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26/01/1998 | LUXEMBOURG | N°s10190,10352

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 janvier 1998, s10190,10352


N°s 10190 et 10352 du rôle Inscrits les 31 juillet et 3 octobre 1997 Audience publique du 26 janvier 1998

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Recours formés par Madame … BECK et 41 consorts contre le ministre de l’Aménagement du territoire en présence de la société civile immobilière Walebroch S.C.I., de la société anonyme Immobilière Matheysberg S.A., ainsi que de la commune d’Erpeldange en matière d’aménagement des agglomérations

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I.

Vu la requête d

éposée en date du 31 juillet 1997 au greffe du tribunal administratif et inscrite sous le numéro du ...

N°s 10190 et 10352 du rôle Inscrits les 31 juillet et 3 octobre 1997 Audience publique du 26 janvier 1998

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Recours formés par Madame … BECK et 41 consorts contre le ministre de l’Aménagement du territoire en présence de la société civile immobilière Walebroch S.C.I., de la société anonyme Immobilière Matheysberg S.A., ainsi que de la commune d’Erpeldange en matière d’aménagement des agglomérations

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I.

Vu la requête déposée en date du 31 juillet 1997 au greffe du tribunal administratif et inscrite sous le numéro du rôle 10190 par Maître Pol URBANY, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de 1.

Madame…BECK, … 2.

Monsieur … PAULS, ,… 3.

Madame … THIRION, épouse PAULS, ,… 4.

Monsieur … PALADINO,… 5.

Madame … WAGNER, épouse PALADINO, … 6.

Monsieur Marcel .. ,… 7.

Madame … GIANESSI, … 8.

Monsieur … GANDRA MARTINS FERREIRA, … 9.

Madame … DA SILVA RODRIGUES, épouse GANDRA MARTINS FERREIRA, … 10.

Monsieur … DRAUT, … 11.

Madame … KOSTER, épouse DRAUT, … 12.

Monsieur … RIES, … 13.

Madame … STEIN, épouse RIES, … 14.

Monsieur … COURTOIS, … 15.

Madame … SONNET, épouse COURTOIS, … 16.

Monsieur … RODRIGUES PEREIRA, … 17.

Madame … GONCALVES DE ALMEIDA PEREIRA, épouse RODRIGUES PEREIRA, … 18.

Monsieur … THEISSEN, … 19.

Madame … DA COSTA SANTOS, épouse THEISSEN, … 20.

Monsieur … WILMES, … 21.

Madame … GEORGES, épouse WILMES, … 1 22.

Monsieur … MATHIEU, … 23.

Madame … FETT, épouse MATHIEU, … 24.

Monsieur … MATHIEU, … (propriétaire d’un terrain situé …) 25.

Madame .. KRAUSER, épouse MATHIEU, … (propriétaire d’un terrain situé…);

26.

Monsieur … GARGANESE, … 27.

Madame … RIES, épouse GARGANESE,… 28.

Monsieur … DEGRAND, … 29.

Madame … TINTINGER, épouse DEGRAND,… 30.

Monsieur … WITRY, … 31.

Monsieur… GOUBER, ,… 32.

Madame … PEETERS, épouse GOUBER, … 33.

Monsieur … STEFFEN,… 34.

Madame … MELMER, épouse STEFFEN, … 35.

Monsieur … COENEN, …, (propriétaire d’un terrain situé…) 36.

Madame … HIRT, épouse COENEN, …, (propriétaire d’un terrain situé …) 37.

Monsieur … KARA, … 38.

Madame … VASSILARI, épouse KARA, … 39.

Monsieur … KESSELER, … 40.

Madame … BRESER, épouse KESSELER, … 41.

Monsieur … KESSELER,… 42.

Monsieur … STEFFEN,… cette requête tendant à la réformation de la décision du ministre de l’Aménagement du territoire du 23 septembre 1996 autorisant le projet de construction en zone inondable d’un centre commercial "Cactus" à Ingeldorf, numéro cadastral 497/1292, autorisation intervenue en faveur de la SCI Walebroch sur base de l'article 12 alinéa 3 de la loi du 20 mars 1974 concernant l'aménagement général du territoire. Cette requête contient également une demande d'effet suspensif tendant à voir prononcer le sursis à exécution de l'autorisation précitée, ladite demande d'effet suspensif ayant fait l'objet d'un jugement du tribunal administratif, première chambre, du 29 septembre 1997;

Vu l'exploit de l’huissier de justice Gilbert RUKAVINA, demeurant à Diekirch, du 30 juillet 1997 par lequel cette requête a été signifiée à l'administration communale d'Erpeldange, de même que les exploits de l'huissier de justice Jean-Lou THILL, demeurant à Luxembourg, des 31 juillet 1997, par lesquels cette requête a été signifiée respectivement à la société civile immobilière Walebroch S.C.I. et à la société anonyme Immobilière Matheysberg S.A.;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 9 septembre 1997 par le délégué du gouvernement;

II.

