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08/06/1998 | LUXEMBOURG | N°10142

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 08 juin 1998, 10142


Numéro 10142 du rôle Inscrit le 11 juillet 1997 Audience publique du 8 juin 1998 Recours formé par Madame … RENNEL contre l’Entreprise des Postes et Télécommunications, Luxembourg en matière de licenciement

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Vu la requête, inscrite sous le numéro du rôle 10142, déposée le 11 juillet 1997 au greffe du tribunal administratif par Maître Monique WATGEN, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame

… RENNEL, demeurant à …, tendant à la réformation, et subsidiairement à l’annulation...

Numéro 10142 du rôle Inscrit le 11 juillet 1997 Audience publique du 8 juin 1998 Recours formé par Madame … RENNEL contre l’Entreprise des Postes et Télécommunications, Luxembourg en matière de licenciement

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Vu la requête, inscrite sous le numéro du rôle 10142, déposée le 11 juillet 1997 au greffe du tribunal administratif par Maître Monique WATGEN, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … RENNEL, demeurant à …, tendant à la réformation, et subsidiairement à l’annulation de la décision du comité de direction de l’Entreprise des Postes et Télécommunications du 10 avril 1997 portant dénonciation avec effet au 15 août 1997 du contrat d’engagement conclu avec elle;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Georges NICKTS, demeurant à Luxembourg, du 11 juillet 1997 portant signification dudit recours à l’Entreprise des Postes et Télécommunications;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 26 novembre 1997 par Maître Georges KRIEGER, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour le compte de l’Entreprise des Postes et Télécommunications;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre BIEL, demeurant à Luxembourg, du 27 novembre 1997 portant signification de ce mémoire à Madame RENNEL;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 20 mars 1998 par Maître Monique WATGEN au nom de Madame RENNEL;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Georges NICKTS, demeurant à Luxembourg, du 20 mars 1998 portant signification de ce mémoire à l’Entreprise des Postes et Télécommunications;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 31 mars 1998 par Maître Georges KRIEGER au nom de l’Entreprise des Postes et Télécommunications;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre BIEL, demeurant à Luxembourg, du 31 mars 1998 portant signification de ce mémoire à Madame RENNEL;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maîtres Monique WATGEN et Georges KRIEGER en leurs plaidoiries respectives.

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Par contrat à durée déterminée du 15 octobre 1993, Madame … RENNEL fut engagée par l’Entreprise des Postes et Télécommunications en tant qu’employée à tâche complète pour la période du 27 septembre 1993 au 28 février 1994. Un nouveau contrat à durée déterminée fut conclu le 4 mars 1994 pour la période du 1er mars 1994 au 30 septembre 1994. La relation de travail entre ces mêmes parties devenait à durée indéterminée à partir du 1er octobre 1994 moyennant contrat d’emploi du 13 octobre 1994. Depuis cette même époque, Madame RENNEL était affectée comme préposée au bureau des postes de Luxembourg-….

Le 30 janvier 1997 vers 13:30 heures, ledit bureau des postes fit l’objet d’un cambriolage lors duquel le cambrioleur, après s’être introduit dans les locaux du bureau en cassant une vitre dans le passage latéral, réussit à se faire remettre par la menace d’arme une somme importante d’argent en provenance de la salle des coffres et de la caisse de guichet tenue par Madame RENNEL.

Suite à cet incident, le comité de direction de l'Entreprise des Postes et Télécommunications résilia par courrier recommandé daté au 10 avril 1997 le contrat d’emploi conclu avec Madame RENNEL en retenant notamment que « les faits retenus à votre charge constituent des actes qui compromettent définitivement la confiance réciproque indispensable entre l’Entreprise des P&T et vous-même, et de ce fait rendent impossible la poursuite des rapports contractuels de sorte que nous nous voyons obligés de résilier votre contrat de travail à l’expiration d’un délai de préavis de quatre mois, conformément aux dispositions des articles 19 et 20 de la loi du 24 mai 1989 sur le contrat de travail. Le délai de préavis prend cours le 15 avril 1997 ».

En réponse à un courrier afférent du conseil de Madame RENNEL du 14 avril 1997, le directeur général adjoint, par lettre recommandée du 6 mai 1997, détailla davantage les faits reprochés à cette dernière et ayant motivé la résiliation de son contrat d’engagement. Par courrier du 23 mai 1997 de son conseil, Madame RENNEL fit formellement contester les motifs ainsi exposés de la résiliation.

