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14/01/1998 | LUXEMBOURG | N°10185

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 janvier 1998, 10185


N° du rôle 10185 Inscrit le 29 juillet 1997 Audience publique du 14 janvier 1998

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Recours formé par Monsieur … BRAUN contre la commission des pensions de l’Etat en matière de mise à la retraite

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Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 29 juillet 1997 par Maître Henri FRANK, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg au nom de Monsieur … BRAUN,

…, demeurant à …, tendant à la réformation d’une décision de la commission des pensions de l’Et...

N° du rôle 10185 Inscrit le 29 juillet 1997 Audience publique du 14 janvier 1998

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Recours formé par Monsieur … BRAUN contre la commission des pensions de l’Etat en matière de mise à la retraite

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Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 29 juillet 1997 par Maître Henri FRANK, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg au nom de Monsieur … BRAUN, …, demeurant à …, tendant à la réformation d’une décision de la commission des pensions de l’Etat du 21 mai 1997 ayant déclaré qu’il n’était pas sujet à des infirmités qui le mettraient hors d’état d’exercer ses fonctions.

Vu le mémoire en réponse du délégué de Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 16 décembre 1997.

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise.

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Henri FRANK, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience du 12 janvier 1998.

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Considérant que Monsieur … BRAUN, né à Luxembourg le 10 juillet 1947 et demeurant à …, est employé au service de…;

Qu’ayant été absent sans interruption depuis le 1er avril 1996 à son travail, le service de … en question a saisi en date du 10 décembre 1996 la ministre des Transports d’une demande d’engager la procédure prévue à l’article 2 de la loi modifiée du 26 mai 1954 réglant les pensions des fonctionnaires de l’Etat, la commission ayant été saisie le 17 décembre 1996 en vue de la constatation de l’incapacité au travail de Monsieur … BRAUN;

Que ce dernier a marqué son accord, par écrit, en date du 13 janvier 1997 avec la procédure engagée;

Que le docteur Camille REISEN, médecin adjoint à la commission des pensions, a présenté son rapport médical en date du 17 janvier 1997, dans lequel il arrive à la conclusion motivée émargée sub D, que l’intéressé n’est pas capable d’exercer ses fonctions actuelles à cause de son état général détérioré par un éthylisme sévère, mais qu’il sera probablement capable de les reprendre dans la suite, à condition qu’il réduise sa consommation d’alcool ou, mieux encore, qu’il suive une cure de désintoxication, un réexamen devant être prévu dans les trois mois;

Que d’après les mêmes conclusions l’intéressé ne serait pas dans l’impossibilité de se déplacer pour des raisons de santé et ne donnerait par ailleurs lieu à aucune autre observation;

Qu’après avoir entendu Monsieur BRAUN en son audience du 16 avril 1997, lors de laquelle il a nié l’existence de problèmes alcooliques actuels dans son chef, déclarant que sa vigueur se trouverait fortement réduite et qu’il ne serait plus motivé pour reprendre ses fonctions, la commission des pensions, dans sa décision du 21 mai 1997, est arrivée à la conclusion que les troubles dont souffre Monsieur BRAUN sont inhérents à son abus d’alcool, mais susceptibles de disparaître soit par une abstinence complète, soit par un traitement adéquat, et ne justifient pas une mise à la retraite pour incapacité de travail;

Que c’est contre cette décision que Monsieur … BRAUN a déposé en date du 29 juillet 1997 un recours en réformation;

Qu’il y fait relever en premier lieu que c’est l’administration elle-même qui a engagé la procédure tendant à voir considérer qu’il est inapte à remplir son service;

Que d’après lui cette appréciation serait partagée par le docteur REISEN, même si la commission a relevé expressément que d’après cet expert il ne serait actuellement pas capable d’exercer ses fonctions;

Qu’il donne à considérer que la décision déférée ne contiendrait pas de justes motifs au sens la loi, alors qu’il n’appartiendrait pas à la commission d’examiner les raisons médicales à la base de l’incapacité du demandeur en question de remplir ses fonctions, les considérations moralisantes de la commission ne valant, à son avis, pas non plus justes motifs au sens de la loi;

