N°s 10124 et 10216 du rôle Inscrits les 8 juillet 1997 et 13 août 1997 Audience publique du 14 octobre 1997
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Recours formés par Monsieur … CASTILLA contre 1. le directeur du commissariat aux Assurances 2. le ministre des Finances en matière d’agent d’assurances
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I.
Vu la requête déposée le 8 juillet 1997 au greffe du tribunal administratif par Maître Alex KRIEPS, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … CASTILLA, …, demeurant …, tendant à la réformation d’une décision du 10 juin 1997 comme émanant du directeur du commissariat aux Assurances et lui refusant l’agrément en tant qu’agent d’assurances;
Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 1er août 1997;
Vu le mémoire en réplique déposé par Maître Alex KRIEPS au nom de Monsieur … CASTILLA, au greffe du tribunal administratif le 25 septembre 1997;
II.
Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 13 août 1997 par Maître Alex KRIEPS, au nom de Monsieur … CASTILLA, préqualifié, tendant à la réformation d’une décision du 10 juin 1997 comme émanant du ministre des Finances, et lui refusant l’agrément en tant qu’agent d’assurances;
Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 29 septembre 1997;
Vu le mémoire en réplique déposé par Maître Alex KRIEPS, pour Monsieur … CASTILLA, au greffe du tribunal administratif le 1er octobre 1997;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Tom KRIEPS, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives.
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Par l’intermédiaire de l’entreprise d’assurances X., Monsieur … CASTILLA, …, a sollicité auprès du commissariat aux Assurances son agrément en tant qu’agent d’assurances.
Cette demande s’est soldée par une décision de refus notifiée respectivement à l’intéressé et à l’entreprise d’assurances X. par deux lettres recommandées avec avis de réception du 10 juin 1997, couchées sur papier à entête du commissariat aux Assurances et signées pour le ministre des Finances par le directeur du commissariat aux Assurances.
La lettre adressée directement à Monsieur CASTILLA a porté communication de la décision de refus d’agrément proprement dite, qui a été directement adressée au mandataire général de l’entreprise d’assurances X. par courrier du même jour.
Tandis qu’il est précisé dans cette dernière lettre que « l’instruction administrative du dossier a conduit à la conclusion que (Monsieur CASTILLA) ne justifie pas de la moralité et de l’honorabilité requises par l’article 104 de la loi modifiée du 6 décembre 1991 sur le secteur des assurances », la lettre adressée directement à Monsieur CASTILLA indique que « le refus d’agrément est basé sur les condamnations suite à votre non-respect des règles de circulation ainsi que les nombreuses condamnations pour stationnement non réglementaire ».
Le 8 juillet 1997, Monsieur CASTILLA a fait déposer un recours en réformation, enregistré sous le numéro du rôle 10124, à l’encontre de la décision précitée comme émanant du directeur du commissariat aux Assurances du 10 juin 1997.
A l’appui de son recours, il fait valoir que le fait d’avoir été condamné pour violation de la réglementation sur la circulation routière ne saurait nécessairement suffire à lui refuser l’agrément comme agent d’assurances.
Le délégué du Gouvernement conclut d’abord à l’irrecevabilité du recours pour être dirigé contre le directeur du commissariat aux Assurances, alors que la décision critiquée aurait non pas émané de cette autorité, mais du ministre des Finances.
A titre subsidiaire et quant au fond, il soutient qu’au vu du casier judiciaire chargé du demandeur, renseignant 11 condamnations à des amendes pour des faits qui se sont échelonnés sur 17 mois, ce serait à bon droit que le ministre des Finances a refusé l’agrément sur base de l’article 104 de la loi modifiée du 6 décembre 1991 sur le secteur des assurances, ci-après appelée « la loi de 1991 », alors que le nombre et le cumul de ces condamnations dans un laps de temps relativement court laisserait présager un parfait mépris des règles élémentaires de la vie en société dans le chef du demandeur.
