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22/10/1997 | LUXEMBOURG | N°10305

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 22 octobre 1997, 10305


N° 10305 du rôle Inscrit le 25 septembre 1997 Audience publique du 22 octobre 1997

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Recours formé par Monsieur … MALO contre le ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 10305 et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 septembre 1997 par Maître Guy THOMAS, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Lu

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N° 10305 du rôle Inscrit le 25 septembre 1997 Audience publique du 22 octobre 1997

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Recours formé par Monsieur … MALO contre le ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 10305 et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 septembre 1997 par Maître Guy THOMAS, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … MALO, de nationalité albanaise, demeurant actuellement à …, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 14 août 1997, par laquelle sa demande en obtention du statut de réfugié politique a été déclarée manifestement infondée;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 8 octobre 1997;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Nathalie BARTHELEMY et Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

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En date du 24 juin 1997, Monsieur … MALO, né le …, de nationalité albanaise, a oralement sollicité la reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-

après dénommé « la Convention ».

Il a été entendu le même jour par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande.

Lors de son audition, telle que celle-ci a été relatée dans le compte rendu figurant au dossier, le demandeur a déclaré qu’il est de religion musulmane; qu’il n’a pas eu de problèmes à quitter son pays d’origine, étant donné qu’« il y avait le désordre partout »; qu’il a effectué 1 son service militaire à Librazhd de janvier 1989 à décembre 1989; qu’il a exercé la profession de professeur de gymnastique entre 1994 et 1995 dans une école primaire de Manz; qu’il n’a pas été membre d’un parti politique ou d’un groupe social défendant les intérêts de certaines personnes; qu’il n’a pas demandé l’asile politique dans un des pays traversés lors de son voyage de son pays d’origine vers le Luxembourg, au motif qu’il aime bien regarder la télévision et y a vu une émission sur le Luxembourg, ce qui l’a amené à venir au Grand-Duché, car « ça me plaisait beaucoup »; qu’il est autorisé à rentrer dans son pays d’origine; interrogé sur les conséquences d’un retour dans son pays d’origine il a répondu: qu’il y a la guerre civile et des gens se font tuer chaque jour. « Les bandes nous menacent pour avoir de l’argent et ils se tuent aussi entre-eux. Mes parents ont un café et ils ont eu beaucoup de menaces de la part des bandes qui veulent encaisser de l’argent. On a dû fermer les portes du café et heureusement on n’a pas été tué jusqu’aujourd’hui. »; qu’il n’a pas entrepris une action quelconque qui pourrait entraîner des persécutions contre lui dans son pays d’origine; quant à ses opinions politiques, il a indiqué être « pro-democrate », mais qu’il n’a pas exercé d’activités politiques dans son pays d’origine.

Sur avis défavorable de la commission consultative pour les réfugiés du 17 juillet 1997, le ministre de la Justice a informé Monsieur MALO, par décision du 14 août 1997, notifiée le 25 août 1997, que sa demande en obtention du statut de réfugié politique a été déclarée manifestement infondée au motif suivant: « …vous restez en défaut d’établir une crainte justifiée par une persécution au sens de la Convention de Genève. Dès lors, votre demande doit être considérée comme étant manifestement infondée au sens de l’article 3 du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi du 3 avril 1996 portant d’une [sic] procédure relative à l’examen d‘une demande d’asile ».

Par requête déposée le 25 septembre 1997, Monsieur MALO a formé un recours en annulation contre la décision ministérielle du 14 août 1997.

Le demandeur reproche au ministre de la Justice d’avoir, à tort, déclaré sa demande en obtention du statut de réfugié politique comme étant manifestement infondée.

Il soutient qu’il se dégage des pièces versées: qu’il est originaire d’une famille persécutée sous le régime communiste; que son oncle a été condamné pour des motifs politiques; que lui même est « un persécuté politique groupe « D » ».

