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24/06/2024 | FRANCE | N°24/00007

France | France, Tribunal judiciaire d'Évry, Pprox_ctx_pro, 24 juin 2024, 24/00007


TRIBUNAL JUDICIAIRE
D’EVRY

PPROX_CTX_PRO

MINUTE N°

DU : 24 Juin 2024

AFFAIRE N° RG 24/00007 - N° Portalis DB3Q-W-B7I-P6KK







Jugement Rendu le 24 Juin 2024



ENTRE :

Syndicat UNION DES SYNDICATS ANTI-PRECARITE,
dont le siège social est sis [Adresse 8]
représentée par Maître Ghislain DADI de la SELAS DADI AVOCATS, avocats au barreau de PARIS


DEMANDERESSE


ET :


S.N.C. TRANSDEV COEUR ESSONNE,
dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Maître Annie

GULMEZ de la SELARL AAZ, avocats au barreau de MEAUX

Madame [X] [A],
demeurant [Adresse 12]
représentée par Maître Elise BENISTI de la SELEURL SELARL BENISTI, avocat...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
D’EVRY

PPROX_CTX_PRO

MINUTE N°

DU : 24 Juin 2024

AFFAIRE N° RG 24/00007 - N° Portalis DB3Q-W-B7I-P6KK

Jugement Rendu le 24 Juin 2024

ENTRE :

Syndicat UNION DES SYNDICATS ANTI-PRECARITE,
dont le siège social est sis [Adresse 8]
représentée par Maître Ghislain DADI de la SELAS DADI AVOCATS, avocats au barreau de PARIS

DEMANDERESSE

ET :

S.N.C. TRANSDEV COEUR ESSONNE,
dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Maître Annie GULMEZ de la SELARL AAZ, avocats au barreau de MEAUX

Madame [X] [A],
demeurant [Adresse 12]
représentée par Maître Elise BENISTI de la SELEURL SELARL BENISTI, avocats au barreau de PARIS plaidant

Madame [F] [E],
demeurant [Adresse 2]
non comparante

Monsieur [Z] [O],
demeurant [Adresse 5]
représentée par Maître Elise BENISTI de la SELEURL SELARL BENISTI, avocats au barreau de PARIS plaidant

Syndicat SNATT-CFE-CGC,
dont le siège social est sis [Adresse 6]
représenté par Maître Elise BENISTI de la SELEURL SELARL BENISTI, avocats au barreau de PARIS plaidant

Syndicat CFTC,
dont le siège social est sis [Adresse 3]
non comparante

Syndicat USAP,
dont le siège social est sis [Adresse 8]
non comparante

Syndicat FORCE OUVRIERE,
dont le siège social est sis [Adresse 3]
non comparante

Syndicat CAT,
dont le siège social est sis [Adresse 7]
non comparante

Syndicat UNSA TRANSPORT,
dont le siège social est sis [Adresse 11]
non comparante

Monsieur [K] [G],
demeurant [Adresse 4]
représenté par Maître Elise BENISTI de la SELEURL SELARL BENISTI, avocats au barreau de PARIS plaidant

Monsieur [H] [P],
demeurant [Adresse 10]
non comparant

DEFENDEURS

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : Laura GUILHEM-DUCLEON, Juge
Greffier : Odile GUIDAT, Greffier

DÉBATS :

Audience publique du 26 Avril 2024

JUGEMENT :
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, Rendue par défaut et en dernier ressort.

