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12/05/1998 | LUXEMBOURG | N°10266

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 mai 1998, 10266


N° 10266 du rôle Inscrit le 2 septembre 1997 Audience publique du 12 mai 1998

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Recours formé par Madame … KRACK contre la ville de Luxembourg en matière d’employé communal

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Vu la requête inscrite sous le numéro 10266 du rôle, déposée le 2 septembre 1997 au greffe du tribunal administratif par Maître Victor GILLEN, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … K

RACK, employée privée, demeurant à …, tendant à l’annulation, sinon à la réformation de la d...

N° 10266 du rôle Inscrit le 2 septembre 1997 Audience publique du 12 mai 1998

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Recours formé par Madame … KRACK contre la ville de Luxembourg en matière d’employé communal

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Vu la requête inscrite sous le numéro 10266 du rôle, déposée le 2 septembre 1997 au greffe du tribunal administratif par Maître Victor GILLEN, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … KRACK, employée privée, demeurant à …, tendant à l’annulation, sinon à la réformation de la décision de licenciement intervenu à partir du 1er janvier 1996, voire avec effet à partir du 1er mai 1996 de la part de l’administration communale de la Ville de Luxembourg;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre KREMMER, demeurant à Luxembourg du 21 août 1997 portant signification de son recours à l’administration communale de la Ville de Luxembourg;

Vu le mémoire en réponse déposé en date du 26 février 1998 au greffe du tribunal administratif par Maître Roland MICHEL, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de la Ville de Luxembourg;

Vu le mémoire en réplique déposé en date du 20 mars 1998 au greffe du tribunal administratif par Maître Victor GILLEN au nom de Madame … KRACK;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Michel THILL, demeurant à Luxembourg, du 24 mars 1998 portant signification de ce mémoire en réplique à l’administration communale de la Ville de Luxembourg;

Vu le mémoire en duplique déposé en date du 28 avril 1998 au greffe du tribunal administratif par Maître Roland MICHEL au nom de l’administration communale de la Ville de Luxembourg;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Michel THILL, demeurant à Luxembourg, du 28 avril 1998 portant signification de ce mémoire en duplique à Madame … KRACK;

Vu les pièces versée en cause et notamment la lettre de résiliation du 27 février 1996;

1 Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Victor GILLEN et Roland MICHEL en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 6 mai 1998.

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Considérant que par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 2 septembre 1997, Madame … KRACK, employée privée, demeurant à …, expose avoir été engagée par l’administration communale de la Ville de Luxembourg par plusieurs contrats de travail à durée déterminée en vue d’effectuer des prestations consistant en la préparation et l’organisation du festival de la création « Kulturjoër 1995 », étant entendu qu’en fait elle aurait été appelée à accomplir également d’autres tâches au service de la Ville;

Qu’ainsi un premier contrat a pris cours le 1er juin 1994 pour venir à échéance le 31 août 1994, la période du 1er septembre 1994 au 31 janvier 1995 n’étant pas couverte par un contrat d’emploi, un deuxième contrat à durée déterminée ayant été conclu pour la période du 1er février 1995 au 31 août 1995 et un troisième pour celle du 1er septembre 1995 au 31 décembre 1995;

Que du fait de la continuation de l’emploi entre le 1er septembre 1994 et le 31 janvier 1995 sans qu’un contrat écrit n’ait été conclu, le contrat de travail serait présumé conclu pour une durée indéterminée sans que la preuve contraire ne soit admissible;

Que dans ces conditions le refus de continuation des relations de travail à partir du 1er janvier 1996, sans qu’une lettre de licenciement n’ait été notifiée, devrait être interprété comme un congédiement;

Que le licenciement en question serait nul pour vice de forme sur base de l’article 19 de la loi modifiée du 24 mai 1989 sur le contrat de travail, aucun entretien préalable n’ayant eu lieu;

Que de même, la lettre de résiliation du 27 février 1996, écrite suite à une réclamation du mandataire de la demanderesse du 7 février 1996 ne serait plus de nature à pouvoir transformer le congédiement abusif en licenciement avec préavis au vu de la rupture des relations de travail à partir du 1er janvier 1996;

Que la motivation contenue dans cette lettre serait contestée notamment concernant l’absence de poste vacant auprès de l’administration communale de la Ville de Luxembourg en visant plus spécifiquement le Centre d’Animation Pédagogique et des Loisirs (CAPEL);

Que la demanderesse conclut en ordre principal à l’annulation du licenciement intervenu pour cause de vice de forme, avec maintien dans l’entreprise et continuation du paiement des salaires à partir du 1er mai 1996 sous peine d’une astreinte « non comminatoire » de 50.000.- francs par mois de retard à partir du 1er jour du mois qui suivra la décision intervenue;