Vu la requête déposée en date du 3 octobre 1997 au greffe du tribunal administratif et inscrite sous le numéro du rôle 10352 par Maître Pol URBANY, au nom de 1….. 42. ( dénommés ci-dessus ) cette requête tendant à l'annulation de la décision précitée du ministre de l’Aménagement du territoire du 23 septembre 1996 et au sursis à exécution de l'autorisation précitée;

2 Vu les exploits de l'huissier de justice Jean-Lou THILL, demeurant à Luxembourg, des 3 octobre 1997, par lesquels cette requête a été signifiée respectivement à la société civile immobilière Walebroch S.C.I. et à la société anonyme Immobilière Matheysberg S.A.;

Vu le mémoire en réponse, dans les affaires inscrites sous les numéros du rôle 10190 et 10352, déposé en date du 10 octobre 1997 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean MEDERNACH, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg pour compte de la société anonyme Immobilière Matheysberg S.A., établie et ayant son siège social à Bertrange, route d’Arlon, ci-avant constituée sous forme de société civile immobilière et de la société civile immobilière Walebroch S.C.I., établie à Bertrange, Belle-Etoile;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Alex MERTZIG, demeurant à Diekirch, du 10 octobre 1997 par lequel ce mémoire en réponse a été signifié aux demandeurs;

Vu le mémoire en réponse, dans l'affaire inscrite sous le numéro du rôle 10352, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 3 novembre 1997 par le délégué du gouvernement;

Vu le mémoire en réponse, dans les affaires inscrites sous les numéros du rôle 10190 et 10352, déposé en date du 12 novembre 1997 au greffe du tribunal administratif par Maître Louis SCHILTZ, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg pour compte de l’administration communale d’Erpeldange;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Gilbert RUKAVINA, demeurant à Diekirch, du 10 novembre 1997 par lequel ce mémoire en réponse a été signifié aux demandeurs, de même que l’exploit de l’huissier de justice Georges NICKTS, demeurant à Luxembourg, du 10 novembre 1997 par lequel ledit mémoire a été signifié respectivement à la société civile immobilière Walebroch et à la société anonyme Immobilière Matheysberg S.A.;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Alex KRIEPS, en remplacement de Maître Pol URBANY, Maître Jean MEDERNACH et Maître Martine KREMER, en remplacement de Maître Louis SCHILTZ, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives;

Vu le résultat de la visite des lieux à laquelle le tribunal administratif a procédé le 23 décembre 1997.

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La société civile immobilière Matheysberg, établie et ayant son siège social à Tossenberg, L-8050 Bertrange, est propriétaire, depuis 1983, d’un terrain inscrit au cadastre de la commune d’Erpeldange, section A d’Ingeldorf, au lieu-dit "Hinter dem Garten" sous le numéro 497/1292.

Ledit terrain est situé à l'intérieur du périmètre d'agglomération et est classé, depuis 1983, en "zone commerciale" réservée à l'implantation d'entreprises commerciales.

3 Par lettre du 21 décembre 1988, la société civile immobilière Walebroch, p.a. Cactus S.A., sollicita auprès du ministère de l'Economie et des Classes moyennes l’autorisation de transférer l'exploitation d'un point de vente "Cactus" dans la branche alimentaire installé à Diekirch dans des locaux projetés sur le prédit terrain à Ingeldorf.

Suite à une décision ministérielle de refus et suite à un recours contentieux, le Comité du contentieux du Conseil d’Etat, après expertise sur l’incidence du transfert sur l’équilibre de la distribution, autorisa, par arrêt du 25 janvier 1994, « la société civile immobilière Walebroch, établie et ayant son siège social à Bertrange, à transférer l’exploitation d’un point de vente dans la branche alimentaire à Diekirch par l’implantation d’une surface commerciale de 1500 m2 dans la branche alimentaire sur un terrain sis à Ingeldorf, commune d’Erpeldange ».

Le 11 août 1994, le bourgmestre de la commune d’Erpeldange accorda au "groupe Cactus S.A." une autorisation préalable pour la construction d’un supermarché avec dépendances à Ingeldorf au lieu-dit « Hinter dem Garten ».

Suite à l'introduction d'une demande en obtention d’une autorisation définitive, le bourgmestre de la commune d’Erpeldange informa le "groupe Cactus S.A." par courrier du 16 mars 1995 que, suite aux inondations de 1993, un groupe de travail interministériel avait été chargé de réexaminer les plans d’aménagement des communes concernées, afin d’élaborer un plan d’action pour éviter de tels risques sinon à en atténuer la gravité et que le projet de règlement grand-ducal élaboré par ce groupe de travail proposerait le gel des terrains inondés, de sorte que « avant tout progrès en cause et en attendant le dépôt imminent à la mairie de nos cartes et plans d’inondation, nous allons tenir momentanément en suspens votre demande de construire ».