EXPOSE DU LITIGE

La société par actions simplifiée TRANSDEV COEUR ESSONNE (ci-après « la société TRANSDEV ») est immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro 947 899 530, elle a son siège social situé [Adresse 9] (91) et exerce une activité de transports urbains et suburbains de voyageurs.
Elle dispose d’un établissement secondaire situé [Adresse 14] (91).
Elle comporte un effectif l’assujettissant à l’obligation de mettre en place un Comité Social et Économique (ci-après « CSE »), conformément aux dispositions de l’article L.2311-2 du code du travail.
Aucun accord n’a pu être trouvé avec les organisations syndicales sur les modalités de la mise en place du CSE de sorte que par décision de l’inspecteur du travail près de la Direction départementale de l’emploi, du travail, des solidarités de l’ESSONNE en date du 23 novembre 2023, il a été décidé de la répartition suivante :
1er collège :
ouvriers : coefficients 110M à 150M
employés : coefficients 105 à 148,5
2nd collège :
Techniciens et agents de maîtrise : coefficients 150 à 225
Ingénieurs et cadres : coefficients 100 à 145
La répartition des 14 sièges à pourvoir a été fixée comme suit :
1er collège composé de 570,61 salariés : 12 sièges de titulaires et 12 sièges de suppléants
2nd collège composé de 40,75 salariés :
1 siège de titulaire et 1 siège de suppléant réservé aux ingénieurs et cadres ;
1 siège de titulaire et 1 siège de suppléant réservé aux techniciens et agents de maitrise.P
Par la suite, un protocole unilatéral pré-électoral (ci-après « PAP ») a été établi le 29 novembre 2023.
Ledit PAP définit notamment les modalités de l’organisation de l’élection des membres de la délégation du personnel au CSE et prévoit que le premier tour se déroulera du mardi 16 janvier 9h au mercredi 17 janvier 2024 à 18h avec un second tour éventuel du mardi 30 janvier 9h au mercredi 31 janvier 2024 à 18h
Les élections se sont tenues aux dates précitées.
Parallèlement et par courrier en date du 26 janvier 2024 transmis à la société TRANSDEV le 29 janvier 2024, le syndicat CFE-CGC SNATT a désigné Monsieur [Z] [O] en qualité de délégué syndical.
Par requête datée du 14 février 2024 et réceptionnée par le greffe le 19 février 2024, l’UNION DES SYNDICATS ANTI-PRECARITE en la personne de [D] [L] a saisi le « tribunal judiciaire de Longjumeau » en sollicitant « l’annulation des élections collèges TAM INGÉNIEURS ET CADRES qui se sont déroulé du 16 et 17 janvier 2024 1er tour et deuxième tour du 30 et 31 janvier 2024 dans la société TRANSDEV COEUR ESSNNE » « annulation de la désignation de Monsieur [Z] [O] en qualité de délégué syndical de l’organisation syndicale SNATT CFE-CGC ».
À l’appui de sa requête, elle indique « conteste(r) les élections du CSE qui se sont déroulé le 16 et 17 janvier 2024 aussi le deuxième tour du 30 et 31 janvier 2024. L’union des Syndicats Anti-Précarité conteste aussi la candidature de Mr [Z] [O] candidat au premier tour des élections du CSE ainsi au deuxième tour des élections du CSE (…) L’union des Syndicats Anti-Précarité conteste la désignation de Mr [Z] [O] en qualité de délégué syndical de l’organisation SNATT CFE-CGC ».
Par dernières conclusions visées par le greffe, l’UNION DES SYNDICATS ANTI-PRECARITE sollicite de la juridiction de :
Déclarer l’USAP recevable et bien fondée pour l’intégralité de ses demandes ;
Annuler la désignation de M. [Z] [O] en qualité de délégué syndical de l’organisation syndicale SNATT CFE-CGC ;
Annuler les élections du premier et second tour des élections litigieuses, collège ingénieurs et cadres en date du 16 et 17 janvier 2024 ainsi que le 30 et 31 janvier 2024 ;
Ordonner à la société TRANSDEV d’organiser de nouvelles élections du CSE dans un délai de 30 jours à compter du prononcé du jugement, sous astreinte de 200 € par jours de retard et se réserver le pouvoir de liquider l’astreinte ;
Condamner la société TRANSDEV à lui verser la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Soutenant que sa requête n’est entachée d’aucune cause d’irrégularité, elle indique que la requête peut mentionner comme adresse celle d’un établissement secondaire dans la mesure où ce dernier est celui du lieu des élections professionnelles querellées. A titre subsidiaire, elle indique qu’aucun grief ne peut être retenu d’une prétendue erreur d’adresse de la société.
