N° 10072 du rôle Inscrit le 19 juin 1997 Audience publique du 3 novembre 1997
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Recours formé par Monsieur … KILL, … contre la CAISSE DE PREVOYANCE DES FONCTIONNAIRES ET EMPLOYES COMMUNAUX DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG en matière de mise à la retraite
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Vu la requête déposée le 19 juin 1997 au greffe du tribunal administratif par Maître Max GREMLING, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … KILL, …, demeurant à …, tendant à la réformation d’une décision de la Caisse de Prévoyance des Fonctionnaires et Employés Communaux du Grand-Duché de Luxembourg du 27 février 1997 portant refus de lui octroyer une pension d'invalidité, Vu l'exploit de l'huissier de justice Jean-Lou THILL, demeurant à Luxembourg, du 18 juin 1997, portant signification dudit recours à la Caisse de Prévoyance des Fonctionnaires et Employés Communaux du Grand-Duché de Luxembourg;
Vu le mémoire en réponse déposé le 29 août 1997 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean KAUFFMAN, avocat inscrit à la liste I du tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, pour le compte de la Caisse de Prévoyance des Fonctionnaires et Employés Communaux du Grand-Duché de Luxembourg;
Vu l'exploit de l'huissier de justice Pierre KREMMER, demeurant à Luxembourg, du 2 septembre 1997, portant signification dudit mémoire en réponse à Monsieur … KILL;
Vu le mémoire en réplique déposé le 10 octobre 1997 par Maître Max GREMLING au nom du demandeur … KILL;
Vu l'exploit de l'huissier de justice Jean-Lou THILL, demeurant à Luxembourg, du 6 octobre 1997, portant signification dudit mémoire en réplique à la Caisse de Prévoyance des Fonctionnaires et Employés Communaux du Grand-Duché de Luxembourg;
Vu le mémoire en duplique déposé le 20 octobre 1997 par Maître Jean KAUFFMAN au nom de la Caisse de Prévoyance des Fonctionnaires et Employés Communaux du Grand-Duché de Luxembourg;
2 Vu l'exploit de l'huissier de justice Pierre KREMMER, demeurant à Luxembourg, du 20 octobre 1997, portant signification dudit mémoire en duplique à Monsieur … KILL;
Vu les pièces versées et notamment la décision critiquée;
Ouï le juge rapporteur en son rapport et Maîtres Max GREMLING et Jean KAUFFMAN en leurs plaidoiries respectives.
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Se plaignant de troubles psychiques ainsi que d'une insuffisance cardiaque et de problèmes à la colonne vertébrale, Monsieur … KILL, … à …, y demeurant …, a introduit auprès de la Caisse de Prévoyance des Fonctionnaires et Employés communaux du Grand-Duché de Luxembourg, ci-après la "Caisse", une demande de mise à la retraite pour raison d'invalidité.
Par décision du 27 février 1997, approuvée le 10 mars 1997 par le ministre de l'Intérieur, la Caisse, entérinant les conclusions des médecins conseils chargés par ses soins d'examiner Monsieur KILL, a refusé à celui-ci l'octroi d'une pension d'invalidité.
Par requête du 19 juin 1997, Monsieur KILL a introduit un recours tendant à la réformation de la décision précitée du 27 février 1997. Il demande au tribunal administratif de constater qu'il est invalide et a droit à l'octroi d'une pension d'invalidité. En ordre subsidiaire, il offre de prouver par voie d'expertise médicale qu'il est invalide au sens de la loi.
A l'appui de sa demande, il se prévaut de différents certificats médicaux qui, à son avis, établissent à suffisance dans son chef des troubles psychiques et des infirmités physiques d'une nature telle qu'une invalidité totale en résulte.
La Caisse soulève l'irrecevabilité du recours dans la mesure où il est dirigé contre la seule décision prise par le conseil d'administration de la Caisse, sans entreprendre la décision approbative du ministre de l'Intérieur, alors que l'article 49 de l'arrêté grand-ducal modifiée du 11 décembre 1912 portant règlement pour l'exécution de la loi du 7 août 1912 sur la création d'une caisse de prévoyance en faveur des fonctionnaires et employés des communes et établissements publics, comporterait l'obligation d'entreprendre l'une et l'autre décisions. A l'appui de sa thèse, elle se prévaut d'un arrêt du Comité du contentieux du Conseil d'Etat du 22 décembre 1992 ayant déclaré irrecevable un recours dirigé contre la seule décision d'approbation ministérielle, sans que celle de la Caisse ait été entreprise parallèlement.
Quant au fond, la défenderesse estime que les pièces produites par Monsieur KILL à l'appui de son recours ne font pas ressortir une incapacité de travail justifiant l'octroi de la pension d'invalidité sollicitée. Elle expose qu'au vu des certificats partiellement contradictoires produits par le demandeur, elle a procédé à la nomination de deux médecins qui ont procédé à un examen de Monsieur KILL et qui sont arrivés à la conclusion que sa mise à la retraite anticipée est contre-indiquée, du moins à l'heure actuelle, un réexamen après l'écoulement du délai d'un an étant à envisager.