Il soutient encore qu’il craint, depuis l’avènement au pouvoir du parti socialiste, des persécutions en raison de ses opinions et activités politiques; qu’il serait sympathisant du parti démocratique et aurait participé à des manifestations dont l’une aurait eu lieu en juin 1997 à Durrès; que lors de ladite manifestation des sympathisants du parti démocratique auraient fait irruption dans un meeting électoral du parti socialiste, dispersé les personnes assemblées et blessé le principal organisateur du meeting; que, suite à son départ, la police se serait présentée à son domicile pour l’arrêter. Il ajoute ne pas avoir mentionné ces faits lors de sa première audition parce qu’il craignait d’être extradé vers l’Albanie.

Le délégué du gouvernement estime que ce serait à bon droit que le ministre de la Justice a déclaré la demande en obtention du statut de réfugié politique du demandeur manifestement infondée, au motif que le contrôle de la légalité s’apprécierait en fonction de la situation de droit et de fait telle qu’elle existait au moment où la décision attaquée a été prise et qu’aucune crainte justifiée de persécution en raison de la race, de la religion, de la nationalité, 2 de l’appartenance à un groupe social ou en raison d’opinions politiques ne se dégagerait des déclarations faites par le demandeur lors de son audition.

Il relève en outre que les nouveaux faits invoqués par le demandeur à l’appui de son recours ne seraient pas plausibles, étant donné qu’il reste incompréhensible pourquoi il n’a pas pu les divulguer lors de l’instruction de son dossier, mais peut le faire sans crainte lors de l’introduction de son recours.

Lors des plaidoiries, le mandataire du demandeur a encore produit deux pièces supplémentaires à l’appui du recours de son mandant. Le délégué du gouvernement demande le rejet de ces pièces.

Les pièces dont une partie entend se servir dans une instance doivent être jointes à la requête afin que les parties intéressées et le magistrat-rapporteur puissent en prendre connaissance. Il s’ensuit que les deux pièces produites seulement après le rapport à l’audience sont à rejeter des débats.

Le recours en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Concernant le seul reproche formulé par le demandeur à l’encontre de la décision attaquée, tiré de ce que le ministre aurait fait une fausse appréciation des faits et n’aurait pas pris en compte les craintes de persécution invoquées, et que partant la motivation de la décision attaquée ne serait pas fondée, il convient de rappeler que la légalité d’une décision administrative s’apprécie en considération de la situation de droit et de fait existant au jour où elle a été prise.

Aux termes de l’article 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New-York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de fondement… ».

En vertu de l’article 3 alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi du 3 avril 1996 précitée « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande ».

Lors de son audition du 24 juin 1997, le demandeur n’a pas fait état de motifs de persécution, tels que prévus par l’article 1er, section A, 2) de la Convention. En effet, lors de cette audition, il a basé sa demande en obtention du statut de réfugié politique exclusivement sur des motifs d’ordre personnel sans faire état d’un quelconque fait pouvant être considéré comme constituant une persécution ou une crainte de persécution au sens de la Convention. Le demandeur a plus particulièrement déclaré ne pas avoir eu d’activités politiques ni d’avoir entrepris une action quelconque qui pourrait entraîner des persécutions contre lui dans son pays d’origine, mais qu’il a quitté son pays en raison de la situation générale du pays et à cause de la guerre civile. De tels motifs ne sauraient toutefois fonder une demande d’asile politique au sens de la Convention.

3 Partant, c’est à bon droit que le ministre a décidé que la demande d’asile politique formulée par le demandeur devait être considérée comme étant manifestement infondée.

Il suit des considérations qui précèdent, que le recours est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

reçoit le recours en annulation en la forme;

au fond le déclare non justifié et en déboute;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 22 octobre 1997, à laquelle assistaient:

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge M. Legille, greffier assumé s. Legille s. Schockweiler 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 10305
Date de la décision : 22/10/1997

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1997-10-22;10305 ?

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