Soutenant qu’aucune nullité pour vice de forme ne peut aboutir, elle soutient que la requête n’encourt nullement la nullité car elle mentionne l’exposé sommaire des motifs et qu’en tout état de cause, une telle nullité suppose, pour être accueillie, la démonstration d’un grief, une telle démonstration faisant en l’espèce défaut.
S’opposant à la fin de non-recevoir tirée de la forclusion s’agissant de la contestation de la désignation du délégué syndical, elle argue que la fraude corrompt tout et permet le report du délai de forclusion de 15 jours et à ce titre, elle souligne que Monsieur [Z] [O] dispose d’une délégation d’autorité et doit être assimilé à l’employeur et elle précise avoir eu connaissance de cette fraude le 14 février 2024 de sorte que sa requête, rédigée à cette date, est recevable.
S’opposant à la fin de non-recevoir tirée de la forclusion s’agissant de la demande d’annulation des élections au CSE, elle fait état du même moyen tiré de l’existence d’une fraude et indique qu’un salarié disposant d’une délégation d’autorité le rendant assimilable au chef d’entreprise ne peut être candidat aux élections au sein du CSE et elle rappelle avoir découvert cette fraude le 14 février 2024.
Par dernières conclusions visées par le greffe, le syndicat CFE-CGC SNATT, Monsieur [Z] [O], Monsieur [K] [G], Madame [X] [A] sollicitent de la juridiction de :
Juger la requête nulle ;
Juger la demande d’annuler le premier tour des élections professionnelles irrecevable dans la mesure où elle est forclose ;
Juger la demande d’annuler le mandat de délégué syndical irrecevable dans la mesure où elle est forclose ;
Débouter l’Union des Syndicats Anti-précarité de ses demandes ;
Condamner l’Union des syndicats Anti-précarité à lui verser la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
À l’appui de leur prétention en nullité de la requête, ils indiquent que celle-ci ne présente aucun exposé de la motivation et contrevient donc aux dispositions de l’article 757 du code de procédure civile ; que le rédacteur de la requête Monsieur [D] [L] n’établit pas disposer d’un pouvoir lui permettant d’ester en justice au nom du syndicat.
À l’appui de leur fin de non-recevoir tirée de la forclusion et s’agissant de la demande annulation des élections au CSE, ils rappellent que le délai de 15 jours pour contester une candidature débute à compter de la proclamation des résultats, que le candidat ait été ou non élu.
Ils rappellent que Monsieur [Z] [O] était candidat au sein du 2ème collège pour lequel le quorum a été atteint dès le premier tour de sorte que le délai a commencé à courir à compter de la proclamation des résultats du premier tour. Soutenant ensuite qu’aucun report du délai de forclusion ne peut avoir lieu même en cas de fraude, ils indiquent que les faits visés ne constituent en tout état de cause pas une fraude, l’élément moral faisant notamment défaut. En outre, ils soulignent que la requérante ne démontre pas avoir découvert lesdits faits le 14 février 2024.
Sur le fond, ils estiment que Monsieur [Z] [O], manager de proximité, ne dispose d’aucune délégation de pouvoirs et ne peut être assimilé à l’employeur et ne dispose d’aucun pouvoir disciplinaire.
À l’appui de leur fin de non-recevoir tirée de la forclusion et concernant la contestation de la désignation de Monsieur [Z] [O] en qualité de délégué syndical, ils arguent de ce que la désignation a été affichée sur les panneaux syndicaux le 26 janvier 2024 de sorte que le délai de 15 jours pour la contester était expiré au jour de réception de la requête. Soutenant là aussi que les faits dénoncés ne peuvent être assimilés à une fraude, ils s’opposent à tout report du point de délai de forclusion pour les raisons précédemment exposées.
Sur le fond, ils rappellent que le syndicat remplit les conditions pour désigner un délégué syndical, disposant notamment d’une section syndical et ils rappellent que Monsieur [Z] [O] remplit les conditions pour être désigné en cette qualité.
Par dernières conclusions visées par le greffe, la société TRANSDEV sollicite de la juridiction de :
