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09/03/1998 | LUXEMBOURG | N°10117

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 09 mars 1998, 10117


Numéro 10117 du rôle Inscrit le 2 juillet 1997 Audience publique du 9 mars 1998 Recours formé par Monsieur … ESCH contre le directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’imposition des non-résidents

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Vu la requête, inscrite sous le numéro du rôle 10117, déposée le 2 juillet 1997 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean STEFFEN, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au no

m de Monsieur … ESCH, demeurant à …, tendant à la réformation et subsidiairement à l’a...

Numéro 10117 du rôle Inscrit le 2 juillet 1997 Audience publique du 9 mars 1998 Recours formé par Monsieur … ESCH contre le directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’imposition des non-résidents

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Vu la requête, inscrite sous le numéro du rôle 10117, déposée le 2 juillet 1997 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean STEFFEN, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … ESCH, demeurant à …, tendant à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision du 10 mai 1996 du préposé du bureau d’imposition de …, section personnes physiques, de l’administration des Contributions directes retenant que l’infrastructure maintenue par lui au Luxembourg durant les années 1992 à 1995 dans le cadre de son métier de peintre ne constituait pas un établissement stable au sens de la convention de double imposition entre le Grand-Duché de Luxembourg et la République Fédérale d’Allemagne, ainsi que, pour autant que de besoin, contre la décision implicite de rejet du directeur de l’administration des Contributions directes suite à sa réclamation du 17 juin 1996;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 19 novembre 1997;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 9 décembre 1997 par Maître Jean STEFFEN au nom de Monsieur ESCH;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision de refus critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Stephane JACOBY, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Marie KLEIN en leurs plaidoiries respectives.

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Monsieur … ESCH exerce le métier de peintre en bâtiment en Allemagne et son établissement principal est situé à … au même endroit de son domicile privé.

En raison d’une augmentation importante des commandes en provenance du Luxembourg, Monsieur ESCH a décidé au cours de l’année 1992 d’établir une certaine infrastructure au Grand-Duché afin d’y exécuter à partir de cette base les travaux afférents.

Il a ainsi pris en location des locaux à …, et déclaré l’ouverture de cet établissement au 1er juin 1992 auprès du bureau d’imposition … de l’administration des Contributions directes par déclaration afférente du 27 mai 1992. Durant les années 1992 à 1995, les commandes de clients luxembourgeois ont été exécutées par intervention de l’établissement luxembourgeois. Suite à la reprise de l’entreprise de Monsieur ESCH par son fils qui n’a pas entendu continuer l’activité au Luxembourg, l’établissement a été abandonné à la fin de l’année 1995.

Faisant suite au dépôt des déclarations d’impôt par Monsieur ESCH, le préposé du bureau d’imposition de … l’a informé, par courrier du 10 mai 1996, que l’infrastructure par lui maintenue dans le pays durant les années 1992 à 1995 n’était pas constitutive d’un établissement stable au sens de la convention entre le Grand-Duché de Luxembourg et la République Fédérale d’Allemagne du 23 août 1958 tendant à éviter les doubles impositions, ci-après désignée « la convention de double imposition ». Il s’est basé notamment sur une visite des lieux qu’il avait faite le 29 avril 1996 et à l’occasion de laquelle la propriétaire des locaux lui aurait déclaré que Monsieur ESCH n’entretenait ni un bureau, ni un atelier à …, qu’il n’y disposait d’aucun téléphone, mais seulement d’une boîte à lettres difficilement appréhensible affichant son nom, et qu’il n’avait pris en location qu’une pièce dans une cave. Le préposé a encore constaté que, lors de sa prédite visite, seulement quelques sacs de matériel de construction et pots de peinture étaient déposés dans cette pièce.

Monsieur ESCH a réagi face à cette position du préposé par courrier de son expert-

comptable du 17 juin 1996 dans lequel il a fait exposer notamment que l’abandon de l’établissement avait déjà eu lieu à la fin de l’année 1995, donc avant cette visite des lieux, que son infrastructure comportait bel et bien un bureau à partir duquel l’activité de l’établissement était coordonnée, mais que l’absence d’un téléphone se justifiait par son inutilité, le gérant s’étant trouvé normalement sur les chantiers durant les journées de travail. Il a encore précisé que tous les matériaux utilisés sur les chantiers luxembourgeois auraient été livrés à … et que plusieurs commandes de grande envergure y auraient été exécutées, notamment pour un chantier à Dudelange ayant dépassé à lui seul la durée de 6 mois prévue dans la convention de double imposition précitée.

