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12/03/1998 | LUXEMBOURG | N°10497C

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 mars 1998, 10497C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 10497C Inscrit le 9 janvier 1998

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Audience publique du 12 mars 1998 Recours formé par le Centre Commercial de Soleuvre S.A. et consorts contre l’Administration Communale de Sanem en matière de mise à la disposition d’un terrain - Appel -



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Vu la requête d’appel déposée le 9 janvier 1998 au greffe de la Cour administrative p

ar Maître André Lutgen, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 10497C Inscrit le 9 janvier 1998

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Audience publique du 12 mars 1998 Recours formé par le Centre Commercial de Soleuvre S.A. et consorts contre l’Administration Communale de Sanem en matière de mise à la disposition d’un terrain - Appel -

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Vu la requête d’appel déposée le 9 janvier 1998 au greffe de la Cour administrative par Maître André Lutgen, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de:

1) la société anonyme CENTRE COMMERCIAL DE SOLEUVRE S.A., avec siège …, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, 2) la société anonyme IMMOBILIERE DE SOLEUVRE S.A., avec siège à …, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, 3) la société anonyme IMMOBILIERE DE BELVAUX S.A., avec siège à …, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, 4) la société anonyme de droit français SODICHAMP S.A., avec siège à …, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, 5) Monsieur … ALAZARD, exploitant d’hypermarché, ayant droit de la société SODICHAMP, préqualifiée, demeurant à …;

1 Vu l’exploit de signification de ladite requête d’appel à l’Administration Communale de Sanem à la date du 6 janvier 1998;

Vu le mémoire en réponse de Maître Georges Margue, assisté par Maître Marc Elvinger, déposé au greffe de la Cour administrative le 9 février 1998 et signifié à la partie adverse à la même date;

Vu les articles 3 et 99 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise;

Ouï le premier conseiller-rapporteur en son rapport, Maîtres André Lutgen, Georges Margue et Marc Elvinger en leurs plaidoiries respectives.

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Par requête signifiée le 6 janvier 1998 et déposée au greffe de la Cour administrative le 9 janvier 1998, 1) la société anonyme CENTRE COMMERCIAL DE SOLEUVRE S.A., avec siège à …, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions;

2) la société anonyme IMMOBILIERE DE SOLEUVRE S.A., avec siège à …, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions;

3) la société anonyme IMMOBILIERE DE BELVAUX S.A., avec siège à …, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions;

4) la société anonyme de droit français SODICHAMP S.A., avec siège à …, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions;

5) Monsieur … ALAZARD, exploitant d’hypermarché, ayant droit de la société SODICHAMP, préqualifiée, demeurant à …;

ont relevé appel d’un jugement rendu le 15 décembre 1997 par le Tribunal administratif entre les appelants et l’administration communale de Sanem dont le dispositif est conçu comme suit:

« Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation, se déclare compétent pour connaître du recours en annulation, 2 déclare le recours irrecevable pour défaut d’intérêt à agir justifié en tant qu’il a été introduit par la société anonyme de droit français SODICHAMP S.A. et par Monsieur … ALAZARD, le déclare recevable pour le surplus, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne les demandeurs aux frais. » Le jugement entrepris a été rendu suite à une requête tendant à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du conseil communal de la commune de Sanem qui avait refusé de mettre à la disposition des requérants et appelants des terrains appartenant à la commune et que les appelants entendent intégrer dans un projet de construction d’une grande surface commerciale.

La décision est plus spécialement attaquée en ce qu’elle a déclaré le recours irrecevable pour défaut d’intérêt dans le chef des appelants sub 4 et 5 ci-dessus.

Quant au fond, les appelants reprochent au jugement entrepris que ce serait à tort que, « après avoir accepté dans une large mesure les moyens développés par les parties requérantes en première instance, …(il) n’a pas fait droit à la demande…en annulation de la décision litigieuse ».

L’examen du jugement du tribunal administratif révèle que, rejetant les arguments des défendeurs concluant à l’incompétence du tribunal administratif alors que la contestation aurait pour objet des droits civils, le tribunal administratif s’est déclaré compétent pour connaître de la demande.

Le tribunal administratif a déclaré le recours recevable pour être dirigé contre une décision finale d’une autorité administrative légalement habilitée à prendre la décision litigieuse, cette décision étant de nature à faire grief.

Au fond, le jugement a écarté les moyens tirés de l’excès et du détournement de pouvoir et de la violation de la loi ou du « principe de la confiance légitime » en estimant qu’ « aucune des délibérations du conseil communal invoquées n’a créé (au profit des requérants) un droit subjectif leur permettant de réclamer la mise à la disposition des terrains appartenant à la commune ». Il a de même rejeté les arguments qualifiant la décision entreprise de contraire à l’intérêt général et a déclaré le recours non fondé.

L’argumentation des appelants tend à faire reconnaître dans leur chef un droit acquis à la formation du contrat devant finaliser la mise à disposition des terrains sollicités et dès lors à l’annulation de la décision entreprise du conseil communal, ceci par réformation du jugement entrepris.