Qu’en ordre subsidiaire elle formule une demande en continuation ou de reprise de la relation de travail sur base de l’article 29.2 de la loi modifiée du 24 mai 1989 précitée, sinon une recommandation à l’employeur de consentir à sa réintégration avec maintien de ses droits d’ancienneté;

2 Que plus subsidiairement encore elle conclut à la qualification du licenciement comme étant abusif avec demande en condamnation à des dommages et intérêts en raison d’un million de francs assortis des intérêts légaux à partir de la demande en justice et de la majoration du taux d’intérêt légal à l’expiration d’un délai de trois mois à partir de la notification de la décision à intervenir;

Qu’elle réclame encore une indemnité de procédure de 30.000.- francs sur base de l’article 131-1 du code de procédure civile et demande enfin que la décision à intervenir soit exécutoire par provision nonobstant opposition ou appel et sans caution;

Considérant que la partie défenderesse oppose en premier lieu l’irrecevabilité de la demande pour cause de tardiveté sur base du délai de forclusion de trois mois prévu à l’article 28.2. de la loi précitée du 24 mai 1989;

Qu’au fond elle estime que le licenciement intervenu ne serait ni économiquement, ni socialement anormal pour être, au contraire, conforme aux prescriptions de la loi, tout en demandant en ordre subsidiaire de limiter, le cas échéant, la condamnation de l’administration communale de la Ville de Luxembourg sur base de l’article 29.3. de ladite loi du 24 mai 1989 à un montant compris entre 1.- franc et une mensualité de salaire;

Considérant que saisi d’une demande, le tribunal est appelé en premier lieu à analyser sa compétence;

Considérant qu’il est constant en cause que Madame … KRACK avait saisi le tribunal du travail de Luxembourg (section employés privés) par deux requêtes, déposées respectivement les 12 et 30 juillet 1996, et tendant à voir déclarer nul, sinon abusif le licenciement ci-devant décrit, ensemble les mesures accessoires, dont le contenu est repris mutatis mutandis devant la présente juridiction;

Que par jugement du 17 juin 1997, coulé en force de chose jugée à défaut d’appel interjeté par les parties, le tribunal du travail de et à Luxembourg, section employés privés, s’est déclaré incompétent pour connaître de la demande principale et de la demande additionnelle de Madame … KRACK;

Que pour arriver à cette conclusion, ladite juridiction du travail a relevé qu’il n’était pas contesté entre parties que le statut de Madame … KRACK était celui d’une employée communale à tâche partielle, l’incompétence du tribunal du travail afférente ayant été soulevée à l’époque par la Ville de Luxembourg;

Qu’il est par ailleurs constant en cause et reconnu par les deux parties sur base de la loi modifiée du 24 mai 1989 régissant l’engagement des employés communaux que le contrat de Madame … KRACK a été conclu à durée indéterminée « par suite d’une inadvertance administrative » (cf. lettre du collège échevinal de la Ville de Luxembourg du 27 février 1996);

Que la qualification ainsi retenue sur base de l’accord, du moins implicite afférent des deux parties par un jugement entre-temps coulé en force de chose jugée continue à s’imposer en la présente instance devant le tribunal administratif qui se trouve dès lors saisi d’une demande relative à une décision de résiliation d’un contrat à durée indéterminée d’une 3 employée communale à tâche partielle, s’analysant en une décision administrative individuelle faisant grief;

Considérant que, même formulée sous la forme d’une requête devant un tribunal du travail, la requête introductive du 2 septembre 1997, en ce qu’elle tend en ordre principal à l’annulation pour vice de forme de la décision de résiliation intervenue, puis au maintien, voire à la réintégration de la salariée à son poste initial, est à analyser principalement en un recours en annulation, subsidiairement en un recours en réformation;

Considérant que le tribunal, saisi en ordre principal d’un recours en annulation, est néanmoins amené à analyser de prime abord sa compétence au regard de l’existence éventuelle d’un recours au fond, donnée chaque fois qu’un texte légal spécifique le prévoit à l’exclusion, en cette hypothèse, de tout recours en annulation;

Considérant qu’en vertu de l’article 11 du règlement grand-ducal du 26 mai 1975 portant assimilation du régime des employés communaux à celui des employés de l’Etat, pris en application de l’article 13 de la loi modifiée du 27 janvier 1972 fixant le régime des employés de l’Etat, un recours de pleine juridiction est prévu à la fois pour les contestations résultant du contrat d’emploi et celles relatives à sa rémunération, parmi lesquelles il échet de comprendre celles relatives au licenciement d’un employé communal ainsi visé;

Que par voie de conséquence le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation, dans la mesure de sa compétence d’attribution telle que circonscrite par l’article 95bis de la Constitution retenant que le contentieux administratif est du ressort du tribunal administratif et de la Cour administrative, ces juridictions connaissant du contentieux fiscal dans le cas et sous les conditions déterminés par la loi;

