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17/12/1997 | LUXEMBOURG | N°10368

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 17 décembre 1997, 10368


1 N° 10368 du rôle Inscrit le 15 octobre 1997 Audience publique du 17 décembre 1997

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Recours formé par Monsieur … SADIKU contre le ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête déposée le 15 octobre 1997 au greffe du tribunal administratif par Maître Gilles BOUNEOU, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, assisté de Maître Frédéric FRABETTI, avocat inscrit à la liste II du même tableau, a

u nom de Monsieur … SADIKU, demeurant à …, tendant à l’annulation sinon à la réformation de de...

1 N° 10368 du rôle Inscrit le 15 octobre 1997 Audience publique du 17 décembre 1997

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Recours formé par Monsieur … SADIKU contre le ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête déposée le 15 octobre 1997 au greffe du tribunal administratif par Maître Gilles BOUNEOU, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, assisté de Maître Frédéric FRABETTI, avocat inscrit à la liste II du même tableau, au nom de Monsieur … SADIKU, demeurant à …, tendant à l’annulation sinon à la réformation de deux décisions du ministre de la Justice intervenues respectivement les 2 mai et 20 juin 1997, la première déclarant sa demande en obtention du statut de réfugié politique manifestement infondée, et la seconde rejetant un recours gracieux exercé contre la première décision;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 19 novembre 1997;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Frédéric FRABETTI et Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives.

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Le 14 décembre 1993, Monsieur … SADIKU, de nationalité yougoslave, sollicita l’octroi du statut particulier réservé aux réfugiés de l’ex-Yougoslavie. Le prédit statut lui a été refusé le 15 décembre 1993.

Il a introduit le 29 novembre 1994 une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

2 En date des 17 février 1995 et 27 novembre 1996, il a été entendu par un agent du ministère de la Justice sur le chemin du voyage ainsi que sur les motifs à la base de sa demande.

Sur avis défavorable de la commission consultative pour les réfugiés du 26 mars 1997, le ministre de la Justice a informé Monsieur SADIKU, par lettre du 2 mai 1997, que sa demande avait été déclarée manifestement infondée aux motifs suivants:

« (…) Vous vivez au Luxembourg depuis 1993, et votre demande d’obtention du statut humanitaire a été rejetée le 15 décembre 1993.

Le 28 décembre 1994, vous avez fait une demande d’obtention du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève.

Dans vos premières déclarations du 17 février 1995, vous avez prétendu avoir vécu pendant cinq ans en Bosnie, alors que vous reconnaissiez lors de votre deuxième audition du 27 novembre 1996, avoir toujours habité au Kosovo à Mitrovica.

Vous déclarez en outre avoir reçu une convocation à l’armée le 10 février 1993, mais vous auriez été déclaré inapte pour le service militaire pour 2 ans.

Dans les 4 ou 5 mois suivants, la police fédérale se serait présentée une fois par mois à votre domicile où elle ne vous aurait pas trouvé puisque vous vous seriez caché à chaque fois dans la forêt, averti par les villageois.

La police aurait ensuite fouillé votre maison, mais n’aurait pas laissé de messages.

Cependant, si le statut de protection de la Convention de Genève peut bénéficier à l’insoumis ou au déserteur qui refuse d’accomplir le service militaire qui l’amènerait à participer à des actions militaires contraires à ses convictions politiques, religieuses ou morales ou à des raisons de conscience, que ce soit au moment de la désertion ou au moment du retour dans l’Etat d’origine, vous avez été réformé en 1993 et ne risquez donc pas de participer à de telles actions militaires.

Dans ces circonstances, vous ne pouvez pas prétendre avoir déserté de l’armée yougoslave en vue de ne pas être contraint de participer à des actions militaires auxquelles vous voudrez vous soustraire pour des raisons de conscience.

Ainsi vous ne pouvez pas faire état d’une crainte justifiée de persécution en raison de votre race, religion, nationalité, appartenance à un groupe social ou en raison de vos opinions politiques ».

