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12/07/2024 | FRANCE | N°22/01814

France | France, Tribunal judiciaire d'Évry, Pprox_fond, 12 juillet 2024, 22/01814


TRIBUNAL JUDICIAIRE d’EVRY
Pôle de proximité
[Adresse 1]
[Localité 5]



N° minute :

Références : R.G N° N° RG 22/01814 - N° Portalis DB3Q-W-B7G-PA5M


JUGEMENT

DU : 12 Juillet 2024



M. [R] [W]

Mme [D] [X] épouse [W]



C/

M. [T] [L]

Mme [A] [Z]




JUGEMENT






Audience publique de ce Tribunal judiciaire, tenue le 12 Juillet 2024.


DEMANDEURS:

Monsieur [R] [W]
[Adresse 2]
[Localité 4]

Madame [D] [X] épouse [W]
[Adres

se 2]
[Localité 4]

représentés par Me Lucien MAKOSSO, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE


DEFENDEURS:

Monsieur [T] [L]
[Adresse 3]
[Localité 6]

Madame [A] [Z]
[Adresse 3]
[Localité 6]

représentés par Maître ...

TRIBUNAL JUDICIAIRE d’EVRY
Pôle de proximité
[Adresse 1]
[Localité 5]

N° minute :

Références : R.G N° N° RG 22/01814 - N° Portalis DB3Q-W-B7G-PA5M

JUGEMENT

DU : 12 Juillet 2024

M. [R] [W]

Mme [D] [X] épouse [W]

C/

M. [T] [L]

Mme [A] [Z]

JUGEMENT

Audience publique de ce Tribunal judiciaire, tenue le 12 Juillet 2024.

DEMANDEURS:

Monsieur [R] [W]
[Adresse 2]
[Localité 4]

Madame [D] [X] épouse [W]
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentés par Me Lucien MAKOSSO, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE

DEFENDEURS:

Monsieur [T] [L]
[Adresse 3]
[Localité 6]

Madame [A] [Z]
[Adresse 3]
[Localité 6]

représentés par Maître Hakima AMEZIANE de la SELAS MIALET-AMEZIANE SELAS, avocats au barreau D’ESSONNE

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : Estelle HARDUIN, Juge des Contentieux de la Protection
Greffier : Odile GUIDAT, Greffier

DEBATS :

Audience publique du 28 mai 2024

JUGEMENT :

Contradictoire et en premier ressort, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, par Estelle HARDUIN, Juge des Contentieux de la Protection, assistée de Odile GUIDAT, Greffier

Copie exécutoire délivrée le :
À :Me MAKOSSO + CCC
CCC Me AMEZIANE
EXPOSE DU LITIGE

Suivant contrat signé le 18 février 2012, Monsieur [R] [W] et Madame [D] [W] ont donné en location à Monsieur [T] [L] et Madame [A] [Z] une maison à usage d’habitation sis [Adresse 3], moyennant un loyer mensuel de 1 990,00 €, provision sur charges comprises.

Le 12 mai 2022, Monsieur [R] [W] et Madame [D] [W] ont fait délivrer à Monsieur [T] [L] et Madame [A] [Z] un commandement de payer les loyers échus visant la clause résolutoire insérée au bail, pour un montant en principal de 5 678,00 € selon décompte arrêté au 2 juin 2022.

Par courrier du 13 mai 2022, Monsieur [R] [W] et Madame [D] [W] ont saisi la Commission de Coordination des Actions de Prévention des Expulsions Locatives (CCAPEX) de l'existence d'impayés de loyers, en application du décret n° 2015-1384 du 30 octobre 2015.

Par assignation délivrée à étude le 26 août 2022, Monsieur [R] [W] et Madame [D] [W] ont attrait Monsieur [T] [L] et Madame [A] [Z] devant le juge des contentieux de la protection du Tribunal de proximité d'Etampes, le commandement de payer n’ayant pas été suivi d’effet dans le délai imparti.

Le 29 août 2022, Monsieur [R] [W] et Madame [D] [W] ont notifié leur acte introductif d’instance au représentant de l’État dans le département.

