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10/12/1997 | LUXEMBOURG | N°10295

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 décembre 1997, 10295


N° 10295 du rôle Inscrit le 18 septembre 1997 Audience publique du 10 décembre 1997

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Recours formé par Monsieur … VUCKOVIC contre le ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 10295 et déposée au greffe du tribunal administratif le 18 septembre 1997 par Maître Anne-Marie SCHMIT, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre

des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … VUCKOVIC, de nationalité yougoslave, demeurant à...

N° 10295 du rôle Inscrit le 18 septembre 1997 Audience publique du 10 décembre 1997

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Recours formé par Monsieur … VUCKOVIC contre le ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 10295 et déposée au greffe du tribunal administratif le 18 septembre 1997 par Maître Anne-Marie SCHMIT, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … VUCKOVIC, de nationalité yougoslave, demeurant à …, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 14 août 1997 par laquelle sa demande en obtention du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève a été rejetée;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 8 octobre 1997;

Vu le mémoire en réplique déposé au nom du demandeur au greffe du tribunal administratif en date du 11 novembre 1997;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Patrick GRAFFE, en remplacement de Maître Anne-Marie SCHMIT, et Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives.

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Le 26 septembre 1996, Monsieur … VUCKOVIC, de nationalité yougoslave et d’origine croate, a introduit auprès du ministre de la Justice une demande en obtention du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Monsieur VUCKOVIC a été entendu en date des 26 septembre 1996 et 7 janvier 1997 par un agent du ministère de la Justice, sur les motifs à la base de sa demande.

1 Sur avis défavorable de la commission consultative pour les réfugiés du 10 juillet 1997, le ministre de la Justice l’a informé, par lettre du 14 août 1997, notifiée le 25 août 1997, que sa demande avait été rejetée aux motifs suivants: « vous restez en défaut d’établir une crainte justifiée par une persécution au sens de la Convention de Genève. En particulier, vous restez en défaut de préciser en quoi la vie vous serait intolérable dans votre pays. Votre demande n’est donc pas fondée au sens de l’article 12 de la loi du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ».

Par requête déposée le 18 septembre 1997, Monsieur … VUCKOVIC a formé un recours en réformation contre la décision du 14 août 1997.

Lors de ses deux auditions par un agent du ministère de la Justice, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, le demandeur a déclaré qu’il a vécu jusqu’en août 1991 à Zagreb (Croatie); qu’il a été informé par un ami travaillant au ministère de la Défense à Zagreb que le nouvel Etat croate allait lever une armée et qu’il a alors décidé de quitter la Croatie; qu’il risquerait d’être emprisonné en Croatie, lors d’un retour éventuel, au motif qu’il a quitté ce pays et déserté son armée en pleine guerre; qu’il s’est alors réfugié à Belgrade (Serbie); qu’à partir du mois d’août 1991, les autorités yougoslaves ont commencé à faire des razzias afin de lever une armée et afin de former une police; qu’à cette époque, il a travaillé clandestinement à Belgrade auprès d’une société commerciale; qu’à la suite de sa déclaration en tant que réfugié auprès des autorités communales de Belgrade, celles-ci lui ont envoyé son dossier en vue de sa présentation à l’armée; qu’il a alors reçu plusieurs convocations orales pour l’armée, qui l’ont motivé à quitter Belgrade pour s’installer à Novi Sad où il a travaillé en tant que chauffeur de taxi; qu’en 1993, il a été reconnu en tant que réfugié à Novi Sad et que, par la suite, il a reçu un nouvel appel oral afin de se présenter à l’armée; que par la suite, il a changé d’adresse à Novi Sad; qu’en sa qualité de réfugié en Serbie, il n’a reçu ni d’autorisation de séjour ni de carte d’identité, ni de passeport; que les autorités serbes forceraient ainsi les personnes qui se sont réfugiées chez elles de retourner là d’où ils viennent; qu’il ne souhaitait toutefois pas retourner en Croatie au motif qu’on n’y aime pas les Serbes et qu’il n’y a pas d’attaches personnelles; qu’en outre, il risquerait la prison lors d’un retour éventuel en Croatie; qu’en vertu des lois yougoslaves, il ne lui était pas possible de devenir citoyen serbe et que par conséquent il ne pourrait pas trouver un logement et un travail en Yougoslavie en l’absence d’un passeport serbe. Interrogé sur les motifs de sa demande d’asile au Luxembourg, il a indiqué qu’il souhaitait y trouver du travail. Il a encore informé les autorités luxembourgeoises qu’il était venu régulièrement au Luxembourg dans le passé, sur base d’un visa luxembourgeois qu’il a obtenu par l’intermédiaire de son frère qui habite au pays. Il indiquait encore, en ce qui concerne le chemin de son voyage de son pays d’origine vers le Luxembourg, qu’il a eu un visa en date du 23 février 1996 à l’ambassade de Belgique avec une durée de validité allant du 1er avril 1996 au 15 juillet 1996. Quant à son service militaire, il a déclaré avoir effectué celui-ci dans l’ancienne armée yougoslave de 1985 à 1986 et que c’était seulement en octobre 1991 qu’il a été appelé à la réserve à l’armée croate, mais qu’à cette époque il se trouvait déjà à Belgrade.

