N° 10296 du rôle Inscrit le 18 septembre 1997 Audience publique du 29 avril 1998
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Recours formé par Monsieur … FEDERSPIEL et son épouse Madame … KRAEMER contre la commune de Consdorf en matière de permis de construire - fermeture de chantier
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Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 18 septembre 1997, par Maître Joseph HANSEN, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, aux noms de Monsieur … FEDERSPIEL et de son épouse Madame … KRAEMER, demeurant ensemble à …, tendant à l’annulation d’une décision du bourgmestre de la commune de Consdorf du 18 août 1997, sinon, pour autant que de besoin, d’un arrêté de fermeture du chantier du même bourgmestre du 30 janvier 1997, ayant ordonné l’arrêt immédiat des travaux de construction relatifs à un manège à construire à Breidweiler, 11, rue du Village;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Alex MERTZIG, demeurant à Diekirch, du 11 septembre 1997, par lequel cette requête a été signifiée à l’administration communale de Consdorf;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 11 décembre 1997 par Maître Henri FRANK, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Consdorf;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Guy ENGEL, demeurant à Luxembourg, du 27 novembre 1997, par lequel ce mémoire en réponse a été signifié aux demandeurs;
Vu le mémoire en réplique déposé, au nom des demandeurs, par Maître Joseph HANSEN en date du 6 février 1998;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Jean-Lou THILL, demeurant à Luxembourg, du 3 février 1998, par lequel ce mémoire en réplique a été signifié à l’administration communale de Consdorf;
Vu le mémoire en duplique, intitulé « mémoire en réponse », déposé en date du 26 février 1998, par Maître Henri FRANK, au nom de l’administration communale de Consdorf;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Guy ENGEL, demeurant à Luxembourg, du 20 février 1998, par lequel ce mémoire en duplique a été signifié aux demandeurs;
1 Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maîtres Joseph HANSEN et Henri FRANK en leurs plaidoiries respectives.
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Monsieur et Madame … FEDERSPIEL-KRAEMER, ci-après dénommés « les consorts FEDERSPIEL », ont obtenu en date du 28 mars 1996 du bourgmestre de la commune de Consdorf, ci-après dénommé le «bourgmestre», l’autorisation de construire un manège sur un terrain situé à Breidweiler, 11, rue du Village.
Par arrêté du 30 janvier 1997, le bourgmestre a ordonné la fermeture avec effet immédiat du chantier des consorts FEDERSPIEL au motif que les travaux de construction du manège ne respecteraient pas les plans de construction autorisés le 28 mars 1996 et qu’ils seraient partant effectués « en fraude ».
Par lettre du 6 février 1997, le mandataire des consorts FEDERSPIEL a informé le bourgmestre qu’à son avis la construction était parfaitement conforme aux plans de situation autorisés par le bourgmestre en date du 28 mars 1996 et il a, par conséquent, prié le bourgmestre de reconsidérer sa décision et de lever son interdiction de poursuivre les travaux.
Il ressort du dossier que lors d’une visite des lieux contradictoire à laquelle ont assisté les consorts FEDERSPIEL et les membres du collège échevinal de la commune de Consdorf en date du 11 février 1997, le bourgmestre a critiqué la hauteur de la corniche de la nouvelle construction, en estimant que celle-ci n’était pas conforme à l’autorisation accordée.
Il ressort d’une expertise effectuée à la demande des consorts FEDERSPIEL, par un architecte diplômé, que la hauteur de la corniche du manège au-dessus du terrain naturel correspondrait à la fois aux plans de construction et à la réalité. En conclusion à son étude datée du 17 mars 1997, l’expert a affirmé qu’à son avis l’implantation du hall-manège correspondrait aux plans autorisés.
Dans un courrier du 15 avril 1997 adressé aux consorts FEDERSPIEL, le bourgmestre leur rappelle son arrêté du 30 janvier 1997, en les informant que l’interdiction de continuer la construction du manège ne pourra être «annulée» que s’ils respectent scrupuleusement toutes les mesures et indications figurant sur les plans autorisés en date du 28 mars 1996.
