La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/01/1998 | LUXEMBOURG | N°10399

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 22 janvier 1998, 10399


N° 10399 du rôle Inscrit le 7 novembre 1997 Audience publique du 22 janvier 1998

============================

Recours formé par Monsieur … HAKRAMA contre le ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------

---

Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 7 novembre 1997 par Maître François MOYSE, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … HAKRA

MA, …, demeurant à …, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre ...

N° 10399 du rôle Inscrit le 7 novembre 1997 Audience publique du 22 janvier 1998

============================

Recours formé par Monsieur … HAKRAMA contre le ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------

---

Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 7 novembre 1997 par Maître François MOYSE, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … HAKRAMA, …, demeurant à …, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 24 septembre 1997, par laquelle la demande du requérant en obtention du statut de réfugié politique est refusée;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé le 4 décembre 1997;

Vu les pièces versées et notamment la décision critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître François MOYSE et Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives.

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------

---

En date du 7 juillet 1997, Monsieur … HAKRAMA, de nationalité albanaise, demeurant actuellement à …, a présenté oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en obtention du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention ».

Monsieur HAKRAMA a été entendu, en date du 7 juillet 1997, par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d'asile et sur le déroulement de son voyage vers le Luxembourg.

La commission consultative pour les réfugiés a émis un avis défavorable le 28 août 1997.

1 Par décision du 24 septembre 1997, notifiée le 8 octobre 1997 à Monsieur … HAKRAMA, le ministre de la Justice a rejeté sa demande, avec la motivation suivante:

« (…) Me ralliant à l’avis de la commission consultative pour les réfugiés à laquelle j’avais soumis votre demande et dont je joins une copie en annexe à la présente, je regrette de devoir vous informer que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande alors que vous n’invoquez pas de persécutions vécues ou de craintes qui seraient telles que la vie vous serait intolérable dans votre pays.

Ainsi, une crainte justifiée d’une persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social n’est pas établie. (…) ».

Par requête déposée le 7 novembre 1997, Monsieur HAKRAMA a introduit un recours en réformation, sinon en annulation contre la décision ministérielle précitée du 24 septembre 1997.

A l’appui de son recours, il fait valoir que la décision critiquée serait entachée d’un vice de forme substantiel, dès lors qu’il existerait deux documents contradictoires datés du même jour.

Il soulève ensuite la violation des articles 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure administrative non contentieuse et 2, A., 1 de la Convention, dès lors que la motivation de la décision critiquée serait trop succincte et équivaudrait à une absence de motivation.

Dans ce contexte, le demandeur soutient que, contrairement à l’opinion exprimée par la commission consultative pour les réfugiés, la situation en Albanie serait loin d’être stabilisée, car, même si les troubles ont diminué, de nombreuses armes circuleraient encore, la police ne contrôlerait pas encore la situation et les meurtres seraient quotidiens.

Au fond, il soutient remplir les conditions d’obtention du statut de réfugié politique, aux motifs que: - les menaces armées dont il aurait fait l’objet feraient que la crainte existe avec raison dans son chef que sa vie serait en danger; - ce serait du fait de ses opinions politiques et philosophiques qu’il craint pour sa sécurité et celle de sa famille, dès lors qu’ils seraient membres ou sympathisants du parti politique monarchique; - il ne pourrait pas se réclamer de la protection des autorités de son pays, au motif que le gouvernement albanais « ne maîtrise pas la situation et n’arrive pas à imposer la sécurité ».

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement soulève tout d’abord l’irrecevabilité du recours en annulation, au motif que la loi prévoit en matière de statut de réfugié politique un recours en réformation.

Concernant le moyen tiré d’un vice de forme, il expose qu’une seule décision de refus existerait, à savoir celle du 24 septembre 1997, notifiée au demandeur le 8 octobre 1997, de sorte que le reproche serait à écarter.

Le délégué du gouvernement conclut ensuite au rejet du moyen tiré de l’absence de motivation. Dans ce contexte, il soutient que la décision critiquée et l’avis de la commission 2 consultative pour les réfugiés, annexé à ladite décision, expliqueraient à suffisance de droit les motifs et considérations qui auraient amené le ministre à refuser la reconnaissance du statut sollicité.

Quant au fond, il estime qu’aucune crainte justifiée de persécution n’aurait été établie, au motif qu’il ressortirait des déclarations faites par le demandeur qu’il n’a pas été membre d’un parti politique mais simple sympathisant et que les menaces que des personnes qu’il aurait prises en auto-stop et qui auraient ensuite volé son véhicule, trouveraient leur origine dans une infraction de droit commun.

Le recours introduit par le demandeur contient en ordre principal une demande en réformation de la décision ministérielle critiquée.

En matière de reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention, la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, entrée en vigueur le 11 mai 1996, a introduit, par son article 13, la possibilité d’exercer un recours en réformation contre les décisions ministérielles de refus prises en application de l’article 12 de la même loi.

Par conséquent, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation.

Le recours en réformation ayant également été introduit dans les formes et délai de la loi, il est partant recevable.

