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01/07/1998 | LUXEMBOURG | N°10303

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 01 juillet 1998, 10303


Numéro 10303 du rôle Inscrit le 25 septembre 1997 Audience publique du 1er juillet 1998 Recours formé par Monsieur … HOFFERLIN contre le ministre des Transports en matière de permis de conduire

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Vu la requête, inscrite sous le numéro du rôle 10303, déposée le 25 septembre 1997 au greffe du tribunal administratif par Maître Patrick BIRDEN, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … HOFFERLI

N, demeurant à …, tendant à l’annulation d’un arrêté du ministre des Transports du ...

Numéro 10303 du rôle Inscrit le 25 septembre 1997 Audience publique du 1er juillet 1998 Recours formé par Monsieur … HOFFERLIN contre le ministre des Transports en matière de permis de conduire

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Vu la requête, inscrite sous le numéro du rôle 10303, déposée le 25 septembre 1997 au greffe du tribunal administratif par Maître Patrick BIRDEN, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … HOFFERLIN, demeurant à …, tendant à l’annulation d’un arrêté du ministre des Transports du 28 mars 1997 refusant le renouvellement de son permis de conduire des catégories A, B et F;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 20 mars 1998;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 5 juin 1998 par Maître Patrick BIRDEN au nom de Monsieur HOFFERLIN;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Nathalie GILSON, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives.

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Monsieur … HOFFERLIN, titulaire d’un permis de conduire de la catégorie B depuis le 10 mars 1977, s’est vu restreindre la validité de son permis de conduire des catégories A, B, E et F à une durée de dix-huit mois, susceptible d’être prorogée, par arrêté du ministre des Transports du 14 juin 1995, étant donné qu’il avait été périodiquement verbalisé pour avoir conduit sous l’influence d’alcool et avoir présenté des signes manifestes d’alcoolisme.

Par jugement du tribunal d’arrondissement de Diekirch, siégeant en matière correctionnelle et de circulation routière, du 30 juillet 1996, Monsieur HOFFERLIN fut condamné à une amende de 50.000 LUF et à une interdiction de conduire valant pour les catégories A, B, C, D, E et F d’une durée de trente mois, le tout pour avoir circulé le 19 mars 1996 avec un taux d’alcool de 3,0 grammes par litre de sang, pour avoir eu une vitesse dangereuse selon les circonstances et pour défaut de comportement raisonnable et prudent.

Par courrier du 4 octobre 1996, le ministre des Transports a saisi le procureur général d’Etat d’une demande d’avis au sujet d’une éventuelle prorogation du permis de conduire de Monsieur HOFFERLIN.

Sur base d’un rapport de la brigade de police de Wiltz et du casier judiciaire de Monsieur HOFFERLIN, le procureur général d’Etat a soumis au ministre des Transports le 27 novembre 1996 son avis concluant « qu’il n’y a pas lieu à prorogation du permis de conduire ».

Par courrier du 3 février 1997, Monsieur HOFFERLIN fut convoqué devant la commission spéciale des permis de conduire afin d’être entendu sur une prolongation éventuelle de son permis de conduire. Lors de son audition en date du 4 mars 1997, il a notamment déclaré: « Jusqu’au 19 mars 1996 je n’avais plus de problèmes d’alcool et depuis lors non plus. Je reconnais que l’abus d’alcool ne fait que créer de nouveaux problèmes. Je n’abuse pas régulièrement de l’alcool ». La commission a émis le 4 mars 1997 la proposition unanime « de ne pas proroger la validité du permis de conduire de l’intéressé ».

Le ministre des Transports, se basant sur l’avis du procureur général d’Etat et l’avis de la commission spéciale prévisés, a décidé par arrêté du 28 mars 1997 de ne pas renouveler la validité du permis de conduire des catégories A, B et F délivré à Monsieur HOFFERLIN au motif que « M. … HOFFERLIN présente des signes manifestes d’alcoolisme ».

Suite à un recours gracieux du 27 juin 1997 introduit par le mandataire de Monsieur HOFFERLIN, le ministre a répondu par lettre du 17 juillet 1997 dans laquelle il a notamment considéré: « Au vu du dossier de votre client il est prématuré pour conclure que l’intéressé ne présente plus de signes manifestes d’alcoolisme. Je suis dès lors au regret de ne pas réserver les suites voulues à votre recours. Par ailleurs, M. … Hofferlin est sous le coup d’une interdiction de conduire prononcée par le tribunal correctionnel de Diekirch en date du 30 juillet 1996 et portant ses effets jusqu’au 20 juillet 2001 ».