A titre principal :
Déclarer nulle et irrecevable la requête de l’Union des Syndicats Anti-Précarité ;
A titre subsidiaire :
Juger les demandes de l’Union des Syndicats Anti-Précarité irrecevables car forcloses ;
En tout état de cause :
Juger irrecevable car mal fondée la demande d’annulation des élections dans leur intégralité, premier et second collège inclus ;
Rejeter toutes les demandes de l’Union des Syndicats Anti-Précarité et l’en Débouter ;
Condamner l’Union des Syndicats Anti-Précarité à lui payer la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.
À l’appui de sa demande principale en nullité de la requête, elle indique que celle-ci ne mentionne pas le siège social de l’entreprise et elle rappelle qu’un établissement secondaire est dépourvu de toute personnalité juridique et ne jouit donc pas d’une qualité à agir et à se défendre. Elle indique qu’une telle irrégularité de fond ne peut être couverte par la suite.
Soutenant en outre que la requête est nulle pour défaut d’exposé des motifs, elle indique que celle-ci ne contient pas un tel exposé des motifs, même sommaire.
À l’appui de sa fin de non-recevoir tirée de la forclusion et s’agissant de la demande visant à voir annuler les élections, elle souligne que le délai a commencé à courir à compter de la proclamation des résultats du premier tour, le grief concernant la présence en tant que candidat de Monsieur [Z] [O] au sein d’un collège dont le quorum a été atteint au premier tour, soit le 17 janvier 2024 et elle rappelle que sur le fond, l’intéressé ne peut être assimilé à l’employeur et qu’en tout état de cause, la requérante échoue à rapporter la preuve d’une fraude. Enfin, elle indique qu’aucun élément ne permet de retenir le 14 février 2024 comme la date à laquelle la requérante aurait découvert la situation qui serait celle de Monsieur [Z] [O].
Soutenant qu’en tout état de cause, une demande en annulation de l’ensemble des collèges ne peut aboutir, elle indique que ne doivent être annulées que les élections ayant eu lieu au sein du collège au sein duquel l’irrégularité a été démontrée et elle rappelle que la répartition des effectifs au sein des collèges et des postes au sein des collèges n’a pas été querellée.
Soutenant qu’est en outre irrecevable la demande d’annulation des élections, elle souligne que le requérant ne démontre pas disposer d’un pouvoir spécial pour intenter une action en justice.
Ensuite et s’agissant de la demande d’annulation de la désignation de Monsieur [Z] [O], elle indique que celle-ci est également irrecevable car forclose pour les raisons énoncées ci-avant.
Le dossier a été appelé à l’audience du 26 avril 2024 à laquelle il a fait l’objet d’un renvoi en raison de l’indisponibilité du magistrat tenant l’audience, à l’audience du 31 mai 2024 à laquelle il a été retenu.
À cette audience, les parties, représentées par leurs conseils, ont maintenu leurs demandes telles que contenues dans leurs dernières écritures.
Les autres parties n’ont pas comparu et ne se sont pas faites représenter.
Il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
À l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré au 24 juin 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L’article 472 du code de procédure civile dispose que si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.
L’article R211-3-15 du code de l’organisation judiciaire dispose que le tribunal judiciaire connaît des contestations relatives à l'électorat, à l'éligibilité et à la régularité des opérations électorales en ce qui concerne l'élection notamment des membres de la délégation du personnel aux comités sociaux et économiques d'entreprise, aux comités sociaux et économiques d'établissement et aux comités sociaux et économiques centraux d'entreprise.
L’article R.2314-24 du code du travail dispose que le tribunal judiciaire est saisi des contestations par voie de requête. Lorsque la contestation porte sur la régularité de l'élection ou sur la désignation de représentants syndicaux, la requête n'est recevable que si elle est remise ou adressée dans les quinze jours suivant cette élection ou cette désignation.
Sur l’exception de nullité

