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19/01/1998 | LUXEMBOURG | N°10255

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 19 janvier 1998, 10255


N° 10255 du rôle Inscrit le 25 août 1997 Audience publique du 19 janvier 1998

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Recours formé par … KLIEM S.A. et Monsieur … SIREC contre le ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 10255 et déposée le 25 août 1997 au greffe du tribunal administratif par Maître Marco NOSBUSCH, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembour

g, aux noms de 1.) la société anonyme … KLIEM S.A., avec siège social à …, et 2.) Monsieur … ...

N° 10255 du rôle Inscrit le 25 août 1997 Audience publique du 19 janvier 1998

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Recours formé par … KLIEM S.A. et Monsieur … SIREC contre le ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 10255 et déposée le 25 août 1997 au greffe du tribunal administratif par Maître Marco NOSBUSCH, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, aux noms de 1.) la société anonyme … KLIEM S.A., avec siège social à …, et 2.) Monsieur … SIREC, courtier, de nationalité yougoslave, demeurant à …, tendant à l’annulation d’un arrêté du ministre du Travail et de l’Emploi du 29 mai 1997 refusant le permis de travail à Monsieur SIREC;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 11 décembre 1997;

Vu les pièces versées en cause et notamment l’arrêté attaqué;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Sandra REULAND, en remplacement de Maître Marco NOSBUSCH, et Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives.

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Le 25 mars 1997, la société … KLIEM S.A. a introduit auprès de l’administration de l’Emploi, ci-après dénommée « ADEM », une déclaration d’engagement tenant lieu de demande en obtention du permis de travail en faveur de Monsieur … SIREC, de nationalité yougoslave, pour le poste de courtier en bourse. La prédite déclaration indique comme date d’entrée en service de Monsieur SIREC le 15 mars 1997 et précise également qu’il travaille sans interruption au Luxembourg depuis la même date.

Le permis de travail fut refusé à Monsieur SIREC par arrêté du ministre du Travail et de l’Emploi du 29 mai 1997, aux motifs suivants: « 1. pour des raisons inhérentes à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi; 2. priorité à l’emploi des ressortissants de l’Espace Economique Européen (E.E.E.); 3. poste de 1 travail non déclaré vacant par l’employeur; 4. des demandeurs d’emploi appropriés sont disponibles sur place ».

Par requête déposée le 25 août 1997, la société … KLIEM S.A. et Monsieur SIREC, ci-après dénommés « les demandeurs », ont introduit un recours en annulation contre l’arrêté du 29 mai 1997 pour détournement de pouvoir, sinon pour absence de motifs légaux, étant donné que les motifs indiqués par le ministre du Travail ne correspondaient ni à la réalité ni au critère de précision requis par la loi.

Ils font valoir plus particulièrement que les motifs invoqués par le ministre du Travail ne permettraient de refuser un permis de travail qu’à condition de se référer avec précision à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi existant au moment où la décision est prise. La décision de refus devrait également être motivée d’après les éléments objectifs tirés du marché de l’emploi. Ils estiment que cette exigence s’impose d’autant plus qu’en l’occurrence Monsieur SIREC a fait une demande pour obtenir la nationalité allemande, qui lui sera accordée dès qu’il aura perdu la nationalité yougoslave. De surcroît, il serait titulaire, en Allemagne, d’une autorisation de travail à durée illimitée. En ce qui concerne le motif que le poste n’aurait pas été déclaré vacant, ils précisent que la société … KLIEM S.A. n’avait pas recherché un employé, mais que c’était Monsieur SIREC qui avait postulé pour un emploi et qu’en raison de son profil particulièrement attrayant, la société … KLIEM S.A. aurait pris la décision de l’engager.

Le délégué du gouvernement soutient que le refus du permis de travail est légalement justifié. Il fait valoir en premier lieu que le ministre peut refuser le permis de travail s’il existe des motifs réels qui ont trait à la situation, à l’évolution ou à l’organisation du marché de l’emploi. Or la situation du marché luxembourgeois de l’emploi, avec le taux croissant de chômage, permettrait de prendre une telle décision.

Il précise encore que des licenciements économiques ont été effectués sur la place financière au courant des semaines précédant la décision d’embauche de Monsieur SIREC. Il relève encore que Monsieur SIREC ne dispose pas d’une autorisation de séjour au Luxembourg. La société … KLIEM S.A. n’aurait dès lors pas respecté les dispositions de l’article 16 de la loi modifiée du 21 février 1976 concernant l’organisation et le fonctionnement de l’ADEM et portant création d’une commission nationale de l’emploi, prohibant le recrutement de main-d’oeuvre à l’étranger.

