N° 10685 du rôle Inscrit le 30 avril 1998 Audience publique du 6 mai 1998
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Recours formé par Monsieur…WIGG contre une décision du président de la commission d’examen du ministère de la Culture en matière de refus d’admission à un examen-concours - effet suspensif -
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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 10685 et déposée en date du 30 avril 1998 au greffe du tribunal administratif par Maître Charles OSSOLA, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur…WIGG, demeurant à …, contenant une demande d’effet suspensif tendant à voir prononcer le sursis à exécution d’une décision du président de la commission d’examen du ministère de la Culture prise en date du 17 avril 1998 portant refus de l’admettre à passer l’examen-concours en vue du recrutement d’un(e) assistant(e) scientifique appelé(e) à assurer la gestion de la collection spéciale numismatique du musée national d’Histoire et d’Art;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 4 mai 1998 par le délégué du gouvernement;
Vu le mémoire en réplique déposé au nom du demandeur en date du 4 mai 1998;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Charles OSSOLA ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.
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Le 30 mars 1998, Monsieur…WIGG, de nationalité anglaise, demeurant à …, introduisit une demande pour être admis à passer l’examen-concours, annoncé par voie de presse par le ministre de la Culture, en vue du recrutement d’un(e) assistant(e) scientifique appelé(e) à assurer la gestion de la collection spéciale numismatique du musée national d’Histoire et d’Art.
1 Par lettre du 17 avril 1998, Monsieur Paul REILES, en sa qualité de président de la commission d’examen du ministère de la Culture, informa Monsieur WIGG que sa candidature avait été rejetée au motif qu’il n’est pas luxembourgeois et, ainsi, ne remplit pas la condition de nationalité exigée par les dispositions applicables.
En date du 30 avril 1998, Monsieur WIGG introduisit devant le tribunal administratif un recours en annulation de la prédite décision du président de la commission d’examen du ministère de la Culture.
A l’appui de ce recours, il invoque l’illégalité de la décision litigieuse au motif que la Cour de Justice des Communautés Européennes, par arrêt du 2 juillet 1996, dans un litige opposant la Commission des Communautés Européennes à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, a décidé et imposé à ce dernier de limiter l’exigence de la nationalité luxembourgeoise à l’accès aux emplois de fonctionnaire et d’employé public qui comportent une participation, directe ou indirecte, à l’exercice de la puissance publique et aux fonctions qui ont pour objet la sauvegarde des intérêts généraux de l’Etat, dans les secteurs publics de la recherche, de l’enseignement, de la santé, des transports terrestres, des postes et télécommunications et dans les services de distribution d’eau, de gaz et d’électricité, et que le poste dont question en l’espèce ne relèverait ni de l’exercice de la puissance publique, ni de la sauvegarde des intérêts de l’Etat dans lesdits secteurs publics. Dans ce contexte, il invoque encore la violation des articles 48, § 1-3 du traité CE qui consacre le principe de la libre circulation des travailleurs et l’abolition de toute discrimination, fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des Etats membres, soutenant que la dérogation prévue au § 4 dudit article 48 serait inapplicable. Enfin, il soulève la violation des articles 1er et 7 du règlement n°1612-68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté.
Par requête séparée, Monsieur WIGG a sollicité un sursis à exécution de la décision litigieuse, en attendant qu’il soit statué sur le recours au fond.
Le présent jugement est appelé à toiser uniquement la question de la demande d’effet suspensif.
A l’appui de sa demande d’effet suspensif, le demandeur soutient que les deux conditions à l’octroi d’un sursis à exécution, à savoir que, d’une part, les moyens invoqués à l’appui du recours apparaissent comme sérieux et, d’autre part, l’exécution de la décision attaquée risque de lui causer un préjudice grave et irréparable, seraient remplies en l’espèce.
Il sollicite encore une indemnité de procédure de 30.000.- francs sur base de l’article 131-1 du code de procédure civile.
Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement souligne tout d’abord que les conditions d’obtention d’un sursis à exécution ne seraient pas remplies, étant donné que le moyen invoqué à l’appui du recours au fond, tiré du non-respect de l’arrêt du 2 juillet 1996 de la Cour de Justice des Communautés Européennes, ne serait pas fondé et que le demandeur ne saurait faire valoir un risque de préjudice grave et définitif, dès lors qu’il pourrait se présenter à un examen ultérieur ou, si le poste avait été attribué à un autre candidat, qu’il pourrait assigner, le cas échéant, l’Etat en responsabilité.
2 Le représentant étatique ajoute que la demande de sursis serait encore à rejeter au motif que, même en admettant que le demandeur puisse participer au concours en sa qualité de citoyen de l’Union Européenne, il ne remplirait pas toutes les autres conditions pour accéder à la fonction publique, notamment une connaissance adéquate des trois langues administratives.
Il conclut enfin au rejet de l’indemnité de procédure sollicitée.
La demande d’effet suspensif ayant été introduite dans les formes et délai de la loi, elle est recevable, sous ce rapport.
Il est vrai qu’il découle tant de l’article 8, (3) 5e alinéa de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif que de l’article 3 de l’arrêté royal grand-ducal du 21 août 1866 portant règlement de procédure en matière de contentieux devant le Conseil d’Etat, maintenu en vigueur par l’article 98 alinéa 1er de ladite loi du 7 novembre 1996, que le recours contentieux n’aura pas d’effet suspensif, à moins qu’il n’en soit autrement ordonné par la juridiction administrative saisie. Il est, en outre, constant que le sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au demandeur un préjudice grave et irréparable, et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours apparaissent comme sérieux.
Il est vrai encore que le caractère sérieux des arguments avancés par la partie demanderesse ne saurait de prime abord être exclu et que le demandeur risque d’encourir un préjudice grave et définitif en ne pouvant pas passer l’examen-concours en cause fixé au 7 mai 1998, car il perd une chance de pouvoir, le cas échéant, obtenir le poste offert.
Il n’en reste pas moins que la décision litigieuse s’analyse en une décision administrative négative qui ne modifie pas une situation de droit ou de fait antérieure et, comme telle, ne saurait faire l’objet de conclusions à fin de sursis à exécution. En effet, une demande en effet suspensif a, par essence, comme vocation de suspendre les effets d’une décision administrative qui a créé des droits. Une telle demande ne se conçoit pas à l’encontre d’une décision refusant de faire droit à une demande et qui reste sans incidence sur la situation de droit ou de fait ne se conçoit pas, dès lors que l’octroi d’un sursis ne peut avoir pour effet de modifier la situation du demandeur, lequel, même s’il était, le cas échéant, légalement admissible, ne saurait faire valoir un droit d’admission concret à l’examen-concours dont question tant qu’une décision positive l’admettant à passer ledit examen-concours n’est intervenue. Dans ce contexte, il va sans dire que le tribunal, saisi d’une demande de sursis à exécution ne saurait enjoindre à l’administration de faire droit à la demande du pétitionnaire.
Il suit de ce qui précède que - les parties ayant été entendues en leurs observations sur ce point - la demande d’effet suspensif formée par le demandeur est à déclarer irrecevable.
Eu égard à l’issue du présent litige, la demande en allocation d’une indemnité de procédure est à abjuger, comme n’étant pas fondée.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement;
3 déclare la demande d’effet suspensif irrecevable;
rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure;
laisse les frais à charge de la partie demanderesse.
Ainsi jugé par:
M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique extraordinaire du 6 mai 1998, par le vice-président, en présence de M. Schmit, greffier en chef.
s. Schmit s. Schockweiler 4