Le 3 avril 1995, le ministre de l'Aménagement du territoire fit déposer à la mairie d'Erpeldange un projet d'un plan d'aménagement partiel "zones inondables et zones de rétention", relatif au tronçon Ettelbruck-Bettendorf.

Les sociétés Matheysberg S.C.I et Cactus S.A. introduisirent, le 9 mai 1995, un recours gracieux et, le 7 novembre 1995, un recours contentieux contre la décision du bourgmestre de la commune d’Erpeldange du 16 mars 1995.

Par courrier du 9 mai 1995, les sociétés Walebroch S.C.I., Matheysberg S.C.I. et Cactus S.A., d'une part, formulèrent une réclamation formelle, sur base de l'article 13 de la loi du 20 mars 1974 concernant l'aménagement général du territoire, contre le projet du plan d'aménagement partiel "zones inondables et zones de rétention", relatif au tronçon Ettelbruck-

Bettendorf, ci-après aussi dénommé le « PAP "zones inondables et zones de rétention" », et, d'autre part, sollicitèrent, sur base des articles 12 de la loi précitée du 20 mars 1974 et 6 du projet de règlement grand-ducal devant déclarer obligatoire le PAP "zones inondables et zones de rétention", l'autorisation de réaliser leur projet par exception aux interdictions découlant du dépôt du projet de plan d’aménagement.

Le 31 novembre 1995, le ministre de l’Aménagement du territoire informa les trois sociétés Walebroch S.C.I., Matheysberg S.C.I. et Cactus S.A. de ce qu’une continuation de leur projet ne pourrait être autorisée que si la preuve était rapportée que la construction du centre commercial n’aurait pas d’effets négatifs sur le régime des eaux ni à l’endroit de la 4 construction ni en aval de celui-ci. Le ministre proposa que l’étude à réaliser pour clarifier cette question soit commanditée par son ministère.

L’expert désigné, le professeur émérite Dr. Ing. Gerhard ROUVE de l’université d’Aix-

la-Chapelle, finalisa son rapport d’expertise en août 1996.

Sur base de ce rapport d’expertise et sur avis du groupe de travail « PAP zones inondables », le ministre de l’Aménagement du territoire autorisa le 23 septembre 1996 la réalisation du projet de construction, par exception aux interdictions résultant du dépôt du PAP "zones inondables et zones de rétention", sous réserve du respect des autres dispositions légales et réglementaires applicables.

Par requête déposée le 31 juillet 1997, Madame…BECK demeurant à Ingeldorf et 41 consorts habitant pour la plus grande part à Ingeldorf à proximité du centre commercial projeté, quelques-uns d’entre eux étant propriétaires de terrains à Ingeldorf sans y habiter, ont demandé la réformation de la décision du ministre de l’Aménagement du territoire du 23 septembre 1996. Cette requête contient une demande d'effet suspensif tendant à voir prononcer le sursis à exécution de l'autorisation précitée, ladite demande d'effet suspensif ayant fait l'objet d'un jugement de débouté du tribunal administratif, première chambre, du 29 septembre 1997.

Par requête déposée le 3 octobre 1997, les mêmes parties demanderesses ont encore introduit un recours en annulation contre la décision précitée du ministre de l’Aménagement du territoire du 23 septembre 1996. Cette requête contient une demande d’effet suspensif tendant à voir prononcer le sursis à exécution de la décision attaquée.

Les demandeurs reprochent à la décision d’être intervenue: 1. en violation des objectifs poursuivis par la loi précitée du 20 mars 1974; 2. en violation des objectifs du PAP "zones inondables et zones de rétention" et 3. en violation de l’interdiction de construire frappant la propriété concernée qui se situe en zone inondable. Sur base de ces arguments, ils demandent au tribunal, principalement, « de réformer la décision entreprise, de la révoquer et de dire qu’il n’y a pas lieu à autoriser la construction du centre commercial dont s’agit », subsidiairement, de renvoyer le dossier au ministre compétent afin qu’il procède à une nouvelle expertise. Sur base d’une argumentation identique présentée dans le cadre de leur recours supplémentaire, introduit pour le cas où le recours en réformation serait déclaré irrecevable, ils concluent à l’annulation de la prédite décision et ils demandent au tribunal de prononcer le sursis à exécution de l'autorisation critiquée.

Ils sollicitent en outre, dans le cadre de leurs deux recours, l’allocation d’une indemnité de procédure de 7.500.- francs par demandeur sur base de l’article 131-1 du code de procédure civile, pour couvrir les frais d’avocat.

Le délégué du gouvernement invoque l’irrecevabilité du recours en réformation en l’absence d’un texte de loi habilitant les demandeurs à introduire un recours au fond contre la décision critiquée. Il soulève encore l’irrecevabilité de la demande en réformation pour non respect du délai légal pour agir. Concernant le recours en annulation, il soulève l’irrecevabilité du recours pour défaut de justification de l’intérêt pour agir et pour non respect du délai légal pour agir. Il estime qu’au fond, les deux recours ne sont pas justifiés. Il conclut finalement au non fondé de la demande d’effet suspensif, présentée dans le cadre du recours en annulation, pour être devenue sans objet.