Un recours gracieux, formé le 5 juin 1997, a été rejeté à son tour le 20 juin 1997.

Par requête déposé le 15 octobre 1997, Monsieur SADIKU a introduit un recours en annulation et subsidiairement en réformation contre les décisions des 2 mai et 20 juin 1997.

3 Le délégué du gouvernement soulève l’irrecevabilité du recours pour dépôt tardif de la requête introductive d’instance.

QUANT A LA RECEVABILITE DU RECOURS Dans le recours intitulé « recours en annulation », le demandeur sollicite à titre principal l’annulation des deux décisions ministérielles critiquées. Cependant, dans ses conclusions ainsi que dans le dispositif de sa requête introductive d’instance, il sollicite en outre la réformation des décisions ministérielles, en demandant au tribunal que « la décision entreprise devra être annulée et le tribunal devra dire la demande fondée et accorder au requérant le statut de réfugié au sens de la Convention de Genève. » Le demandeur, en concluant à l’octroi du statut de réfugié, a donc introduit, à titre subsidiaire, un recours en réformation.

Encore que le demandeur entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation contre les décisions critiquées, l’existence d’une telle possibilité rendant irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre les mêmes décisions.

Il ressort des éléments du dossier, que le ministre de la Justice s’est basé sur l’article 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile et sur l’article 3 du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996.

L’article 10 de la même loi de 1996 prévoit expressément qu’en matière de demande d’asile déclarée manifestement infondée, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives. Le tribunal est partant incompétent pour connaître de la demande en réformation des décisions critiquées.

Il convient partant d’examiner si le recours en annulation a été introduit dans les formes et délai de la loi.

Par lettre du 2 mai 1997, notifiée le 7 mai 1997, le ministre de la Justice informa le demandeur que sa demande en obtention du statut de réfugié politique avait été déclarée manifestement infondée, en indiquant dans sa décision les délai et voie de recours.

Le demandeur a adressé en date du 5 juin 1997 au ministre de la Justice un recours gracieux au sens de l’article 11 de l’arrêté royal grand-ducal du 21 août 1866 portant règlement de procédure en matière contentieuse devant le Conseil d’Etat, applicable devant le tribunal administratif, en vertu de l’article 98 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, en l’invitant à ordonner une mesure d’instruction complémentaire, tout en suspendant sa décision intitiale du 2 mai 1997.

Dans sa réponse du 20 juin 1997, notifiée le 22 juin 1997, le ministre de la Justice confirma sa première décision.

4 En vertu de l’article 11 alinéa 2 de l’arrêté royal grand-ducal précité, la réclamation faite dans le délai du recours contentieux contre une décision administrative a pour effet de reporter le point de départ du délai du recours contentieux, en principe, à la date de la notification de la nouvelle décision statuant sur cette réclamation. Ainsi, le délai du recours contentieux ne commence à courir qu’à partir de la décision intervenant à la suite de cette réclamation.

Le recours contentieux doit, en matière de demandes d’asile déclarées manifestement infondées, être introduit dans un délai d’un mois à partir de la notification de la décision, conformément à l’article 10 de la loi précitée du 3 avril 1996.

En l’espèce, le recours gracieux du 5 juin 1997, ayant été formé dans le délai du recours contentieux, a pu conserver celui-ci, qui n’a commencé à courir qu’à compter de la notification de la décision confirmative du 20 juin 1997, notifiée le 22 juin 1997, pour expirer le 22 juillet 1997.

Dans ces circonstances, en introduisant le recours contentieux seulement le 15 octobre 1997, le demandeur n’était plus dans le délai légal pour déposer son recours, qui est partant à déclarer irrecevable.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation;

déclare le recours en annulation irrecevable;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, Mme Lamesch, juge, et lu à l’audience publique du 17 décembre 1997 par le vice-président, en présence du greffier.

Legille Schockweiler 5 greffier assumé vice-

président


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 10368
Date de la décision : 17/12/1997

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1997-12-17;10368 ?

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