Le demandeur a en premier lieu fait valoir que la décision critiquée serait entachée d’un vice de forme substantiel, dès lors qu’il existerait deux documents contradictoires datés du même jour.

S’il est vrai qu’il ressort des pièces du dossier que le document notifié au demandeur diffère de l’original figurant au dossier administratif, en ce sens que, d’une part, la minute ne porte que la paraphe d’un attaché de gouvernement, alors que l’exemplaire notifié au demandeur comporte la signature dudit attaché et, d’autre part, la minute, après la signature, mentionne les modalités et la date de notification et contient une deuxième paraphe ou signature derrière la date de notification, alors que le document notifié ne contient pas ces informations et signature, il n’en reste pas moins que le corps de la décision figure de façon identique dans les deux documents et les différences constatées ne sont nullement de nature à préjudicier les intérêts du demandeur.

La question de savoir si c’est le demandeur qui a apposé la deuxième paraphe ou signature pour confirmer qu’il a reçu notification de l’exemplaire lui destiné ou si c’est une autre personne qui a apposé cette signature, se révèle être sans pertinence dès lors qu’il est constant en cause que la notification de l’exemplaire destiné au demandeur, partant de la décision, a eu lieu en date du 8 octobre 1997.

Le moyen d’annulation tiré de l’existence d’une irrégularité formelle est partant à abjuger.

Le deuxième moyen d’annulation invoqué par le demandeur consistant à soutenir que la décision ministérielle critiquée est entachée d’illégalité pour absence de motivation, n’est pas 3 fondé non plus, étant donné qu’il ressort des pièces versées au dossier que tant la décision ministérielle que l’avis de la commission consultative pour les réfugiés auquel le ministre s’est rallié, en en adoptant également les motifs, et qui a été annexé en copie à la décision, de sorte qu’il en fait partie intégrante, indiquent de manière détaillée et circonstanciée les motifs en droit et en fait, sur lesquels le ministre s’est basé pour justifier sa décision de refus, motifs qui ont ainsi été portés, à suffisance de droit, à la connaissance du demandeur (cf. C.E. 30 avril 1993, GASPAR VIEGAS, n° 8731 du rôle).

L’existence de motifs ayant été vérifiée, il s’agit d’analyser la justification au fond du refus d’accorder le statut de réfugié politique.

Aux termes de l’article premier, section A, 2. de la Convention, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur.

Lors de son audition, telle qu’elle a été relatée dans le compte rendu figurant au dossier, Monsieur HAKRAMA a exposé qu’il a profité d’un déplacement en Italie de l’équipe nationale de volley-ball d’Albanie, dont il était l'un des joueurs, pour s’enfuir et se rendre au Luxembourg pour demander l’asile politique. Questionné sur les motifs de sa demande d’asile, il a exposé que, sans avoir été membre d’un parti politique, il est pro-monarchiste et sympathisant du parti « Légalité » et qu’il a participé à différentes manifestations, non autrement spécifiées; que fin mars 1997, il avait emmené dans sa voiture 3 hommes qui faisaient de l’auto-stop; qu'à un certain moment il a été forcé, sous la menace d’un pistolet, de leur donner sa voiture, ce qu’il a fait. Il a encore indiqué qu'au courant du mois de mai, les mêmes personnes étaient venus au « palais de sports » à Tirana, où il jouait au volley-ball et l’auraient menacé de le tuer s’il continuait de participer à des manifestations pour l’instauration de la monarchie. A cette occasion ils auraient tiré une balle en l’air. Il « croit que c’étaient des gens de la Police Secrète ».

En l’espèce, indépendamment de l’absence de l’un quelconque élément de preuve apporté par le demandeur quant à ses déclarations, les craintes exprimées par lui s’analysent en définitive comme l’expression d’un simple sentiment général d’insécurité. Cette conclusion n’est pas ébranlée par les récits vagues relativement au vol de la voiture, simple crime de droit commun, ou par les menaces proférées par des inconnus et le coup de feu en l’air, faits qui, à eux seuls, ne sauraient être retenus comme constituant des motifs de reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention, d’autant plus qu’il n’est pas établi que le 4 demandeur ne peut pas se prévaloir de la protection des autorités nationales ou que celles-ci ne peuvent pas garantir sa sécurité.

Il découle des considérations qui précèdent que le demandeur n’a pas fait valoir de raisons personnelles de nature à justifier, dans son chef, la crainte d’être persécuté pour une des raisons énoncées dans la disposition précitée de la Convention et, partant, le ministre a refusé à bon droit le statut de réfugié politique.

Le recours en réformation est partant à rejeter.

Un recours en réformation étant prévu en la matière, le recours en annulation introduit en ordre subsidiaire est à déclarer irrecevable.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, déclare le recours en annulation irrecevable, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 22 janvier 1998, par le vice-président, en présence du greffier.

s. Legille s. Schockweiler greffier assumé vice-président 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 10399
Date de la décision : 22/01/1998

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1998-01-22;10399 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award