5 Les sociétés Immobilière Matheysberg S.A. et Walebroch S.C.I. soulèvent l’irrecevabilité des deux recours pour non respect des articles 2 et 4 de l’arrêté royal grand-

ducal modifié du 21 avril 1866 portant règlement de procédure en matière de contentieux devant le Conseil d’Etat, qui exigent que l’original de l’acte de signification par huissier doit être déposé simultanément avec la requête. Ils estiment qu’il résulterait du libellé de ces textes que la signification doit précéder le dépôt de la requête, mais que tel n’aurait pas été le cas en l’espèce.

Elles concluent ensuite à l’irrecevabilité du recours en réformation au motif que les demandeurs ne feraient pas partie du groupe de personnes qui, au titre de l’article 12 alinéa 3 de la loi précitée du 20 mars 1974, peuvent introduire un tel recours. Ils soulèvent en outre l’irrecevabilité des deux recours pour non-respect des délais pour agir et pour absence de justification de l’intérêt pour agir.

Quant au fond, elles estiment que ni la demande en réformation ni celle en annulation ne seraient justifiées. Pareillement, elles concluent au débouté de la demande en allocation d’une indemnité de procédure.

Dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, il échet de joindre les deux recours déposés sous les numéros 10190 et 10352 du rôle et de les toiser par un seul et même jugement.

QUANT A LA COMPETENCE A l'exception des questions de recevabilité en la pure forme de la requête introductive d'instance, le tribunal est en premier lieu appelé à examiner sa compétence.

Conformément à l’article 3 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le tribunal administratif n’est compétent pour connaître comme juge du fond que des recours en réformation dont les lois spéciales lui attribuent connaissance.

Partant, il s'agit de vérifier, dans le cadre de la matière spécifique dont le tribunal est appelé à connaître, si la loi lui reconnaît compétence pour statuer comme juge du fond de la décision ministérielle critiquée.

Aux termes de l'article 12 alinéa 3 de la loi précitée du 20 mars 1974 « le ministre ou son délégué décide si les travaux envisagés ou entrepris sont conformes aux servitudes visées à l’alinéa qui précède. Les décisions sont notifiées aux intéressés par lettre recommandée à la poste avec accusé de réception. Copie en sera donnée à la commune intéressée par l’intermédiaire du ministre de l’Intérieur. Dans les trente jours de la notification de la décision les intéressés peuvent former un recours devant le Conseil d’Etat, comité du contentieux, qui statuera en dernière instance et comme juge du fond ».

La quatrième phrase de l’alinéa 3 précité ouvre donc aux intéressés le droit d’intenter un recours en réformation contre les décisions ministérielles visées.

6 Il se dégage en outre des articles 2 et 4 de la loi précitée du 7 novembre 1996 que toute partie intéressée peut attaquer une décision administrative devant le juge administratif. Cette qualité n’appartient pas seulement au destinataire direct de l’acte, mais encore à toutes les personnes dont les droits et même les simples intérêts peuvent être affectés par les effets de cet acte (v. F. Schockweiler, Le contentieux administratif et la Procédure administrative non contentieuse en droit luxembourgeois, 2e éd., 1996, n°76).

Il ressort de la lecture combinée de ces dispositions que le législateur, en ouvrant en la matière un recours en réformation, a nécessairement conféré ce droit, non seulement aux parties principales, mais à toutes les personnes intéressées en général. Autrement dit, toute personne qui peut faire valoir un intérêt légitime à demander la réformation de la décision critiquée a le même droit de recours que les parties principales.

Le moyen d’irrecevabilité du recours en réformation basé sur ce que l'article 12 alinéa 3 de la loi précitée du 20 mars 1974 n'aurait conféré un droit de recours au fond qu'aux seules personnes qui ont demandé au ministre compétent de statuer sur la compatibilité de travaux envisagés par eux avec le plan d'aménagement général ou partiel arrêté et non pas à des tierces personnes - tels les voisins du site destiné à recevoir la construction projetée - mélange la question de la compétence de la juridiction saisie avec celle de l’intérêt à agir et pose dès lors un faux problème.

En effet, la question n'est pas de déterminer lesquels des sujets de droit sont investis du pouvoir de conclure à la réformation d'une décision, mais il convient dans un premier temps d’examiner s'il existe un texte de loi conférant au juge administratif le pouvoir de connaître au fond de la décision critiquée et dans un deuxième temps de vérifier si le demandeur a intérêt pour agir.

Admettre le raisonnement des parties défenderesses et conclure à ce que certaines personnes soient investies d'un pouvoir de conclure à la réformation d'une décision, tandis que d'autres ne pourraient que critiquer la légalité de la même décision, reviendrait à admettre qu'en une seule et même matière, la compétence et les pouvoirs du juge varient en fonction de la personne du demandeur. Or, la qualité des parties au litige n’est pas un critère déterminant de la compétence du juge administratif, cette compétence est exclusivement fonction de l'objet du droit qui engendre une contestation.