A une date non autrement précisée, le préposé du bureau d’imposition de … a envoyé toutes les déclarations fiscales de Monsieur ESCH au Bundesamt für Finanzen qui a communiqué ces données au Finanzamt de Trèves, lequel a, sur base des renseignements ainsi acquis, alors entamé le 23 janvier 1997 une procédure de droit pénal fiscal pour Steuerverkürzung par remise de fausses déclarations pour les années 1992 à 1994.

Le préposé a pris position face au prédit courrier de Monsieur ESCH par lettre du 2 octobre 1996 dans laquelle il a fait état d’une autre visite des lieux à … qu’il aurait effectuée en date du 15 mars 1995, donc avant l’abandon de l’infrastructure, et lors de laquelle il n’aurait trouvé personne sur les lieux et aurait dû constater l’absence d’une enseigne de son entreprise. Il a ajouté que la propriétaire des locaux lui aurait confirmé le lendemain de la visite que Monsieur ESCH n’avait ni loué, ni entretenu un bureau mais seulement un entrepôt. Etant donné que Monsieur ESCH avait déclaré des frais de location annuels de seulement 13.000 francs pour son dépôt, il en conclut que ses indications ne correspondent pas à la réalité et que les lieux loués ne sauraient être constitutifs d’un établissement stable.

2 Faute d’autre réaction à la fois du bureau d’imposition et du directeur de l’administration des Contributions directes, Monsieur ESCH a fait introduire le 2 juillet 1997 un recours en réformation, sinon en annulation contre la prédite décision du 10 mai 1996 du préposé du bureau d’imposition de …, ainsi que, pour autant que de besoin, contre la décision implicite de rejet du directeur de l’administration des Contributions directes suite à sa réclamation du 17 juin 1996.

Quant à la recevabilité Le délégué du Gouvernement soulève en premier lieu l’irrecevabilité tirée du défaut d’intérêt en ce que d’après le paragraphe 232 alinéa 1er de la Loi générale des impôts, ci-

après appelée « AO », une réclamation ne saurait tendre qu’à contester l’assujettissement à l’impôt, mais non pas une décision de non-assujettissement, pareille interprétation ayant déjà été confirmée par la jurisprudence du Conseil d’Etat, dont notamment un arrêt du 30 mars 1988 (Krecké, n° 7729 du rôle).

Le demandeur réplique que la lecture du texte faite par le délégué du Gouvernement serait excessivement restrictive et ne serait plus de mise à une époque où le droit fiscal se caractérise par une très forte internationalisation, alors que le texte de l’AO daterait des années vingt. La décision de non-imposition au Luxembourg, avec la conséquence d’une imposition en Allemagne plus lourde et contraire à la convention de double imposition applicable, et celle de la transmission de ses déclarations fiscales à l’administration fiscale allemande, ayant conduit au lancement d’une poursuite pénale pour « Steuerverkürzung » à son encontre, seraient de nature à lui causer torts et griefs et de fonder ainsi son intérêt à agir contre la décision de non-imposition. Le demandeur considère encore que son intérêt ne se limite pas à la situation du contribuable devant les autorités fiscales et pénales allemandes, mais comprend également son intérêt à voir la légalité de sa situation fiscale rétablie en cas d’une violation de la loi, telle qu’elle existerait en l’espèce.

D’après le demandeur, l’arrêt du Conseil d’Etat invoqué par le délégué du Gouvernement ne consacrerait pas l’approche restrictive préconisée par celui-ci, mais aurait décidé que la situation au regard d’une autorité fiscale étrangère ne fonde pas un intérêt à agir seulement après avoir constaté expressément que le requérant ne disposait pas de domicile fiscal et avait été déclaré à juste titre non imposable au Luxembourg. Le demandeur en déduit que le Conseil d’Etat n’aurait conféré au paragraphe 232 alinéa 1er AO que la valeur d’une présomption juris tantum et que le juge fiscal devrait analyser en toute hypothèse si la décision de non-imposition est légale au vu des textes applicables.

Le demandeur se prévaut à titre subsidiaire de la Convention européenne des droits de l’homme ayant pour but notamment d’assurer l’accès à un juge à toute personne qui se prétend lésée dans ses droits subjectifs. L’interprétation restrictive du paragraphe 232 AO priverait le contribuable d’un recours contre un acte de l’administration fiscale susceptible de lui causer tort et grief et empêcherait le juge de vérifier l’existence d’un intérêt à agir en l’espèce, pour violation de l’article 6 (1) de ladite Convention.