Par jugement du 15 novembre 2022, le juge des contentieux de la protection du Tribunal de Proximité d'Etampes s'est déclaré incompétent et a renvoyé le dossier au juge des contentieux de la protection du Tribunal Judiciaire d'Evry, territorialement compétent.

L'affaire a fait l'objet de 5 renvois à la demande des parties, pour conclusions. Elle a été évoquée à l'audience du 28 mai 2024.

Aux termes de leurs dernières écritures reprises oralement, Monsieur [R] [W] et Madame [D] [W] sollicitent :
de constater l'acquisition de la clause résolutoire prévue au bail d’habitation et la résiliation de plein droit du bail, et à titre subsidiaire de prononcer la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers ;
d'ordonner l'expulsion de Monsieur [T] [L] et Madame [A] [Z] ainsi que de tous occupants de leur chef, si besoin avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier ;
de condamner solidairement Monsieur [T] [L] et Madame [A] [Z] au paiement des sommes suivantes :
10 968,00 € au titre de l’arriéré locatif arrêté au 24 mai 2024 (échéance de mai incluse) :
une indemnité mensuelle d’occupation d'un montant correspondant aux loyers actualisés augmentés des charges, jusqu'à la libération effective des lieux,
1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
ainsi qu'aux entiers dépens de l’instance

Ils s'opposent à la demande de délais de paiement dans la mesure où les locataires n'ont pas repris le paiement des loyers.

En réponse aux moyens adverses, ils soutiennent que les quittances de loyers ont été envoyées en recommandé.

S'agissant des désordres allégués, ils font valoir qu'ils sont minimes et d'ordre esthétique, qu'ils n'affectent pas la structure du bâtiment ni la jouissance des lieux. Concernant la VMC, ils indiquent que le devis a été accepté mais que les locataires ne facilitent pas l'exécution des travaux.

Aux termes de leurs dernières écritures reprises oralement, Monsieur [T] [L] et Madame [A] [Z] sollicitent de :
débouter Monsieur [T] [L] et Madame [A] [Z] de leurs demandes
constater qu'il n'existe plus de dette locative et suspendre les effets de la clause résolutoire
à titre reconventionnel : condamner Monsieur [R] [W] à réaliser les travaux de remise en état sous astreinte de 100 € par jour de retard, et se réserver la liquidation de l'astreinte
condamner Monsieur [R] [W] à leur payer une somme de 5.000 € en réparation de leurs préjudices
suspendre le paiement des loyers et charges jusqu'à ce que les travaux de remise en état soient réalisés
condamner Monsieur [R] [W] à délivrer les quittances de loyer à compter du mois de janvier 2022, sous astreinte de 100 € par jour de retard, et se réserver la liquidation de l'astreinte
à titre subsidiaire, désigner tel expert de son choix, avec pour mission de :
se rendre sur les lieux au [Adresse 3]
solliciter tous les documents contractuels qu'il estimera nécessaires à l'accomplissement de sa mission
examiner le bien et dire si le logement répond au décret n°2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent
décrire les désordres affectant le bien litigieux
donner son avis sur les travaux à réaliser pour les réparer
préciser les responsabilités encourues
plus généralement, de procéder à sa mission pour permettre à la juridiction éventuellement saisie sur les suites de désigner le ou les responsables des désordres constatés et de chiffrer le coût de remise en état des indemnisations du fait des préjudices subis
de juger que les loyers seront suspendus pendant toute la durée des opérations d'expertise et des travaux
en tout état de cause : condamner Monsieur [R] [W] à leur payer une somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
ordonner l'exécution provisoire du jugement

Ils expliquent les impayés par le fait qu'ils ont perdu leur emploi mais qu'ils ont désormais régularisé leur dette. Ils soutiennent en outre, en se fondant sur l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989 et sur l'article 1231-1 du code civil, que le bailleur a manqué à son obligation de délivrance d'un logement décent et d'entretien. Ils estiment que la résistance abusive de Monsieur [W] a entraîné un préjudice ouvrant droit à réparation.

Ils se fondent sur l'article 20-1 de la loi du 6 juillet 1989 et sur l'article 1724 du code civil pour solliciter la suspension des loyers le temps que les travaux soient réalisés.