Il résulte des considérations qui précèdent que le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit par les demandeurs à l’encontre de la décision du ministre de l’Aménagement du territoire du 23 septembre 1996 sur base de l'article 12 alinéa 3 de la loi précitée de 1974.

QUANT A LA RECEVABILITE DU RECOURS QUANT A LA RECEVABILITE AU REGARD DE LA FORMALITE DE SIGNIFICATION DU RECOURS Les sociétés défenderesses Immobilière Matheysberg S.A. et Walebroch S.C.I.

soulèvent l’irrecevabilité des deux recours pour non respect des articles 2 et 4 de l’arrêté royal grand-ducal précité du 21 avril 1866, qui exigent que l’original de l’acte de signification par huissier doit être déposé simultanément avec la requête. Ils estiment qu’il résulterait du libellé 7 de ces textes que la signification doit précéder le dépôt de la requête, mais que tel n’aurait pas été le cas en l’espèce.

L’arrêté royal grand-ducal précité du 21 avril 1866, maintenu en vigueur par l’article 98 de la loi précitée du 7 novembre 1996, contient les règles de procédure actuellement applicables devant le tribunal administratif.

Au voeu des articles 1er et 2 du règlement de procédure, le recours devant la juridiction administrative doit être formé par requête signée d’un avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats de l’un des barreaux de Luxembourg ou de Diekirch et déposé au secrétariat de la juridiction et, aux termes de l’article 4 du règlement de procédure, la requête introductive d’instance doit être communiquée par un acte d’huissier aux parties intéressées.

Il découle des articles 1er et 2 du règlement de procédure que le tribunal administratif est valablement saisi d’une affaire par le seul dépôt de la requête.

La signification du recours au défendeur et aux parties intéressées ne constitue pas, au regard du règlement de procédure, une formalité substantielle sanctionnée de nullité, mais une simple formalité complémentaire qui a pour objet essentiel de faire courir les délais pour la production des mémoires et de permettre la mise en état des litiges tout en sauvegardant les droits de la défense.

Pour le surplus, le tribunal constate que: 1) concernant le recours déposé sous le numéro 10190 du rôle, la requête introductive d’instance a été déposée au greffe du tribunal administratif en date du 31 juillet 1997 et elle a été signifiée le 30 juillet 1997 à l'administration communale d'Erpeldange et le 31 juillet 1997 à la société civile immobilière Walebroch S.C.I.

et à la société anonyme Immobilière Matheysberg S.A.. Les originaux des exploits de signification ont été déposés le jour du dépôt de la requête introductive d’instance, soit le 31 juillet 1997; 2) concernant le recours déposé sous le numéro 10352 du rôle, la requête introductive d’instance a été déposée au greffe du tribunal administratif en date du 3 octobre 1997 et elle a été signifiée le même jour à la société civile immobilière Walebroch S.C.I. et à la société anonyme Immobilière Matheysberg S.A. Les originaux des exploits de signification ont également été déposés le 3 octobre 1997.

Le moyen d’irrecevabilité soulevé est partant à écarter.

QUANT A LA RECEVABILITE AU REGARD DE L’INTERET A AGIR Le moyen d’irrecevabilité afférent au défaut d’intérêt des demandeurs à agir contre la décision ministérielle critiquée est à rejeter au motif qu’il ressort en l’espèce des pièces du dossier, ensemble les constatations que le tribunal a pu faire lors de la visite des lieux, que les demandeurs, en tant que voisins immédiats, qu’ils soient des habitants de la cité résidentielle située à proximité du centre commercial projeté ou qu’ils soient simplement propriétaires de terrains situés dans ladite cité sans y habiter, ont un intérêt évident à agir contre la décision ministérielle autorisant la construction dudit établissement en zone inondable, étant donné qu’ils ont intérêt à voir respecter les dispositions légales et réglementaires qui régissent l’octroi de telles autorisations dérogatoires. En effet, eu égard à l’ampleur du projet et aux incertitudes quant à l’incidence de la construction en cas d’inondations, les demandeurs peuvent légitimement craindre des inconvénients pouvant résulter pour eux de la construction, de sorte 8 qu’ils ont un intérêt certain pour soumettre à la juridiction compétente le contrôle du respect de leurs droits par l’autorisant. Cet intérêt est en l’espèce suffisant pour justifier la recevabilité de leurs recours sous ce rapport.

QUANT A LA RECEVABILITE AU REGARD DU DELAI POUR AGIR Les parties défenderesses opposent enfin aux demandeurs la tardiveté de leur recours qui n’aurait pas été intenté dans le délai légal.

Elles font valoir que les demandeurs étaient au courant des réclamations introduites contre le PAP "zones inondables et zones de rétention" et des procédures y relatives et que certains des demandeurs auraient eux-mêmes introduit des réclamations et obtenu des autorisations de construire dérogatoires.