3 Monsieur KILL conclut à la recevabilité de son recours, alors même qu'il n'a pas été dirigé contre la décision d'approbation du ministre de l'Intérieur. A cet effet, il relève que la loi du 7 août 1912, précitée, se borne à exiger un recours contre les décisions de la Caisse et que c'est l'arrêté grand-ducal du 11 décembre 1912, précité, qui exige un recours supplémentaire non prévu par la loi qui, en cas de conflit, doit primer les dispositions de l'arrêté grand-ducal. - Concernant la jurisprudence invoquée par la Caisse, il fait remarquer qu'elle ne saurait être invoquée dans l'affaire de l'espèce, étant donné que s'il est conforme aux textes régissant la matière d'exiger la mise en intervention de la Caisse si un recours est exercé contre la décision du ministre, aucun texte n'exige une mise en intervention du ministre en cas de recours contre la décision de la Caisse. - Il fait encore valoir que la véritable décision réside dans la délibération de la Caisse, le ministre s'étant borné à l'approuver, une telle approbation formelle, non motivée, n'ayant aucune incidence sur la décision. - Il ajoute à son argumentation les éléments suivants: la seule décision lui notifiée serait celle prise par la Caisse, celle émanant du ministre de l'Intérieur à laquelle il est fait référence dans la décision de la Caisse aurait dû lui être notifiée par ledit ministre, une simple référence à la décision d'approbation dans la décision de la Caisse ne pouvant valoir notification de la décision ministérielle; l'information sur les voies de recours se borne à indiquer que le recours doit être signifié à la Caisse et que s'il y avait nécessité de diriger le recours également contre la décision du ministre, la Caisse aurait dû en informer le demandeur, conformément aux dispositions de l'article 14 "de la loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse"; la décision ministérielle serait inséparable de celle de la Caisse, de sorte que le recours dirigé contre cette dernière engloberait un recours contre la première; par analogie avec l'article 1er de la loi du 1er décembre 1978, précité, il aurait appartenu à la Caisse d'informer le ministre de l'Intérieur du recours; à supposer que le recours aurait dû être dirigé contre la décision ministérielle, il y aurait lieu de surseoir à statuer sur le recours dirigé contre la décision de la Caisse en attendant que le demandeur introduise un recours contre la décision du ministre, le délai de ce recours n'étant pas expiré étant donné qu'il s'est adressé en temps utile à l'autorité incompétente.
Quant au fond, Monsieur KILL fait répliquer qu'à son avis, les conclusions des médecins chargés par la Caisse ne seraient pas de nature à ébranler celles des médecins spécialistes consultés par lui-même. Il ajoute que son état actuel ne lui permet pas de travailler et qu'ayant essayé de reprendre son travail sur injonction du directeur de la police, il se trouve de nouveau, depuis le 11 juillet 1997, en état d'incapacité de travail médicalement constatée.
Concernant le recevabilité du recours, la Caisse rétorque que s'il est vrai que deux textes régissent la matière, à savoir la loi du 7 août 1912 et l'arrêté grand-ducal du 11 décembre 1912, ces deux textes n'ont institué en réalité qu'un seul recours qui doit être signifié à la Caisse. Elle répond comme suit aux différents arguments supplémentaires développés par le demandeur: la décision ministérielle a été valablement signifiée par l'intermédiaire de la Caisse; les voies de recours ont été indiquées de manière correcte, les dispositions de la loi du 1er décembre 1978 relative à la procédure administrative non contentieuse, précitée, n'étant pas d'application à l'égard de fonctionnaires nationaux ou communaux; la décision ministérielle d'approbation constitue un acte administratif autonome, ce qui a comme conséquence 4 que les deux décisions auraient dû être entreprises; la surséance à statuer, en attendant l'introduction d'un recours dirigé contre la décision ministérielle, ne saurait être utilement ordonnée, étant donné qu'en vertu de la notification de la décision du ministre de l'Intérieur ensemble avec celle de la Caisse, le délai du recours contentieux contre cette décision serait expiré.
Au fond, sans contester que Monsieur KILL souffre de troubles psychiques et physiques non négligeables, la Caisse répète que de l'avis des médecins qu'elle a chargés d'examiner le demandeur, une mise à la retraite, à l'heure actuelle, serait contre-indiquée comme pouvant le cas échéant aggraver ses troubles psycho-nerveux par le départ du monde du travail vers le monde de l'inactivité.