Sur le moyen tiré du défaut de mention du siège social :

La requête doit contenir un certain nombre de mentions à peine de nullité et à ce titre, l’article 54 du code de procédure civile dispose que la demande initiale est formée par assignation ou par requête remise ou adressée au greffe de la juridiction. A peine de nullité, la demande initiale mentionne pour les personnes morales, leur forme, leur dénomination, leur siège social et l'organe qui les représente légalement.
L’article 57 dudit code précise que « lorsqu'elle est formée par le demandeur, la requête saisit la juridiction sans que son adversaire en ait été préalablement informé. Lorsqu'elle est remise ou adressée conjointement par les parties, elle soumet au juge leurs prétentions respectives, les points sur lesquels elles sont en désaccord ainsi que leurs moyens respectifs.
Elle contient, outre les mentions énoncées à l'article 54, également à peine de nullité :
-lorsqu'elle est formée par une seule partie, l'indication des nom, prénoms et domicile de la personne contre laquelle la demande est formée ou s'il s'agit d'une personne morale, de sa dénomination et de son siège social ;
-dans tous les cas, l'indication des pièces sur lesquelles la demande est fondée. »
En l’espèce, si la société TRANSDEV indique à raison qu’une société peut être assignée au lieu d’un de ses établissements, il n’en demeure pas moins que l’acte de saisine de la juridiction doit mentionner l’adresse du siège social ainsi que rappelé ci-avant.
En l’absence des mentions exigées par les textes, la requête encourt, en théorie, la nullité pour vice de forme.
Cette nullité doit être invoquée avant toutes défenses au fond et fins de non-recevoir en application des dispositions de l’article 112 du code de procédure civile.
En outre, la nullité ne sera prononcée que si elle est expressément prévue, sauf exceptions et si le vice cause un grief. À cet égard, l’article 114 du code de procédure civile dispose qu’ « aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public.
La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public. »
En l’espèce, il ressort des termes de la requête que celle-ci mentionne uniquement l’adresse de l’établissement secondaire situé [Adresse 14] (91) au sein duquel se sont déroulées les opérations litigieuses et ne mentionne nullement l’adresse du siège social, à savoir le [Adresse 9] (91).
Toutefois, la société TRANSDEV, qui se prévaut de cette exception de nullité est défaillante à rapporter la preuve d’un quelconque grief, semblant faire découler ce dernier de la simple absence de la mention défaillante alors qu’il lui appartient, en application des règles probatoires, de rapporter la preuve d’un grief.
Dès lors, il y a lieu de rejeter l’exception de nullité tirée de l’absence de mention du siège social.

Sur le moyen tiré du défaut d’exposé des motifs :

La requête doit contenir un certain nombre de mentions à peine de nullité et à ce titre, l’article 757 du code de procédure civile dispose « qu’outre les mentions prescrites par les articles 54 et 57, la requête doit contenir, à peine de nullité, un exposé sommaire des motifs de la demande. Les pièces que le requérant souhaite invoquer à l'appui de ses prétentions sont jointes à sa requête en autant de copies que de personnes dont la convocation est demandée. »
En l’espèce et contrairement à ce que prétend la requérante, la requête adressée à la juridiction et qui constitue son acte de saisine ne contient nullement un exposé – même sommaire – des motifs, les seules mentions tenant au fait que les requérants « contestent » les élections et la désignation de Monsieur [Z] [O] en qualité de délégué syndical ne pouvant être assimilées à un exposé de motifs permettant utilement aux parties défenderesse de faire valoir leurs arguments.
Toutefois et pour les raisons exposées à l’appui du moyen précédent, le seul grief mentionné par les parties défenderesses consiste à avoir été contraintes d’attendre la communication des conclusions du conseil des requérantes afin d’avoir connaissance de ses moyens et d’être en capacité d’y répondre.
Or, dès lors que l’affaire a fait l’objet d’un renvoi et que les défenderesses ont pu faire valoir à leur tour leurs observations en rédigeant notamment des écritures soumises à la juridiction, elles ne font état d’aucun grief actuel.
Dès lors, il y a lieu de rejeter l’exception de nullité tirée de l’absence d’exposé des motifs.

