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06/07/1998 | LUXEMBOURG | N°10433

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 06 juillet 1998, 10433


Numéro 10433 du rôle Inscrit le 27 novembre 1997 Audience publique du 6 juillet 1998 Recours formé par Madame … HAZIRI contre le ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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Vu la requête, inscrite sous le numéro du rôle 10433, déposée le 27 novembre 1997 au greffe du tribunal administratif par Maître François MOYSE, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … HAZIRI

, demeurant à …, tendant à la réformation, et subsidiairement à l’annulation d’un arrê...

Numéro 10433 du rôle Inscrit le 27 novembre 1997 Audience publique du 6 juillet 1998 Recours formé par Madame … HAZIRI contre le ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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Vu la requête, inscrite sous le numéro du rôle 10433, déposée le 27 novembre 1997 au greffe du tribunal administratif par Maître François MOYSE, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … HAZIRI, demeurant à …, tendant à la réformation, et subsidiairement à l’annulation d’un arrêté du ministre du Travail et de l’Emploi du 15 octobre 1997 lui refusant la délivrance d’un permis de travail, ainsi que contre la décision confirmative du 3 novembre 1997 sur recours gracieux;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 27 avril 1998;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 11 mai 1998 par Maître François MOYSE au nom de Madame HAZIRI;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître François MOYSE, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

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Monsieur Senad HAZIRI vivait au Grand-Duché depuis plusieurs années quand ses parents, Madame … HAZIRI et Monsieur … ALIJA, les deux originaires de Yougoslavie, l’ont rejoint au pays en avril 1995 et se trouvaient à sa charge depuis cette date. Sur base d’une demande afférente du 20 décembre 1996, Madame HAZIRI a obtenu la délivrance d’une carte d’identité d’étranger le 7 avril 1997.

Alors que Monsieur ALIJA s’est vu inscrire le 9 janvier 1997 comme demandeur d’emploi en tant que peintre auprès de l’administration de l’emploi, Madame HAZIRI a trouvé un emploi comme femme de charge auprès de la société VITAVERDE s.à r.l., où elle a commencé à travailler le 20 avril 1997 sur base d’un contrat de travail à durée indéterminée signé le 15 juin 1997. Par déclaration d’engagement datée au 20 avril 1997, mais parvenue à l’administration de l’emploi le 18 août 1997, la société VITAVERDE s.à r.l. a introduit une demande en obtention du permis de travail en faveur de Madame HAZIRI.

Par arrêté du 15 octobre 1997, le ministre de la Justice a refusé l’octroi d’un permis de travail en faveur de Madame HAZIRI « pour les raisons inhérentes à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi suivantes:

- des demandeurs d’emploi appropriés sont disponibles sur place: 2.000 ouvriers non-

qualifiés inscrits comme demandeurs d’emploi aux bureaux de placement de l’Administration de l’Emploi - priorité à l’emploi des ressortissants de l’Espace Economique Européen (E.E.E.) - poste de travail non déclaré vacant par l’employeur - occupation irrégulière depuis le 20 avril 1997 ».

Sur recours gracieux du 29 octobre 1997 introduit par le mandataire de Madame HAZIRI, le ministre, par courrier du 3 novembre 1997, a déclaré maintenir sa décision tout en fournissant des éléments complémentaires de motivation.

A l’encontre de l’arrêté du 15 octobre 1997 ainsi que du courrier confirmatif du 3 novembre 1997, Madame HAZIRI a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation par requête déposée en date du 27 novembre 1997.

Le tribunal est incompétent pour connaître du recours principal en réformation, aucune disposition légale n’instaurant un recours au fond en matière de permis de travail. Le recours subsidiaire en annulation est par contre recevable pour avoir été par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi.

L’arrêté déféré du 15 octobre 1997 se fonde notamment sur la circonstance que des demandeurs d’emploi appropriés sont disponibles sur place, sur la priorité à l’emploi des ressortissants de l’Espace Economique Européen, sur l’absence de déclaration de vacance de poste ainsi que sur l’occupation irrégulière de Madame HAZIRI auprès de la société VITAVERDE s.à r.l..

Madame HAZIRI reproche, quant aux deux premiers points ainsi énoncés, au ministre une motivation insuffisante et un manque de preuve concrète de main-d’oeuvre disponible.

Quant au motif tiré de l’absence de déclaration de vacance de poste, elle avance que son employeur se serait bel et bien acquitté de cette obligation et que l’omission éventuelle de la part de l’employeur de déclarer un poste vacant ne saurait justifier de plein droit le refus d’un permis de travail. Par ailleurs, on ne pourrait lui reprocher de ne pas avoir effectué une démarche à laquelle elle n’est pas personnellement tenue en vertu de la loi. Elle soutient que l’affirmation d’une occupation illégale de sa part serait inexacte, vu qu’elle aurait travaillé continuellement pour le même employeur depuis le 20 avril 1997. Elle conteste encore que l’occupation ait été irrégulière, alors que l’article 4 du règlement grand-ducal du 12 mai 1972 n’exigerait en aucun cas que la délivrance du permis de travail se fasse avant l’engagement, mais que la pratique serait ancrée et acceptée en ce sens que la déclaration d’engagement serait envoyée à l’administration de l’emploi et qu’en cas d’autorisation d’engagement le contrat de 2 travail pourrait continuer, tandis qu’il s’arrêterait immédiatement dans l’hypothèse d’un refus de permis.