QUANT A LA RECEVABILITE L'article 31 de la loi modifiée du 7 août 1912 concernant la création d'une caisse de prévoyance pour les fonctionnaires et employés des communes et établissements publics, dans sa version lui conférée par une loi du 12 juin 1964, est libellé comme suit: "Le Conseil d'Etat, comité du contentieux, statue en dernière instance et comme juge du fond sur les recours dirigés par l'administration ou par les intéressés contre les décisions relatives à la mise à la retraite ou à la pension. Ces recours sont intentés dans le délai de trois mois à partir du jour de la notification de la décision. Ils ne sont pas dispensés du ministère d'avocat." L'article 49 de l'arrêté grand-ducal modifié du 11 décembre 1912 portant règlement d'exécution de la loi du 7 août 1912, dans sa version lui conférée par un arrêté grand-ducal du 23 décembre 1920, dispose: "La demande de pension, dûment instruite, est soumise au conseil d'administration, qui y statue d'urgence, après avoir entendu, au besoin, l'intéressé.
Les délibérations du conseil d'administration portant allocation ou refus de pensions de retraite sont soumises à l'approbation du Directeur général du service afférent.
Les décisions afférentes du Gouvernement sont sujettes à recours devant le comité du contentieux du Conseil d'Etat, conformément à l'art. 31 de la loi du 7 août 1912; la caisse de prévoyance sera, dans tous les cas, appelée en intervention." La contradiction entre les deux textes s'explique par le changement du libellé de l'article 31 de la loi du 7 août 1912 par une loi du 12 juin 1964. Dans sa version originaire, cet article disposait ce qui suit: "La partie qui se croit lésée dans ses droits par la décision du Directeur général du service, peut se pourvoir en révision au comité du contentieux du Conseil d'Etat dans la forme ordinaire et dans le délai de trois mois après qu'elle a reçu notification par la voie administrative de la décision du Directeur général du servie. Le recours est dispensé du ministère d'un avocat inscrit et peut être dressé sur papier libre." 5 Il s'en dégage que dans le système constitué par les articles 31 de la loi du 7 août 1912 et 49 de l'arrêté grand-ducal du 11 décembre 1912, la véritable décision concernant l'octroi ou le refus d'une pension était prise par le Directeur général du service, membre du gouvernement, l'équivalent d'un ministre dans la terminologie actuelle. Il était dès lors logique d'exiger que le recours fût dirigé contre la décision gouvernementale, la mise en intervention de la Caisse se justifiant par le souci de mettre celle-ci en mesure d'exposer son point de vue.
Dans le système mis en place par la loi du 12 juin 1964, la décision attaquable n'est plus constituée par la décision ministérielle d'approbation, mais par celle de la Caisse.
Le changement législatif a eu pour conséquence de rendre inapplicable la disposition de l'article 49, alinéa 3 de l'arrêté grand-ducal du 11 décembre 1912 qui ne se comprend que dans un système où la décision attaquable gît dans la décision ministérielle et non dans celle de la Caisse.
Obliger dans le système actuel le destinataire de la décision de la Caisse à diriger son recours également contre la décision ministérielle d'approbation serait contraire au régime de la tutelle administrative dans lequel les actes administratifs soumis à tutelle administrative et approuvés purement et simplement peuvent être attaqués seuls, sans qu'il faille attaquer en même temps la décision approbative de l'autorité de tutelle.
Il s'ensuit que c'est à bon droit que Monsieur KILL a entrepris la seule décision de la Caisse.
Son recours ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.
QUANT AU FOND Le tribunal se trouve en présence de différents certificats et rapports médicaux versés par le demandeur, ainsi que du rapport médical dressé par des médecins chargés par la Caisse d'examiner Monsieur KILL.
Comme les conclusions des différents certificats et rapports se contredisent partiellement, le tribunal estime utile, avant tout autre progrès en cause, de recourir à l'avis d'experts.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, avant tout autre progrès en cause, nomme experts 6 1. M. Jean BEISSEL, cardiologue, établi à L-1210 Luxembourg, 4, rue Nicolas-Ernest Barblé, 2. M. Pit BUCHLER, médecin spécialiste en neurologie, établi à L-2763 Luxembourg, 38-40, rue Zithe, 3. M. Francis DELVAUX, chirurgien, établi à L-2267 Luxembourg, 17, rue d'Orange, avec la mission de se prononcer dans un rapport écrit et motivé sur les troubles physiques et psychiques dont Monsieur KILL est atteint et de déterminer s'il est apte à travailler ou si sa mise à la retraite s'impose, autorise les experts à entendre de tierces personnes toujours dans le respect du contradictoire, invite les experts à déposer leur rapport le 15 décembre 1997 au plus tard, ordonne au demandeur de déposer une provision de 45.000,- francs à la caisse des consignations ou auprès d'un établissement de crédit à convenir avec l'autre partie, et d'en justifier au greffe du tribunal, réserve les frais, fixe l'affaire au rôle général.
Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 3 novembre 1997 par:
M. Ravarani, président, M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lenert, premier juge, M. Schmit, greffier assumé, Schmit Ravarani