A l’encontre de cet arrêté ministériel du 28 mars 1997, Monsieur HOFFERLIN a fait introduire un recours en annulation par requête déposée le 25 septembre 1997.

Aucune disposition légale ne prévoyant en matière de non-renouvellement du permis de conduire un recours de pleine juridiction, le recours en annulation, par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.

Monsieur HOFFERLIN reproche en premier lieu à l’arrêté attaqué qu’il constituerait une violation du principe « non bis in idem » consacré par l’article 4 du Protocole additionnel n° 7 du 22 novembre 1984 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. Alors même qu’une telle mesure serait qualifiée d’administrative en droit interne, elle ferait double emploi avec la procédure judiciaire en ce qu’il serait jugé une deuxième fois pour les mêmes faits. Monsieur HOFFERLIN relève encore que le Conseil d’Etat a attiré, dans le cadre du projet de loi portant réforme du Conseil d’Etat (doc. parl. 39401, avis du Conseil d’Etat du 7 novembre 1995, pp. 10-11), l’attention sur le risque d’une qualification éventuelle des mesures prises sur base de l’article 2 de la loi du 2 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques comme sanctions pénales au sens de la Convention précitée. Monsieur HOFFERLIN considère dans cette logique que cette qualification devrait être reconnue dans le chef de la mesure attaquée en l’espèce, les mesures tant dite administrative que judiciaire ayant été prises eu égard aux des mêmes faits, sur base du même texte et sur intervention du procureur d’Etat.

Le but assigné à une mesure prévue par l’article 2 de la loi du 14 février 1955 précitée est celui d’écarter de la circulation publique des personnes ne présentant plus, en raison des circonstances énumérées au dit article, les garanties nécessaires pour pouvoir admettre dans leur chef une participation à cette même circulation publique dans des conditions satisfaisantes de sécurité. La finalité primordiale d’une telle mesure est ainsi celle de protéger pour le futur la sécurité des autres usagers de la route contre des personnes représentant un danger potentiel à leur égard et non celle de sanctionner les personnes concernées pour des faits passés.

L’appréciation si une personne présente encore les garanties susvisées doit nécessairement reposer sur son comportement global, pour lequel les infractions antérieurement constatées constituent nécessairement un élément essentiel.

Ces mesures ne tombent ainsi pas dans la notion de matière pénale au sens de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et de son protocole additionnel n° 7, précités, étant donné que le troisième « réactif » formulé par le Conseil d’Etat dans son avis précité du 7 novembre 1995 d’Etat (doc. parl. 39401, avis du Conseil d’Etat du 7 novembre 1995, pp. 10-11), et repris par Monsieur HOFFERLIN, à savoir le but et la sévérité de la sanction ne se trouvé pas vérifié dans leur chef. Les mesures visées ne tendent en effet pas à dissuader la personne visée de récidiver par la menace d’une sanction, mais le mettent dans l’impossibilité légale de récidiver dans le futur en vertu d’un but de sécurité publique.

Pareillement, la prise en compte dans ce cadre des infractions antérieures de l’intéressé n’imprime pas à la mesure prise sur base de l’article 2 précité le caractère d’une seconde sanction sur base des mêmes faits. L’interdiction formulée à l’article 4 du protocole additionnel n° 7 précité est ainsi sans application, de sorte que ce moyen est à écarter.

Monsieur HOFFERLIN avance en deuxième lieu que l’arrêté déféré ne serait pas suffisamment motivé en se bornant à renvoyer aux différents avis sans les reprendre et sans fournir d’autres éléments de motivation.

D’après l’article 6 (1) du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes, une décision administrative doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base, lorsqu’elle révoque ou modifie une décision antérieure. Une omission de motivation suffisante n’est cependant pas sanctionnée par une annulation automatique. Il n’y a dès lors lieu d’annuler une telle décision dépourvue de motivation conforme audit article 6 que lorsque l’administré n’a pas pu avoir une connaissance effective des motifs réels à la base de cette décision avant d’entamer un recours judiciaire.

En l’espèce, l’arrêté critiqué se base expressément quant à sa motivation sur l’avis de la commission spéciale des permis de conduire du 27 juin 1996, sans qu’il soit clarifié si cet avis a été notifié au demandeur ensemble avec l’arrêté. Cependant, il résulte du procès-verbal n° 220902 de la commission spéciale des permis de conduire que Monsieur HOFFERLIN a comparu devant elle, qu’il a été informé des infractions au Code de la Route par lui commises et constituant la base pour l’appréciation de son comportement, qu’il a été mis au courant de l’avis négatif du procureur général d’Etat et qu’il a été entendu dans ses explications et moyens 3 de défense. Monsieur HOFFERLIN avait ainsi dès avant la prise de l’arrêté attaqué connaissance de ses actes personnels pris en compte et des éléments de procédure accomplis jusqu’à cette date, de manière qu’il n’ignorait pas les motifs à la base de l’arrêté critiqué. Le moyen relatif à l’absence de motivation est ainsi à rejeter.

