La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/03/1998 | LUXEMBOURG | N°10463

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 11 mars 1998, 10463


N° 10463 du rôle Inscrit le 18 décembre 1997 Audience publique du 11 mars 1998

============================

Recours formé par Monsieur … NORA contre le ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------

---

Vu la requête déposée le 18 décembre 1997 au greffe du tribunal administratif par Maître Jacques WOLTER, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, assisté de Maître Laurent KNA

UF, avocat inscrit à la liste II du même tableau, au nom de Monsieur … NORA, de nationalité alban...

N° 10463 du rôle Inscrit le 18 décembre 1997 Audience publique du 11 mars 1998

============================

Recours formé par Monsieur … NORA contre le ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------

---

Vu la requête déposée le 18 décembre 1997 au greffe du tribunal administratif par Maître Jacques WOLTER, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, assisté de Maître Laurent KNAUF, avocat inscrit à la liste II du même tableau, au nom de Monsieur … NORA, de nationalité albanaise, demeurant à …, tendant à la réformation de deux décisions du ministre de la Justice intervenues respectivement les 15 octobre et 27 novembre 1997, la première rejetant sa demande tendant à se voir reconnaître le statut de réfugié politique, et la seconde rejetant un recours gracieux exercé contre la première décision;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 19 janvier 1998;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Laurent KNAUF et Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives.

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------

---

Monsieur … NORA, de nationalité albanaise, a introduit devant le ministre de la Justice, en date du 14 mai 1997, une demande en obtention du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Monsieur NORA a été entendu en dates des 23 mai et 20 juin 1997 par un agent du ministère de la Justice, sur les motifs à la base de sa demande d’asile ainsi que sur l’itinéraire emprunté pour venir au Luxembourg.

1 Sur avis défavorable de la commission consultative pour les réfugiés du 28 août 1997, le ministre de la Justice l’a informé, par lettre du 15 octobre 1997, notifiée le 31 octobre 1997, que sa demande avait été rejetée aux motifs suivants: « Vous déclarez avoir peur des bandes de terroristes et des criminels qui sillonnent le pays et que la vie ne serait pas sûre en Albanie.

Par ailleurs, votre père serait un grand activiste démocratique. De ce fait, des groupes armés seraient venus pour intimider et menacer votre famille et votre père et votre frère auraient été battus. Ainsi, une crainte justifiée d’une persécution en raison d’opinions politiques n’est pas établie et votre demande n’est pas fondée au sens de l’article 12 de la loi du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile. » Un recours gracieux, formé le 20 novembre 1997, a été rejeté à son tour par une décision du ministre de la Justice du 27 novembre 1997.

Lors des auditions précitées des 23 mai et 20 juin 1997, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte-rendu figurant au dossier, le demandeur a déclaré qu’il n’était pas membre d’un parti politique ou d’un groupe social défendant les intérêts de personnes dans son pays d’origine. Interrogé plus particulièrement sur les conséquences qu’il risque de subir lors d’un retour éventuel dans son pays d’origine, il a fait référence à la situation générale existant dans son pays en indiquant que «la vie n’est pas sûre en Albanie » et que « il y avait 8 policiers qui ont été tués dans des attentats », en soutenant que de simples gens ne pourraient pas se défendre ou se protéger contre les agresseurs éventuels à partir du moment où même les représentants des autorités officielles risquent d’être tués dans des attentats. En ce qui concerne sa situation particulière, il a exposé qu’en raison du fait que son père était un grand activiste au sein du parti démocratique, des groupes armés (socialistes et démocrates) intimidaient et menaçaient les membres de sa famille et que dans ce contexte son père et l’un de ses frères ont été battus. Ces événements seraient d’ailleurs à l’origine de son départ de son pays. D’une manière générale, il a fait état de sa peur devant l’insécurité générale existant dans son pays, à l’origine de laquelle se trouveraient des bandes de terroristes et de criminels qui sillonneraient le pays.

Le demandeur reproche aux décisions entreprises de ne pas reposer sur des motifs légaux, en ce que le ministre de la Justice aurait fait une fausse appréciation des faits qui gisent à la base de sa demande d’asile. Il fait valoir qu’en raison de la fonction de président du parti démocratique de la zone 4 à Durres exercée par son père, il risque des persécutions de la part des ex-communistes ainsi que de la part de la police secrète, et que partant il remplit les conditions prévues par la Convention de Genève en vue de la reconnaissance du statut de réfugié politique. A l’appui de son argumentation, il invoque une convocation devant la cour de district de Durres pour « motif politique contre le gouvernement ».

Le délégué du gouvernement estime que c’est à bon droit que le ministre de la Justice a refusé le statut de réfugié politique au demandeur en soutenant qu’il a quitté son pays d’origine en raison de l’insécurité générale qui y règne sans pouvoir faire état de craintes de persécution ayant trait à sa situation personnelle.

Le recours en réformation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

2 Aux termes de l’article 1er, section A, 2) de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout pour la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur.

En l’espèce, le demandeur fait état du rôle joué par son père au sein du parti démocratique, en estimant, qu’il risquerait de ce fait, en tant que membre de la famille, des persécutions de la part de groupes armés (socialistes et démocrates), en insistant sur le fait que son père et son frère ont déjà été battus par lesdits groupes avant son départ de son pays d’origine. Le tribunal constate, sur base des pièces et informations à sa disposition, que si les activités dans un parti ou mouvement d’opposition en Albanie peuvent justifier des craintes de persécution, il n’en résulte pas automatiquement que tout membre actif d’un parti d’opposition risque des persécutions de la part du pouvoir en place. Le tribunal est donc amené à analyser la situation du père de Monsieur NORA, qui serait, d’après les affirmations du demandeur, président du parti démocratique de la zone 4 à Durres. Or, concernant les craintes de persécutions en raison du fait que ce dernier serait un membre actif du parti démocratique, le demandeur n’allègue ni ne prouve un quelconque fait personnel, précis et concret de persécution de ce chef. La convocation versée par lui ayant trait à de prétendues poursuites dirigées contre lui devant la cour de district de Durres pour « motif politique contre le gouvernement » ne permet pas, en l’absence de tout autre élément de preuve objectif concernant ses activités ou d’éventuelles persécutions dirigées contre lui, d’établir une quelconque crainte justifiée de persécution qu’il risquerait dans son pays d’origine.

Il découle des considérations qui précèdent que le demandeur n’a pas fait valoir des raisons personnelles de nature à justifier, dans son chef, la crainte d’être persécuté pour une des raisons énoncées dans la disposition précitée de la Convention de Genève et, partant, le ministre a refusé à bon droit le statut de réfugié politique.

Le recours en réformation est partant à rejeter.

Par ces motifs;

le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

reçoit le recours en réformation en la forme;

3 au fond le déclare non justifié et en déboute;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 11 mars 1998 par le vice-président, en présence du greffier.

s. Legille s. Schockweiler greffier vice-président 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 10463
Date de la décision : 11/03/1998

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1998-03-11;10463 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award