A titre de dernière subsidiarité et pour le cas où le tribunal viendrait à une autre appréciation des faits, il soutient qu’il n’appartiendrait pas à la juridiction administrative d’accorder au demandeur l’agrément sollicité, étant donné que la moralité et l’honorabilité professionnelles ne constituent qu’une condition parmi d’autres que tout candidat agent d’assurances doit remplir pour recevoir l’agrément ministériel. S’y ajouteraient en effet d’autres conditions, notamment celle d’être présenté par une entreprise d’assurances établie, 2 celle de réussir un examen sur les qualifications professionnelles et celle de régler une taxe d’agrément, les deux dernières conditions n’étant pas remplies dans le chef du demandeur.
Quant au moyen relatif à l’irrecevabilité du recours, Monsieur CASTILLA réplique que la décision entreprise du 10 juin 1997 signée par Monsieur …, directeur du commissariat aux Assurances, était jointe en annexe au recours et qu’il n’aurait dès lors pas à indiquer les qualités de la partie défenderesse, alors que la décision attaquée serait indiquée avec précision.
Quant au fond, il estime que la partie défenderesse resterait en défaut de préciser en quoi les ordonnances pénales invoquées portant sur des stationnements non réglementaires, lui enlèveraient les qualités de moralité et d’honorabilité requises pour la fonction d’agent d’assurances.
En date du 13 août 1997, Monsieur CASTILLA a fait déposer un deuxième recours à l’encontre de la décision litigieuse du 10 juin 1997, en indiquant comme auteur de celle-ci non plus le directeur du commissariat aux Assurances, mais le ministre des Finances, les moyens avancés à l’appui de ce deuxième recours étant par ailleurs identiques à ceux exposés dans le cadre du recours portant le numéro 10124 du rôle.
Le délégué du Gouvernement conclut à l’irrecevabilité de ce deuxième recours pour cause de tardiveté, alors que l’article 111 de la loi de 1991 prévoit que le recours doit être introduit sous peine de forclusion dans un délai d’un mois à compter de la notification.
Quant au fond, le représentant étatique reprend la même argumentation que celle exposée dans le cadre du premier recours.
Pour réfuter le moyen relatif à l’irrecevabilité du recours, le demandeur réplique que la décision de refus du 10 juin 1997 ne préciserait pas qu’elle peut être attaquée par un recours en réformation à introduire devant le tribunal administratif, de sorte qu’aucun délai de recours n’aurait commencé à courir.
Dans l’intérêt d’une bonne administration de la Justice, il échet de joindre pour raison de connexité les deux recours introduits respectivement sous les numéros 10124 et 10216 du rôle.
I.
Il est reproché à la requête portant le numéro 10124 du rôle d’être dirigée non pas contre une décision du ministre des Finances, mais contre une décision émanant du directeur du commissariat aux Assurances du 10 juin 1997.
Au voeu de l’article 103 de la loi de 1991, l’autorité investie du pouvoir d’accorder l’agrément en matière d’assurances est le ministre ayant dans ses attributions la surveillance des assurances privées. La décision litigieuse du 10 juin 1997 a partant correctement été prise, certes par le biais d’une délégation de pouvoir, par le directeur du commissariat aux Assurances pour le ministre. Il n’en reste pas moins que ces faits ne sont en l’espèce pas de nature à entacher de nullité la requête introductive, alors que la décision entreprise était annexée au recours et que par ailleurs la présentation de la décision litigieuse sur deux lettres couchées sur du papier à entête du commissariat aux Assurances, et non du ministère des 3 Finances, est pour le moins de nature à induire légitiment en erreur le destinataire non avisé.
L’identification précise du défendeur n’est en effet pas indispensable, le recours étant dirigé contre l’acte administratif et non pas contre les personnes ou autorités auteurs de la décision (F. Schockweiler, Le Contentieux administratif et la Procédure administrative non contentieuse en droit luxembourgeois, 2e édition 1996, page 80).
L’acte entrepris étant en l’espèce identifié avec suffisamment de précision et l’article 111 de la loi de 1991 prévoyant un recours de pleine juridiction en la matière, le recours en réformation introduit le 8 juillet 1997 est recevable pour avoir été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi.
Quant au fond, il y a lieu de constater que l’extrait du casier judiciaire du demandeur versé en cause renseigne, sur une période s’étendant du 13 février 1995 au 26 juillet 1996, soit sur 17 mois, une multitude d’ordonnances pénales, dont 9 du chef de stationnement non réglementaire et 2 pour d’autres infractions en matière de circulation.