Par lettre du 30 avril 1997, le mandataire des consorts FEDERSPIEL a prié le bourgmestre d’analyser la légalité de son autorisation de construire, notamment en ce qui concerne la hauteur des bâtiments, par rapport au règlement sur les bâtisses et plus particulièrement quant à l’article 3.9. de ce règlement. Dans la prédite lettre, le mandataire a estimé que la hauteur de la corniche de 6,5 mètres devrait être mesurée à partir du niveau de l’axe de la voie publique et non pas par rapport au terrain naturel comme l’aurait fait le bourgmestre dans son autorisation de construire, en admettant que les plans de construction soumis au bourgmestre ne contenaient aucune indication quant à la hauteur de la corniche.
Comme le bourgmestre aurait pris comme repère, dans son autorisation, le terrain naturel autour de la construction, et non pas l’axe de la voie publique, le mandataire en question en a 2 tiré la conclusion que le bourgmestre aurait imposé des obligations outrepassant sa compétence et qu’il devrait par conséquent retirer son arrêté de fermeture du chantier.
En date du 14 juillet 1997, le mandataire des consorts FEDERSPIEL a informé le bourgmestre qu’en l’absence d’une réaction de sa part à la lettre précitée du 30 avril 1997, ses mandants continueraient avec les travaux de finition du manège.
Par lettre du 18 août 1997, le bourgmestre a porté à la connaissance des consorts FEDERSPIEL qu’il a dû constater qu’ils ont recommencé les travaux de construction du manège, malgré son arreté du 30 janvier 1997 et sa lettre du 15 avril 1997, et il a partant sommé les parties en cause d’arrêter immédiatement tous travaux.
Le 18 septembre 1997, les consorts FEDERSPIEL ont introduit un recours en annulation contre la décision du bourgmestre du 18 août 1997 et, pour autant que de besoin, contre l’arrêté du bourgmestre du 30 janvier 1997, par lesquels l’arrêt immédiat de tous travaux de construction relatifs au manège à construire à Breidweiler a été ordonné.
A l’appui de leur recours, les demandeurs concluent d’abord à la recevabilité de leur requête comme ayant été introduite dans les formes et délai de la loi. Quant au délai, ils font valoir que le délai contentieux ne court qu’à partir de la communication des motifs, ainsi qu’à partir du moment où les décisions indiquent les voies de recours appropriées.
Quant au fond, ils soutiennent que les deux décisions attaquées n’indiquent pas les motifs se trouvant à leur base et que partant il y aurait lieu de les annuler purement et simplement.
Ils exposent en ordre subsidiaire que la construction envisagée ne viole ni le règlement sur les bâtisses ni l’autorisation de construire du bourgmestre ensemble les plans qui en font partie intégrante.
L’administration communale de Consdorf conclut à l’irrecevabilité du recours comme ayant été introduit tardivement au motif que la décision du 18 août 1997 constitue une confirmation pure et simple de la décision du 30 janvier 1997 et que le recours en annulation a été introduit plus de trois mois après cette dernière décision.
Quant au fond, l’administration communale estime que les demandeurs ont manifestement violé les conditions de l’autorisation de construire en omettant d’excaver leur terrain en vue de l’implantation de leur construction, en préférant installer celle-ci sur le terrain naturel.
Aucune disposition légale ou réglementaire ne prévoyant un recours de pleine juridiction en matière de décision portant sur une fermeture de chantier, seul un recours en annulation a pu être formé à l’encontre des décisions attaquées.
Le tribunal est amené à analyser d’abord la recevabilité du recours en annulation au vu du moyen invoqué par l’administration communale de Consdorf selon lequel le recours en annulation aurait été introduit tardivement en ce qu’il a été introduit plus de trois mois après la décision du 30 janvier 1997 et, en ce que le recours serait également à considérer comme étant tardif par rapport à la décision du 18 août 1997, au motif que cette deuxième décision ne ferait 3 que confirmer la décision initiale et qu’elle aurait été rendue sur base des mêmes éléments que la décision initiale.
