de faire entrer des filles en territoire Schengen qui réapparaissent par la suite dans les milieux de la prostitution à travers l’Europe.
En outre, un recours aussi important à des artistes non-communautaires n’est pas justifié alors que des artistes communautaires sont disponibles sur le marché.
2 Les nouveaux quotas correspondent à une réduction de moitié des quotas attribués auparavant. (…).
La réduction des quotas entend inciter les cabarets à faire appel à des artistes communautaires. (….).
En vertu de l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 sur l’entrée et le séjour des étrangers, tout étranger doit présenter la preuve des moyens d’existence personnels et suffisants afin d’obtenir une autorisation de résidence. (…) ».
Par courrier du 25 juin 1997, le ministre de la Justice a informé le cabaret « Club Lady Night » de ce qui suit: « suite à mon courrier du 2.6.97, j’ai l’honneur de vous envoyer en annexe une version française, allemande, anglaise, espagnole et russe du contrat-modèle d’engagement tel qu’il a été adapté suite à l’entrevue avec l’association luxembourgeoise des établissements à spectacles.
Par ailleurs, je tiens à vous informer que les artistes peuvent être autorisées à résider au Luxembourg pendant une période successive de six mois par année.
Les artistes qui arrivent à l’aéroport de Luxembourg sont invitées à se présenter auprès du poste de la Gendarmerie à l’aéroport afin de signaler leur entrée au Luxembourg ».
A la suite d’une proposition d’arrangement formulée par un mandataire de différents établissements de cabaretage, le ministre a, par lettre du 23 juillet 1997, confirmé ses courriers antérieurs des 2 et 25 juin 1997 en informant ledit mandataire qu’il n’était plus disposé à revenir sur les dispositions antérieurement communiquées aux intéressés.
En date du 14 août 1997, l’Association Luxembourgeoise des Etablissements à Spectacles et consorts, dont Madame … CRETEUR, ont introduit un recours devant la Cour administrative, contre la lettre circulaire précitée du 28 mai 1997, les annexes de celles-ci, les lettres individuelles du ministre de la Justice du 2 juin 1997 et la communication d’un contrat-
type révisé en date des 25 et 27 juin 1997.
Par arrêt du 18 décembre 1997, la Cour administrative a déclaré irrecevable ledit recours.
Par requête déposée le 14 août 1997 au greffe du tribunal administratif, Madame … CRETEUR a introduit un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 2 juin 1997, dans la mesure où celle-ci a fixé à quatre le quota des artistes pouvant être recrutés par la partie demanderesse.
A l’appui de son recours, la partie demanderesse fait exposer qu’elle exploite un cabaret, c’est-à-dire un établissement à spectacles et qu’à ce titre elle s’est vu adresser la circulaire précitée du 28 mai 1997. Dans le cadre de ses activités, elle ferait appel à des artistes, danseurs et musiciens, qui seraient originaires pour une grande partie de pays qui ne sont pas membres de l’Union Européenne ou de l’Espace Economique Européen, au motif qu’il serait impossible de trouver suffisamment d’artistes ressortissants des Etats membres de l’Union 3 Européenne ou de l’Espace Economique Européen. Les artistes qui seraient ainsi recrutés seraient considérés comme des travailleurs indépendants et non comme des salariés. A ce titre, elle ne serait pas obligée de solliciter un permis de travail et l’affiliation à la sécurité sociale luxembourgeoise leur aurait été toujours refusée.
Elle fait encore valoir qu’à partir de l’année 1994, le ministre de la Justice aurait commencé à fixer « de façon parfaitement arbitraire et illégale » des quotas maxima et des rémunérations minimales pour les artistes et musiciens non ressortissants d’un Etat membre de l’Union Européenne ou de l’Espace Economique Européen. Toutefois, ce ne serait qu’en mai/juin 1997 que le ministre de la Justice aurait décidé de réduire très substantiellement les quotas antérieurs et d’imposer une modification des contrats d’artistes très en défaveur des cabarets. La partie demanderesse souligne encore que le cabaret serait un lieu de spectacles et non une maison de prostitution.