Ils réclament, au visa de l'article 21 de la loi du 6 juillet 1989, leurs quittances de loyer, soutenant que la dernière reçue est celle de décembre 2021 malgré leurs sollicitations.

L’affaire a été mise en délibéré au 12 juillet 2024 par mise à disposition au greffe. Au regard des divergences entre les parties sur le montant de la dette, la transmission d'une note en délibéré a été autorisée.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la demande en paiement de l’arriéré locatif

Il résulte de l’article 7 de la loi n°89-462 du 06 juillet 1989 ainsi que des stipulations du bail que le locataire est tenu de payer le loyer et les charges récupérables au terme convenu.

Conformément à la clause de solidarité stipulée audit bail, les locataires sont tenus solidairement d’exécuter l’ensemble des obligations en résultant.

En l’espèce, Monsieur [R] [W] et Madame [D] [W] versent aux débats un décompte arrêté au 24 mai 2024 (échéance du mois de mai incluse) établissant l’arriéré locatif à la somme de 10.968 €. Par courriel du 14 juin 2024, transmis dans le cadre du délibéré, le conseil des défendeurs a indiqué que Monsieur [T] [L] et Madame [A] [Z] n'ont pas été en mesure de régler la dette locative et qu'ils ne pourront la régler que fin juin début juillet. Au vu des justificatifs fournis, la créance de Monsieur [R] [W] et Madame [D] [W] est établie tant dans son principe que dans son montant.

Il convient par conséquent de condamner solidairement Monsieur [T] [L] et Madame [A] [Z] à verser à Monsieur [R] [W] et Madame [D] [W] la somme de 10 968,00 € actualisée au 24 mai 2024, au titre de l’arriéré locatif.

Sur la résiliation et l'expulsion

Sur la recevabilité de la demande
Une copie de l’assignation a été notifiée au représentant de l’Etat dans le département le 29 août 2022, soit plus de deux mois avant l’audience, conformément aux dispositions de l’article 24 III de la loi n°89-462 du 06 juillet 1989.

De même, en application des dispositions de l'article 24 II de la loi du 6 juillet 1989, il est justifié de la saisine de la commission départementale de coordination des actions de prévention des expulsions locatives deux mois avant la délivrance de l'assignation, soit le 13 mai 2022.

L’action est donc recevable.

Sur l'acquisition de la clause résolutoire

Selon l'article 24-I de la loi du 6 juillet 1989, toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non-versement du dépôt de garantie ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux.

En l'espèce, le bail conclu entre les parties contient une clause aux termes de laquelle le contrat se trouvera de plein droit résilié, en cas de défaut de paiement des loyers et accessoires, deux mois après un commandement de payer resté infructueux.

À l'examen de l'ensemble des pièces versées aux débats, il apparaît qu’un commandement de payer visant la clause résolutoire et les dispositions de l'article 24 de la loi précitée a été régulièrement signifié à Monsieur [T] [L] et Madame [A] [Z] le 12 mai 2022, pour un montant principal de 5 678,00 €. Il est en outre établi que ce commandement est demeuré au moins partiellement infructueux dans le délai imparti de deux mois.

Dès lors, il y a lieu de constater que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire sont réunies à la date du 13 juillet 2022, soit deux mois après la délivrance dudit commandement, et que la résiliation du bail est intervenue de plein droit à cette date.

Sur les délais de paiement

Aux termes de l'article 24-V de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 modifié par la loi du 27 juillet 2023, le juge peut, à la demande du locataire, du bailleur ou d'office, à la condition que le locataire soit en situation de régler sa dette locative et qu'il ait repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l'audience, accorder des délais de paiement dans la limite de trois années, par dérogation au délai prévu au premier alinéa de l'article 1343-5 du code civil, au locataire en situation de régler sa dette locative.

En l'espèce, Monsieur [T] [L] et Madame [A] [Z] demandent au juge de suspendre les effets de la clause résolutoire. Monsieur [R] [W] et Madame [D] [W] s'y opposent.

Il ressort du décompte que Monsieur [T] [L] et Madame [A] [Z] n'ont pas repris le paiement intégral du loyer courant avant l'audience, le dernier règlement effectué datant de février 2024.