A l’encontre de la décision du comité de direction du 10 avril 1997, Madame RENNEL a fait déposer le 11 juillet 1997 un recours en réformation, sinon en annulation.

Quant à la recevabilité L’article 11 alinéa 1er de la loi modifiée du 27 janvier 1972 fixant le régime des employés de l’Etat, applicable aux employés de l'Entreprise des Postes et Télécommunications en vertu de l’article 24 (1) alinéa 2 de la loi du 10 août 1992 portant création de l'Entreprise des Postes et Télécommunications, instaurant un recours de pleine juridiction en matière de 2 résiliation du contrat d’emploi d’un employé de l'Entreprise des Postes et Télécommunications, le tribunal est compétent pour statuer sur le recours en réformation introduit à titre principal.

Le recours subsidiaire en annulation est en conséquence irrecevable.

L'Entreprise des Postes et Télécommunications soulève d’abord l’irrecevabilité pour cause de tardiveté du recours en ce que la décision de résiliation du contrat d’emploi aurait été notifiée à Madame RENNEL en date du 10 avril 1997, mais que le recours a été déposé seulement le 11 juillet 1997, donc en dehors du délai légal de trois mois.

Madame RENNEL fait répliquer que la décision litigieuse, portant la date du 10 avril 1997, ne lui a été notifiée que le 11 avril 1997. En vertu du principe qu’en matière administrative les délais de recours ne commencent à courir qu’à partir du moment de la notification de la décision en cause, le recours déposé en son nom serait recevable.

Il ressort des pièces versées en cause, et notamment d’une copie du courrier recommandé du comité de direction de l'Entreprise des Postes et Télécommunications du 10 avril 1997 et d’un relevé des courriers recommandés remis à la poste, que le courrier précité a été remis au bureau des postes Luxembourg 2 en date du 10 avril 1997 en vue de sa notification à Madame RENNEL par la voie postale. Il faut admettre que celle-ci n’a ainsi pu avoir reçu notification de ce courrier qu’au plus tôt le 11 avril 1997, date confirmée par sa litismandataire.

Etant donné que l’article 11 alinéa 2 de la loi modifiée du 27 janvier 1972 fixant le régime des employés de l’Etat, applicable aux employés de l'Entreprise des Postes et Télécommunications en vertu de l’article 24 (1) alinéa 2 de la loi du 10 août 1992 portant création de l'Entreprise des Postes et Télécommunications, fixe le délai de recours à trois mois à partir de la notification de la décision, le délai de recours a commencé à courir en l’espèce le 12 avril 1997 pour expirer le 11 juillet 1997 à minuit. Il s’ensuit que le recours de Madame RENNEL a été introduit dans le délai de la loi et que le moyen d’irrecevabilité tiré de la tardiveté du dépôt doit être rejeté.

L'Entreprise des Postes et Télécommunications oppose en deuxième lieu l’exceptio obscuri libelli en raison « du caractère extrêmement confus du mémoire introductif » et du fait qu’il constituerait « une accumulation incohérente de moyens sans logique ».

La procédure devant le tribunal administratif est régie par l’arrêté royal grand-ducal modifié du 21 août 1866 portant règlement de procédure en matière de contentieux devant le Conseil d'Etat, maintenu en vigueur devant les juridictions de l’ordre administratif par l’article 98 (1) de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif. D’après l’article 1er alinéa 2 dudit règlement de procédure, la requête introductive « contiendra l’exposé sommaire des faits et des moyens, les conclusions, les noms et demeures des parties, l‘énonciation des pièces dont on entend se servir et qui y seront jointes ». Le but de cette disposition est de permettre au défendeur de savoir quelle est la décision critiquée et quels sont les moyens à la base de la demande afin de lui permettre d’organiser utilement sa défense. Il est encore de principe qu’il appartient au tribunal saisi d’apprécier in concreto si l’exposé sommaire des faits et des moyens, ensemble les conclusions qui s’en dégagent, est suffisamment explicite ou non.

En l’espèce, la requête introductive définit avec une précision suffisante la décision faisant l’objet du recours, relate les faits à la base de ladite décision et expose les moyens à 3 l’appui du recours, avec demande en réformation ou en annulation afférente, avec les conséquences précisées au dispositif de la requête.