Enfin, elle demande acte de ce que son recours n’est introduit que pour le cas où le recours introduit devant la Cour administrative serait déclaré irrecevable et le présent recours aurait donc un caractère subsidiaire par rapport au recours déposé devant la Cour administrative.
Un recours de pleine juridiction n’existant pas dans la matière qui fait l’objet de la décision ministérielle critiquée, le tribunal est incompétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal. Seul un recours en annulation a donc pu être formulé par la partie demanderesse.
En ce qui concerne le recours en annulation, le délégué du gouvernement conteste que l’acte critiqué constitue une véritable décision administrative affectant les droits et intérêts de la partie demanderesse. Il conteste en outre qu’il s’agisse d’un acte de nature individuelle.
Le tribunal est partant amené à examiner d’abord si l’acte critiqué constitue une décision susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux conformément à l’article 2 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif.
Un acte administratif doit satisfaire à trois conditions afin de pouvoir faire l’objet d’un recours contentieux devant le tribunal administratif:
1.
Il doit s’agir d’une décision administrative émanant d’une autorité administrative légalement habilitée à prendre des décisions unilatérales obligatoires pour les administrés.
2.
Il doit s’agir d’un acte individuel à caractère non normatif, pris en application d’une norme générale à l’égard d’un ou de plusieurs administrés nettement individualisés.
3.
Il doit s’agir d’une véritable décision, affectant les droits et intérêts de la personne qui la conteste. Ainsi, l’acte émanant d’une autorité administrative, pour être sujet à un recours contentieux, doit constituer, dans l’intention de l’autorité qui l’émet, une véritable décision, à qualifier d’acte de nature à faire grief, c’est-à-dire un acte de nature à produire par lui-même des effets juridiques affectant la situation personnelle ou patrimoniale de celui qui réclame. Si le caractère décisoire de l’acte critiqué est une condition nécessaire à la recevabilité du recours contentieux, il n’est pas pour autant une condition suffisante. Pour être susceptible 4 de faire l’objet d’un recours la décision critiquée doit encore être de nature à faire grief (trib.
adm. 18 juin 1998, n°s 10617 et 10618 du rôle, Hostert).
En l’espèce, la partie demanderesse a attaqué la lettre ministérielle du 2 juin 1997 qui, à côté d’autres informations portées à la connaissance de la partie demanderesse, a fixé le quota des artistes à quatre en ce qui concerne le cabaret exploité par la partie demanderesse.
Etant donné que l’acte en question est critiqué seulement en ce qui concerne la fixation du quota de recrutement des artistes, il appartient au tribunal de vérifier si l’acte administratif constitue, en ce qui concerne la seule fixation du quota, une décision administrative susceptible de faire l’objet d’un recours devant le tribunal administratif.
Il échet tout d’abord de relever que l’acte administratif litigieux a été pris par le ministre de la Justice, c’est-à-dire par une autorité administrative légalement habilitée à prendre des décisions unilatérales obligatoires pour les administrés, exerçant des prérogatives de droit public et investie, à ce titre, de pouvoirs exorbitants du droit commun applicable entre particuliers. Par ailleurs, la décision ministérielle critiquée présente les aspects extérieurs de la régularité, sans qu’il importe à ce stade de savoir si le ministre avait le pouvoir ou la compétence de la prendre.
Par ailleurs, dans la mesure où la décision ministérielle en question fixe un quota des artistes pouvant être recrutés par la seule partie demanderesse, elle a pour objet de régler une situation déterminée et l’effet de la décision est donc, dans cette mesure, rigoureusement restreint à la situation individuelle à laquelle elle se rapporte. Dans les limites ainsi prétracées, l’acte administratif litigieux ne saurait donc être considéré comme constituant un acte réglementaire mais il doit, au contraire, être qualifié d’acte administratif individuel fixant un quota spécifique pour la partie demanderesse, qui tient compte de sa situation particulière et de l’envergure de ses activités. En effet, il ressort des pièces et informations à disposition du tribunal qu’un quota des artistes a été fixé individuellement pour chaque établissement de spectacles et que ce quota varie substantiellement d’un établissement à l’autre.