Conformément à l’article 11, alinéa 1er de l’arrêté royal grand-ducal modifié du 21 août 1866 portant règlement de procédure en matière de contentieux devant le Conseil d’Etat, maintenu en vigueur par l’article 98 (1) de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le délai dans lequel le recours en annulation a pu être introduit contre les décisions attaquées est de trois mois à partir du jour où la décision a été notifiée.
Les décisions faisant l’objet du présent litige ont été rendues respectivement en dates des 30 janvier et 18 août 1997.
Il se dégage des explications fournies par les parties à l’audience, que l’arrêté du 30 janvier 1997 a été rendu public par voie d’affichage et que la décision du 18 août 1997 a été reçue vers le 20 août 1997 par les demandeurs.
Un recours gracieux a été introduit par le mandataire des demandeurs le 6 février 1997 contre la décision initiale du 30 janvier 1997.
Le tribunal constate que c’est à tort que les demandeurs font exposer que la décision du 18 août 1997 constituerait la décision rendue par le bourgmestre à la suite de leur recours gracieux précité du 6 février 1997, alors qu’il ressort du dossier que la lettre du 15 avril 1997 adressée aux demandeurs doit être qualifiée de décision confirmant, sur recours gracieux, la décision initiale du 30 janvier 1997. Comme un recours n’a pas été dirigé contre cette décision confirmative, le tribunal n’est pas saisi de cette décision.
En ce qui concerne la décision du 18 août 1997, le tribunal retient qu’elle n’est pas intervenue à la suite d’éléments nouveaux, mais qu’au contraire elle ne fait que confirmer purement et simplement les deux décisions antérieures des 30 janvier et 15 avril 1997.
La question est de savoir si le recours a été introduit dans le délai contentieux. En l’espèce, il s’agit d’examiner si un délai a commencé à courir et, dans l’affirmative, s’il courait toujours au moment de l’introduction du recours.
Il appartient donc au tribunal d’analyser en premier lieu si la décision initiale du 30 janvier 1997 a fait courir un délai contentieux. Dans ce contexte, les demandeurs contestent qu’un tel délai ait pu commencer à courir et ils concluent à la recevabilité de leur requête introductive d’instance comme ayant été formée dans les délais légaux, au motif que les décisions attaquées violeraient les articles 6, 7 et 14 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes.
L’article 6 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979, dispose en son alinéa 2 que « la décision doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base, lorsqu’elle:
- refuse de faire droit à la demande de l’intéressé;
- révoque ou modifie une décision antérieure, sauf si elle intervient à la demande de l’intéressé et qu’elle y fait droit;
- intervient sur recours gracieux, hiérarchique ou de tutelle;
4 - intervient après procédure consultative, lorsqu’elle diffère de l’avis émis par l’organisme consultatif ou lorsqu’elle accorde une dérogation à une règle générale ».
Un arrêté de fermeture d’un chantier est pris à la seule initiative du bourgmestre et il n’a pas pour objet de révoquer ou de modifier un permis de construire antérieurement délivré.
Un tel arrêté, au sujet duquel aucune procédure consultative n’est prévue et qui n’intervient pas sur recours gracieux ou autre, n’est donc pas visé par l’article 6 en question et il ne doit partant pas énoncer, ab initio, les motifs en droit et en fait. Comme par ailleurs, il ne ressort pas du dossier que les demandeurs ont, conformément à l’alinéa 3 de cet article 6, exigé la communication des motifs, ce moyen est à rejeter.
Quant au moyen invoqué par les demandeurs relatif à une violation de l’article 7 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979, qui dispose que « lorsque la décision doit être motivée, les délais de recours tant contentieux qu’administratifs ne courent qu’à partir de la communication des motifs » est à abjuger également, étant donné que les décisions attaquées ne figurent pas, comme il se dégage des considérations faites ci-avant, parmi les décisions qui doivent contenir une motivation et que, par ailleurs, une communication des motifs n’a pas été sollicitée par les demandeurs.
