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25/03/1998 | LUXEMBOURG | N°10277

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 25 mars 1998, 10277


N° 10277 du rôle Inscrit le 5 septembre 1997 Audience publique du 25 mars 1998

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Recours formé par Monsieur … SKRIJELJ contre le ministre de la Justice en matière d’expulsion

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Vu la requête déposée le 5 septembre 1997 au greffe du tribunal administratif par Maître Roland MICHEL, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … SKRIJELJ, actuellement dé

tenu au Centre Pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig, tendant au sursis à exécution d’un arrêt...

N° 10277 du rôle Inscrit le 5 septembre 1997 Audience publique du 25 mars 1998

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Recours formé par Monsieur … SKRIJELJ contre le ministre de la Justice en matière d’expulsion

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Vu la requête déposée le 5 septembre 1997 au greffe du tribunal administratif par Maître Roland MICHEL, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … SKRIJELJ, actuellement détenu au Centre Pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig, tendant au sursis à exécution d’un arrêté du ministre de la Justice du 25 juin 1997, ordonnant l’expulsion du demandeur, ainsi qu’à l’annulation sinon subsidiairement à la réformation de ladite décision;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 janvier 1998;

Vu les pièces versées en cause et notamment l’arrêté critiqué;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Roland MICHEL et Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

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Le 25 juin 1997, le ministre de la Justice prit un arrêté d’expulsion, sur base de l’article 9 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant: 1. l’entrée et le séjour des étrangers; 2. le contrôle médical des étrangers; 3. l’emploi de la main-d’oeuvre étrangère, à l’encontre de Monsieur … SKRIJELJ, né le 15 janvier 1972, de nationalité yougoslave.

L’expulsion de Monsieur SKRIJELJ était motivée comme suit: « - a été condamné le 23 mai 1995 par le Tribunal d’Arrondissement de Luxembourg à une amende de 20.000.-

LUF du chef de coups et blessures ayant entraîné une incapacité de travail personnel; - a été condamné le 21 janvier 1997 par la Cour d’Appel du Grand-Duché de Luxembourg à une peine de prison de 9 mois ainsi qu’à une amende de 30.000.- LUF du chef de coups et blessures volontaires ayant causé une incapacité de travail personnel; - par son comportement personnel l’intéressé constitue un danger pour l’ordre et la sécurité publics ».

1 Par requête déposée le 5 septembre 1997, Monsieur SKRIJELJ a introduit un recours tendant au sursis à exécution de ladite décision ministérielle, ainsi qu’à son annulation sinon, à titre subsidiaire, à sa réformation.

A l’appui de sa demande de sursis à exécution, il fait valoir que la décision ministérielle critiquée aurait un effet immédiat à compter de sa notification et qu’en l’espèce son expulsion du territoire du Grand-Duché de Luxembourg entraînerait pour lui le risque de perdre son emploi et de perdre le contact avec sa famille qui demeure au Luxembourg, et que partant la décision critiquée lui causerait un préjudice grave et irréparable, en le touchant à la fois dans sa situation professionnelle et dans sa vie familiale. Pour le surplus, il ajoute qu’on ne saurait de prime abord exclure le caractère sérieux de ses moyens.

Quant à sa demande tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation de l’arrêté ministériel critiqué, il reproche au ministre de la Justice d’avoir pris une mesure disproportionnée par rapport à la gravité des faits qui lui sont reprochés et qui ne justifieraient en aucun cas une expulsion.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet de la demande en sursis à exécution, au motif que l’affaire serait en état d’être plaidée et décidée à brève échéance, de sorte que la demande en sursis serait sans objet.

Il estime que le recours en réformation devrait être déclaré irrecevable, au motif que la loi précitée du 28 mars 1972 ne prévoirait pas la possibilité d’introduire un recours en réformation contre un arrêté d’expulsion.

Quant au recours en annulation, il expose que le demandeur serait venu au Luxembourg au courant du mois de mai 1992; qu’entre 1992 et février 1996, il aurait travaillé pendant 8 mois comme garçon de café et que depuis février 1996, il aurait travaillé comme videur et serveur dans un cabaret. Le délégué fait encore état des deux condamnations pénales prononcées à l’encontre du demandeur, à savoir le jugement du 23 mai 1995 prononcé par la chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, en vertu duquel il a été condamné à une amende de 20.000.- francs pour avoir volontairement porté des coups et fait des blessures à autrui, avec la conséquence que ces blessures et coups ont causé une incapacité de travail personnel, et l’arrêt du 21 janvier 1997 de la cour d’appel de Luxembourg, par lequel il a été condamné à une peine d’emprisonnement de 9 mois et à une amende de 30.000.- francs, pour avoir de nouveau volontairement porté des coups et fait des blessures ayant causé une incapacité de travail personnel en administrant avec une barre de blocage du volant d’une voiture un coup sur la tête et le bras de sa victime.

