Numéro 10401 du rôle Inscrit le 10 novembre 1997 Audience publique du 10 juin 1998 Recours formé par Monsieur … VENTURA DOS SANTOS contre le ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour
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Vu la requête, inscrite sous le numéro du rôle 10401, déposée le 10 novembre 1997 au greffe du tribunal administratif par Maître Marie SANTINI, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … VENTURA DOS SANTOS, demeurant actuellement à …, tendant à l’annulation, et subsidiairement à la réformation de l’arrêté du ministre de la Justice du 7 août 1997 lui refusant l’autorisation d’entrée et de séjour;
Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 23 mars 1998;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 23 avril 1998 par Maître Marie SANTINI au nom de Monsieur VENTURA DOS SANTOS;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Antoine STOLTZ, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.
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Par demande du 30 avril 1993, Monsieur … VENTURA DOS SANTOS, de nationalité portugaise, sollicita auprès de l’administration communale de Luxembourg l’octroi d’une carte d’identité d’étranger.
En date du 1er juillet 1994, Monsieur VENTURA DOS SANTOS fut arrêté à Genève (CH), alors qu’il était en possession de 80 grammes de cocaïne et de 20 grammes d’héroïne, et s’y trouvait en détention jusqu’au 18 août 1994.
Par jugement du tribunal d’arrondissement de Luxembourg du 26 avril 1995, Monsieur VENTURA DOS SANTOS fut condamné à une peine d’emprisonnement de trente mois, dont quinze mois assortis du sursis à exécution, pour avoir importé, transporté, vendu et mis en circulation une quantité d’héroïne indéterminée dans l’arrondissement judiciaire de Luxembourg entre mai 1993 et août 1993, ainsi que pour avoir importé, transporté et détenu, mis en vente 20,1, sinon 10 grammes de cocaïne et d’en avoir mis en circulation 1 gramme dans l’arrondissement judiciaire de Luxembourg, et notamment à Mersch, entre le 6 et le 8 septembre 1994. Il ressort encore d’un rapport n° 3-748 du 13 septembre 1994 du service de police judiciaire de la gendarmerie grand-ducale que les ventes d’héroïne au cours de la période entre mai 1993 et août 1993 portaient sur un montant d’au moins 800.000.- francs.
En date du 15 avril 1996, la division anti-drogues de Rumelange de l’administration des douanes et accises dressa procès-verbal à l’encontre de Monsieur VENTURA DOS SANTOS pour avoir possédé, transporté et consommé trois grammes de cocaïne.
Le 22 août 1996, Monsieur VENTURA DOS SANTOS déclara auprès du commissariat de police de Walferdange abandonner son domicile à Walferdange, 131, route de Diekirch, pour s’établir à Arlon, 27, route de Diekirch.
Suivant demande du 21 février 1997 auprès de l’administration communale de Belvaux, Monsieur VENTURA DOS SANTOS sollicita à nouveau l’octroi d’une carte d’identité d’étranger.
Cette demande fut soumise à la commission consultative en matière de police des étrangers qui entendit Monsieur VENTURA DOS SANTOS le 2 juin 1997 et qui proposa le 4 juin 1997, à l’unanimité, de prendre à l’encontre de ce dernier une mesure d’éloignement.
Sur base de ces éléments, le ministre de la Justice refusa par arrêté du 7 août 1997 l’autorisation d’entrée et de séjour à Monsieur VENTURA DOS SANTOS, tout en enjoignant à celui-ci de quitter le pays dès notification de cet arrêté, au motif qu’il « - a subi une peine de prison du 1er juillet jusqu’au 18 août 1994 à Genève du chef d’infraction à la loi modifiée du 18 février 1973 concernant la vente de substances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie; - a été condamné le 26 avril 1995 par le Tribunal d’Arrondissement de Luxembourg à une peine d’emprisonnement de 30 mois dont 15 mois avec sursis du chef d’infraction à la loi modifiée du 18 février 1973 concernant la vente de substances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie; - un procès verbal du 15 avril 1996 de la division anti-drogues de Rumelange a été dressé à son encontre; - par son comportement personnel l’intéressé constitue un danger pour l’ordre et la sécurité publics ».