Que par réformation il demande au tribunal de le déclarer inapte à remplir ses fonctions et à renvoyer le dossier à l’administration compétente à telles fins que de droit, tout en lui réservant notamment le droit de procéder par contre-expertise médicale;

Considérant que dans son mémoire en réponse, le délégué du Gouvernement se réfère tout d’abord aux conclusions du docteur Camille REISEN, médecin spécialiste en maladies internes, pour relever ensuite que sous la partie C de son rapport, ce dernier émet l’avis que de toute façon une mise à la retraite ne saurait rendre aucun service au demandeur, « l’oisiveté étant la mère de tous les vices »;

Qu’il renvoie à la délibération de la commission qui aurait été confrontée au problème inhérent au présent cas, revenant ou bien à déférer au désir de l’administration de se voir débarrasser d’un alcoolique à l’égard duquel, dans le passé, aucune mesure disciplinaire y relative n’a été prise, et d’accorder ainsi la retraite prématurée à un employé y acquiesçant, ayant déclaré devant la commission ne plus être motivé pour reprendre ses fonctions, ou bien alors d’approuver les propositions thérapeutiques salutaires du médecin commis permettant à l’intéressé, âgé de 53 ans, de reprendre plus tard son travail sans problème majeur;

Que par sa décision déférée, la commission aurait exprimé l’avis que les troubles inhérents à l’abus d’alcool, temporaires du point de vue médical parce que susceptibles d’être améliorés par un effort personnel de l’intéressé, assortis d’un traitement adéquat, ne justifieraient actuellement pas une mise à la retraite et que l’intéressé serait partant capable de travailler;

2 Que le délégué du Gouvernement auprès de la commission des pensions s’y serait d’ailleurs rallié, tout en renvoyant à la sanction légale consistant dans le payement d’un traitement réduit pour le cas où l’intéressé ne reprendrait pas son travail postérieurement à la décision de la commission;

Qu’il résulterait des éléments ainsi développés que la commission aurait fait usage de la possibilité de ne pas prononcer la mise à la retraite en se basant sur des motifs tout à fait objectifs, aucune disposition ne prévoyant par ailleurs que la commission ne serait pas admise à se prononcer sur les raisons médicales à la base de l’incapacité invoquée;

Qu’en toute occurrence le médecin commis n’aurait pas conclu à une incapacité définitive, mais seulement temporaire, en estimant qu’après une cure de désintoxication le demandeur pourrait reprendre ses fonctions;

Qu’au vu de tous ces éléments le représentant étatique conclut au rejet du recours comme n’étant pas fondé;

Considérant qu’une délibération de la commission des pensions relative à la mise à la retraite constitue non pas une décision de juridiction de premier degré au sens de l’article 5, alinéa 1er de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, mais une décision administrative pré-contentieuse, susceptible en tant que telle d’un recours devant le tribunal administratif;

Qu’en effet, même si un organe est investi de fonctions juridictionnelles, il ne constitue pas, en raison de cette seule circonstance, une juridiction, celle-ci devant être instituée formellement par la loi;

Que les recours contre les décisions des organes en question doivent partant être portés devant le tribunal administratif (voir travaux préparatoires relatifs au projet de loi portant organisation des juridictions administratives, doc. par. 3940A1, avis du Conseil d’Etat, examen des articles, page 7);

Considérant que l’article 50 de la loi modifiée du 26 mai 1954 réglant les pensions des fonctionnaires de l’Etat, prévoyant par renvoi à l’article 32 de cette même loi un recours de pleine juridiction contre la décision de la commission des pensions relative à la mise à la retraite ou à la pension, le tribunal est encore compétent pour connaître du recours en réformation, lequel est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi;

Considérant que conformément aux dispositions du point III.1) de l’article 2 de ladite loi modifiée du 26 mai 1954 « la retraite est prononcée d’office si le fonctionnaire est atteint d’infirmités graves et permanentes et si l’inaptitude aux services a été constatée par la commission des pensions »;