Le tribunal est amené à analyser les motifs énoncés dans l’arrêté déféré pris dans leur ensemble.

Il est vrai que le ministre peut se baser sur le motif de la priorité à l’emploi à accorder aux ressortissants des Etats membres de l’Espace Economique Européen, sur base de l’article 10 (1) du règlement grand-ducal précité du 12 mai 1972. Cet article 10 (1) dispose que « l’octroi et le renouvellement du permis de travail peuvent être refusés aux travailleurs étrangers pour des raisons inhérentes à la situation, à l’évolution ou à l’organisation du marché de l’emploi, compte tenu de la priorité à l’embauche dont bénéficient les ressortissants des Etats membres de l’Union Européenne et des Etats parties à l’Accord sur l’Espace Economique Européen, conformément à l’article 1er du règlement CEE 1612/68 concernant la libre circulation des travailleurs ».

Cette disposition trouve sa base légale habilitante à la fois dans l’article 27 de la loi précitée du 28 mars 1972 qui dispose que « l’octroi et le renouvellement du permis de travail peuvent être refusés aux travailleurs étrangers pour des raisons inhérentes à la situation, à l’évolution ou à l’organisation du marché de l’emploi » et dans l’article 1er du règlement CEE N° 1612/68 du Conseil du 15 octobre 1968 relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté, qui dispose que « 1. Tout ressortissant d’un Etat membre, quelque soit le lieu de sa résidence, a le droit d’accéder à une activité salariée et de l’exercer sur le territoire d’un autre Etat membre, conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives régissant l’emploi des travailleurs nationaux de cet Etat. 2.

Ils bénéficient notamment sur le territoire d’un autre Etat membre de la même priorité que les ressortissants de cet Etat dans l’accès aux emplois disponibles ».

Il est encore de principe que le ministre, soutenant que des ressortissants de l’Espace Economique Européen devraient bénéficier d’une priorité à l’emploi par rapport à des ressortissants de pays tiers, doit en principe établir, in concreto, la disponibilité de ressortissants de l’Espace Economique Européen sur place, susceptibles d’occuper le poste vacant, en prenant notamment en considération leur aptitude à pouvoir exercer le travail demandé.

Il est finalement admis qu’une déclaration de poste vacant qui n’a pas été spécialement et expressément faite peut encore se dégager implicitement de la déclaration d’engagement tenant lieu de demande en obtention d’un permis de travail, mais que dernière déclaration d’engagement doit être déposée en tout cas avant l’entrée en service du travailleur étranger pour laisser à l’administration de l’emploi un délai raisonnable afin d’assigner des demandeurs d’emploi au poste vacant.

Néanmoins, il résulte des éléments du dossier que le poste à pourvoir a été occupé avant même d’être déclaré vacant. En effet, Madame HAZIRI a commencé à travailler comme femme de charge auprès de la société VITAVERDE s.à r.l. le 20 avril 1997, tandis que la déclaration d’engagement afférente n’est parvenue à l’administration de l’emploi qu’en date du 18 août 1997.

Il est dès lors établi que l’employeur n’avait pas l’intention d’engager, le cas échéant, un demandeur d’emploi envoyé par l’administration de l’emploi, mais qu’il voulait 3 exclusivement engager Madame HAZIRI qui travaillait de manière illégale dans son établissement depuis plusieurs mois au moment où la déclaration d’engagement est parvenue à l’administration de l’emploi.

L’employeur a ainsi mis l’administration de l’emploi dans l’impossibilité de lui assigner un quelconque travailleur disponible inscrit auprès de ses bureaux et d’établir ainsi la disponibilité concrète de demandeurs d’emploi appropriés sur place. On ne saurait dès lors reprocher à l’administration de l’emploi de ne pas avoir assigné de candidat à la société VITAVERDE s.à r.l. et de ne pas avoir rapporté la preuve de la disponibilité concrète de main-

d’oeuvre susceptible d’occuper le poste de femme de charge. En effet, le poste était déjà occupé par Madame HAZIRI et l’employeur n’avait pas l’intention d’engager une autre personne pour l’occuper.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le refus de permis de travail se justifie sur base de cette situation illégale, de sorte que l’analyse des autres moyens à l’encontre de l’arrêté attaqué, quelle que soit par ailleurs la pertinence de ces derniers, ne saurait énerver la légalité de celui-ci.

Etant donné par ailleurs que la motivation avancée par l’arrêté déféré, ensemble les éléments fournis par le délégué du Gouvernement, répondent aux exigences de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes, il s’ensuit des développements qui précèdent que le recours est à rejeter.

PAR CES MOTIFS Le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation, reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme, au fond le non fondé et en déboute, condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 6 juillet 1998 par:

M. RAVARANI, président, Mme. LAMESCH, juge, M. SCHROEDER, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

4 s. SCHMIT s. RAVARANI 5



Références :

Origine de la décision
Formation : Première chambre
Date de la décision : 06/07/1998
Date de l'import : 12/12/2019

Numérotation
Numéro d'arrêt : 10433
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1998-07-06;10433 ?

Source

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