Enfin, il s’agit d’un acte qui constitue, dans l’intention de l’autorité qui l’a émis, une véritable décision, susceptible de produire par elle-même des effets juridiques affectant la situation personnelle et patrimoniale de la partie demanderesse. Dans ce contexte, il importe peu de savoir si l’acte litigieux est fondé sur une base légale. En effet, le ministre de la Justice considère lui-même la lettre incriminée du 2 juin 1997, par laquelle il a fixé le quota maximum des artistes à recruter par la partie demanderesse, comme constituant une décision finale dans la procédure administrative, étant donné que, comme il a été indiqué par les parties lors des plaidoiries à l’audience, cette décision a été mise à exécution à partir de la date du 1er septembre 1997. C’est partant à tort que le délégué du gouvernement fait valoir qu’il s’agirait d’un acte normatif à portée générale et impersonnelle applicable à la catégorie des artistes de cabarets non-ressortissantes de l’Espace Economique Européen. Au contraire, la lettre ministérielle critiquée constitue une décision finale de nature à affecter la situation personnelle de la partie demanderesse et est comme telle susceptible d’un recours contentieux.
S’il est vrai que la Cour administrative, saisie, par requête déposée à son greffe en date du 14 août 1997, d’un recours dirigé par l’Association Luxembourgeoise des Etablissements à Spectacles (ALES) et 18 de ses membres, contre la lettre circulaire précitée du 28 mai 1997, ses annexes, les lettres du 2 juin 1997 et la communication d’un contrat-type révisé en date du 25 (respectivement 27) juin 1997, a déclaré ce recours irrecevable au motif que l’ensemble de 5 ces éléments ne constitue pas une décision administrative, il importe de constater que les actes dont la Cour avait à analyser la légalité pris en leur ensemble diffèrent de l’acte soumis au tribunal dans le cadre du présent litige. En effet, la Cour était saisie, sur base de l’article 7 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, d’un ensemble d’actes considérés, par les demandeurs, comme étant de nature réglementaire, alors que le tribunal se trouve exclusivement saisi d’une lettre individuelle adressée à la partie demanderesse en date du 2 juin 1997. La Cour a partant pu retenir, dans le cadre de ses compétences ainsi prétracées, que les actes lui soumis constituent de simples actes préparatoires ne contenant aucun élément décisionnel propre, alors qu’il se dégage des considérations qui précèdent que la lettre litigieuse soumise au tribunal est à qualifier de décision administrative de nature à faire grief, dans la mesure où le ministre a fixé un quota des artistes, applicable exclusivement à la situation individuelle de la partie demanderesse.
Le moyen d’irrecevabilité tiré de l’absence d’une décision administrative susceptible d’un recours contentieux est partant à écarter.
Dans le cadre du moyen invoqué par la partie demanderesse tiré de l’incompétence du ministre de la Justice pour fixer un quota maximum d’artistes, il appartient au tribunal de vérifier la base légale sur laquelle le ministre s’est fondé pour prendre la décision incriminée.
Face à ce moyen d’incompétence, le délégué du gouvernement soutient que le ministre aurait agi dans le cadre des dispositions de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1.
l’entrée et le séjour des étrangers; 2. le contrôle médical des étrangers; 3. l’emploi de la main-
d’oeuvre étrangère, et dans le cadre de la résolution du Conseil de l’Union Européenne du 30 novembre 1994 concernant la limitation de l’admission de ressortissants de pays tiers sur le territoire des Etats membres aux fins de l’exercice d’une activité professionnelle indépendante, ci-après dénommée « la Résolution ».
A la lecture de la Résolution, le tribunal constate que celle-ci a pour objet de fixer certains principes dont les Etats membres devraient tenir compte lors de toute proposition de révision de leur législation nationale en matière de réglementation de l’exercice d’une activité professionnelle indépendante sur leur territoire par un ressortissant d’un pays tiers.
Dans le considérant n° 9 de la Résolution, les ministres de l’Union Européenne ont encore affirmé que « ces principes ne lient pas juridiquement les Etats membres et n’offrent pas aux particuliers de motifs sur lesquels fonder une action ». Il en résulte que la Résolution ne contient pas de dispositions réglementaires directement applicables dans les Etats membres, mais au contraire, l’énonciation de principes généraux dont les Etats membres devront tenir compte lors de l’élaboration de leur législation nationale. Elle ne contient donc que des orientations dont les organes administratifs ou législatifs des Etats sont invités à s’inspirer, et n’a pas de caractère juridique contraignant et surtout ne prime pas le droit national. Partant, en l’absence d’une législation nationale transposant en droit luxembourgeois les principes retenus par la Résolution, celle-ci ne saurait être invoquée comme base légale par le ministre afin de prendre la décision critiquée.