Le législateur a confié au ministre la charge de vérifier dans le cadre de l’instruction d’une demande d’agrément comme agent d’assurances, entre autres, si le candidat justifie de la moralité et de l’honorabilité professionnelle.
Etant entendu qu’il est de l’essence même d’une procédure d’autorisation préalable du type de celle instituée par la loi de 1991, d’assurer la sécurité des consommateurs en matière d’assurances et de la place de l’assurance en général, il appartient au ministre de s’assurer, dans le cadre de son pouvoir de vérification, que les personnes qui se proposent ainsi d’entrer en contact direct avec les preneurs d’assurances présentent, à côté de connaissances professionnelles suffisantes, certaines garanties des points de vues moralité et honorabilité professionnelle et ce dans l’intérêt du maintien de la bonne réputation et de la sécurisation mises en avant par les assureurs.
S’il est vrai que les condamnations dénotées dans le chef du demandeur, ne constituent pas, prises individuellement, des faits d’une gravité dirimante et ne présentent pas non plus un lien direct avec le type d’activité pour lequel l’agrément est sollicité, il n’en reste pas moins qu’aucune explication pertinente n’a été fournie par le demandeur concernant la raison de la multitude d’infractions commises et le non-règlement des avertissements taxés afférents à un stade précontentieux. L’appréciation globale du casier judiciaire mène ainsi à la conclusion que le cumul de 11 ordonnances pénales, totalisant pas moins de 34 condamnations à des amendes dans un laps de temps relativement court est révélateur d’un certain état d’esprit de Monsieur CASTILLA, ainsi que d’un comportement pour le moins peu respectueux des règles établies par la législation luxembourgeoise.
Il importe par ailleurs peu dans quel contexte légal les manquements reprochés au demandeur se sont plus particulièrement produits, les notions de moralité et d’honorabilité professionnelle n’étant pas à entendre au sens étroit comme étant directement liées à la profession envisagée, mais devant s’apprécier par rapport au comportement global de l’intéressé.
Il découle des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a refusé l’agrément sollicité par le demandeur au motif qu’il ne justifiait pas de la moralité et de l’honorabilité requises par la loi.
4 Le recours introduit en date du 8 juillet 1997 est partant à rejeter comme n’étant pas fondé.
II.
Le recours introduit le 13 août 1997 et portant le numéro du rôle 10216 est dirigé contre la décision du ministre des Finances du 10 juin 1997 refusant l’agrément sollicité en tant qu’agent d’assurances, « au motif que Monsieur CASTILLA ne justifiait pas de la moralité et de l’honorabilité requises par l’article 104 de la loi du 6 décembre 1991, au vu des condamnations pour non-respect des règles de circulation et des nombreuses condamnations pour stationnement non réglementaire ».
Pour conclure à la recevabilité de son recours, le demandeur fait valoir que la décision ainsi entreprise serait la seule lettre du 10 juin 1997 lui adressée en nom personnel et non celle du même jour notifiée au mandataire général de l’entreprise d’assurances X., étant entendu que seule cette dernière contenait l’indication relative aux voies de recours ouvertes contre elle. Il déduit de la carence de cette indication dans la lettre lui adressée, qu’aucun délai n’a pu commencer à courir à son encontre.
Dans la mesure où la motivation du recours, telle qu’exposée dans la requête introdutive d’instance du 8 juillet 1997, reprend aussi bien des éléments de la lettre adressée directement à Monsieur CASTILLA, que de celle adresssée à X. et que ces deux lettres ont figuré parmi les pièces versées en cause par le demandeur, il y a lieu de constater qu’il était en possession de ces deux lettres et qu’il a partant reçu notification de l’indication relative aux voies de recours au plus tard à cette date.
L’article 111 de la loi de 1991 prévoyant un délai de recours de forclusion d’un mois à partir de la notification, il découle de ce qui précède que le recours en réformation introduit en date du 13 août 1997 est irrecevable pour cause de tardiveté.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement;
reçoit le recours introduit sous le numéro du rôle 10124 en la forme;
au fond le déclare non justifié et en déboute;
déclare le recours en réformation introduit sous le numéro du rôle 10216 irrecevable;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 14 octobre 1997, à laquelle assistaient:
M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge 5 M. Schmit, greffier assumé s. Schmit s. Delaporte 6