Considérant qu’en vertu de l’article 84 de la Constitution, les contestations qui ont pour objet des droits civils sont exclusivement du ressort des tribunaux de l’ordre judiciaire;

Qu’il s’ensuit que le tribunal administratif, tout en étant compétent en principe pour connaître du recours en réformation dirigé contre la décision de résiliation de l’engagement de Madame KRACK auprès de la Ville de Luxembourg, est cependant sans compétence dans la mesure où le recours vise l’indemnisation du préjudice, matériel et moral, tel qu’allégué par la demanderesse;

Considérant que le recours en réformation ainsi circonscrit est également recevable pour avoir été formé dans les formes et délai légaux, aucune indication des voies de recours n’ayant accompagné la décision de résiliation prévisée du 27 février 1996;

Considérant que le recours en annulation introduit en ordre principal est dès lors irrecevable, étant entendu que dans le cadre du recours en réformation déposé la partie demanderesse peut valablement faire valoir des moyens tendant à l’annulation de la décision déférée;

Considérant que, rendu attentif par le tribunal sur les questions pouvant se dégager, le cas échéant, de la qualification de la relation de travail de Madame KRACK auprès de l’administration communale de la Ville Luxembourg, notamment en ce qui concerne les droits de la défense concernant des textes juridiques non directement visés par les moyens proposés 4 par les parties, l’avocat de la demanderesse s’est déclaré d’accord à voir statuer ce qu’en droit il appartiendra sans autre forme de rupture du délibéré;

Que l’avocat de la défenderesse, ayant proposé la qualification d’employée communale à tâche partielle, ainsi qu’il résulte des motifs du jugement précité du tribunal du travail de Luxembourg du 17 juin 1997 et ayant conclu notamment dans son mémoire en duplique en se référant au statut des employés communaux, sa mandante serait malvenue à se plaindre de l’inobservation des droits de la défense en l’espèce du fait de l’application des dispositions régissant les dits employés communaux;

Considérant qu’il est constant en cause que la question de la compétence de l’autorité administrative ayant pris la décision déférée est d’ordre public et doit dès lors être soulevée d’office par le tribunal saisi;

Considérant qu’en l’espèce la lettre de licenciement déférée du 27 février 1996, tout comme les différents contrats de louage conclus entre parties émanent, pour la Ville de Luxembourg, de son collège des bourgmestre et échevins en fonctions;

Considérant que d’après l’article 4 du règlement grand-ducal du 26 mai 1975 précité l’engagement de l’employé communal est effectué par le conseil communal sous l’approbation du ministre de l’Intérieur, tandis que d’après son article 5 la résiliation dudit contrat d’engagement est prononcée pareillement par le conseil communal, sous l’approbation du ministre de l’Intérieur;

Que force est dès lors de constater que le collège des bourgmestre et échevins a été incompétent en l’espèce pour prononcer la résiliation du contrat à durée indéterminée de Madame KRACK, de sorte que la décision du 27 février 1996 déférée encourt l’annulation;

Que par voie de conséquence, il devient superflu de statuer sur le mérite des autres moyens proposés, à l’exception de ceux tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure, ainsi qu’à l’attribution du caractère exécutoire, nonobstant toute voie de recours, à la décision à intervenir;

Considérant que les conditions légales en vue de l’obtention d’une indemnité de procédure sur base de l’article 131-1 du code de procédure civile n’étant pas remplies en l’espèce, il y a lieu d’en débouter la partie demanderesse;

Considérant que suivant l’article 99.10 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif « pendant le délai et l’instance d’appel il sera sursis à l’exécution des jugements ayant annulé ou réformé des décisions attaquées »;

Qu’il découle de cette disposition que le législateur n’a pas conféré au tribunal administratif le pouvoir de revêtir ses jugements du caractère exécutoire par provision nonobstant appel ou opposition et sans caution, de sorte que la demande afférente est à rejeter;

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement;

5 se déclare compétent pour connaître du recours en réformation, à l’exception des éléments visant l’indemnisation du préjudice tel qu’allégué par la demanderesse;

dans cette mesure le dit recevable et fondé;

partant annule la décision du collège des bourgmestre et échevins de la Ville de Luxembourg du 27 février 1996 et renvoie l’affaire devant le conseil communal de la Ville de Luxembourg;

rejette la demande en exécution provisoire du jugement à intervenir, nonobstant appel ou opposition et sans caution;

dit le recours en annulation irrecevable;

condamne l’administration communale de la Ville de Luxembourg aux frais;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 12 mai 1998 par:

M. Delaporte, premier vice-président M. Campill, premier juge M. Schroeder, juge en présence de Monsieur Schmit, greffier en chef.

Schmit Delaporte greffier en chef premier vice-président 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 10266
Date de la décision : 12/05/1998

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1998-05-12;10266 ?

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