La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/06/1997 | LUXEMBOURG | N°10008

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 19 juin 1997, 10008


N° 10008 du rôle Inscrit le 23 mai 1997 Audience publique du 19 juin 1997

===========================

Recours formé par Madame … MARIAMU ILUNGA contre le ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------

---

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 10008 et déposée au greffe du tribunal administratif le 23 mai 1997 par Maître Eliane SCHAEFFER, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Lux

embourg, assistée de Maître Christiane WATGEN, avocat inscrit à la liste II dudit tableau, au n...

N° 10008 du rôle Inscrit le 23 mai 1997 Audience publique du 19 juin 1997

===========================

Recours formé par Madame … MARIAMU ILUNGA contre le ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------

---

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 10008 et déposée au greffe du tribunal administratif le 23 mai 1997 par Maître Eliane SCHAEFFER, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, assistée de Maître Christiane WATGEN, avocat inscrit à la liste II dudit tableau, au nom de Madame … MARIAMU ILUNGA, demeurant à …, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 21 avril 1997, par laquelle elle a été informée que sa demande en obtention du statut de réfugié politique était manifestement infondée;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal le 11 juin 1997;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Christiane WATGEN et Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives.

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------

---

En date du 25 novembre 1996, Madame … MARIAMU ILUNGA, originaire de la République Démocratique du Congo, sollicita oralement la reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Madame MARIAMU ILUNGA a été entendue en date du 25 novembre 1996 par un agent du ministère de la Justice, sur les motifs à la base de sa demande.

Sur avis défavorable de la commission consultative pour les réfugiés du 18 mars 1997, le ministre de la Justice l’a informée par lettre du 21 avril 1997, notifiée le 23 avril 1997, que 1 sa demande avait été rejetée aux motifs suivants: « … je regrette de devoir vous informer que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande, alors que votre demande est manifestement infondée.

En effet, vous motivez votre demande d’asile politique avec le fait que vous n’avez plus personne au Zaïre pour subvenir à vos besoins, votre mère vivant en Belgique, votre père étant remarié à une femme avec laquelle vous ne vous entendez pas et finalement votre oncle auprès de qui vous viviez jusqu’au moment de votre départ, ayant perdu son emploi.

Vous ne faites pas état d’autres faits à l’appui de votre demande, et donc non plus de persécution en raison de votre race, religion, nationalité, appartenance à un groupe social ou de vos opinions politiques.

Ainsi, aux termes de l’article 9 de la loi du 3 avril 1996, portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, votre demande est manifestement infondée, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève ».

Par requête déposée le 23 mai 1997, Madame MARIAMU ILUNGA a formé un recours en annulation contre la décision du 21 avril 1997.

Lors de son audition, telle que celle-ci a été relatée dans le compte rendu figurant au dossier, la demanderesse a déclaré que ses parents sont divorcés, que son père s’est remarié et vit au Zaïre, que sa mère s’est également remariée et vit en Belgique, à Houffalize; que déjà en 1993, elle a essayé d’obtenir un visa pour la Belgique, mais que celui-ci lui a été refusé; que par l’intermédiaire de sa mère, elle a reçu une carte d’identité d’étranger néerlandaise d’une zaïroise qui lui ressemble un peu; que sur base de cette carte d’identité d’étranger néerlandaise et de ses photos, elle a obtenu un passeport zaïrois à Kinshasa, émis toutefois au nom de la même zaïroise en faveur de qui a été émise la carte d’identité d’étranger néerlandaise précitée;

que le 24 novembre 1996, elle a quitté Kinshasa pour venir à Luxembourg via Zurich; que lors des contrôles effectués à l’aéroport de Luxembourg, les autorités luxembourgeoises ont constaté que les indications figurant sur son passeport ne correspondaient pas à la réalité et lui ont refusé l’accès sur le territoire luxembourgeois; que c’est à ce moment qu’elle a demandé l’asile politique; qu’à ce titre, elle expose qu’elle a quitté son pays étant donné qu’elle n’y a plus personne pour la prendre en charge, puisque sa mère habite en Belgique et que son père s’est remarié à une autre femme par laquelle elle n’est pas acceptée; qu’avant de quitter le Zaïre, elle a habité chez son oncle qui vient toutefois de perdre son emploi et n’est plus à même de lui venir en aide financièrement. A la fin de son audition, elle a indiqué qu’elle n’avait pas d’autre raison pour demander l’asile politique au Luxembourg.