Il soutient que les faits qui ont fait l’objet des deux condamnations pénales précitées seraient suffisants en eux-mêmes pour démontrer que le demandeur compromettrait très gravement l’ordre public et risquerait de le compromettre à nouveau. Il expose encore que lorsque le juge administratif est saisi d’un recours en annulation, il a le droit et l’obligation d’examiner l’existence et l’exactitude des faits matériels qui sont à la base de la décision attaquée, de vérifier si les motifs dûment établis sont de nature à motiver légalement la décision attaquée et de contrôler si la décision n’est pas entachée d’une nullité pour incompétence, excès ou détournement de pouvoir, ou pour violation de la loi ou des formes destinées pour protéger les intérêts privés. Toutefois, le juge ne pourrait pas contrôler l’opportunité de la décision ni se substituer au pouvoir d’appréciation du ministre. Par ailleurs, le fait que le 2 demandeur poursuivait un travail régulier et prenait à charge ses parents, ne changerait absolument rien à la gravité des faits souverainement constatés par les juridictions pénales.

Enfin, le délégué relève que la commission consultative en matière de police des étrangers, devant laquelle le demandeur a comparu, a unanimement décidé que le demandeur, en raison de ses antécédents et au regard du milieu dans lequel il évolue, risquerait de récidiver et a proposé « de prendre d’urgence à son égard une mesure d’éloignement ».

Encore que le demandeur entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation contre la décision critiquée, l’existence d’une telle possibilité rendant irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision.

Il ressort des éléments du dossier, que le ministre de la Justice s’est basé sur l’article 9 de la loi précitée du 28 mars 1972, qui réglemente les conditions dans lesquelles une expulsion peut être décidée. En l’absence d’une disposition légale attribuant compétence au juge administratif de statuer en tant que juge du fond en matière de décisions d’expulsion, le tribunal est incompétent pour connaître de la demande en réformation introduite contre la décision critiquée.

Le recours en annulation, recours de droit commun, introduit à titre principal, est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

La demande en sursis à exécution de la mesure d’expulsion est devenue sans objet, l’affaire étant en état de recevoir une solution au fond par un jugement définitif.

En vertu de l’article 9 de la loi précitée du 28 mars 1972, l’étranger qui, par sa conduite, compromet la tranquillité, l’ordre ou la sécurité publics, peut être expulsé du territoire luxembourgeois.

Une condamnation pénale, sans constituer une cause péremptoire d’expulsion d’un étranger, peut cependant, de par la teneur et la gravité des faits sanctionnés, dénoter un comportement révélant une atteinte grave et actuelle à l’ordre public et justifier une mesure d’expulsion du territoire.

Il ressort des pièces versées que Monsieur SKRIJELJ a subi, par jugement de la chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg du 23 mai 1995, une condamnation définitive à une amende de 20.000.- francs du chef d’avoir volontairement porté des coups et fait des blessures à trois personnes, avec la circonstance que ces blessures et coups ont entraîné une incapacité de travail personnel dans le chef de l’une des victimes. Il ressort encore de ces pièces, que le demandeur a subi, sur base d’un arrêt rendu par la Cour d’appel de Luxembourg en date du 21 janvier 1997, une deuxième condamnation définitive à une peine d’emprisonnement de 9 mois et à une amende de 30.000.- francs du chef d’avoir volontairement porté des coups et fait des blessures ayant causé une incapacité de travail personnel à la victime en lui administrant avec la barre de blocage du volant un coup sur la tête et le bras.

Les faits, souverainement constatés par les juridictions pénales précitées, dans le cadre des deux procès ayant donné lieu au jugement du 23 mai 1995 et à l’arrêt du 21 janvier 1997, 3 démontrent un comportement du demandeur compromettant la tranquillité, l’ordre et la sécurité publics.

Il ressort encore d’un avis émis en date du 2 juin 1997 par la commission consultative en matière de police des étrangers, que celle-ci retient que Monsieur SKRIJELJ, qui a été entendu par la commission en date du 26 mai 1997, assisté de son avocat, serait un sujet très violent et que le milieu professionnel à hauts risques dans lequel il évoluerait depuis plus d’un an ne serait guère « de nature à le ramener sur le bon chemin et surtout à le tenir à l’écart de situations conflictuelles à issue incertaine ». A l’unanimité de ses membres, la commission a proposé qu’une mesure d’éloignement devrait être prise d’urgence à l’encontre du demandeur.

Il suit de ce qui précède que la décision d’expulsion était légalement justifiée.

Cette considération ne saurait être énervée par les explications du demandeur concernant sa situation personnelle et familiale.

Il suit des considérations qui précèdent que le recours en annulation est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation;

déclare la demande en sursis à exécution sans objet;

reçoit le recours en annulation en la forme;

au fond le déclare non justifié et en déboute;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 25 mars 1998 par le vice-président, en présence du greffier.

Legille Schockweiler greffier vice-président 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 10277
Date de la décision : 25/03/1998

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1998-03-25;10277 ?

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