A titre tout à fait subsidiaire, le demandeur sollicite la formulation d’une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle quant à la conformité du paragraphe 232 AO aux articles 11, alinéas (2) et (3), et 13 de la Constitution.

3 Le paragraphe 232 (1) AO dispose: « Einen Steuerbescheid kann der Steuerpflichtige nur deshalb anfechten, weil er sich durch die Höhe der festgesetzten Steuer oder dadurch beschwert fühlt, dass die Steuerpflicht bejaht worden ist ».

Ce texte prévoit ainsi expressément deux cas d’ouverture du droit de réclamer contre un bulletin d’impôt, à savoir une contestation de la cote d’impôt fixée, ainsi qu’une contestation du principe de l’assujettissement à l’impôt. Par ailleurs, dans le cadre du droit interne, un bulletin de non-assujettissement (assimilé au « Freistellungsbescheid », cf.

TIPKE-KRUSE, Reichsabgabenordnung, Band I, 1961, § 210, Anm. 7) peut causer grief également lorsque les éléments retenus comme bases de la décision s’imposent à d’autres administrations, de même que dans l’hypothèse où la fixation d’une cote d’impôt trop basse est de nature à causer au contribuable un désavantage supérieur à l’économie d’impôt réalisée dans le cadre du même impôt pour des exercices ultérieurs ou dans le cadre d’autres impôts (cf. KÜHN, Reichsabgabenordnung, 5e édit, 1958, § 232, Bem. 1; TIPKE-KRUSE, op. cit., § 232, Anm. 2; HÜBSCHMANN, HEPP, SPITALER, Abgabenordnung -

Finanzgerichtsordnung - Kommentar, § 350, Rz. 92-s).

En droit fiscal international, une décision d’une administration fiscale nationale ne s’impose pas, en principe, comme élément de droit à l’autorité fiscale d’un autre Etat, mais constitue pour cette dernière un élément de fait dont elle peut tenir compte sans y être tenue. Plus particulièrement, lorsque l’administration fiscale d’un Etat décide qu’une structure maintenue sur son territoire par un contribuable domicilié dans un autre Etat constitue ou ne constitue pas un établissement stable lui attribuant ou non le droit d’imposition des revenus y imputables, cette décision ne fonde pas l’obligation pour l’administration fiscale de l’autre Etat de nier ou d’admettre son propre droit d’imposer les revenus ainsi visés, mais elle constitue un élément de fait sur lequel celle-ci peut se baser pour justifier une décision d’exempter les revenus rattachables à la structure ainsi visée de sa propre imposition ou de les y soumettre. Pareille qualification n’est pas mise en échec par une convention préventive de la double imposition conclue entre ces mêmes Etats, sauf si elle impose à l’un des Etats signataires de ne plus pouvoir remettre en question une décision de l’autre concernant l’existence d’un établissement stable.

Une telle décision sur le principe de l’assujettissement à l’impôt de l’administration fiscale du premier Etat doit être considérée comme étant de nature à causer grief au contribuable, dès lors qu’elle affecte sa situation fiscale globale. Les constatations y retenues sont en effet susceptibles d’être prises en compte par l’administration de l’autre Etat, même si ladite décision ne lie pas juridiquement cette dernière, et de nature à causer ainsi un désavantage plus important au contribuable en raison de la possibilité du changement partiel corrélatif du régime d’imposition global de l’ensemble de ses revenus et fortune.

En l’espèce, il est constant que le préposé du bureau d’imposition a décidé que le demandeur n’était pas assujetti à l’impôt luxembourgeois du chef des bénéfices réalisés au Luxembourg par son entreprise. Pareille prise de position, tout en entraînant la non-

imposabilité de ces bénéfices au Luxembourg, est de nature à les soumettre à la loi fiscale d’un autre Etat, éventuellement moins favorable que la loi luxembourgeoise. Par ailleurs, la décision en question a servi de base pour l’administration fiscale allemande en vue d’ouvrir à l’encontre du demandeur une procédure pénale pour infraction fiscale. La décision critiquée du préposé doit en conséquence être considérée comme ayant causé torts et griefs au demandeur.

4 Il s’ensuit que le recours introduit par Monsieur ESCH ne se heurte pas à une irrecevabilité tirée du paragraphe 232 (1) AO.

