N° 10010 du rôle Inscrit le 23 mai 1997 Audience publique du 6 avril 1998
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Recours formé par Monsieur … DAUPHIN contre le ministre de l’Intérieur en matière d’aménagement des agglomérations
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Vu la requête déposée le 23 mai 1997 au greffe du tribunal administratif par Maître Edmond DAUPHIN, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … DAUPHIN, …, demeurant …, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Intérieur du 6 février 1997, notifiée à avocat le 24 février 1997, portant approbation de la délibération du conseil communal de la Ville de Luxembourg du 25 avril 1994 portant adoption définitive de la partie écrite du projet d’aménagement général de la Ville et statuant sur un certain nombre de réclamations y apportées;
Vu le mémoire en réponse du délégué de Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 19 février 1998;
Vu le mémoire en réplique déposé par Maître Edmond DAUPHIN au greffe du tribunal administratif en date du 20 mars 1998;
Vu les pièces versées en causes et notamment la décision attaquée;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Edmond DAUPHIN et Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 30 mars 1998.
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Considérant que par une requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 23 mai 1997, Monsieur … DAUPHIN, …, demeurant à …, a formé un recours en annulation contre la décision du ministre de l’Intérieur, datée du 6 février 1997 et notifiée à l’avocat du demandeur le 24 février 1997, décision par laquelle le ministre statuant sur un certain nombre de réclamations, dont celle du demandeur, dirigées contre une délibération du 25 avril 1994 du conseil communal de la Ville de Luxembourg portant adoption définitive de la partie écrite du projet d’aménagement général de la Ville, a déclaré ces réclamations recevables en la forme, mais quant au fond non motivées à suffisance de droit, et par laquelle ce même ministre a approuvé la prédite délibération du 25 avril 1994 dans son entité, sauf qu’il a fait droit à une réclamation;
Qu’il fait exposer plus particulièrement que dans le cadre de la procédure d’adoption du nouveau plan d’aménagement général de la Ville de Luxembourg, voté provisoirement en date du 12 juillet 1993 et définitivement le 25 avril 1994, il avait formulé une objection auprès du collège des bourgmestre et échevins ledit 25 avril 1994 et une réclamation auprès du ministre de l’Intérieur le 8 juin 1994 contre les dispositions de la partie écrite du plan d’aménagement suivant lesquelles un fonds lui appartenant, inscrit au cadastre de la Ville de Luxembourg, section E de Limpertsberg, lot n°1 faisant partie du numéro cadastral 69/2953 d’une contenance de 5 ares 93 centiares, sur lequel est implantée une maison à trois niveaux pleins, ne pouvait plus recevoir sur sa partie non construite cinq garages, lesquels, sous l’ancienne réglementation, auraient pu être autorisés;
Qu’il analyse la décision attaquée sous deux angles de vue, à savoir celui d’acte réglementaire en tant qu’approbation de la délibération du conseil communal en question et celui d’acte individuel en tant que statuant par rapport à sa propre réclamation;
Qu’il fonde son recours sur la violation de l’article 16 de la Constitution ainsi que de l’article 545 du Code civil, de même que des dispositions de la loi du 15 mars 1979 sur l’expropriation pour cause d’utilité publique;
Considérant que dans son mémoire en réponse le délégué du Gouvernement oppose l’irrecevabilité du recours en se prévalant de la jurisprudence de la Cour administrative suivant laquelle la décision du ministre de l’Intérieur, en sa qualité d’autorité de tutelle, participe du caractère réglementaire attaché aux délibérations du conseil communal qu’il est appelé à approuver, en matière de plans d’aménagement, dans le cadre de l’article 9 de la loi modifiée du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes;
Qu’à supposer que le ministre ait statué sur la réclamation en question à l’instar d’un juge de première instance, le recours aurait dû être porté également devant la Cour administrative;
Qu’à titre subsidiaire et quant au fond le représentant étatique retient que le moyen unique soulevé manque d’être fondé;
Que loin de procéder à une expropriation, les autorités communales, en adoptant le projet d’aménagement général nouveau, parties graphiques et écrites, réglementant ainsi l’usage du droit de propriété dans le cadre de la réalisation des objectifs de la loi modifiée du 12 juin 1937 précité, auraient évalué la situation urbanistique existante par rapport à l’ancien projet d’aménagement général en vigueur et auraient ainsi agi en conséquence en apportant les modifications nécessaires audit projet;