En conséquence, il convient de débouter Monsieur [T] [L] et Madame [A] [Z] de leur demande de délais de paiement.

Sur l'expulsion

Monsieur [T] [L] et Madame [A] [Z] sont donc désormais occupants sans droit ni titre du fait de la résiliation du contrat de bail.

Par conséquent, il y a lieu d'ordonner l'expulsion de Monsieur [T] [L] et Madame [A] [Z] ainsi que celle de tous occupants de leur chef, si besoin est avec l’assistance de la force publique et d’un serrurier dans les formes et délais prévus par les articles L. 412-1, R. 412-1 et suivants, L. 431-1 et suivants et R. 411-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution.

Le sort des biens mobiliers garnissant les lieux loués sera régi conformément aux articles L. 433-1, R. 433-1 et suivants du même code.

Sur le paiement d'une indemnité d'occupation

L’occupation illicite des lieux par Monsieur [T] [L] et Madame [A] [Z] cause manifestement et nécessairement un préjudice à Monsieur [R] [W] et Madame [D] [W] qui doit être réparé par l'allocation d'une indemnité d'occupation qui sera fixée par référence au montant du dernier loyer, charges comprises, qui aurait été du en cas de non-résiliation du bail.

Il y a donc lieu de condamner in solidum Monsieur [T] [L] et Madame [A] [Z] au paiement de cette indemnité d’occupation mensuelle égale au montant du loyer indexé et des charges, et ce dans les conditions fixées par le dispositif de la présente décision.

Conformément aux dispositions de l’article 1231-7 du code civil, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal, même en l’absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. En conséquence, les indemnités d’occupation échues à ce jour produiront intérêts au taux légal à compter de la présente décision, et toutes les indemnités d’occupation ultérieures non payées à terme se verront augmentées des intérêts au taux légal à compter de la date de leur exigibilité.

Sur les demandes reconventionnelles

Sur la demande de travaux

Il résulte de l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989, et des dispositions des articles 1719 et 1720 du code civil, que “Le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé et doté des éléments le rendant conforme à l’usage d’habitation. (...)
Le bailleur est obligé :
a) de délivrer au locataire un logement en bon état d’usage et de réparation ainsi que les équipements mentionnés au contrat de location en bon état de fonctionnement (...) ;
b) d’assurer au locataire la jouissance paisible du logement et, sans préjudice des dispositions de l’article 1721 du code civil, de le garantir des vices ou défauts de nature à y faire obstacle hormis ceux qui, consignés dans l’état des lieux, auraient fait l’objet de la clause expresse (...) ;
c) d’entretenir les locaux en état de servir à l’usage prévu par le contrat et d’y faire toutes les réparations, autres que locatives, nécessaires au maintien en état et à l’entretien normal des locaux loués (...)” ;

En application de l’article 2 du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002, qui détermine les caractéristiques du logement décent, “Le logement doit satisfaire aux conditions suivantes, au regard de la sécurité physique et de la santé des locataires :
1. Il assure le clos et le couvert. Le gros œuvre du logement et de ses accès est en bon état d’entretien et de solidité et protège les locaux contre les eaux de ruissellement et les remontées d’eau. Les menuiseries extérieures et la couverture avec ses raccords et accessoires assurent la protection contre les infiltrations d’eau dans l’habitation. (…)
2. Il est protégé contre les infiltrations d'air parasites. Les portes et fenêtres du logement ainsi que les murs et parois de ce logement donnant sur l'extérieur ou des locaux non chauffés présentent une étanchéité à l'air suffisante. Les ouvertures des pièces donnant sur des locaux annexes non chauffés sont munies de portes ou de fenêtres. Les cheminées doivent être munies de trappes.
6. Le logement permet une aération suffisante. Les dispositifs d’ouverture et de ventilation des logements permettent un renouvellement de l’air adapté aux besoins d’une occupation normale du logement et au fonctionnement des équipements.