Le demandeur reproche à la décision entreprise de ne pas reposer sur des motifs légaux, en ce que le ministre de la Justice aurait fait une fausse appréciation des faits qui gisent à la base de sa demande d’asile, étant donné qu’il résulterait avec précision du récit fait par lui lors des auditions des 26 septembre 1996 et 7 janvier 1997, qu’il aurait subi des persécutions d’ordre politique, d’ordre religieux et d’ordre social.

2 Le délégué du gouvernement estime que le ministre de la Justice a fait une saine appréciation des faits en refusant de reconnaître à Monsieur VUCKOVIC le statut de réfugié politique au motif que ce dernier affirme simplement être un insoumis, sans même présenter un document certifiant sa situation et que l’insoumission, à la supposer établie, ne serait pas, en elle-même, un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié politique puisqu’elle ne saurait, à elle-seule, fonder dans le chef du demandeur d’asile une crainte justifiée d’être persécuté dans son pays d’origine du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, A, 2) de la Convention de Genève.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur fait encore valoir que le délégué du gouvernement n’aurait pas, dans son mémoire en réponse, pris en considération ses déclarations sur des points essentiels dans la mesure où il n’aurait tenu compte ni du fait qu’il n’est pas en possession de papiers d’identité valables ni du fait qu’il ne pourrait pas retourner en Croatie pour les motifs indiqués lors de ses auditions.

Le recours en réformation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Concernant le reproche formulé par le demandeur à l’encontre de la décision entreprise, tiré de ce que le ministre a retenu, à tort, que les faits invoqués par lui ne constitueraient pas une crainte de persécution ou une persécution au sens de la Convention de Genève, il convient d’analyser, sur base des éléments du dossier, si le demandeur tombe sous le champ d’application de la Convention de Genève, en vue de la reconnaissance du statut de réfugié politique.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2) de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs d’asile qui doivent établir, concrètement, que leur situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour leur personne.

Concernant sa situation particulière, le demandeur fait seulement valoir qu’à la suite de l’accomplissement de son service militaire, il avait été convoqué à plusieurs reprises à l’armée croate et puis à l’armée serbe, en sa qualité de réserviste, et qu’il aurait refusé de donner suite à ces appels à l’armée, sans qu’il indique toutefois un quelconque motif permettant de justifier ce refus de rejoindre l’armée et sans qu’il indique plus particulièrement des raisons tenant à sa race, à sa religion, à sa nationalité, à son appartenance à un certain groupe social ou à ses opinions politiques. Il expose encore que lors d’un retour éventuel en Croatie, il y risquerait des poursuites de la part des autorités officielles en sa qualité de déserteur de l’armée.

3 Il échet de rappeler que l’insoumission ou la désertion ne sont pas, en elles-mêmes, des motifs justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu’elles ne sauraient, à elles-seules, fonder dans le chef du demandeur d’asile, en l’espèce Monsieur VUCKOVIC, une crainte justifiée d’être persécuté dans son pays d’origine du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit le prédit article 1er, 2) de la section A de la Convention de Genève.

En l’espèce, le demandeur invoque seulement son état d’insoumission, en indiquant qu’il risquerait de ce fait une peine d’emprisonnement dans son pays d’origine, mais sans donner une quelconque précision quant à ses craintes, permettant d’établir qu’il risque un traitement injuste ou disproportionné par rapport à la gravité objective des faits invoqués, lors d’un retour éventuel dans son pays d’origine. Le fait allégué par le demandeur à l’appui de son recours, même à le supposer établi, ne saurait, en lui-même, constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié politique, puisqu’il ne peut, à lui seul, fonder dans le chef du demandeur d’asile, une crainte justifiée d’être persécuté dans son pays d’origine du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article premier, section A, 2) de la Convention de Genève. Il résulte en effet des arguments développés par le demandeur que les événements dénoncés, à les supposer établis, ne sont pas de nature à rendre sa vie intolérable dans son pays d’origine et ne dénotent pas une persécution de nature à justifier une crainte pour une des raisons énoncées dans la disposition précitée de la Convention de Genève.

Il se dégage de ce qui précède que le ministre de la Justice a fait une saine appréciation des faits en estimant que la crainte de persécution invoquée par le demandeur n’est pas justifiée au regard des pièces et renseignements dont il disposait.

Le recours en réformation est donc à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

reçoit le recours en réformation en la forme;

au fond le déclare non justifié et en déboute;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 10 décembre 1997, par le vice-président, en présence du greffier.

4 Legille Schockweiler greffier assumé vice-président 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 10295
Date de la décision : 10/12/1997

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1997-12-10;10295 ?

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