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11/05/1998 | LUXEMBOURG | N°10345

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 11 mai 1998, 10345


N° 10345 du rôle Inscrit le 20 juin 1997 Audience publique du 11 mai 1998 Recours formé par Monsieur … HALILOVIC et Madame … GOJAC contre le ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 10345 et déposée au greffe du tribunal administratif le 1er octobre 1997 par Maître Nicolas DECKER, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, aux noms de Monsieur … HALILOVIC et de son épouse … GOJAC, demeurant tou

s les deux à …, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du...

N° 10345 du rôle Inscrit le 20 juin 1997 Audience publique du 11 mai 1998 Recours formé par Monsieur … HALILOVIC et Madame … GOJAC contre le ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 10345 et déposée au greffe du tribunal administratif le 1er octobre 1997 par Maître Nicolas DECKER, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, aux noms de Monsieur … HALILOVIC et de son épouse … GOJAC, demeurant tous les deux à …, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 14 août 1997 par laquelle leur demande en reconnaissance du statut de réfugié a été refusée;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 20 octobre 1997;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Nicolas DECKER et Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives.

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En date du 10 octobre 1996, Monsieur … HALILOVIC et son épouse Madame … GOJAC, de nationalité yougoslave, de confession musulmane et originaire du Monténégro, ont sollicité oralement la reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Ils ont été entendus séparément en date des 10 octobre 1996, 24 janvier et 4 mars 1997 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de leur demande et sur le déroulement de leur voyage vers le Luxembourg.

Sur avis défavorable de la commission consultative pour les réfugiés du 10 juillet 1997, le ministre de la Justice a informé les époux HALILOVIC-GOJAC, par lettre du 14 août 1997, notifiée le 10 septembre 1997, que leur demande était rejetée aux motifs suivants: « (…) vous restez en défaut d’établir une crainte justifiée par une persecution au sens de la Convention de Genève Par requête déposée le 1er octobre 1997, Monsieur et Madame HALILOVIC-

GOJAC ont introduit un recours en réformation contre la décision ministérielle du 14 août 1997.

A l’appui de leur recours, les demandeurs exposent qu’ils habitaient la ville de Podgorica au Monténégro où ils exploitaient un café, qu’ils sont musulmans et sympathisants du parti SDA. Ils relèvent plus particulièrement qu’ils auraient été persécutés par des nationalistes serbes qui, au mois de mai 1996, auraient fait exploser une bombe dans leur café. Ils relèvent encore qu’après avoir procédé à la réparation des locaux du café, une deuxième bombe y aurait explosé. Ils indiquent finalement qu’en septembre 1996, le père de Monsieur … HALILOVIC aurait été tué par les Serbes lors d’une réunion politique du parti SDA à Podgorica. Ils estiment dès lors remplir les conditions pour pouvoir bénéficier du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève.

Le délégué du gouvernement rétorque que les craintes invoquées par les demandeurs ne sont pas crédibles, étant donné que les récits respectifs des époux HALILOVIC-GOJAC seraient semés de contradictions, en relevant certaines divergences au niveau du déroulement du voyage et au niveau des motifs à la base de la demande d’asile. Il souligne qu’il subsisterait encore de nombreux et importants points d’interrogation même après que les demandeurs avaient eu l’occasion de s’expliquer sur les divergences lors d’une audition complémentaire. Cet ensemble d’éléments a amené le ministre de la Justice à conclure que les demandeurs, qui par ailleurs n’ont pas apporté des preuves matérielles au sujet des incidents rapportés, ne sauraient bénéficier du doute et qu’une crainte justifiée d’une persécution en raison d’une des causes prévues par la Convention de Genève n’est pas établie.

Le recours en réformation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Le tribunal doit analyser, dans le cadre du recours en réformation, si le demandeur remplit les conditions légales en vue de l’obtention du statut de réfugié politique.

Aux termes de l’article premier, section A, § 2, de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière 2 des demandeurs d’asile qui doivent établir, concrètement, que leur situation subjective spécifique ait été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour leur personne.

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur.

En l’espèce, lors des auditions des 10 octobre 1996, 24 janvier et 4 mars 1997, Monsieur … HALILOVIC a fait valoir que lui et son épouse ont quitté leur village le 1er octobre 1996 vers minuit pour se diriger vers la frontière albanaise, qui serait à une heure de marche. Ils auraient pu traverser seul la frontière et, une heure après avoir traversé la frontière, ils ont pris le bateau qu’il avait organisé. Le voyage sur le bateau se serait déroulé sans incident et après une heure et vingt minutes passé sur le bateau, ils seraient arrivés à la côte italienne où ils seraient descendu dans l’eau et ils se seraient mouillés. Il affirme « que sur le bateau tout s’est bien passé avec le passeur et il n’y avait pas de différends avec lui ». Le passeur les aurait déposé à un endroit où il y avait des gitans. Ils seraient restés toute la journée auprès des gitans et ils seraient partie la nuit suivante. Ils auraient payé d’avance 1.000 DM et auraient donné quelques bijoux pour que les gitans les conduisent à Luxembourg. Lorsqu’ils seraient montés dans la voiture, les gitans les ont obligés de leur laisser leur sac qui contenait leurs vêtements ainsi que leurs papiers d’identité. Sous la menace des gitans, ils seraient alors partis malgré eux pour arriver au Luxembourg après 5 heures de voyage.