La demanderesse reproche au ministre de la Justice que celui-ci n’aurait pas tenu compte des craintes de persécution dans son pays d’origine, dont elle aurait fait état lors de la procédure relative à l’examen de sa demande d’asile. Elle fait plus particulièrement valoir qu’elle provient d’une famille ayant toujours collaboré avec le régime mobutiste et qu’elle-

même avait toujours ouvertement affiché son soutien au président MOBUTU. Dans ce contexte, elle expose qu’à la suite de la chute du régime de celui-ci et de la proclamation de la République Démocratique du Congo, tant son père que son oncle, auprès duquel elle vivait jusqu’à son départ de son pays d’origine, se seraient enfuis suite aux persécutions dont ils auraient fait l’objet par des soldats de l’armée de Laurent KABILA. Elle indique également que 2 son père aurait de justesse échappé à un attentat à la bombe qui lui aurait été destiné. Enfin, elle précise qu’à l’heure actuelle elle ne sait pas où se trouvent son père et son oncle, et à défaut de savoir s’ils sont encore en vie, elle n’aurait plus aucun lien familial dans la République Démocratique du Congo.

Elle fait valoir, dans sa requête introductive d’instance, qu’elle risquerait de faire l’objet de persécutions pour des raisons politiques, si elle devait rentrer dans son pays d’origine, au motif qu’elle aurait ouvertement soutenu le régime MOBUTU.

Le délégué du gouvernement estime que c’est à bon droit que le ministre de la Justice a déclaré la demande en obtention du statut de réfugié politique de la demanderesse manifestement infondée, au motif qu’elle n’aurait pas fait état de motifs de persécutions, ni au moment du dépôt de sa demande en obtention du statut de réfugié politique, ni au cours de l’audition du 25 novembre 1996.

Le délégué estime que la légalité d’une décision administrative devrait s’apprécier en considération de la situation de droit et de fait existant au jour où elle a été prise et que par conséquent, les faits nouveaux présentés pour la première fois par la demanderesse dans sa requête, ne pourraient pas être pris en considération, afin d’apprécier la légalité de la décision prise par le ministre de la Justice en date du 21 avril 1997.

Le recours en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Concernant le seul reproche formulé par la demanderesse à l’encontre de la décision attaquée, tiré de ce que le ministre n’aurait pas pris en compte les craintes de persécution invoquées par elle, et que partant la motivation de la décision attaquée ne serait pas fondée, il convient de rappeler que la légalité d’une décision administrative s’apprécie en considération de la situation de droit et de fait existant au jour où elle a été prise.

Aux termes de l’article 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New-York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de fondement…. ».

En vertu de l’article 3 alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi du 3 avril 1996 précitée « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande ».

Lors de son audition du 25 novembre 1996, elle n’a pas fait état de motifs de persécution, tels que prévus par l’article 1er, section A, 2) de la Convention de Genève. En effet, lors de cette audition, elle a basé sa demande en obtention du statut de réfugié politique exclusivement sur des motifs d’ordre personnel et familial sans citer un quelconque fait pouvant être considéré comme constituant une persécution ou une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève. Elle a plus particulièrement déclaré qu’elle a quitté son pays 3 étant donné que dans la République Démocratique du Congo, elle n’a plus personne qui peut la prendre en charge.

Par ailleurs, elle n’a pas, entre la date à laquelle elle a été entendue par un agent du ministère de la Justice et la date de la prise de la décision par le ministre de la Justice, fourni d’autres éléments ou renseignements au ministre de la Justice permettant d’établir une crainte de persécution ou une persécution au sens de la Convention de Genève.

Elle fait valoir pour la première fois dans sa requête introductive d’instance, des faits qui, d’après elle, devraient être considérés comme constituant des craintes de persécution au sens de la Convention de Genève.

On ne saurait toutefois reprocher au ministre de la Justice de ne pas avoir pris en considération, au moment où il a pris la décision qui fait l’objet du présent recours en annulation, des faits et arguments dont il n’a pas eu connaissance, étant donné qu’ils n’ont été invoqués pour la première fois que dans la requête introductive d’instance.

Etant donné que la demanderesse n’a pas fait état, devant le ministre de la Justice, avant la date à laquelle la décision attaquée a été prise, de persécutions ou de craintes de persécution au sens de la Convention de Genève, c’est à bon droit que le ministre a décidé que la demande formulée par la demanderesse devait être considérée comme étant manifestement infondée.

Il suit des considérations qui précèdent, que le recours est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

reçoit le recours en annulation en la forme;

au fond le déclare non justifié et en déboute;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, rapporteur M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 19 juin 1997, par le vice-président, en présence du greffier.

4 Legille Schockweiler greffier assumé vice-président 5



Références :

Origine de la décision
Formation : Deuxième chambre
Date de la décision : 19/06/1997
Date de l'import : 12/12/2019

Numérotation
Numéro d'arrêt : 10008
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1997-06-19;10008 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award