N° 10394 du rôle Inscrit le 5 novembre 1997 Audience publique du 29 avril 1998
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Recours formé par Monsieur … HESSE contre le ministre de la Justice en matière d’armes prohibées
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Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 5 novembre 1997 par Maître Roy REDING, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … HESSE, …, demeurant à …, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 24 avril 1997, confirmée, sur recours gracieux, par décision du 29 juillet 1997, lui refusant l’autorisation de port d’armes prohibées;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 12 mars 1998;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Roy REDING et Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives.
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Par demande du 25 novembre 1996, Monsieur … HESSE, …, a sollicité auprès du ministre de la Justice, ci-après appelé le « ministre », une autorisation de port d’armes prohibées en faisant valoir qu’en sa qualité d’associé-gérant de deux stations d’essence situées à Rosport et à Stadtbredimus, il est chargé de collecter tous les jours les recettes de ces deux entreprises afin de les amener au siège social à Echternach, où elles sont comptabilisées, triées et préparées, pour être ensuite transportées par ses soins à la banque et qu’afin de garantir sa sécurité personnelle au cours de ces transports de fonds, il souhaite être autorisé à porter une arme à feu.
Le ministre a demandé des renseignements à la brigade de gendarmerie à Echternach, qui a indiqué dans son rapport du 22 janvier 1997 que Monsieur HESSE disposait de l’honorabilité requise, qu’il n’a pas encore fait l’objet de condamnations pénales et qu’il est déjà en possession d’une autorisation de détention d’armes. Il ressort encore de ce rapport que les sommes à transporter quotidiennement par Monsieur HESSE s’élèvaient, au moment de 1 l’établissement du rapport, à un montant situé entre 200.000 et 1.200.000.- francs. Mais néanmoins, la brigade de gendarmerie à Echternach a conclu dans son rapport précité qu’il n’y aurait pas lieu de faire droit à la demande de Monsieur HESSE, étant donné qu’il existe au Luxembourg trois firmes de transport de fonds spécialisées, qui sont susceptibles de prendre en charge la collecte des recettes des trois stations d’essence en question. La brigade mettait en doute la motivation invoquée par Monsieur HESSE en vue d’obtenir l’autorisation de port d’armes en soulignant qu’il serait illogique que Monsieur HESSE devait d’abord transporter les fonds collectés auprès des trois stations d’essence dans une maison privée avant de les déposer à la banque.
Le ministre a rejeté la demande de Monsieur HESSE, par décision du 24 avril 1997, libellée comme suit: « en réponse à votre demande du 25 novembre 1996 au sujet de l’obtention de l’autorisation pour le port d’une arme à feu de poing à des fins de sécurité personnelle lors du transport de recettes de deux stations de débit d’essence à un institut bancaire, j’ai l’honneur de vous informer que le motif invoqué n’est pas reconnu valable au sens de l’al.1er de l’art. 16 de la loi modifiée du 15 mars 1983 sur les armes et munitions.
En effet, beaucoup de commerçants connaissent la même situation et un armement de toutes ces personnes n’est pas concevable. Au besoin il y a lieu de recourir aux services d’une firme spécialisée, ou bien d’effectuer la remise de l’argent liquide à la banque plusieurs fois par jour, afin d’éviter le transport de montants élevés le soir ».
Un recours gracieux introduit le 23 juillet 1997 par le mandataire de Monsieur HESSE contre la décision de refus, a été rejeté par une décision du ministre de la Justice du 29 juillet 1997, qui confirma la décision initiale.
Par requête déposée le 5 novembre 1997, Monsieur HESSE a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation des deux décisions ministérielles critiquées des 24 avril et 29 juillet 1997.
C’est à bon droit que le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours en réformation introduit contre les deux décisions ministérielles critiquées, étant donné que la loi modifiée du 15 mars 1983 sur les armes et munitions ne prévoit pas la possibilité d’introduire un recours de pleine juridiction en la matière. Le tribunal est partant incompétent pour statuer sur la demande principale tendant à la réformation des décisions ministérielles litigieuses.
Le recours subsidiaire en annulation, introduit dans les formes et délai de la loi, est à déclarer recevable.
A l’appui de son recours, le demandeur fait valoir que les décisions critiquées seraient dépourvues d’une motivation suffisante, étant donné qu’elles ne contiendraient aucune mise en doute de la validité des motifs invoqués par lui ni ne feraient référence à son comportement, à sa santé mentale ou à d’éventuels antécédents défavorables dans son chef. Il estime que le ministre aurait dû analyser son cas individuellement par rapport aux quatre critères légaux et motiver sa décision de refus par des circonstances propres à son cas d’espèce.