L’administration communale de Sanem a pris attitude dans un mémoire en réponse signifié et déposé le 9 février 1998.

3 L’intimée conclut à la confirmation du jugement en ce qui concerne le défaut d’intérêt des appelants sub 4 et 5.

Elle se rapporte à prudence de justice en ce qui concerne la déclaration de compétence du tribunal administratif. Au fond, l’intimée insiste d’une part sur la nature réglementaire des modifications intervenues au plan d’aménagement de la commune.

Elle conteste l’existence d’un droit acquis des appelants à obtenir la cession des terrains litigieux et soutient que ce serait à bon droit que le tribunal administratif a admis que la décision du conseil communal n’a « rien d’illégal ».

Considérant que l’appel a été interjeté dans les formes et délai de la loi;

qu’il est dès lors recevable en la forme;

Considérant qu’avant d’examiner le mérite des moyens des appelants sur leur intérêt à agir et sur le fond du litige tel qu’il a été apprécié par le tribunal administratif, il convient en premier lieu d’analyser la question de la compétence des juridictions administratives pour connaître de l’objet du recours, compétence contestée par les intimés et défendeurs en première instance et constituant une question d’ordre public comportant l’examen d’office par la Cour;

Considérant que les appelants ont agi en réformation sinon en annulation d’une décision du conseil communal de la commune de Sanem par laquelle le conseil communal a refusé de mettre à leur disposition des terrains appartenant à la commune, ceci, est-il soutenu, au mépris d’engagements antérieurement pris par la commune;

Considérant que le jugement entrepris a retenu qu’en vertu de l’article 84 de la Constitution, les contestations qui ont pour objet des droits civils sont exclusivement du ressort des tribunaux judiciaires et que le critère de l’attribution de compétence est l’objet du droit qui engendre une contestation portée devant le juge;

que le tribunal administratif s’est déclaré compétent pour connaître du recours sur base de la théorie dite des actes détachables donnant au juge administratif compétence « à l’égard des actes par lesquels, usant de son pouvoir d’appréciation, l’autorité administrative prend la disposition préalable nécessaire pour que naisse un droit civil »;

Considérant que dans les relations complexes entre les représentants de la commune de Sanem et les appelants, telles que décrites par ces derniers, les seules opérations relevant du droit administratif étaient celles au demeurant non contestées ni ne faisant l’objet du recours, relatives aux modifications du plan d’aménagement de la commune;

que ces procédures réglementaires devaient modifier le plan d’aménagement général de la commune de Sanem de manière à permettre la réalisation d’un projet de construction dans lequel devait être intégré un terrain appartenant à la commune et dont la mise à disposition, par la délibération litigieuse, a été refusée.

Considérant que la théorie dite des actes détachables qui veut que, par exception aux règles de compétence fixées par les articles 84 et 95 bis de la Constitution, la juridiction administrative reste compétente pour connaître de la régularité d’un acte de 4 nature administrative intervenant comme préalable au support nécessaire à la réalisation d’un rapport de droit privé est sans application en l’espèce;

qu’en effet l’acte attaqué ne constitue pas un acte administratif, c’est-à-dire un acte posé dans le cadre de l’exercice de la puissance publique et il n’est pas attaquée en ce qui concerne sa régularité formelle et juridique, mais seulement en ce qui concerne sa finalité;

qu’il s’agit au contraire d’un acte qui, même s’il a été posé par une autorité de droit public, soit le conseil communal, compétent pour disposer des droits immobiliers de la commune, est de nature purement civile, en ce qu’il documente le refus de la commune de s’engager conventionnellement sur une question de droit patrimonial relative à son domaine privé;

Considérant que, tout comme les contestations se rapportant aux contrats conclus par l’Administration, les contestations ou prétentions pouvant résulter du refus de l’Administration de s’engager contractuellement sont exclusivement de la compétence des tribunaux de l’ordre judiciaire;

qu’il doit en être de même, comme c’est le cas en l’espèce, de la compétence pour apprécier si des attitudes, manifestations de volonté ou autres éléments relationnels entre des parties, relèveraient-elles même du droit public, existent et peuvent constituer des engagements de nature à conférer des droits civils;

qu’il en résulte que les juridictions administratives sont incompétentes pour connaître du recours;

Considérant qu’il y a dès lors lieu à réformation du jugement entrepris;

par ces motifs la Cour, statuant contradictoirement, reçoit l’appel en la pure forme;

réformant dit que les juridictions de l’ordre administratif sont incompétentes pour connaître du recours;

condamne les appelants aux frais et dépens des deux instances.

Ainsi jugé par Monsieur Georges Kill, président, Madame Marion LANNERS, vice-présidente, Monsieur Jean-Mathias GOERENS, premier conseiller, rapporteur 5 et lu par le président en audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier en chef de la Cour.

Le greffier en chef Le président 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 10497C
Date de la décision : 12/03/1998

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1998-03-12;10497c ?

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