Sur le moyen tiré du défaut de capacité de représentation :
Le code de procédure civile n'énumère pas les conditions de fond des actes de procédure, ni ne les définit. Ces conditions se déduisent d'une interprétation a contrario de l'article 117 du code de procédure civile qui liste des irrégularités de fond affectant la validité des actes et qui dispose que « constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l'acte :
Le défaut de capacité d'ester en justice ;
Le défaut de pouvoir d'une partie ou d'une personne figurant au procès comme représentant soit d'une personne morale, soit d'une personne atteinte d'une incapacité d'exercice ;
Le défaut de capacité ou de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice. »
L’article 119 du code de procédure civile dispose que les exceptions de nullité fondées sur l'inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure doivent être accueillies sans que celui qui les invoque ait à justifier d'un grief et alors même que la nullité ne résulterait d'aucune disposition expresse.
L’article L.2132-3 du code du travail dispose que les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.
En l’espèce, la requête litigieuse datée du 14 février 2024 a été déposée pour le compte de l’UNION DES SYNDICATS ANTI-PRECARITE par Monsieur [D] [L], ce dernier se contentant d’indiquer qu’il est « de l’USAP » sans faire référence à un quelconque pouvoir.
À ce titre, le syndicat requérant verse aux débats ses statuts en date du 17 novembre 2012 ainsi que le récépissé de dépôt de statuts de syndicat délivré par la Mairie de [Localité 13] le 11 décembre 2012.
Contrairement à ce que prétendent les défenderesses, les statuts communiqués sont constitués de 13 pages, chacune d’entre elles étant numérotées. La 13ème page est constituée notamment des noms des membres du secrétariat élus le 17 novembre 2012 dont Monsieur [D] [W] [Y] en qualité de Président. Cette 13ème page fait partie intégrante des statuts avec lesquels elle forme un tout indissociable ainsi qu’il ressort de la numérotation adoptée, ladite page comportant la mention en bas à gauche 13/13.
La composition des statuts du syndicat CFE-CGC SNATT est à ce titre différente puisque la page reprenant les identités du Président, secrétaire général et autres constitue une page annexe, distincte des statuts et ayant donc fait l’objet d’un dépôt distinct de sorte que « l’architecture » des statuts des deux syndicats en cause ne peut être comparée.
Ainsi, les défenderesses échouent à démontrer que cette 13ème page serait dissociable des statuts et n’aurait pas fait l’objet d’un dépôt en Mairie.
Sur le fond, il ressort des statuts (page 10 sur 13) que chaque membre du Secrétariat a la capacité d’ester en justice au nom de l’Union et de la représenter en toutes circonstances. Or, il n’est pas contesté que Monsieur [D] [W] [Y] fait partie des membres du secrétariat et exerce la fonction de Président.
Dès lors, il y a lieu de rejeter l’exception de nullité tirée du défaut de pouvoir d’une partie ou d’une personne figurant au procès comme représentant d’une personne morale.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la forclusion

L’article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
L’article 123 dudit code précise que les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu'il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt.
L’article R.2314-24 du code du travail dispose que : « le tribunal judiciaire est saisi des contestations par voie de requête (…) Lorsque la contestation porte sur la régularité de l'élection ou sur la désignation de représentants syndicaux, la requête n'est recevable que si elle est remise ou adressée dans les quinze jours suivant cette élection ou cette désignation. »
L’article 641 du code de procédure civile sur la computation des délais précise que lorsqu'un délai est exprimé en jours, celui de l'acte, de l'événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir ne compte pas.

S’agissant de la demande visant à l’annulation des élections du CSE :