En ce qui concerne la loi précitée du 28 mars 1972, le tribunal constate que celle-ci ne contient aucune disposition qui autoriserait le ministre à fixer des quotas d’artistes à recruter par les établissements à spectacles au Luxembourg.
6 Il découle des considérations qui précèdent que ni la loi précitée du 28 mars 1972, ni la Résolution ne saurait servir de base légale à la décision prise par le ministre.
Il ressort au contraire des pièces et éléments du dossier que le ministre de la Justice a entendu se baser sur une « réglementation » qu’il a lui-même mise en place, telle que matérialisée par la circulaire précitée du 28 mai 1997 signée par le commissaire de police Jacques SIDON prénommé. En ce qui concerne ces mesures d’ordre général prises par le ministre de la Justice, et qui ont fait l’objet d’un recours devant la Cour administrative par requête déposée le 14 août 1997 au greffe de la Cour administrative, celle-ci a décidé, dans son arrêt du 18 décembre 1997 (10217C, Association Luxembourgeoise des Etablissements à Spectacles, Pas. adm. V° Actes administratifs, décisions susceptibles d’un recours, n° 3), qu’ « en soumettant aux exploitants de cabarets des contrats-types, le ministre de la Justice n’a pu, ni su imposer légalement aux intéressés l’adoption des contrats en question. L’eût-il envisagé, l’acte n’aurait aucun caractère propre de décision exécutoire alors qu’aucun texte de loi n’est susceptible de lui servir de base légale en ce sens ». En ce qui concerne la fixation de quotas d’artistes, la Cour a décidé que même si « le but de cette annonce était de limiter ainsi le nombre desdites artistes, elle ne saurait avoir de base légale qui attribuerait à cette annonce par elle-même le caractère d’une décision exécutoire ». La Cour a partant clairement pris position en ce sens qu’elle a retenu que non seulement la lettre circulaire du 28 mai 1997 mais également les lettres des 2 et 25 juin 1997 ne sont fondées sur aucune base légale.
Il faut en conclure, à la suite de l’arrêt précité de la Cour administrative, qu’il n’existe aucune disposition légale ou réglementaire qui a conféré au ministre de la Justice le pouvoir d’instituer une réglementation régissant le statut des artistes à recruter par les établissements à spectacles installés au Luxembourg. Il s’ensuit que la réglementation en question, pour autant qu’elle existe, est contraire à la Constitution (cf. Cour administrative, 15 janvier 1998, n° 10180C du rôle, Wolter-Weber). Le ministre de la Justice ne saurait partant se fonder sur les mesures d’ordre général contenues dans la circulaire précitée du 28 mai 1997 pour fixer un quota individuel d’artistes pouvant être recrutés par la partie demanderesse.
La décision ministérielle critiquée du 2 juin 1997 qui a été prise en application de la lettre circulaire du 28 mai 1997 précitée est dépourvue de base légale. La réglementation en matière de quotas d’artistes n’ayant aucune existence légale, le ministre a commis un excès de pouvoir en prenant la décision incriminée et elle doit partant encourir l’annulation.
L’annulation étant ainsi acquise en raison des considérations ci-avant développées, l’examen des autres moyens d’annulation devient sans objet.
En ce qui concerne le caractère subsidiaire du présent recours par rapport à celui introduit devant la Cour administrative, il n’y a plus lieu d’en donner acte à la partie demanderesse étant donné que la Cour a rendu son arrêt dans l’affaire ALES et consorts contre le ministre de la Justice avant que l’affaire faisant l’objet du présent jugement n’ait été plaidée.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;
se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation;
7 reçoit le recours en annulation en la forme;
au fond le déclare justifié;
annule la décision ministérielle du 2 juin 1997;
condamne l’Etat aux frais.
Ainsi jugé par:
M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 8 juillet 1998, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.
Legille Schockweiler 8