N° 10320 du rôle Inscrit le 30 septembre 1997 Audience publique du 18 mai 1998
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Recours formé par Monsieur … NEIENS contre l’administration des contributions directes en matière d’impôt sur le revenu
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Vu la requête déposée le 30 septembre 1997 au greffe du tribunal administratif par Monsieur … NEIENS, retraité, demeurant à …, contenant un recours dirigé contre un bulletin de l’impôt rectificatif sur le revenu pour l’année 1987, émis le 12 août 1993, concernant l’imposition d’une indemnité perçue au titre du dédommagement d’un préjudice;
Vu le mémoire en réponse déposé le 27 avril 1998 au greffe du tribunal administratif par le délégué du gouvernement;
Vu le mémoire en réplique déposé le 27 avril 1998 au greffe du tribunal administratif par Monsieur … NEIENS;
Vu les pièces versées en cause et notamment le bulletin d’impôt critiqué;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Monsieur … NEIENS en ses explications et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Marie KLEIN en ses plaidoiries.
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Monsieur et Madame … NEIENS-… sont copropriétaires d’un immeuble situé à …. A ce titre, ils ont reçu, en vertu d’une transaction conclue en dates des 28 novembre et 12 décembre 1986 entre, d’un côté, tous les copropriétaires de l’immeuble en question et, de l’autre côté, le maître de l’ouvrage ainsi que les constructeurs d’un complexe immobilier à construire sur la propriété voisine de l’immeuble leur appartenant, à savoir au numéro 56, Grand-Rue à Luxembourg, une indemnité de ….- francs afin de les indemniser du préjudice qui, selon les copropriétaires de l’immeuble situé …, leur serait causé par la nouvelle construction telle que projetée.
Un premier bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 1987, émis le 7 mars 1991, à l’adresse de Monsieur et Madame NEIENS-…, a été rectifié par un nouveau bulletin émis en date du 12 août 1993 dans la mesure où l’indemnité transactionnelle de ….- francs a été classée sous revenus nets divers et imposée en tant que tels, sur base de l’article 99 n° 3 de la loi du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, ci-après désignée « LIR ».
Un recours gracieux adressé par Monsieur NEIENS au directeur de l’administration des Contributions directes en date du 8 septembre 1993 est resté sans suite.
1 A l’encontre du bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 1987, émis en date du 12 août 1993, Monsieur NEIENS a introduit un recours par requête déposée le 30 septembre 1997.
A l’appui de son recours, le demandeur estime que c’est à tort que l’administration des Contributions directes a classé l’indemnité transactionnelle de ….- francs sous la rubrique revenus nets divers, alors qu’une telle indemnité ne devrait pas être sujette à l’impôt sur le revenu au motif qu’elle est destinée à dédommager un préjudice subi.
Subsidiairement, il soutient que l’indemnité en question devrait être traitée comme un revenu extraordinaire.
Le délégué du gouvernement soutient d’abord qu’il est incontestable qu’une indemnité destinée à dédommager le préjudice d’un contribuable, causé par la nouvelle construction du voisin, n’est pas un revenu divers et, qu’à moins de se rattacher à une entreprise, ce revenu n’est pas sujet à l’impôt sur le revenu.
Le représentant étatique invite ensuite, dans son mémoire en réponse, le demandeur à produire la décision critiquée afin qu’il puisse documenter et expliquer les conditions dans lesquelles l’indemnité transactionnelle lui a été versée.
Dans son mémoire en réplique, auquel une copie de l’acte notarié de cession du 20 mars 1992 et une copie de la transaction des 28 novembre et 12 décembre 1986 ont été annexées, il informe le tribunal que l’indemnité transactionnelle se composait en réalité de deux parties, à savoir, d’une part, de la cession par le maître de l’ouvrage et les constructeurs de l’immeuble à construire … à Luxembourg, d’une languette de terrain et, d’autre part, d’une somme d’argent de ….- francs pour chacun des copropriétaires.
A l’audience, le demandeur a versé au tribunal une copie du bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 1987, tel qu’émis en date du 12 août 1993 par le bureau d’imposition Esch I, et il a affirmé qu’à part le bulletin ainsi versé, il ne possède aucun autre document officiel émanant de l’administration des Contributions directes par lequel la décision critiquée serait justifiée.
Comme le recours introduit par Monsieur NEIENS n’indique pas s’il s’agit d’un recours en annulation ou d’un recours en réformation, il appartient au tribunal d’analyser d’abord la question de sa compétence avant d’examiner le fond de l’affaire.
Après analyse de la requête introduite par le demandeur, le tribunal constate qu’il n’existe aucune indication qui permette de conclure que le demandeur n’a pas voulu introduire un recours en réformation. Au contraire, le demandeur prie le tribunal de dire principalement que l’indemnité transactionnelle n’est pas sujette à l’impôt sur le revenu et, subsidiairement, de dire qu’elle peut tout au plus être traitée comme un revenu extraordinaire, à taxer selon le système du demi-taux global. Le recours du demandeur doit donc être considéré comme constituant un recours de pleine juridiction.
