N° 10138 du rôle Inscrit le 11 juillet 1997 Audience publique du 6 janvier 1998
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Recours formé par la société à responsabilité limitée MAD INFO s. à r.l., et Monsieur … RAKOTOZAFY contre le ministre des Classes moyennes et du Tourisme en matière d’autorisation de faire le commerce
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Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 11 juillet 1997 par Maître Eyal GRUMBERG, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée MAD INFO s. à r.l., établie et ayant son siège social à …, et de Monsieur … RAKOTOZAFY, , demeurant à …, tendant à la réformation, sinon à l’annulation de deux décisions du ministre des Classes moyennes et du Tourisme des 20 mars et 9 mai 1997 intervenues dans le cadre de la demande en obtention d’une autorisation en vue de l’exercice de l’activité de conseil en informatique de Monsieur RAKOTOZAFY;
Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 1er octobre 1997;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 28 novembre 1997 par Maître Eyal GRUMBERG au nom de la société à responsabilité limitée MAD INFO s. à r.l. et de Monsieur … RAKOTOZAFY;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Eyal GRUMBERG, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives.
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En date du 27 février 1997, Monsieur RAKOTOZAFY, de nationalité malgache et résidant en France, a sollicité auprès du ministre des Classes moyennes et du Tourisme, ci-
après appelé « le ministre », l’autorisation en vue d’exercer l’activité de conseil en informatique au Luxembourg, en qualité de gérant d’une société à responsabilité limitée MAD INFO s. à r.l., à constituer.
Par lettre du 20 mars 1997, le ministre l’informa qu’il remplit les conditions de qualification professionnelle pour exercer le métier en cause, mais qu’avant de pouvoir se voir délivrer l’autorisation afférente, il voudrait encore faire parvenir la copie de son autorisation de séjour au Grand-Duché de Luxembourg. Monsieur RAKOTOZAFY répondait par lettre du 27 mars 1997 en informant le ministre qu’il n’entendait pas séjourner au Grand-Duché de Luxembourg, mais continuer à résider en France. Par lettre du 9 mai 1997, le ministre l’informa que sa demande fut réexaminée et qu’il y aurait lieu de produire, à défaut du permis de séjour, au moins la copie de son visa délivré par les autorités luxembourgeoises compétentes.
A l’encontre de ces deux décisions du 20 mars 1997 et du 9 mai 1997, la société MAD INFO s.à r.l. et Monsieur RAKOTOZAFY ont fait déposer par requête du 11 juillet 1997 un recours en réformation, sinon en annulation pour cause de violation de la loi.
A l’appui de leur recours, ils font valoir qu’aux termes de l’article 3, alinéa 2 de la loi du 28 décembre 1988 réglementant l’accès aux professions d’artisan, de commerçant, d’industriel ainsi qu’à certaines professions libérales, ci-après appelée « la loi du 28 décembre 1988 », il suffirait que les dirigeants d’une société remplissent les conditions de qualification professionnelle et que le ministre, en demandant des précisions concernant respectivement l’existence d’une autorisation de séjour, voire d’un visa dans le chef de Monsieur RAKOTOZAFY, aurait rajouté une condition non prévue par la loi.
Le délégué du Gouvernement a attiré dans un premier temps l’attention du tribunal sur le fait qu’en date du 14 juillet 1997, la société MAD INFO s.à r.l. a obtenu l’autorisation d’exercer le commerce sous la gérance de Monsieur RAKOTOZAFY, pour soutenir que dans ces conditions le recours introduit le 11 juillet 1997 serait devenu sans objet.
Les demandeurs souhaitant néanmoins poursuivre leur recours, le représentant étatique a fait valoir dans un deuxième temps que les deux lettres ministérielles déférées ne seraient pas à analyser comme des décisions administratives susceptibles d’un recours contentieux, alors qu’elles ne constitueraient pas la décision finale et ne seraient pas de nature à faire grief. Dans la mesure où la décision finale, à savoir l’autorisation accordée le 14 juillet 1997, n’aurait pas fait l’objet d’un recours, les demandeurs l’auraient acceptée et le recours contre les actes préparatoires serait irrecevable, en raison de l’absence de caractère décisionnel de ces derniers.
A titre subsidiaire et quant au fond, il précise d’abord les faits en exposant qu’en réponse à la première demande du ministre du 20 mars 1997 relative à la production du permis de séjour dans le chef du gérant … RAKOTOZAFY, le mandataire de celui-ci aurait envoyé le 27 mars 1997 des photocopies illisibles, tout en passant sous silence la question du permis de séjour, de sorte que la commission consultative prévue à l’article 2 de la loi du 28 décembre 1988, après réexamen du dossier, aurait maintenu sa prise de position initiale.