Le délégué du gouvernement rétorque que le ministre n’a pas eu de raison de mettre en doute le comportement, l’état mental ou les antécédents du demandeur et qu’il n’était partant 2 pas obligé de se prononcer à cet égard. Le ministre se serait en réalité basé sur un autre motif de refus prévu par la loi qui lui permettrait de refuser l’autorisation de port d’armes pour des motifs reconnus valables.
Lors des plaidoiries, le demandeur a encore fait état de ce qu’il était actuellement chargé également de la collecte des recettes provenant de l’exploitation d’une station d’essence installée à Junglinster.
Au vu de la contestation qui lui est soumis quant à une motivation complète des décisions critiquées, le tribunal est amené à vérifier si ces décisions ministérielles comportent une motivation suffisante au vu des critères légaux prévus par l’article 16 de la loi précitée du 15 mars 1983, qui dispose que « l’autorisation (…) de porter (…) des armes et munitions est délivrée par le ministre de la Justice ou son délégué, si les motifs invoqués à l’appui de la demande sont reconnus valables.
L’autorisation peut être refusée lorsqu’il est à craindre que le requérant, compte tenu de son comportement, de son état mental et de ses antécédents, ne fasse un mauvais usage de l’arme ».
La disposition légale précitée contient deux volets différents: d’une part, elle se réfère à un critère positif selon lequel le demandeur doit établir qu’il a des motifs valables pour requérir l’autorisation de port d’armes, et, d’autre part, elle se réfère à un critère négatif, autorisant le ministre à refuser l’autorisation même au cas où le demandeur invoque des motifs valables, en prenant en considération son comportement, son état mental, ses antécédents ou le risque qu’il fasse un mauvais usage de l’arme. En l’espèce, il échet de constater que le ministre s’est basé sur ce que les motifs invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande ne sont pas reconnus valables. Le motif de refus qui se trouve à la base de la décision de refus du 24 avril 1997, est d’ailleurs expressément indiqué à l’alinéa premier de cette décision et partant il ne saurait y avoir de doute quant au type de motif invoqué par le ministre. Par ailleurs, afin de fonder son motif de refus, le ministre a, dans le deuxième alinéa de la décision précitée, donné un complément d’informations au demandeur, tenant compte de la situation individuelle de celui-
ci, afin de lui expliquer les raisons pour lesquelles il estime que les motifs invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande ne sont pas valables. En tenant compte du contenu de la décision de refus du 24 avril 1997, et du fait que la décision confirmative du 29 juillet 1997 renvoit directement à la décision initiale et que les deux décisions constituent un tout indissociable, le tribunal est amené à constater que les décisions qui lui sont soumises sont motivées à suffisance de droit et partant le moyen afférent invoqué par le demandeur à l’appui de son recours est à écarter.
Le rôle du juge administratif, en présence d’un recours en annulation, se limite à la vérification de la légalité et de la régularité formelles de l’acte administratif attaqué.
L’appréciation des faits échappe au juge de la légalité, qui n’a qu’à vérifier l’exactitude matérielle des faits pris en considération par la décision. Le juge ne peut que vérifier, d’après les pièces et éléments du dossier administratif, si les faits sur lesquels s’est fondée l’administration sont matériellement établis à l’exclusion de tout doute.
En matière d’armes prohibées, le ministre de la Justice est juge de l’opportunité d’octroyer ou de refuser l’autorisation de port d’armes, à condition que son appréciation repose sur des critères objectifs et s’opère d’une manière non arbitraire.
3 C’est à bon droit que le ministre a estimé, d’une manière générale, qu’il n’était pas approprié d’autoriser chaque commerçant transportant ses recettes à la banque à porter une arme à feu, en raison des risques qui sont liés à la multitude d’armes en possession des particuliers tenant notamment aux vols d’armes et aux usages non autorisés.
C’est encore à bon droit que le ministre a estimé qu’il n’y a pas lieu d’autoriser le demandeur à porter une arme prohibée étant donné qu’il existe dans le cas d’espèce des possibilités permettant au demandeur de recourir aux services de firmes spécialisées en matière de transports de fonds qui pourraient se charger de la collecte et du transport des recettes des stations de service du demandeur. En se fondant sur ces considérations, le ministre n’a pas excédé les limites de son pouvoir d’appréciation dans le cadre des attributions lui conféré par la loi précitée du 15 mars 1983 et il a donc légalement pu refuser l’autorisation de port d’armes sollicitée.
Il ressort des développements qui précèdent que le recours en annulation n’est pas fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;
se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation;
reçoit le recours en annulation en la forme;
au fond le déclare non justifié et en déboute;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par:
M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 29 avril 1998, par le vice-président, en présence de Monsieur Legille, greffier.
Legille Schockweiler 4