Il résulte encore d’une lecture des mémoires en réponse et en duplique rédigés par le mandataire de l'Entreprise des Postes et Télécommunications que celui-ci ne s’est pas mépris sur l’objet et les moyens du recours et était en mesure de prendre position de façon exhaustive et circonstanciée à l’égard des moyens mis en avant par Madame RENNEL.

Faute par le mandataire de l'Entreprise des Postes et Télécommunications de faire état d’autres entraves à la préparation de sa défense, l’exceptio obscuri libelli doit être écartée.

Le recours principal en réformation est ainsi recevable pour avoir été par ailleurs introduit dans les formes de la loi.

Quant au fond Les moyens avancés par les parties ayant trait essentiellement à trois questions, il y a lieu de les considérer successivement.

Quant à la loi applicable Madame RENNEL soutient que son contrat serait soumis à un régime de droit public et plus précisément celui des employés de l’Etat, de sorte que les dispositions de la loi du 24 mai 1989 sur le contrat de travail seraient inapplicables. La décision déférée du 10 avril 1997 devrait pareillement être qualifiée de mesure disciplinaire, vu qu’elle a été prise suite aux manquements lui reprochés et qu’elle constituerait l’aboutissement d’une enquête officielle, de manière que l'Entreprise des Postes et Télécommunications aurait été tenue de respecter la procédure disciplinaire prévue par la loi du 16 avril 1979.

L’Entreprise des Postes et Télécommunications estime que la loi du 24 mai 1989 sur le contrat de travail serait applicable au contrat de travail de Madame RENNEL, sur base de l’article 4 de la loi précitée du 27 janvier 1972, en sa qualité d’employée de l'Entreprise des Postes et Télécommunications assimilée aux employés de l’Etat. Elle en déduit que la décision critiquée du 10 avril 1997 ne constituerait pas une mesure disciplinaire, mais une résiliation avec préavis du contrat d’emploi de Madame RENNEL, une mesure disciplinaire ne se concevant par ailleurs qu’en cas de continuation des relations contractuelles.

A cet égard, force est de constater que l’article 24 (1) de la loi précitée du 10 août 1992 établit que « le régime des agents de l’entreprise est un régime de droit public » et que les dispositions actuelles et futures relatives aux employés de l’Etat sont applicables aux employés de l'Entreprise des Postes et Télécommunications. Le régime des employés de l’Etat est un régime propre s’inspirant à la fois du régime légal des employés privés et de celui des fonctionnaires de l’Etat en ce sens que l’engagement est régi par contrat entre l’Etat et les intéressés, mais que ces derniers bénéficient sous des conditions nettement déterminées de certains attributs réservés, en principe, aux fonctionnaires de l’Etat (voir avis du Conseil d’Etat et rapport de la commission de la Fonction publique de la Chambre des Députés, doc. parl. n° 1516, page 2).

La relation entre l'Entreprise des Postes et Télécommunications et son employé est ainsi fondée sur un contrat et la loi du 24 mai 1989 sur le contrat de travail régit, sur base du renvoi 4 direct opéré par l’article 4 de la loi prévisée du 27 janvier 1972, la forme et les modalités de l’engagement.

L’article 5 de la loi précitée du 27 janvier 1972, relatif à la résiliation du contrat d’emploi, ne comporte par contre pas de renvoi aux dispositions afférentes de la loi précitée du 24 mai 1989, de sorte que la décision prise par l'Entreprise des Postes et Télécommunications de résilier un contrat d’emploi doit être qualifiée de décision administrative soumise d’abord au régime spécifique de la loi modifiée du 27 janvier 1972 susvisée et ensuite aux prescriptions générales de la réglementation de la procédure administrative non contentieuse, applicable aux employés de l’Etat (cf. Trib. adm. 10 juillet 1997, Raus, n° 9703, Pas. adm., 01/1998, v° Fonction publique, n° 38; Trib. adm. 30 juillet 1997, Rollmann, n° 9937, Pas. adm., 01/1998, v° Fonction publique, n° 38).

La loi du 24 mai 1989 n’a en conséquence pas vocation à s’appliquer in globo en tant que réglementation de la résiliation du contrat d’un employé de l’Etat et ainsi, par renvoi, d’un employé de l'Entreprise des Postes et Télécommunications. Conformément à l’article 1er, al.