Enfin, les demandeurs ont invoqué une violation de l’article 14 du règlement grand-
ducal précité du 8 juin 1979, au motif que les décisions attaquées auraient dû indiquer les voies de recours ouvertes contre elles, le délai dans lequel le recours doit être introduit ainsi que l’autorité à laquelle il doit être adressé, ainsi que la manière dans laquelle il doit être présenté.
En présence de cette contestation, le tribunal est amené à analyser si les décisions litigieuses sont visées par cette disposition réglementaire, dont la teneur est la suivante: « les décisions administratives refusant de faire droit, en tout ou en partie, aux requêtes des parties ou révoquant ou modifiant d’office une décision ayant créé ou reconnu des droits doivent indiquer les voies de recours ouvertes contre elles, le délai dans lequel le recours doit être introduit, l’autorité à laquelle il doit être adressé ainsi que la manière dans laquelle il doit être présenté ». Le tribunal constate toutefois que les décisions attaquées ne constituent pas des décisions administratives refusant de faire droit, en tout ou en partie, à des requêtes des demandeurs et qu’elles ne révoquent ou ne modifient pas d’office le permis de construire antérieurement accordé par le bourgmestre. Comme les décisions attaquées ne sont pas visées par l’article 14, le moyen tiré de la violation de ladite disposition réglementaire doit être écarté.
Le délai du recours contentieux a donc commencé à courir à partir de la notification de l’arrêté de fermeture du chantier du 30 janvier 1997. D’après les informations obtenues par les parties à l’instance, ladite décision aurait été affichée à la maison communale à partir de la même date. Comme le tribunal ignore toutefois si les demandeurs ont pu prendre connaissance de cet arrêté tel qu’affiché, mais en présence d’un recours gracieux du 6 février 1997 formé par le mandataire des demandeurs, dont il ressort clairement qu’au plus tard à cette date, les demandeurs ont eu une connaissance intégrale de l’arrêté de fermeture du chantier, le délai du recours contentieux a commencé à courir le 6 février 1997.
La décision confirmative du 15 avril 1997 a été rendue dans le délai du recours contentieux de trois mois. Par conséquent, et conformément à l’article 11 alinéa 2 de l’arrêté royal grand-ducal précité du 21 août 1866, le délai du recours contentieux n’a commencé à courir qu’à partir de la notification de la nouvelle décision qui est intervenue à la suite du recours gracieux. Or, il échet de constater que, malgré qu’il soit mentionné dans la lettre du 15 avril 1997 qu’elle a été envoyée par pli recommandé, il ne ressort d’aucune pièce du dossier 5 qu’elle a effectivement été envoyée par lettre recommandée à l’adresse des demandeurs.
D’ailleurs, lors des plaidoiries, les parties ont affirmé que ladite lettre n’a pas été envoyée par voie recommandée et ils n’ont pour le surplus pas pu indiquer au tribunal la date de notification de la lettre en question. En présence d’une lettre du mandataire des demandeurs du 30 avril 1997 adressée au bourgmestre, qui fait état de la lettre précitée du 15 avril 1997 et de son contenu, il faut constater qu’au plus tard à la date du 30 avril 1997 en question, les demandeurs avaient une connaissance intégrale de la décision confirmative du bourgmestre du 15 avril 1997. Le délai du recours contentieux a donc commencé à courir le 30 avril 1997 pour expirer le 30 juillet 1997.
Le recours contentieux introduit le 18 septembre 1997 a donc été introduit plus de trois mois après la notification de la décision confirmative et le recours doit donc être déclaré irrecevable comme étant tardif.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;
déclare le recours en annulation irrecevable;
condamne les demandeurs aux frais.
Ainsi jugé par:
M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 29 avril 1998 par le vice-président, en présence de Monsieur Legille, greffier.
Legille Schockweiler 6