Ayant été formé plus de six mois après l’entrée en vigueur le 1er janvier 1997 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, sans que la réclamation du 17 juin 1996 n’ait été toisée par le directeur de l’administration des Contributions directes, le recours en réformation contre la décision du 10 mai 1996 du préposé du bureau d’imposition de … est recevable pour avoir été par ailleurs introduit dans les formes prévues par la loi.

Le recours subsidiaire en annulation contre la même décision est en conséquence irrecevable. Le recours dirigé à l’encontre de la décision implicite de rejet du directeur est pareillement irrecevable en tant que tel, étant donné que, dans l’hypothèse d’une réclamation non vidée par le directeur, visée par l’article 8 (3) 3. de la loi susvisée du 7 novembre 1996, le recours contentieux est dirigé, comme en l’espèce, contre la décision qui a fait l’objet de la réclamation.

Quant au fond Le demandeur fait état des éléments suivants pour justifier l’existence d’un établissement stable luxembourgeois de son entreprise:

 Il aurait pris en location des locaux à l’adresse de son établissement luxembourgeois. Suite aux précisions fournies sur demande du tribunal, il s’avère que le demandeur avait loué à …, un local pour un loyer annuel de 13.000 LUF. D’un autre côté, il avait loué en complément un deuxième dépôt situé en Allemagne, mais utilisé, d’après ses indications, pour le stockage de certains matériaux livrés à l’établissement luxembourgeois pour lesquels le local luxembourgeois se révélait être trop exigu. Le loyer annuel de ce dernier dépôt, oscillant entre 151.630 LUF et 264.222 LUF, avait été payé par l’entreprise allemande, mais ce même dépôt avait été « reloué » comptablement à l’établissement luxembourgeois et le loyer de la manière imputé économiquement à ce dernier.

 L’établissement aurait disposé de plusieurs camionnettes immatriculées au Luxembourg.

 Toutes les livraisons de fournitures auraient été effectuées directement à l’établissement luxembourgeois, de même que les factures afférentes auraient été envoyées par les fournisseurs à la même adresse.

 Les facturations aux clients auraient été faites à partir de l’établissement luxembourgeois.

 L’établissement aurait disposé d’un compte auprès de la Banque Générale du Luxembourg par le biais duquel tous les paiements auraient été effectués et sur lequel tous les règlements de clients luxembourgeois auraient été enregistrés.

 Le demandeur aurait entrepris au Luxembourg toutes les démarches administratives requises pour un établissement: il serait titulaire d’une autorisation d’établissement, aurait fait la déclaration initiale à la TVA et obtenu un numéro d’identification à la TVA; de plus, trois salariés auraient été rattachés à l’établissement luxembourgeois et affiliés à la sécurité sociale luxembourgeoise, de même que toutes les retenues légales luxembourgeoises sur leurs rémunérations auraient été prélevées.

5  Une comptabilité propre à l’établissement aurait été tenue dans le pays par une fiduciaire luxembourgeoise.

Sur demande du tribunal, le demandeur a encore précisé que les loyers de machines figurant aux comptes de pertes et profits annuels de l’établissement concernaient des machines maintenues au siège allemand, mais utilisées par l’établissement luxembourgeois, de sorte que les loyers comptables afférents ont été imputés audit établissement. Il expose encore que l’ordinateur repris sous l’actif de l’établissement était localisé en Allemagne, mais fut utilisé pour la rédaction des factures relatives aux travaux effectués à partir de l’établissement luxembourgeois qui furent toujours préparées par lui sur une machine à écrire dans le local situé à … Il conclut de l’ensemble de ces éléments que l’établissement luxembourgeois disposait d’une substance suffisante, dont des moyens de production importants, pour le qualifier d’établissement stable et que l’absence de poste de téléphone ne saurait lui être reprochée alors que ce dernier n’aurait été que d’une faible utilité au regard de ses présences prépondérantes sur les chantiers.

L’article 2 (1) 2. de la convention de double imposition définit l’établissement stable comme « eine feste Geschäftseinrichtung, in der die Tätigkeit des Unternehmens ganz oder teilweise ausgeübt wird ».