1er de la loi prévisée du 27 janvier 1972, elle n’est que de nature à suppléer, dans les limites de sa compatibilité avec les dispositions susvisées, aux lacunes des dispositions combinées de la loi précitée du 27 janvier 1972 et de la réglementation de la procédure non contentieuse en cas de besoin.

Quant à la procédure Madame RENNEL reproche au comité de direction de l'Entreprise des Postes et Télécommunications d’avoir pris la décision déférée du 10 avril 1997 sans avoir respecté les prescriptions impératives des articles 44 à 79 de la loi du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, applicable aux employés de l’Etat conformément à son article 1er, qui prévoient le régime ainsi que la procédure disciplinaire applicable à la résiliation de son contrat d’emploi. Elle fait en particulier état de l’article 51 consacrant le droit du fonctionnaire de présenter sa défense dans le cadre de l’instruction, de l’article 56 lui permettant de prendre inspection de son dossier et de présenter ses observations et requêtes, ainsi que de l’article 57 exigeant la consultation du conseil de discipline.

Il est constant en cause que le contrat d’emploi de Madame RENNEL avait été conclu depuis moins de dix ans au moment de la résiliation par le comité de direction de l'Entreprise des Postes et Télécommunications. Dans cette hypothèse, la garantie prévue par l’article 7 (1) de la loi du 27 janvier 1972 rendant le contrat d’emploi à durée indéterminée non résiliable, sauf à titre de mesure disciplinaire, n’est pas applicable, et le contrat est susceptible de résiliation sans l’accomplissement de la procédure disciplinaire prévue par la loi du 16 avril 1979 précitée. L'Entreprise des Postes et Télécommunications était ainsi en droit de résilier le contrat d’emploi de Madame RENNEL pour des motifs dûment justifiés sans recourir à une procédure disciplinaire préalable, sous réserve du respect des prescriptions du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes et, le cas échéant, de la loi précitée du 24 mai 1989, de sorte que l’ensemble des reproches relatifs au non-respect de la procédure disciplinaire doit être écarté.

Il ressort des éléments du dossier que Madame RENNEL a été informée par courrier du 12 février 1997, qui lui a été remis en mains propres le 13 février 1997, du « relâchement de la discipline » que l’enquête suite au vol du 31 janvier 1997 aurait révélé et de l’ouverture d’une enquête à son encontre, vu que les faits signalés feraient présumer une grave infraction à 5 l’article 9 § 1 de la loi du 16 avril 1979 précitée. Un entretien a encore eu lieu en date du 4 avril 1997, lors duquel des représentants de l'Entreprise des Postes et Télécommunications ont exposé à Madame RENNEL, assistée de deux avocats, les faits lui reprochés et l’ont entendue en ses explications et moyens. L’Entreprise des Postes et Télécommunications a ainsi satisfait aux exigences de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précité, applicable à l’exclusion de l’article 19 de la loi du 24 mai 1989 précitée concernant l’entretien préalable.

Faute par Madame RENNEL d’établir l’existence d’une demande de sa part pour inspecter son dossier sur base de l’article 11 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 prévisé afin d’étayer les reproches y relatifs, la façon de procéder de l'Entreprise des Postes et Télécommunications n’encourt aucun reproche d’illégalité.

Madame RENNEL fait encore état d’une atteinte à des formalités destinées à protéger des intérêts privés, en ce que le comité de direction de l'Entreprise des Postes et Télécommunications n’a pas requis l’avis du ministre de la Fonction publique prévu par l’article 5 de la loi du 27 janvier 1972 précitée.