Les demandeurs soutiennent n’avoir eu connaissance de la décision critiquée qu’en date du 3 juillet 1997, lorsqu’ils ont consulté à la mairie d’Erpeldange le dossier relatif à la procédure de commodo et incommodo effectuée en vue de la construction du centre commercial projeté.

Il est constant en cause que la décision du ministre de l’Aménagement du territoire du 23 septembre 1996 n’a pas été notifiée aux demandeurs. Partant, dans la mesure où il n’est par ailleurs pas établi que les demandeurs aient eu une connaissance adéquate de la décision critiquée, leur permettant de faire valoir leurs droits plus de trente jours avant l’introduction de leur recours et comme le recours a été introduit le 31 juillet 1997, partant dans le délai de trente jours à compter de la date à laquelle, de l’aveu des demandeurs, ceux-ci ont pu avoir une connaissance intégrale de la décision litigieuse, le moyen de tardiveté du recours est à rejeter.

Le recours ayant par ailleurs été introduit dans les formes de la loi, il est recevable.

QUANT AU FOND Au fond, les demandeurs reprochent au ministre que l’autorisation destinée à permettre la construction projetée serait contraire aux intérêts poursuivis par la loi précitée du 20 mars 1974, tels que formulés dans les articles 1er et 2 de ladite loi, dès lors que les « conséquences finales de la décision attaquée sont (…) les suivantes: - dégradation des conditions de vie de la population et de l’environnement; - dégradation de l’habitat et développement non harmonieux des structures urbaines et rurales (…); destruction du paysage naturel, atteinte à l’environnement, notamment par la pollution incontournable de l’eau qui, en cas d’inondation, résorbera les pollutions du sol provenant des véhicules et machines etc; -

dégradation du patrimoine national dont font partie tant le vieux quartier d’Ingeldorf que la beauté du paysage de cette partie de la vallée de la Sûre ».

Ils reprochent encore au ministre de ne pas avoir conclu à l’incompatibilité parfaite entre le centre commercial et les buts poursuivis par le projet de plan d’aménagement instituant les zones inondables, qui vise à éviter toute construction d’immeubles dans les zones couvertes par le PAP "zones inondables et zones de rétention".

Les demandeurs estiment par ailleurs que le ministre aurait dû refuser l’autorisation , dès lors que la construction projetée « n’est pas conforme à la servitude non aedificandi, qui, 9 par définition exclut toute construction ». Ils soutiennent dans cet ordre d’idées que le centre commercial projeté entraînera une imperméabilisation des sols et la destruction d’une zone de rétention et qu’ « il est faux - pour écarter d’un trait de plume et sans discernement les conséquences locales tragiques des inondations - de se baser sur une expertise douteuse prenant comme unique référence la première catastrophe d’inondation de 1993, alors que l’ampleur des inondations évolue et tend à une aggravation considérable dans les années à venir ».

Sur base de ces moyens et arguments, ils concluent à la réformation, par révocation de la décision critiquée, sinon, en ordre subsidiaire, au renvoi du dossier au ministre compétent avec injonction de procéder à une nouvelle expertise envisageant des inondations plus graves que celles vécues en 1993 et en tenant compte du « comportement hydraulique de la Sûre » ainsi que de tous les autres aspects des catastrophes d’inondations, notamment de la rapidité de déversement des eaux de surface du centre commercial dans la Sûre.

Les moyens des demandeurs soulèvent en définitive la double question de savoir si le ministre était légalement habilité à accorder l’autorisation litigieuse et, dans l’affirmative, s’il a fait une juste appréciation des éléments de fait et de droit.

Conformément à l’article 11 de la loi précitée du 20 mars 1974, « sur proposition du ministre, le Gouvernement en conseil peut, selon les objectifs du programme directeur qu’il a arrêté, faire établir des plans d’aménagement partiel ou global. Ces plans peuvent couvrir soit l’ensemble ou une partie du territoire d’une ou de plusieurs communes, soit l’ensemble du pays. » L’article 12 alinéa 2 de la loi de 1974 dispose qu’« à partir du jour où le projet d’un plan d’aménagement est déposé à la maison communale (…) tout morcellement des terrains, toute construction ou réparation confortatives, ainsi que tous travaux généralement quelconques sont interdits, en tant que ces morcellements, réparations ou travaux seraient contraires aux dispositions des projets de plan. (…) ».

Au voeu du même article 12, la décision sur la compatibilité de travaux envisagés ou entrepris avec les servitudes visées à l’alinéa 2 incombe au ministre de l’Aménagement du territoire.

Le pouvoir du ministre de l'Aménagement du territoire d’accorder - par exception aux interdictions résultant du dépôt d’un projet d’aménagement - des autorisations ponctuelles dérogatoires, étant prévu par la loi de 1974, il s’inscrit nécessairement dans le cadre des objectifs poursuivis par cette loi, notamment de ceux énoncés aux articles 1er et 2 de ladite loi, de sorte que le reproche fondé sur la violation des objectifs poursuivis par la loi de 1974 est dénué de fondement.