Sur recours gracieux du 14 août 1997 formulé par le conseil de Monsieur VENTURA DOS SANTOS, le ministre a maintenu sa position par décision confirmative du 15 septembre 1997.
A l’encontre de l’arrêté ministériel du 7 août 1997 précité, Monsieur VENTURA DOS SANTOS a fait déposer un recours en annulation, sinon en réformation par requête déposée le 10 novembre 1997.
Bien qu’étant saisi à titre principal d’un recours en annulation, le tribunal est tenu d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours de pleine juridiction en la 2 matière, l’existence d’un tel recours rendant en effet irrecevable un recours en annulation contre l’arrêté déféré.
Aucune disposition légale ne conférant compétence à la juridiction administrative pour statuer comme juge du fond en matière de refus d’autorisation d’entrée et de séjour, le tribunal est incompétent pour connaître de la demande en réformation de la décision déférée.
En vertu de l’article 2 (1) de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, un recours en annulation est ouvert contre toutes les décisions administratives à l’égard desquelles aucun autre recours n’est admissible d’après les lois et règlements.
Aucun recours spécifique n’étant prévu en matière de refus d’autorisation d’entrée et de séjour, le recours principal en annulation, par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.
Le demandeur reproche entre autres à la décision attaquée du 7 août 1997 de ne pas lui avoir fixé de délai pour quitter le territoire, mais de lui avoir enjoint: « L’intéressé devra quitter le pays dès notification du présent arrêté », alors que l’article 12 du règlement grand-
ducal du 28 mars 1972 prévoit un délai minimal de quinze jours à respecter.
L’article 12 du règlement grand-ducal modifié du 28 mars 1972 relatif aux conditions d’entrée et de séjour de certaines catégories d’étrangers faisant l’objet de conventions internationales, dispose que « la notification d’une décision de refus ou de retrait de la carte de séjour ou d’une décision d’éloignement comporte l’indication du délai imparti pour quitter le territoire. Sauf urgence, ce délai ne peut être inférieur à 15 jours lorsque l’intéressé n’a pas encore reçu de carte de séjour, et à un mois dans les autres cas ». Cette disposition laisse à l’étranger, rentrant dans les prévisions de l’article 1er du même règlement grand-ducal, auquel le séjour est refusé, le droit à un certain délai afin de pouvoir prendre les dispositions nécessaires avant de quitter définitivement le Grand-Duché.
La décision attaquée du 7 août 1997 impose par contre au demandeur le départ immédiat du pays dès notification sans lui accorder un quelconque délai et entend ainsi le priver d’un droit de protection qui lui est reconnu par cette disposition réglementaire. Aucune circonstance tirée de l’urgence d’un éloignement, et de nature à justifier le refus de tout délai, n’est ni avancée dans l’arrêté attaqué ou dans le mémoire du délégué du Gouvernement, ni ne ressort des éléments du dossier à disposition du tribunal.
Alors même que la gravité dirimante des faits à charge du demandeur est constante, l’arrêté ministériel du 7 août 1997 encourt pourtant l’annulation pour violation de l’article 12 du règlement grand-ducal précité du 28 mars 1972 en ce qu’il n’a pas respecté les conditions de délai à impartir au demandeur, sans qu’il y ait lieu d’analyser les autres moyens avancés à l’encontre de cet arrêté.
Le demandeur ne saurait se voir allouer une indemnité de procédure sur base de l’article 131-1 du code de procédure civile, les conditions légales ne se trouvant pas remplies en l’espèce.
3 PAR CES MOTIFS Le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours principal en annulation en la forme, au fond le déclare justifié, partant annule l’arrêté du ministre de la Justice du 7 août 1997, se déclare incompétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation, rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure, condamne l’Etat aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 10 juin 1998 par:
M. RAVARANI, président, Mme. LAMESCH, juge, M. SCHROEDER, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.
s. SCHMIT s. RAVARANI 4