Il est vrai que l’article 5 de la loi précitée du 27 janvier 1972 dispose que: « la résiliation du contrat d’engagement est prononcée, sur avis du ministre de la Fonction publique, par le ministre compétent ». Cependant l’article 24 (2) de la loi précitée du 10 août 1992 établit que « conformément à l’article 6 tous les actes d’administration concernant le personnel de l’entreprise sont de la compétence du comité qui est l’autorité investie du pouvoir de nomination aux termes du statut général des fonctionnaires de l’Etat et du contrat collectif des ouvriers de l’Etat ». Le comité de direction de l'Entreprise des Postes et Télécommunications est donc investi du pouvoir de résiliation d’un contrat d’emploi d’un agent de cette entreprise. S’y ajoute que l’article 1er de la même loi du 10 août 1992 dispose, entre autres, que l'Entreprise des Postes et Télécommunications jouit de l’autonomie financière et administrative et qu’elle est placée seulement sous la haute surveillance du membre du gouvernement ayant dans ses attributions les postes et télécommunications. Etant donné en outre que les articles 22 et 23 de la loi du 10 août 1992 définissent limitativement les actes des organes de l'Entreprise des Postes et Télécommunications soumis à l’approbation soit du conseil de gouvernement soit du ministre compétent, l’exigence d’un avis du ministre de la Fonction publique, prévue à l’article 5 de la loi du 27 janvier 1972 précitée, ne saurait s’appliquer à la résiliation du contrat d’emploi d’un employé de l'Entreprise des Postes et Télécommunications. Le reproche de Madame RENNEL tiré du défaut d’un tel avis doit partant être écarté.

Quant aux fautes reprochées A l’appui de ses critiques contre les motifs de la décision de résiliation de son contrat d’emploi par l'Entreprise des Postes et Télécommunications, Madame RENNEL fait remarquer d’abord qu’elle a été engagée au mois d’octobre 1994 pour être affectée à des travaux relevant des carrières moyenne et inférieure et qu’elle n’avait en conséquence pas disposé du temps nécessaire pour acquérir une expérience poussée. Elle aurait cependant été affectée à un poste à grande responsabilité, sans pour autant avoir bénéficié d’une formation appropriée, notamment concernant le comportement à adopter en cas de cambriolage.

Concernant les règles de sécurité, elle affirme que les prescriptions générales de sécurité ne lui ont jamais été soumises ou que, du moins, elle n’a jamais eu possession matérielle du dossier afférent. Aucune instruction ne lui aurait été donnée, ni oralement, ni par 6 écrit de mettre le tiroir-caisse qu’elle utilisait pour son service de caisse dans l’un des coffres-

forts durant les pauses de midi ou de fermer les grilles de protection pendant ces mêmes laps de temps. Une obligation de fermer ces grilles de sécurité se heurterait en pratique aux heures d’ouverture du bureau de poste qui ne resterait fermé à midi que durant une heure et demie, laps de temps suffisamment bref pour rendre l’opération de fermeture et de réouverture desdites grilles beaucoup trop fastidieuse. Un placement des sommes d’argent de sa caisse dans le coffre-fort à sa disposition n’aurait par ailleurs pas empêché le cambrioleur à s’en emparer, vu qu’il a forcé les agents présents par la menace d’arme à ouvrir les coffres. Madame RENNEL ajoute finalement qu’elle avait bien refermé le tiroir-caisse abritant les sommes représentant sa caisse. Elle déduit de l’ensemble de ces circonstances qu’on ne saurait lui reprocher une faute justifiant la mesure de la résiliation de son contrat.

A titre subsidiaire, au cas où les circonstances de fait tendraient à admettre l’existence d’une faute ou négligence dans son chef, Madame RENNEL précise qu’il s’agit d’un fait unique sur une durée d’engagement de trois années et qui ne constituerait qu’un manquement léger ayant entraîné des conséquences importantes il est vrai. Elle ajoute que l’existence d’une faute dans son chef doit être appréciée eu égard « à son degré d’instruction, à son niveau de formation pour le poste lui confié et à son niveau d’intelligence », et que la peine de la résiliation serait trop lourde face à l’ensemble des circonstances de l’affaire.

Il y a lieu de relever que le respect de consignes de sécurité n’est fonction de l’ancienneté de service d’un agent que dans une mesure réduite, l'Entreprise des Postes et Télécommunications ayant précisé par ailleurs que Madame RENNEL avait été admise au stage d’expéditionnaire en septembre 1990 et disposait d’une expérience remontant plus loin qu’à octobre 1994. Alors même que Madame RENNEL conteste actuellement avoir disposé d’un véritable dossier contenant les consignes de sécurité applicables ou avoir pu assister à un cours en matière de sécurité, elle a admis dans sa déposition du 17 février 1997, consignée dans un procès-verbal daté par erreur au 17 janvier 1997 et comportant sa signature précédée de la mention dactylographiée « Lu et approuvé », dans le cadre de l’enquête sur le cambriolage visé: « Au sujet de votre question si je connais le dossier de sécurité et pourquoi il n’a pas été rempli suivant la contexture, je dois avouer que je l’ai lu une fois fortuitement, sans y attacher trop d’attention. En outre, dans la lettre d’accompagnement , il n’est pas précisé qu’il y a des écritures à apporter dans ce document ». Il est ainsi établi que Madame RENNEL a eu du moins l’occasion de consulter ce dossier de sécurité et qu’elle ne saurait se prévaloir de l’absence d’instructions précises à son adresse concernant les mesures de sécurité à adopter concernant le bureau des postes et plus particulièrement sa caisse.