2 Tant au moment de l’émission du bulletin de l’impôt rectificatif litigieux qu’au moment de l’introduction du présent recours, le juge administratif est compétent pour statuer en tant que juge du fond en matière d’impôt sur le revenu.
Ayant été formé plus de six mois après l’entrée en vigueur le 1er janvier 1997 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, sans que la réclamation du 8 septembre 1993 n’ait été toisée par le directeur de l’administration des Contributions directes, le recours en réformation contre le bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 1987 émis le 12 août 1993 par le préposé du bureau d’imposition d’Esch-sur-
Alzette, est recevable, en ce qui concerne Monsieur NEIENS agissant en son nom personnel, pour avoir été par ailleurs introduit dans les formes prévues par la loi.
Quant au fond, les deux parties sont d’accord pour dire que les indemnités destinées à dédommager des préjudices ne sont pas sujettes à l’impôt sur le revenu, étant entendu que le délégué du gouvernement s’est réservé, dans son mémoire en réponse, de vérifier, sur base des pièces à verser par le demandeur, si les faits de l’espèce sont tels que la loi y est applicable.
D’après l’article 10 LIR « entrent seuls en ligne de compte pour la détermination du total des revenus nets » les huit catégories de revenus y spécifiées. Un revenu n’est donc imposable que s’il peut être classé dans l’une des huit catégories en question. En effet, l’énumération des revenus est limitative et les revenus qui n’y sont pas mentionnés, bénéficient d’une exemption matérielle.
Comme l’indemnité transactionnelle ne peut manifestement pas être rangée dans l’une des sept premières catégories de l’article 10 en question, elle pourrait tout au plus être classée dans la catégorie numéro 8: revenus nets divers spécifiés à l’article 99 LIR.
Pour que l’indemnité transactionnelle, ayant pour objet de réparer un préjudice, puisse être classée dans cette 8ième catégorie, il est donc nécessaire qu’elle puisse être classée parmi l’une des quatre catégories de revenus divers visés par l’article 99 LIR, qui dispose que « les revenus divers comprennent:
1. les bénéfices de spéculation visés à l’article 99bis;
2. les bénéfices de cession visés aux articles 99ter, 100 et 101;
3. le revenu provenant de prestations non comprises dans une autre catégorie de revenus, par exemple le revenu provenant d’entremises occasionnelles. Ce revenu n’est toutefois pas imposable lorsqu’il est inférieur à un montant annuel de 10.000.- francs. Lorsque les frais d’obtention dépassent les recettes, l’excédent déficitaire n’est pas compensable;
4. les primes déduites antérieurement en exécution d’un contrat d’assurance-pension et visées à l’article 111bis, alinéa 5, et la valeur de conversion des droits à la rente viagère en un capital résultant de pareil contrat ».
De plus, l’indemnité doit avoir été perçue à la suite de la recherche d’un gain, condition exigée pour ouvrir l’accès aux huit catégories de revenus de l’article 10 LIR.
3 Il se dégage des éléments et pièces du dossier, notamment de la transaction visée ci-
avant, que l’indemnité a pour objet de réparer un préjudice subi par le demandeur et que non seulement elle ne tombe pas dans l’une des quatre catégories de revenus divers visés limitativement par l’article 99 précité, en ne pouvant notamment pas être analysée comme constituant la contrepartie d’une prestation fournie par le demandeur, mais elle ne peut pas non plus être considérée comme un gain recherché par le demandeur. Au contraire, l’indemnité a simplement pour objet de compenser un préjudice, d’ailleurs non autrement spécifié ou documenté, mais accepté comme tel par les parties à l’instance.
Il ressort des considérations qui précèdent que l’indemnité transactionnelle de ….-
francs perçue par le demandeur ne constitue pas un revenu au sens de l’article 10 LIR et n’est donc pas imposable au titre de l’impôt sur le revenu. Il y a partant lieu de faire droit à la demande de Monsieur NEIENS tendant à voir exempter ladite indemnité de l’impôt sur le revenu.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;
reçoit le recours en réformation en la forme;
au fond le déclare justifié, en ce que le montant de ….- francs perçu par Monsieur NEIENS n’est pas à retenir comme revenu et qu’il n’est donc pas imposable au titre de l’impôt sur le revenu;
annule le bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 1987 émis le 12 août 1993 dans la mesure où l’indemnité de ….- francs y a été imposée au titre des revenus nets divers;
renvoie l’affaire devant le directeur de l’administration des Contributions directes pour exécution;
condamne l’Etat aux frais.
Ainsi jugé par:
M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 18 mai 1998 par le vice-président, en présence de Monsieur Legille, greffier.
s. Legille s. Schockweiler 4