Le troisième reproche dirigé par Monsieur HOFFERLIN à l’encontre de l’arrêté attaqué est tiré de l’absence de fondement du motif de la présence de signes manifestes d’alcoolisme dans son chef. Il allègue ainsi que depuis l’incident du 19 mars 1996, aucun nouvel élément de fait ne serait venu s’ajouter à son dossier, mais que, suite aux traitements médicaux par lui suivis d’avril à août 1996, il n’aurait plus présenté de signes manifestes d’alcoolisme au moment de la prise de l’arrêté déféré, de sorte que les conditions prévues à l’article 2 de la loi du 14 février 1955 précitée pour la prise d’une telle décision n’auraient plus été remplies en date du 28 mars 1997. A l’appui de cette affirmation, il verse plusieurs certificats médicaux tendant à établir son état général amélioré et l’absence de tout symptôme d’une alcoolémie.

Il ressort cependant des éléments du dossier, et notamment du procès-verbal du 18 mai 1995 de la commission spéciale en matière de permis de conduire, que Monsieur HOFFERLIN avait conduit en 1989 un véhicule avec un taux d’alcool de 1,98 grammes par litre de sang et qu’il avait suivi de fin 1989 jusqu’au début de l’année 1990 une cure de désintoxication en Allemagne. Il est encore constant que Monsieur HOFFERLIN a de nouveau conduit en état d’ivresse, avec un taux d’alcool de 2, 73 grammes par litre, le 24 mars 1994 et a été condamné par jugement du tribunal d’arrondissement de Diekirch du 7 octobre 1994 à une amende de 45.000 LUF et une interdiction de conduire de trente mois du chef de cette infraction. En dépit du fait que l’arrêté ministériel précité du 14 juin 1995 avait limité la validité de son permis de conduire à dix-huit mois, Monsieur HOFFERLIN a encore conduit en état d’ivresse le 19 mars 1996 avec un taux d’alcool de 3,0 grammes par litre de sang. Il s’ensuit que malgré une cure de désintoxication Monsieur HOFFERLIN s’est remis à abuser de l’alcool et qu’en dépit de la première mesure de l’arrêté du 14 juin 1995 il n’a pas pu maîtriser ses problèmes d’alcoolisme, ainsi qu’en témoigne l’incident du 19 mars 1996.

En second lieu, Monsieur HOFFERLIN se trouve toujours frappé de l’interdiction de conduire judiciaire prononcée par le jugement du 30 juillet 1996 et ayant effet jusqu’au 20 juillet 2001.

Sur base de ces éléments, le ministre a pu estimer, sans transgresser les limites de son pouvoir d’appréciation, que Monsieur HOFFERLIN présentait toujours des signes manifestes d’alcoolisme et qu’il était prématuré de tirer la conclusion contraire, même en présence du traitement suivi en 1995 et des certificats médicaux versés à l’instance, tout en laissant entrevoir la possibilité d’un réexamen ultérieur du dossier. Ce moyen laisse en conséquence d’être fondé.

En dernier lieu, Monsieur HOFFERLIN critique le fait que l’arrêté déféré a été signé par un premier conseiller de gouvernement au moyen d’une signature illisible, le mettant ainsi dans l’impossibilité de vérifier la qualité de ce conseiller et l’existence d’une délégation de signature dans son chef.

Un administré qui conteste la qualité du signataire d’un acte administratif doit spécifier en quoi les dispositions de l’ordonnance grand-ducale du 31 janvier 1970 concernant la délégation de signature par le Gouvernement n’a pas été respectée. Il lui appartient, le cas 4 échéant, de s’enquérir au ministère d’Etat si la signature apposée sur la décision attaquée est conforme au spécimen de la signature du fonctionnaire délégué, conformément à l’article 3 de l’ordonnance précitée. Ce moyen tiré de l’irrégularité formelle d l’arrêté attaqué doit ainsi être rejeté.

Il se dégage des développements qui précèdent que le recours n’est fondé en aucun de ses moyens et que Monsieur HOFFERLIN doit être condamné aux frais de l’instance.

PAR CES MOTIFS Le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en annulation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. RAVARANI, président, M. DELAPORTE, premier vice-président, M. SCHROEDER, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

s. SCHMIT s. RAVARANI 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 10303
Date de la décision : 01/07/1998

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1998-07-01;10303 ?

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