Cette notion suppose en premier lieu l’existence d’une infrastructure à la disposition de l’entreprise sur le territoire de l’Etat concerné. Il s’avère en l’espèce que le demandeur avait pris en location à partir du 1er juin 1992, pour un loyer annuel de 13.000 LUF, un local situé à., et l’avait à sa disposition durant tout le laps de temps pour lequel il se prévaut de l’existence d’un établissement stable. Même si ce local était apparemment d’une surface restreinte et ne suffisait pas au stockage de tous les matériaux requis pour l’exécution des chantiers luxembourgeois, ainsi qu’en témoigne la location de locaux complémentaires en Allemagne, les dimensions du local n’excluent pas l’admissibilité d’un établissement stable (cf. Klaus VOGEL, Doppelbesteuerungs-abkommen-Kommentar, 3e édit., Art. 5, Anm.

23).

Cette infrastructure doit être fixe en ce sens qu’elle doit être localisée en un endroit géographique déterminé (cf. DEBATIN-WASSERMEYER, Doppelbesteuerungs-

abkommen, v° Luxemburg, Art. 2 n° 3), condition à laquelle le local loué prévisé répond à suffisance.

Enfin, l’activité de l’entreprise doit avoir été exercée entièrement ou partiellement à partir de ou à travers cette infrastructure. Cette activité doit dépasser le cadre du simple dépôt de matériaux, qui ne saurait fonder un établissement stable au voeu de l’article 2 (1) 2. b).

En l’espèce, il s’avère que le demandeur a utilisé le local à … pour le dépôt de matériaux de peinture. Le demandeur étaye cependant aussi par des pièces qu’il était détenteur d’une autorisation d’établissement luxembourgeoise pour son métier et qu’il avait affecté à son établissement luxembourgeois trois salariés affiliés à la sécurité sociale luxembourgeoise. L’établissement luxembourgeois disposait aussi d’un numéro individuel d’identification à la TVA, tout comme la déclaration initiale afférente avait été régulièrement déposée. Le demandeur soumet pareillement une liste de chantiers exécutés à 6 partir de l’établissement luxembourgeois, tout comme il se prévaut du fait que toutes les factures relatives à ces chantiers ont été établies au nom de l’établissement luxembourgeois, ainsi que du compte auprès d’un établissement bancaire luxembourgeois ouvert au nom de l’établissement luxembourgeois et par lequel tous les mouvements financiers le concernant auraient été opérés. Il allègue pareillement, sans être contredit par la partie défenderesse, que toutes les livraisons de matériaux pour son établissement ont été effectuées directement vers ce dernier, de même que les factures ont été envoyées par les fournisseurs à cette adresse.

Ces éléments indiquent que l’activité de l’entreprise du demandeur a été exercée en partie par l’établissement luxembourgeois et que ce dernier a participé à la vie économique sans se limiter au seul dépôt de matériaux. Les contestations du préposé du bureau d’imposition relatives à l’existence d’une enseigne et d’un bureau, ensemble le constat de l’absence d’une ligne téléphonique, tout en étant de nature à fonder un certain doute sur l’étendue réelle de l’établissement et son caractère ostensible, ne sauraient cependant énerver le constat que le demandeur a démontré son intention réalisée d’exercer une partie de son activité professionnelle au Luxembourg par le biais d’un établissement stable en y transférant une certaine substance à titre permanent et en faisant participer cet établissement à la vie économique.

Il s’ensuit que le recours est fondé et qu’il y a lieu de déclarer, par réformation de la décision déférée, que le demandeur disposait d’un établissement stable luxembourgeois au sens de la convention de double imposition durant la période du 1er juin 1992 au 31 décembre 1995.

Il n’y a cependant pas lieu d’allouer l’indemnité de procédure sollicitée par le demandeur, les conditions légales afférentes n’étant pas remplies.

PAR CES MOTIFS, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, déclare le recours recevable en tant que dirigé contre la décision du préposé du bureau d’imposition de … du 10 mai 1996 et irrecevable pour le surplus, au fond, par réformation, dit que le demandeur disposait d’un établissement stable luxembourgeois au sens de la convention de double imposition durant la période du 1er juin 1992 au 31 décembre 1995, renvoie l’affaire devant le directeur de l’administration des Contributions directes, déclare la demande en allocation d’une indemnité de procédure non justifiée et en déboute, condamne l’Etat aux frais.

7 Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 9 mars 1998 à laquelle assistaient:

M. RAVARANI, président, M. DELAPORTE, premier vice-président, M. SCHROEDER, juge, M. SCHMIT, greffier en chef, s. SCHMIT s. RAVARANI 8


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 10117
Date de la décision : 09/03/1998

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1998-03-09;10117 ?

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