Les prescriptions générales de sécurité, faisant partie du dossier de sécurité, imposent notamment aux agents de 1° ne laisser dans les caisses et dans le coffre du guichet que le minimum (de fonds) nécessaire, et de 6° veiller à ce que les portes donnant accès à la zone de sécurité soient toujours fermées. Par ailleurs, le placement des sommes d’argent plus ou moins importantes lui confiées par son employeur dans un endroit sécurisé durant les périodes où le bureau n’est pas occupé ou surveillé est une mesure que tout agent normalement diligent devrait prendre même en l’absence d’instructions individuelles à son adresse en présence de dispositifs de sécurité, tels des coffres-forts, et au vu de précédents de cambriolages survenus dans d’autres bureaux des postes. La même conclusion s’impose quant à l’usage des rideaux-

grilles et de la porte du passage entre le hall et les guichets, alors que la mise en oeuvre de ces dispositifs de sécurité ne saurait être négligée pour des raisons de simple commodité. Il ressort cependant des éléments de la cause que Madame RENNEL a admis dans sa déposition 7 prémentionnée du 17 février 1997 qu’ayant été pressée ce jour-là, elle n’a pas enfermé à midi la caisse dans l’un des coffres-forts, l’un muni d’un système d’ouverture retardée ne s’ouvrant qu’au bout de six minutes et l’autre étant trop exigu pour y placer le tiroir de caisse intégral, mais qu’elle a simplement baissé le volet roulant en bois de ce tiroir sans le fermer à clef, qu’elle a laissé ouverte la porte du passage entre le hall et les guichets pour des raisons de commodité et qu’elle n’a pas descendu les rideaux-grilles protégeant la porte d’accès et les fenêtres pour la pause de midi. L’existence de faits et actes objectifs constituant un comportement fautif dans le chef de Madame RENNEL est ainsi établie. Les moyens de celle-

ci tirés de la légèreté de ses manquements ainsi que de son propre degré d’instruction, de sa formation insuffisante pour son poste et son niveau d’intelligence, tout comme la considération qu’il s’agirait d’un fait unique sur une durée d’engagement de trois ans, ne sauraient énerver la gravité intrinsèque des manquements aux règles de conduite constatés qui correspondent ainsi à des motifs réels et sérieux suffisants pour résilier le contrat d’emploi de Madame RENNEL.

Pareillement, la circonstance que le cambrioleur a réussi, par la menace d’armes, à se faire remettre également le contenu des coffres-forts n’est pas de nature à disculper Madame RENNEL des fautes retenues à sa charge.

Etant donné que les lettres de l'Entreprise des Postes et Télécommunications des 10 avril 1997 et 6 mai 1997 répondent par ailleurs aux exigences de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précité et que le délai de préavis fixé à l’article 20 (2) de la loi du 24 mai 1989 précitée a été respecté, la résiliation du contrat d’emploi de Madame RENNEL est justifiée et intervenue dans les formes légales.

Il s’ensuit que le recours laisse d’être fondé.

La demande de l'Entreprise des Postes et Télécommunications en allocation d’une indemnité ne saurait cependant être admise, les conditions légales afférentes n’étant pas remplies.

PAR CES MOTIFS Le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours principal en réformation en la forme, le déclaré non fondé et en déboute, déclare le recours subsidiaire en annulation irrecevable, rejette la demande de l'Entreprise des Postes et Télécommunications en allocation d’une indemnité de procédure, condamne la partie demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 8 juin 1998 par:

8 M. RAVARANI, président, M. CAMPILL, premier juge, M. SCHROEDER, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

s. SCHMIT s. RAVARANI 9


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 10142
Date de la décision : 08/06/1998

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1998-06-08;10142 ?

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