L’existence de la base légale habilitant le ministre à accorder l’autorisation dérogatoire étant établie, il reste à savoir si le ministre, en usant du pouvoir qui était le sien, a fait une saine appréciation des éléments de fait et de droit.

Saisi d’un recours en réformation, le tribunal est amené à réexaminer le fond de l’affaire tant en droit qu’en fait. Par conséquent, le tribunal examinera en l’espèce si le projet de 10 construction d’un centre commercial à Ingeldorf s’avère compatible avec les dispositions et objectifs du PAP "zones inondables et zones de rétention".

Le PAP "zones inondables et zones de rétention" a été déposé à la mairie d'Erpeldange le 3 avril 1995. La partie écrite dudit projet de plan est contenue dans un projet de règlement grand-ducal « déclarant obligatoire le plan d’aménagement partiel « zones inondables et zones de rétention » ». La partie écrite définit les zones inondables et fixe les parcelles couvertes par le plan. En son article 5, elle interdit, dans les zones couvertes, tous les ouvrages et installations, ainsi que toutes les activités susceptibles de nuire au régime des cours d’eau ou de réduire la capacité de rétention de ces zones. Toutefois, au voeu de l’article 6, le ministre compétent peut autoriser des exceptions, après concertation avec les communes et les administrations concernées.

L’objectif poursuivi par le PAP "zones inondables et zones de rétention" n’est pas d’interdire toute construction dans les zones couvertes par le plan, mais d’interdire les seules constructions qui aggravent les risques d’inondations ou les effets de crues.

Cette conclusion résulte des dispositions mêmes de la partie écrite du PAP "zones inondables et zones de rétention", qui autorise expressément (v. article 6 précité) la possibilité d’exceptions à l’interdiction de principe. Cet objectif est encore confirmé par une décision du gouvernement en conseil du 8 septembre 1995 (non publiée) qui précise « (…) que les propriétaires disposant d’autorisations de construire en bonne et due forme se verront imposer l’obligation de prouver qu’ils ont pris les dispositions nécessaires pour éviter qu’une construction sur leur terrain ne renforcera pas au détriment d’autres propriétaires ni les risques d’inondations ni les effets de crues ».

La décision ministérielle autorisant la construction du centre commercial projeté est basée sur ce que la construction n’est pas incompatible avec les dispositions du PAP, dès lors que « les résultats de l’expertise réalisée par Monsieur le professeur ROUVE confirment que la réalisation du projet de construction "Cactus" à Ingeldorf n'aura pas de conséquences hydrauliques négatives et ne portera donc pas préjudice aux riverains de la Sûre ».

Le rapport d’expertise visé a été dressé par le professeur émérite Dr. Ing. Gerhard ROUVE de l’université d’Aix-la-Chapelle, en collaboration avec le professeur Dr. Ing. J.

KOENGETER de l’université d’Aix-la-Chapelle et est daté du mois d’août 1996.

Ledit rapport précise avoir l’objet suivant: « In Ingeldorf bei Diekirch in Luxembourg ist der Bau eines Supermarktes CACTUS geplant. Dieser soll im Hochwasserflutbereich der Sûre errichtet werden. (…) Es ist die Auswirkung dieser Baumassnahme auf den Hochwasserabfluss in der Sûre zu untersuchen. Insbesondere ist für die Planung des Supermarktes die Kenntnis der maximal zu erwartenden Wasserstände von Bedeutung. In Fliessrichtung hinter dem Supermarkt befindet sich ein Wohngebiet. Inwieweit in diesem Bereich mit erhöhten Wasserständen infolge des Bauwerkes zu rechnen ist, ist ebenfalls Gegenstand der vorliegenden Untersuchungen » (voir rapport d’expertise ROUVE, page 2, Projektbeschreibung).

Il ressort de cette description de la mission d’expertise que les critiques des demandeurs tirées de l’insuffisance du rapport d’expertise, en ce qu’il n’analyserait que l’évolution des 11 courants d’inondation « dans » la Sûre et la capacité de rétention de celle-ci et non pas l’incidence sur la cité voisine, s’avèrent dès lors non fondées.