En l'espèce, il résulte du procès-verbal de constat établi par Maître [E], Commissaire de Justice à [Localité 7], en date du 8 juin 2023, que le logement présente notamment des fissures sur les murs extérieurs, des gouttières avec des jointements dégradés, le coffrage du auvent et des chiens assis en très mauvais état, une porte du garage écaillée. Dans la salle de bain, il est relevé une peinture fortement dégradée et écaillée, avec des stigmates d'humidité. Il est également décrit une laine de verre vétuste et tassée dans les combles aménageables.

Les défendeurs sollicitent que les bailleurs effectuent des travaux de remise en état, sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Il ressort du contenu de leurs écritures qu'ils souhaitent que la maison soit moins énergivore (laine de verre plus épaisse, installation d'un insert dans la cheminée pour que l'air cesse de passer) et que la situation d'indécence liée à l'humidité prenne fin, de sorte qu'il sera considéré que leur demande porte sur ces travaux, qui sont les seuls clairement énoncés.

Concernant les travaux relatifs au manque d'isolation, le diagnostic de performance énergétique joint à l'état des lieux d'entrée indique D, de sorte que les lieux remis respectaient les critères de performance énergétique requis. En outre, il n'est produit aucun élément objectif permettant de déterminer la hauteur de la laine de verre existante, ou un défaut d'étanchéité à l'air. Les locataires, qui soutiennent avoir une consommation électrique importante, n'en justifient pas. Il est également indiqué par les bailleurs, sans que les locataires ne contestent ce point, que les fenêtres et portes patio ont été remplacées. Dans ces conditions, les désordres de ce chef ne sont pas établis.

Concernant les problèmes d'humidité, le bailleur soutient avoir changé la VMC en 2020. Toutefois, il résulte du constat d'huissier qu'il existe des traces d'humidité dans la salle de bain, que la peinture est fortement dégradée et que le système de ventilation semble dysfonctionner. Malgré l'absence d'élément sur l'origine de ces désordres, il n'est pas contesté par Monsieur [R] [W] et Madame [D] [W] que les locataires ont déjà refait les peintures et que la VMC doit être changée, les bailleurs ayant d'ailleurs fait faire un devis à cette fin.

En conséquence, il sera considéré que le dispositif de ventilation ne permet pas un renouvellement de l'air adapté, de sorte que le logement ne remplit par les critères de la décence de ce chef.

Monsieur [R] [W], contre qui la demande est dirigée, sera ainsi condamné à procéder au remplacement de la VMC.

La demande d'astreinte sera toutefois rejetée dans la mesure où il apparaît que les bailleurs ont régulièrement fait procéder à des travaux d'entretien, y compris pour des menues réparations ne relevant pas de la responsabilité du bailleur, et qu'ils ont déjà fait faire un devis signé le 9 mars 2024 et que plusieurs rendez-vous ont été proposés aux locataires, dont le dernier le 3 juin, de sorte qu'il n'apparaît pas d'opposition de leur part justifiant le prononcé d'une astreinte incitative.

Sur la demande de dommages et intérêts

L'obligation du bailleur d'assurer au preneur la jouissance paisible des lieux est une obligation de résultat qui engage sa responsabilité, sauf à démontrer que le trouble empêchant une jouissance paisible trouve son origine dans un cas de force majeure ou une faute du preneur.

En l'espèce, Monsieur [T] [L] et Madame [A] [Z] font valoir que les désordres affectant le logement sont tellement importants qu'ils ne peuvent en jouir paisiblement. Ils ajoutent que le logement présente des risques pouvant porter atteinte à la sécurité physique des occupants et que l'humidité présente est un facteur déclenchant ou aggravant de l'état de santé de l'un de leurs enfants.

Ils produisent, pour en justifier, un certificat médical non daté établi par le Docteur [G] qui décrit que l'enfant [I] [L] [B], 11 ans, présente une dyspnée à l'effort, et qui indique que son frère est asthmatique. Aucun élément ne permet d'établir que l'humidité présente dans le logement serait à l'origine des problèmes de santé de l'enfant ou pourrait être un facteur aggravant. En conséquence, le lien de causalité n'est pas établi.

Concernant les fissures extérieures, Monsieur [R] [W] et Madame [D] [W] versent aux débats un rapport d'expertise établi par le cabinet Bertin le 11 mai 1998 qui indique que ce désordre ne compromet ni la solidité, ni la destination de l'ouvrage.