Que plus précisément la partie écrite aurait été modifiée en vue de garantir un urbanisme conçu selon les règles de l’art et notamment dans le but d’empêcher la disparition des jardins et des aires de verdure se situant derrière les immeubles au profit de surfaces bétonnées et de maintenir à l’intérieur des îlots construits des surfaces libres où l’eau de pluie pouvait s’écouler de façon naturelle;
Que par sa décision du 6 février 1997 le ministre n’aurait fait qu’entériner les arguments des autorités communales, qui, en modifiant l’article de la partie écrite en question, se sont basées sur des considérations d’urbanisme répondant à une saine gestion du territoire communal;
2 Que loin de porter atteinte au droit de propriété dans le sens d’une dépossession du demandeur, le ministre n’aurait fait que réglementer ce droit dans l’intérêt général;
Considérant que dans son mémoire en réplique le demandeur insiste pour dire que la disposition réglementaire, objet du présent recours, n’est nullement d’utilité générale et de plus contrevient au principe de l’égalité de citoyen devant les charges de la collectivité;
Que cette dépossession sans indemnisation serait contraire à la fois à la Constitution et à la loi;
Considérant qu’aucun recours de pleine juridiction n’étant prévu en la matière, c’est à bon droit que seul un recours en annulation a été introduit devant le tribunal;
Considérant que par arrêt du 6 novembre 1997 rendu entre les mêmes parties, la Cour administrative a statué par rapport à une requête en annulation introduite devant elle sur base de l’article 7 (1) la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, dirigée contre la même décision du ministre de l’Intérieur du 6 février 1997 ayant statué par rapport à la même réclamation et comportant à quelques nuances près la même argumentation basée à la fois sur la Constitution, l’article 545 du Code civil et la loi du 15 mars 1979 concernant l’expropriation pour cause d’utilité publique ;
Que statuant entre les mêmes parties, par rapport à la même décision attaquée pour des griefs identiques sur base d’une argumentation analogue concernant le même fonds, l’arrêt de la Cour administrative du 6 novembre 1997 revêt en l’espèce l’autorité de la chose jugée en ce que notamment la décision du ministre de l’Intérieur statuant sur une réclamation dans le cadre de l’approbation d’une délibération du Conseil communal ayant trait à l’adoption définitive d’un plan d’aménagement général, n’est pas à considérer comme acte autonome, mais comme simple acte de tutelle administrative, au caractère duquel elle participe;
Que l’autorité de chose jugée découlant de l’arrêt en question empêche toute qualification autre relativement aux réclamation et décision ministérielle ainsi couvertes;
Que même si le recours devant la Cour administrative a été jugé irrecevable en ce que la décision approuvée, délibération du 25 avril 1994, a été antérieure à l’entrée en vigueur de la loi du 7 novembre 1996 précitée, 1er janvier 1997, il n’en reste pas moins que le tribunal administratif n’est pas appelé à connaître du recours présentement porté devant lui dans la mesure où la décision déférée ne fait pas partie des décisions administratives à l’égard desquelles aucun autre recours n’est admissible d’après les lois et règlements en vertu de l’article 2 (1) de la prédite loi du 7 novembre 1996;
Que s’agissant plus particulièrement d’une question touchant au droit de propriété garanti par l’article 1er du Protocole additionnel de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, fait à Paris le 20 mars 1952 et approuvé par la loi du 29 août 1953, l’article 13 de la prédite Convention exige à son encontre le droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leur fonction officielle;
Que dans l’hypothèse de l’espèce, où sous l’empire de la législation antérieure à l’entrée en vigueur, le 1er janvier 1997, de la loi précitée du 7 novembre 1996, aucun recours direct n’était prévu contre la décision ministérielle ainsi analysée par la Cour administrative, celle-ci a retenu que pareille décision était toutefois, et restait d’ailleurs à l’heure actuelle, 3 susceptible de faire l’objet d’une exception d’illégalité à produire à l’occasion d’un recours contre une décision individuelle prise ou à prendre sur base de la disposition réglementaire mise en exergue, de sorte à respecter ainsi l’article 13 de la Convention (C.adm. 9 décembre 1997, Stein, Pas. adm. 01/1998 V° Droits de l’homme n°9, page 37);
Que dans la mesure de l’existence ainsi tracée par la jurisprudence de la Cour administrative d’un recours effectif au sens de l’article 13 de la Convention, le tribunal est amené à déclarer la demande lui déférée irrecevable;
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement;
déclare le recours irrecevable;
laisse les frais à charge du demandeur;
Ainsi jugé et prononcé à l’audience du 6 avril 1998 par:
M. Ravarani, président M. Delaporte, premier-vice-président M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.
s. Schmit s. Ravarani 4