Qu’en l’espèce la commission des pensions a retenu dans sa décision déférée du 21 mai 1997 « que Monsieur … BRAUN n’est pas sujet à des infirmités qui le mettraient hors d’état d’exercer ses fonctions »;

Que cette conclusion est basée sur le rapport du docteur Camille REISEN, médecin adjoint de la commission des pensions, en ce que la commission a retenu que « les troubles dont souffre Monsieur BRAUN sont inhérents à son abus d’alcool, mais susceptibles d’être améliorés soit par une abstinence complète, soit par un traitement adéquat, et ne justifient pas une mise à la retraite pour incapacité au travail; »;

3 Que le même rapport Dr. REISEN a retenu sous son point D comme conclusion motivée à la question si Monsieur BRAUN était capable de reprendre son travail dans la suite, que tel serait le cas à condition qu’il réduise sa consommation d’alcool ou mieux encore, qu’il suive une cure de désintoxication;

Qu’en son point VI ledit médecin adjoint à la commission des pensions retient qu’il y a lieu à réexamen de l’affaire dans les trois mois suivant l’établissement du rapport, rédigé en date du 17 janvier 1997;

Qu’il est encore constant, comme résultant du point C dudit rapport que Monsieur BRAUN souffrait depuis le début de l’année 1996 d’une insuffisance coronarienne, due à une sténose du tronc coronaire gauche et qu’il a bénéficié d’une revascularisation myocardique par triple pontage en date du 5 juin 1996 à l’Hôpital Brabois à Nancy;

Que si lors du dernier contrôle effectué à l’époque dudit rapport, soit le 15 décembre 1996 à Nancy, les conclusions étaient satisfaisantes mais que l’examen en question montrait un état général fortement réduit, un foetor ex ore caractéristique, une hépatomégalie et des signes de polynévrite, dus à son éthylisme chronique sévère, il n’en reste pas moins qu’à la date d’aujourd’hui, à laquelle le tribunal est amené à statuer dans le cadre d’un recours de pleine juridiction lui déféré, aucune conclusion circonstanciée concernant l’état de santé actuel et les capacités de reprendre le travail dans le chef de Monsieur BRAUN ne lui est soumise;

Que par ailleurs aucun résultat de réexamen n’a pu être communiqué au tribunal;

Qu’eu égard au fait que l’état de santé de Monsieur BRAUN, tel que décrit dans le rapport du Dr. REISEN, a trait à la fois à des questions relatives aux domaines de la cardiologie, de la neurologie et de la médecine interne, il échet, avant tout autre progrès en cause, de recourir à l’avis d’un collège d’experts en les matières respectives;

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement;

reçoit le recours en réformation en la forme, avant tout autre progrès en cause nomme experts 1. Monsieur Jean BEISSEL, médecin spécialiste en cardiologie, établi à L-1210 Luxembourg, 4, rue Nicolas Ernest Barblé, 2. Monsieur Gilles KIEFFER, médecin spécialiste en neurologie, établi à L-1527 Luxembourg, 16, rue Maréchal Foch, 3. Monsieur Ernest RAUCHS, médecin spécialiste en médecine interne, établi à L-1136 LUXEMBOURG, 6-12 place d’Armes avec la mission de se prononcer dans un rapport écrit et motivé sur les troubles physiques et psychiques dont Monsieur BRAUN est atteint et de déterminer s’il est apte à travailler ou si la mise à la retraite s’impose;

4 autorise les experts à entendre de tierces personnes toujours dans le respect du contradictoire;

invite les experts à déposer leur rapport le 28 février 1998 au plus tard, ordonne au demandeur de déposer une provision de 45.000 francs à la Caisse des consignations ou auprès d’un établissement de crédit à convenir avec l’autre partie et d’en justifier au greffe du tribunal, réserve les frais, fixe l’affaire au rôle général.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 14 janvier 1998 par:

M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge M. Schmit, greffier assumé Schmit Delaporte 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 10185
Date de la décision : 14/01/1998

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1998-01-14;10185 ?

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