Concernant le mauvais état des chiens assis et la peinture de la porte de garage écaillée, il s'agit de désordres esthétiques, étant observé que les bailleurs ont accepté de financer les travaux de réfection des chiens assis (devis du 26 mars 2021).

En outre, il résulte des échanges de mails, des devis et factures produites que Monsieur [R] [W] et Madame [D] [W] ont régulièrement procédé à des travaux d'entretien du bien (changement des gouttières, réparation du placard de la chambre, nettoyage du toit, réparation du muret et installation d'un nouveau portillon, peintures), ce qui n'est pas contesté par les locataires, et qu'ils ont régulièrement financé le matériel pour des réparations locatives incombant au locataire.

En conséquence, les conditions pour retenir la responsabilité du bailleur ne sont pas réunies, et la demande de dommages et intérêts sera rejetée.

Sur la demande de suspension du montant du loyer et des charges

Selon l’article 20-1 de la loi du 6 juillet 1989, le juge saisi par l’une ou l’autre des parties détermine, le cas échéant, la nature des travaux à réaliser et le délai de leur exécution. Il peut réduire le montant du loyer ou suspendre, avec ou sans consignation, son paiement et la durée du bail jusqu’à l’exécution de ces travaux.

Ainsi, si le preneur ne peut refuser de payer les loyers au terme convenu en se prévalant du refus par le bailleur d'effectuer les travaux de réparation nécessaires, il peut être autorisé à en suspendre le paiement si le propriétaire ne respecte pas son obligation de délivrer un logement décent à condition que le logement ait été rendu inhabitable.

En l’espèce, il n'apparaît pas que les lieux soient inhabitables au point de justifier une réduction ou suspension du montant des loyers. En outre, les bailleurs ont démontré leur bonne volonté à réaliser des travaux depuis la prise des lieux.

En conséquence, la demande de suspension du montant des loyers et des charges sera rejetée.

Sur la demande de délivrance des quittances de loyer

Selon l’article 21 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, le bailleur ou son mandataire est tenu de transmettre gratuitement une quittance au locataire qui en fait la demande. La quittance porte le détail des sommes versées par le locataire en distinguant le loyer et les charges. Aucuns frais liés à la gestion de l'avis d'échéance ou de la quittance ne peuvent être facturés au locataire. Avec l'accord exprès du locataire, le bailleur peut procéder à la transmission dématérialisée de la quittance. Si le locataire effectue un paiement partiel, le bailleur est tenu de délivrer un reçu.

En l'espèce, Monsieur [R] [W] et Madame [D] [W] justifient avoir adressé, en recommandé, les quittances de loyers pour la période janvier 2022 à novembre 2023. En revanche, il n'est pas justifié qu'une quittance a été remise pour le paiement de 1.990 € effectué en février 2024.

En conséquence, il convient de condamner Monsieur [R] [W], contre qui la demande est dirigée, à remettre à Monsieur [T] [L] et Madame [A] [Z] la quittance pour le paiement de février 2024.

Sur les demandes accessoires

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

En conséquence, il convient de condamner in solidum Monsieur [T] [L] et Madame [A] [Z] qui succombent, au paiement des entiers dépens de l’instance qui comprendront notamment le coût du commandement de payer du 12 mai 2022 et de l'assignation.

Conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée et il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation.

En l'espèce, Monsieur [T] [L] et Madame [A] [Z] seront condamnés in solidum à payer à Monsieur [R] [W] et Madame [D] [W] la somme de 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Succombant en leurs demandes, ils seront déboutés de leur demande au titre des frais irrépétibles.

En application de l’article 514 du code de procédure civile, la présente décision est exécutoire à titre provisoire.