A la deuxième demande du ministre du 9 mai 1997 relative à la production de la copie du visa pour le territoire luxembourgeois, Monsieur RAKOTOZAFY aurait répondu personnellement en date du 2 juin 1997 en joignant des copies lisibles de sa carte de résident en France et de son visa Benelux, ce qui a conduit à l’émission d’un avis favorable de la commission précitée du 14 juillet 1997, l’autorisation ayant encore été délivrée le jour même.
Quant au moyen tiré d’une prétendue violation de l’article 2 de la loi du 28 décembre 1988, le délégué du Gouvernement répond que la loi d’établissement n’exigerait non seulement l’accomplissement des conditions de qualification et d’honorabilité professionnelles, mais 2 également la présence effective du gérant de la société, ceci par le biais des dispositions de l’article 5 de ladite loi. Il estime que le ministre était partant en droit de prendre les renseignements nécessaires, surtout en présence d’un étranger qui n’est pas citoyen de l’Union Européenne, pour vérifier si celui-ci a le droit de séjourner au Grand-Duché de Luxembourg, alors qu’il incomberait au ministre de prendre des précautions élémentaires pour assurer la possibilité d’une présence effective du gérant au siège de la société.
Dans leur mémoire en réplique, les demandeurs soutiennent que les décisions déférées sont susceptibles d’un recours contentieux, étant donné qu’il s’agirait d’actes émanant d’une autorité administrative et de décisions faisant grief, alors que ces actes auraient eu des effets juridiques très importants, dans la mesure où le ministre, tout en retenant que Monsieur RAKOTOZAFY remplissait les conditions de qualification professionnelle, aurait encore requis la preuve d’une autorisation de séjour. Il signale que si le document requis n’avait pas été produit, le ministre n’aurait pas délivré l’autorisation d’établissement et l’affaire en serait restée à ce stade.
Quant au fond, il rejette l’argument du délégué du Gouvernement basé sur l’article 5 de la loi du 28 décembre 1988, alors que cette disposition pourrait uniquement être invoquée pour justifier la demande de la production d’un contrat de travail et non pas celle d’un titre de séjour.
Le recours ayant été déposé avant l’entrée en vigueur de la loi du 4 novembre 1997 portant modification des articles 2, 12, 22 et 26 de la loi du 28 décembre 1988, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation. Le recours subsidiaire en annulation est par voie de conséquence irrecevable.
Seules les décisions administratives étant susceptibles d’un recours devant le tribunal administratif, il y a lieu d’examiner d’abord si les lettres déférées du ministre des 20 mars et 9 mai 1997 répondent à cette exigence. Pour valoir décision administrative, l’acte sous considération doit constituer la décision définitive dans la procédure engagée et non pas une simple mesure d’instruction destinée à permettre à l’autorité compétente de recueillir les éléments d’information de sa décision ultérieure, l’irrégularité propre de pareille mesure d’instruction ne pouvant être invoquée que dans le cadre du recours dirigé contre la décision définitive au titre d’un vice de procédure. ( cf. F. Schockweiler, Le Contentieux administratif et la Procédure administrative non contentieuse en droit luxembourgeois, n° 68, p.38 et J.-M.
Auby et R. Drago, Traité des recours en matière administrative n° 147, p. 197 ) ) En l’espèce, il est constant que les décisions déférées sont intervenues dans le cadre de l’instruction administrative de la demande de Monsieur RAKOTOZAFY du 27 février 1997 en vue de l’octroi de l’autorisation d’exercer au Luxembourg l’activité de conseil en informatique.
Il est encore constant que par décision du 14 juillet 1997, le ministre a fait droit à cette demande et qu’à ce jour aucun recours contentieux n’a été introduit à l’encontre de cette décision. Les courriers des 20 mars et 9 mai 1997 constituent ainsi tout au plus des actes préparatoires Dans la mesure où le présent recours tend à voir admettre l’illégalité des seules mesures d’instruction ayant conduit à la décision définitive du 14 juillet 1997, non autrement contestée en cause, il est partant à déclarer irrecevable faute d’être dirigé contre une décision administrative susceptible de recours contentieux.
3 Par ces motifs le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement;
déclare le recours en réformation irrecevable;
déclare le recours en annulation irrecevable;
laisse les frais à charge des demandeurs;
Ainsi jugé par M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge et lu en l’audience publique du 6 janvier 1998 par le premier vice-président, en présence du greffier.