Le récit de l’épouse de Monsieur … HALILOVIC concernant leur voyage pour arriver au Luxembourg est le suivant: Ils seraient partis le 1er octobre 1996 de leur village pour traverser d’abord la frontière albanaise. Après cette frontière, ils auraient rencontré des gitans auprès desquels ils auraient passé 2 nuits. La 3e nuit, un passeur les aurait fait monter sur un bateau qui les aurait amenés en Italie. Le passeur, en menaçant Madame … GOJAC, aurait gardé le sac de cette dernière, dans lequel se trouvait l’argent des époux et leurs papiers d’identité. Monsieur … HALILOVIC ne pouvait rien faire, étant donné qu’il était déjà descendu du bateau. Elle affirme qu’ils sont descendus sur terre ferme où ils ont rencontré des gitans qui auraient accepté de les héberger et de les conduire au Luxembourg après avoir obtenu leurs bijoux. Le nombre de bagues, de chaines en or, de bracelets, de pendatifs donnés aux gitans, diffère sensiblement avec celui avancé par Monsieur … HALILOVIC. Elle affirme également qu’ils n’avaient plus d’argent liquide pour donner aux gitans.

Pour ce qui des motifs de la demande, le tribunal constate également que les déclarations de Monsieur HALILOVIC divergent de façon importante de celles de son épouse. En effet Monsieur HALILOVIC a exposé que ses problèmes étaient dus à cause du café qu’il détenait. Une première bombe a explosé dans son café 6 mois avant leur départ, soit vers le 10 avril 1996. Il estime que « c’était juste après que la guerre en Bosnie s’est calmée et les serbes ont cherché une autre place pour faire la guerre. » Après réparation des dégâts et réouverture du café, une deuxième bombe aurait explosé au début du mois de juillet 1996. Suite à cet événement, ils auraient décidé de partir. Il aurait encore travaillé sur le marché de légumes afin de gagner l’argent nécessaire pour financer leur départ. Il indique encore que son père aurait été tué au mois de septembre 1996 par des serbes lors d’une réunion du SDA à Podgorica.

3 Après le décès de son père, il aurait reçu des menaces orales de la part des serbes, mais qu’il aurait été le seul membre de sa famille à avoir eu ces problèmes.

Madame … GOJAC, de son côté, fait valoir, que leurs problèmes auraient commencé lors des préparatifs pour les élections, du fait que son beau-père était le candidat choisi du parti libéral. Elle affirme que « les Serbes ont entendu cela et ils ont jeté des bombes dans le café ». La première bombé aurait explosé dans leur café au début du mois d’avril, tandis que la deuxième aurait explosé un mois ou un mois et demi avant leur départ, donc au courant du mois d’août ou début septembre. Elle relève encore qu’ils auraient reçu des menaces verbales des serbes, mais qu’il n’y aurait pas eu de maltraitements physiques. A un moment donné, le père de son mari aurait disparu et des voisins leur auraient dit qu’il avait été tué lors d’une réunion du parti libéral du Monténégro et que lors de cette réunion, il y aurait encore eu d’autres morts et blessés. Suite à cette information, son beau-frère serait parti pour se renseigner auprès de la police et les Serbes l’auraient alors mis en prison. Ce serait suite à cette arrestation que son époux avait décidé qu’ils allaient quitter le pays.

Lors de son audition en date du 24 janvier 1997, Monsieur … HALILOVIC fait valoir que son frère serait en prison depuis une année pour avoir prononcé des paroles anti-serbes, alors que lors de ses déclarations initiales, il avait affirmé être le seul de sa famille à avoir eu des problèmes avec les Serbes. Il a également affirmé qu’il n’y avait pas eu d’articles de presse ni au sujet des bombes qui avaient explosé dans leur café ni au sujet des incidents qui se seraient déroulés lors de la réunion du parti politique, où son père aurait trouvé la mort. Il indique également qu’il lui est impossible de se procurer un acte de décès de son père.

Lors de leur audition du 4 mars 1997, leur attention a été attiré sur les contradictions qui ressortissaient de leurs récits respectifs. Cependant, ils n’ont pas su expliquer ces divergences et n’ont pas pu donner de réponses satisfaisantes à leur sujet.

Dans ces circonstances, et à défaut de produire le moindre élément de preuve objective au sujet des incidents rapportés, la version des faits avancée par les demandeurs n’est pas crédible.

De surcroît, les déclarations des demandeurs sont extrêmement vagues et non autrement circonstanciées en fait, de sorte que, en considération de ce qui précède, elles n’entraînent pas la conviction du tribunal quant à leur bien-fondé.

Les informations fournies par Monsieur HALILOVIC et son épouse Madame … GOJAC n’étant pas crédibles, le ministre a légalement pu retenir que les demandeurs n’ont pas fait état, de façon crédible, de persécutions vécues ou de craintes qui seraient telles que la vie leur serait, à raison, intolérable dans leur pays.

Le recours en réformation est partant à écarter comme non fondé.

Par ces motifs, 4 le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, Mme Lamesch, juge, et lu à l’audience publique du 11 mai 1998 par le vice-président, en présence de Monsieur Legille, greffier.

Legille Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 10345
Date de la décision : 11/05/1998

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1998-05-11;10345 ?

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