PAR CES MOTIFS

Le juge des contentieux de la protection, statuant après débats publics, par jugement contradictoire mis à disposition des parties par le greffe et en premier ressort,

CONDAMNE solidairement Monsieur [T] [L] et Madame [A] [Z] à verser à Monsieur [R] [W] et Madame [D] [W] la somme de 10 968,00 € actualisée au 24 mai 2024, au titre de l’arriéré locatif comprenant les loyers, charges et indemnités d'occupation jusqu'à l'échéance du mois de mai 2024 incluse ;

DEBOUTE Monsieur [T] [L] et Madame [A] [Z] de leur demande de délais de paiement ;

***
CONSTATE la recevabilité de l’action en résiliation intentée par Monsieur [R] [W] et Madame [D] [W] ;

CONSTATE que le contrat signé le 18 février 2012 entre Monsieur [R] [W] et Madame [D] [W] et Monsieur [T] [L] et Madame [A] [Z] concernant les locaux situés [Adresse 3] s’est trouvé de plein droit résilié le 13 juillet 2022 par application de la clause résolutoire contractuelle ;

En conséquence, ORDONNE, faute de départ volontaire, l'expulsion de Monsieur [T] [L] et Madame [A] [Z] ainsi que tout occupant de leur chef, si besoin est avec l’assistance de la force publique et d’un serrurier conformément aux dispositions des articles L. 412-1, R. 412-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;

DIT que le sort des biens mobiliers garnissant les lieux loués sera régi conformément aux articles L. 433-1, R. 433-1 et suivants du même code ;

RAPPELLE qu’il ne pourra être procédé à l’expulsion qu’après l’expiration d’un délai de deux mois suivant la délivrance d’un commandement de quitter les lieux par huissier de justice, et que toute expulsion forcée est prohibée entre le 1er novembre de chaque année jusqu’au 31 mars de l’année suivante conformément aux dispositions des articles L. 412-1 et L. 412-6 du code des procédures civiles d’exécution ;

FIXE, à compter de la résiliation du bail, l'indemnité mensuelle d'occupation sans droit ni titre due par Monsieur [T] [L] et Madame [A] [Z] au montant du loyer et des charges qui aurait été du en l’absence de résiliation du bail, et au besoin CONDAMNE in solidum Monsieur [T] [L] et Madame [A] [Z] à verser à Monsieur [R] [W] et Madame [D] [W] ladite indemnité mensuelle à compter du mois de juin 2024 et jusqu'à complète libération des lieux caractérisée par la remise des clés au bailleur ou à son mandataire, un procès-verbal d’expulsion ou de reprise, avec intérêts au taux légal à compter de l’exigibilité de chacune des échéances ;

DIT que l’indemnité d’occupation sera due au prorata temporis et payable à terme et au plus tard le dernier jour de chaque mois ;

***
CONDAMNE Monsieur [R] [W] à procéder au remplacement de la VMC dans la salle de bain ;

REJETTE la demande d'astreinte ;

DEBOUTE Monsieur [T] [L] et Madame [A] [Z] de leur demande de dommages et intérêts ;

DEBOUTE Monsieur [T] [L] et Madame [A] [Z] de leur demande de suspension du paiement des loyers ;

CONDAMNE Monsieur [R] [W] à remettre à Monsieur [T] [L] et Madame [A] [Z] la quittance du paiement effectué en février 2024 ;

CONDAMNE in solidum Monsieur [T] [L] et Madame [A] [Z] au paiement des dépens qui comprendront le coût du commandement de payer du 12 mai 2022 et de l'assignation ;

CONDAMNE in solidum Monsieur [T] [L] et Madame [A] [Z] à payer à Monsieur [R] [W] et Madame [D] [W] la somme de 300,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE Monsieur [T] [L] et Madame [A] [Z] de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que la présente décision est assortie de l’exécution provisoire ;

DIT que copie de la présente décision sera communiquée par les soins du greffe au représentant de l’État dans le département, en application de l’article R. 412-2 du code des procédures civiles d’exécution.

LE PRESENT JUGEMENT A ETE SIGNE PAR LE JUGE ET LE GREFFIER PRÉSENTS LORS DU PRONONCE.

LE GREFFIER LE JUGE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire d'Évry
Formation : Pprox_fond
Numéro d'arrêt : 22/01814
Date de la décision : 12/07/2024
Sens de l'arrêt : Expulsion "ferme" ordonnée au fond (sans suspension des effets de la clause résolutoire)

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-12;22.01814 ?
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