Ledit rapport retient dans son point 5.1 « Diskussion der Berechnungsergebnisse » contenu dans le chapitre 5 intitulé « Ergebnisse der Strömungssimulation »: « Durch den Bau des Supermarktes nach den Planungsunterlagen geht zunächst keine Beeinflussung auf das Abflussvermögen der Sûre aus. Das Bauwerk liegt im wesentlichen im Strömungsschatten der Hochwasserschutzmauer. Durch die etwas tiefer gelegene Bauwerkssohle ergibt sich ein zusätzlicher Retentionsraum für das Gewässer. Durch den Supermarkt erhöht sich zwar die Querschnittsfläche im Vorlandbereich geringfügig (bei einer annähernd gleichen Rauhigkeit), jedoch wird durch die quer zur Hauptfliessrichtung entstehenden sehr geringen Strömungen die Abflussmenge im Flusslauf und damit das gesamte strömabwärtsliegende Gebiet nicht beeinflusst. » Enfin, dans le chapitre 6 intitulé « Zusammenfassung », l’expert s’exprime et conclut comme suit: « Für die Planung eines Supermarktes "Cactus" im Tal der Sûre bei Ingeldorf in Luxembourg wurde eine hydraulische Untersuchung für einen Hochwasserabfluss von 517 m3/s durchgeführt. Die hydraulische Berechnung erfolgte wegen der äusserst komplexen Strömungsverhältnisse in diesem Flussabschnitt mit einem zweidimensional-tiefengemittelten Strömungsmodell durch das Institut für Wasserbau und Wasserwirtschaft an der RWTH Aachen.

Nach der Kalibrierung des Strömungsmodells für den Gewässerzustand wurde der Einfluss des geplanten Bauwerks auf das Hochwasser untersucht. Die Strömungssimulation ergab, dass die ursprünglichen Abflussverhältnisse eingehalten werden können und eine Aenderung der Strömungssituation nicht eintritt.

Dieses Ergebnis erklärt sich aus der Lage und Geometrie des Supermarktes, der aufgrund seiner Pfeilerkonstruktion als Ueberflutungsfläche dienen kann und nicht umströmt werden muss.

Insgesamt wird festgestellt, dass der Bau des Supermarktes "Cactus" den Hochwasserabfluss in der Sûre nicht beeinflusst. » Il découle donc du rapport d’expertise que la réalisation du projet de construction n’aggrave pas le risque et l’importance des inondations et que les courants de l’eau ne seront pas modifiés.

Concernant les critiques quant à l’impartialité de l’expert, s’il est vrai que les frais d’expertise ont été réglés par le "groupe Cactus", il n’en reste pas moins qu'il se dégage des éléments du dossier que la réalisation de la mesure d’expertise a été exigée par le ministre de l’Aménagement du territoire; que c’est le ministre qui a désigné l’expert et l’a chargé de sa mission et que c’est le ministre qui a requis la prise en charge des frais d’expertise par le "groupe Cactus ". Par conséquent, l’impartialité de l’expert ne saurait être mise en doute et le reproche afférent est à rejeter.

Concernant finalement la critique basée sur ce que la seule référence à la première catastrophe d’inondation de 1993 serait insuffisante et négligerait le fait que l’ampleur des inondations évolue et tend à s’aggraver, il échet de retenir que ce reproche n’est pas de nature 12 à ébranler la pertinence de ce rapport, dès lors que les crues des mois de janvier et décembre 1993 sont généralement acceptées comme crues de référence, eu égard à leur gravité exceptionnelle et au fait de l’existence de données complètes quant à l’importance des inondations, notamment concernant les niveaux des eaux et l’étendue des zones touchées. Ce sont par ailleurs les niveaux des eaux des rivières en crue atteints en janvier et en décembre 1993, qui ont été pris en considération lors de l’élaboration du projet de plan d’aménagement particulier "zones inondables et zones de rétention". Quant à la situation spécifique dans la commune de Ingeldorf, les demandeurs n’allèguent ni, a fortiori, ne prouvent qu’il y a eu ou qu’il pourrait raisonnablement y avoir des crues plus importantes que celles de janvier 1993.

C’est donc à bon droit et par une saine appréciation des éléments de fait que le ministre a pu se baser sur le prédit rapport d’expertise ROUVE et décider que le projet de construction n'était pas incompatible avec les objectifs du PAP "zones inondables et zones de rétention", dès lors qu’il ressort du rapport d’expertise ROUVE que le projet n’aura pas de conséquences hydrauliques négatives, ne réduit pas la capacité de rétention de la Sûre et ne portera donc pas préjudice aux riverains de la Sûre.

Au vu des considérations qui précèdent, la demande subsidiaire de voir renvoyer le dossier au ministre compétent afin qu’il soit procédé à une nouvelle expertise, est à rejeter comme n’étant pas fondée.

Le recours en réformation est partant à écarter comme non fondé.

La loi prévoyant un recours en réformation en la matière, le recours en annulation, introduit en ordre subsidiaire, est à déclarer irrecevable, pareille irrecevabilité impliquant également l’irrecevabilité de la demande en sursis à exécution formulée dans le cadre de ce recours.

Eu égard à l’issu du litige, la demande en allocation d’une indemnité de procédure est à abjuger.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, déclare le recours en annulation irrecevable, rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure, condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 26 janvier 1998, à laquelle assistaient:

13 M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, M. Hoscheit, juge-suppléant, M. Legille, greffier assumé.

s. Legille s. Schockweiler 14


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : s10190,10352
Date de la décision : 26/01/1998

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1998-01-26;s10190.10352 ?

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