Il est constant que le délai de quinze jours pour contester la régularité des élections court à compter de la proclamation nominative des élus qui confère à ceux-ci la qualité de représentants du personnel.
En l’espèce, il ressort de l’examen des moyens soutenus par la requérante que la demande d’annulation des élections est fondée sur la présence comme candidat aux élections du CSE de Monsieur [Z] [O]. Il ressort du procès-verbal des élections que l’intéressé était candidat – non élu – au sein du 2ème collège pour lequel le quorum a été atteint au premier tour.
Dès lors, il appartenait à la requérante d’exercer son recours avant l’expiration du délai de 15 jours suivants la proclamation des résultats du premier tour. (Sociale, 18 février 1988, 87-60.093).
Il n’est pas contesté par les parties que les résultats du premier tour ont été proclamés à l’issue du scrutin soit le 17 janvier 2024.
S’agissant du moyen soutenu par le syndicat requérant et excipé de la prétendue fraude ayant entouré la candidature de Monsieur [Z] [O], la fraude peut être définit comme : « la mauvaise foi, l’intention frauduleuse, acte accompli dans le dessein de préjudicier à des droits que l’on doit respecter. » (Vocabulaire Juridique, [M] [N], Association Henri Capitant, PUF, 2007).
Si on perçoit difficilement quelle fraude, qui nécessite un volet intentionnel, pourrait être reprochée à Monsieur [Z] [O] dans le fait de se porter candidat alors qu’il représenterait l’employeur au sein de l’entreprise, cet argument relève en tout état de cause du débat sur le fond tenant aux conditions d’éligibilité et est indifférent du point de départ du délai de forclusion.
Ainsi, le moyen tiré de la fraude alléguée, outre qu’elle n’est pas démontrée, n’est pas de nature à permettre l’admission de la prétention de sorte que le moyen est inopérant.
A titre surabondant, si le syndicat requérant indique avoir, fort opportunément, découvert la fraude alléguée le 14 février 2024 soit à la date de rédaction de la requête - en prenant connaissance de deux courriers émanant de Monsieur [Z] [O] en date du 24 mars 2023 et 17 octobre 2023, il n’apporte aucun élément à l’appui de ses propos et démontrant qu’il aurait découvert postérieurement au premier tour une incompatibilité entre les fonctions réelles de Monsieur [Z] [O] et son statut de candidat aux élections du CSE.
Ainsi, il y a lieu de juger que le délai de contestation de 15 jours a débuté à la proclamation des résultats du premier tour, soit au 17 janvier 2024.
Dès lors, il y a lieu de juger forclose l’action en annulation des élections du CSE intentée par l’UNION DES SYNDICATS ANTI-PRECARITE et manifestée par une requête réceptionnée par le greffe le 19 février 2024.

S’agissant de la demande visant à l’annulation de la désignation de Monsieur [Z] [O] en qualité de délégué syndical :

Il est constant que le délai de quinze jours pour contester la régularité de la désignation court à compter du jour où la désignation a été porté à la connaissance des parties par affichage sur les panneaux réservés aux communications ou par tout autre moyen. (Sociale, 18 juin 2003, 01-60.790, Inédit).
En l’espèce, il ressort du courrier de désignation du 26 janvier 2024 que ce dernier porte la mention d’un affichage à cette date vers 16h00, et ce sans que le syndicat requérant ne vienne contester ce point.
Pour les raisons évoquées ci-avant et auxquelles il est renvoyé, il y a lieu de juger que le délai de contestation de 15 jours a débuté à compter de l’affichage de la désignation litigieuse, soit au 26 janvier 2024.
Dès lors, il y a lieu de juger forclose l’action en annulation de la désignation de Monsieur [Z] [O] en qualité de délégué syndical et manifestée par une requête réceptionnée par le greffe le 19 février 2024.

Sur les mesures de fin de jugement

L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens (…) Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.
En l’espèce et pour des raisons tirées de l’équité, il sera jugé n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Il est rappelé qu’en application de l’article R.2122-28 du code du travail, le tribunal judiciaire statue sans frais.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par mise à disposition au greffe, par jugement par défaut et en dernier ressort,

_ REJETTE les exceptions de nullité pour vice de forme et irrégularité de fond ;
_ ACCUEILLE la fin de non-recevoir et en conséquent ;
_DÉCLARE irrecevable en ses demandes l’UNION DES SYNDICATS ANTI-PRECARITE ;
_ DÉBOUTE les parties de toutes autres demandes ;
_ RAPPELLE que le tribunal statue sans frais.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire d'Évry
Formation : Pprox_ctx_pro
Numéro d'arrêt : 24/00007
Date de la décision : 24/06/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-24;24.00007 ?
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