Le représentant étatique relève en deuxième lieu que la priorité à l’emploi des ressortissants de l’EEE constitue une obligation imposée aux Etats membres de l’union européenne par le droit communautaire. L’affirmation que Monsieur SIREC aurait fait une demande pour obtenir la nationalité allemande et qu’il serait titulaire en Allemagne d’une autorisation de travail, ne saurait énerver la pertinence de ce motif.

Il rencontre l’argumentation des demandeurs consistant à dire que l’employeur n’avait pas l’obligation de déclarer le poste vacant avant d’embaucher Monsieur SIREC, au motif que l’employeur n’avait, en fait, pas eu de vacance de poste, par la référence aux dispositions des articles 9 de la loi précitée du 21 février 1976 et 4 du règlement grand-ducal modifié du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg.

2 Il relève en dernier lieu, que des demandeurs d’emploi issus du secteur bancaire et pouvant exercer le métier de courtier étaient inscrits aux bureaux de placement publics au moment de la prise de la décision de refus, de sorte que des demandeurs d’emploi appropriés étaient concrètement disponibles sur place.

Il conclut qu’il résulterait des considérations qui précèdent que l’arrêté ministériel du 29 mai 1997 remplit le critère de motivation requis par l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes.

En termes de plaidoiries, le litismandataire des demandeurs a confirmé que Monsieur SIREC était entré en service auprès de la société … KLIEM S.A. en date du 15 mars 1997, mais que le contrat de travail avait entretemps été résilié.

Un recours de pleine juridiction n’étant pas prévu en la matière, le recours en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

En ce qui concerne l’obligation de déclarer le poste vacant, motif invoqué par le ministre à l’appui de sa décision de refus, il y a lieu de relever que l’article 9 de la loi précitée du 21 février 1976 dispose que « dans l’intérêt du maintien du plein emploi, de l’analyse du marché de l’emploi et du recrutement de travailleurs à l’étranger, la déclaration des places vacantes à l’Administration de l’Emploi est obligatoire. » Outre cette obligation générale de déclaration d’un poste vacant, dans l’hypothèse d’un travailleur étranger qui n’est pas ressortissant d’un Etat membre de l’Union Européenne ou d’un Etat partie à l’Accord sur l’Espace Economique Européen, l’article 4 du règlement grand-ducal modifié du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg impose encore qu’« aucun employeur ne peut occuper un travailleur étranger non muni d’un permis de travail valable et sans avoir au préalable fait une déclaration à l’administration de l’emploi relative au poste de travail à occuper. » L’alinéa 3 du même article ajoute que la déclaration à l’ADEM doit être préalable à l’entrée en service du travailleur étranger. L’omission de l’employeur de déclarer son intention d’engager un travailleur provenant d’un Etat tiers dans un délai utile préalablement à son entrée en service constitue un empêchement légal à la formation d’un contrat d’emploi entre ledit patron et le travailleur étranger. Il s’ensuit logiquement qu’une autorisation de travail ne saurait lui être accordée, étant donné qu’en vertu de l’article 1er du règlement grand-ducal susdit, le lien contractuel entre l’employeur et le salarié est en principe spécifique. Faute de contrat de travail valablement conclu entre l’employeur et le travailleur étranger, ce dernier ne saurait prétendre à une autorisation de travail (cf. C.E. 21 mars 1990, Skenderovic, n°8317).

En l’espèce, il ressort des pièces du dossier, que l’employeur a introduit en date du 25 mars 1997 une déclaration d’engagement pour Monsieur SIREC auprès de l’ADEM en mentionnant comme date d’entrée en service le 15 mars 1997. Cette déclaration n’a en conséquence pas été introduite dans un délai utile avant l’entrée en service de Monsieur SIREC, de sorte que les exigences de l’article 4 dudit règlement-

grand-ducal modifié du 12 mai 1972 n’ont pas été respectées.

3 Il se dégage de ces éléments, confirmés par les plaidoiries à l’audience, que Monsieur SIREC a travaillé, sans permis de travail, au Grand-Duché de Luxembourg depuis le 15 mars 1997, en violation des dispositions légales et réglementaires prémentionnées, l’employeur n’ayant pas préalablement déclaré son intention d’engager Monsieur SIREC, de sorte que le ministre du Travail et de l’Emploi lui a valablement refusé l’octroi d’un permis de travail.

Etant donné que la décision se justifie pour le motif analysé ci-dessus, l’examen des autres motifs, sur lesquels le ministre a encore basé sa décision de refus du 29 mai 1997, devient surabondant et le recours en annulation est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

reçoit le recours en annulation en la forme;

au fond le déclare non justifié et en déboute;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge, et lu à l’audience publique du 19 janvier 1998 par le vice-président, en présence du greffier.

Legille Schockweiler greffier assumé vice-président 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 10255
Date de la décision : 19/01/1998

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1998-01-19;10255 ?

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