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04/07/2024 | FRANCE | N°23/03016

France | France, Tribunal judiciaire de Versailles, Juge loyers commerciaux, 04 juillet 2024, 23/03016


Minute n°


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES

LOYERS COMMERCIAUX

JUGEMENT DU 04 JUILLET 2024




N° RG 23/03016 - N° Portalis DB22-W-B7H-RLC2
Code NAC : 30C


DEMANDERESSE

La société SCR IMMO, société civile immobilière immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de VERSAILLES sous le numéro 817 508 583 dont le siège social est situé [Adresse 1] représentée par, Monsieur [U] [V], son gérant domicilié en cette qualité au siège social,

représentée par Maître Edith NETO-MANCEL, avocat postulant au bar

reau de VERSAILLES et par Maître Eliaou-Marc CHICHE, avocat plaidant au barreau de PARIS.




DÉFENDERESSE

La société EURELEC DIS...

Minute n°

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES

LOYERS COMMERCIAUX

JUGEMENT DU 04 JUILLET 2024

N° RG 23/03016 - N° Portalis DB22-W-B7H-RLC2
Code NAC : 30C

DEMANDERESSE

La société SCR IMMO, société civile immobilière immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de VERSAILLES sous le numéro 817 508 583 dont le siège social est situé [Adresse 1] représentée par, Monsieur [U] [V], son gérant domicilié en cette qualité au siège social,

représentée par Maître Edith NETO-MANCEL, avocat postulant au barreau de VERSAILLES et par Maître Eliaou-Marc CHICHE, avocat plaidant au barreau de PARIS.

DÉFENDERESSE

La société EURELEC DISTRIBUTION, société à responsabilité limitée immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de MEAUX sous le numéro 412 970 659 dont le siège social est situé [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,

représentée par Maître Manel GHARBI, avocat postulant au barreau de VERSAILLES et par Maître Christophe CARDOSO, avocat plaidant au barreau de PARIS.

DÉBATS :

Madame GARDE, Juge, siégeant par délégation de Monsieur le Président du Tribunal Judiciaire de Versailles, et statuant en matière de loyers commerciaux, conformément aux dispositions de l’article R. 145-23 du Code de Commerce, assistée de MADAME LOPES DOS SANTOS, Greffier.

Après avoir entendu, lors de l’audience du 30 Mai 2024, les avocats des parties en leurs plaidoiries, l’affaire a été mise en délibéré pour que le jugement soit rendu ce jour.

* * * * * *

EXPOSE DU LITIGE

Aux termes d’un acte sous seing privé en date du 1er mai 2011, la SCI du Cèdre, aux droits de laquelle se trouve la SCI SCR Immo, a donné à bail commercial à la société Delta 78 des locaux à usage exclusif de magasin d’électricité dépendant d’un ensemble immobilier sis [Adresse 6], à [Localité 5] (78), pour une durée de neuf années à compter du 1er mai 2011, moyennant un loyer annuel en principal de 23.800 €.

Aux termes d’un jugement du tribunal de commerce de Versailles en date du
9 octobre 2012, la société Delta 78 a fait l’objet d’un placement en liquidation judiciaire. Le 24 janvier 2013, elle a cédé son droit au bail et son fonds de commerce à la société Fournitures électriques de l’Ouest, laquelle a fait l’objet d’une dissolution anticipée et d’une transmission universelle de son patrimoine par décision du 1er octobre 2018 au profit de son associée unique, la société Eurelec Distribution.

Par acte du 22 octobre 2019 remis à étude, la SCI SCR Immo a fait délivrer à la société Eurelec Distribution un congé pour le 30 avril 2020 avec offre de renouvellement à compter du 1er mai 2020, moyennant un loyer annuel en principal de 33.915 €.

La société Eurelec Distribution a accepté le principe du renouvellement du bail mais s’est opposée au déplafonnement du montant du loyer.

C’est dans ces conditions qu’après avoir notifié à la société Eurelec Distribution un mémoire préalable dont l’accusé de réception a été signé le 15 février 2021, la SCI SCR Immo l’a fait assigner, par exploit introductif d’instance en date du 7 mai 2021, devant le juge des loyers commerciaux de Versailles en fixation du loyer du bail renouvelé, au 1er mai 2020, à la somme de 51.480 € en principal ou à dire d’expert.

Par jugement rendu le 6 janvier 2022, le juge des loyers commerciaux a ordonné une mesure d’expertise judiciaire et désigné Monsieur [R] [E] pour y procéder, lequel a été ultérieurement remplacé par Madame [K]
[G].

Cette dernière a déposé son rapport d’expertise le 17 avril 2023 et l’affaire a été rétablie au rôle, en application de l’article R. 145-31 du code de commerce, le
30 mai suivant.

Aux termes de son dernier mémoire, notifié à la société Eurelec
Distribution par lettre recommandée dont l’accusé de réception a été
signé le 11 juillet 2023, la SCI SCR Immo demande au juge des loyers commerciaux de :

- Dire et juger qu’il y a lieu à déplafonnement,
- Fixer en conséquence le prix du bail renouvelé au 1er mai 2020 à la somme de 51.480 € par an en principal, hors charges et hors taxes,
- Condamner la société Eurelec Distribution au paiement des intérêts légaux sur les loyers arriérés conformément aux dispositions de l’article 1231-6 du code civil, les intérêts dus pour plus d’une année entière étant eux-mêmes capitalisés par application des dispositions de l’article 1343-2 du même code,
- Débouter la société Eurelec Distribution de l’intégralité de ses demandes,
- Condamner la société Eurelec Distribution au versement de la somme de
6.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens en ce compris l’intégralité des frais d’expertise.

Au soutien de ses prétentions, la SCI SCR Immo se prévaut d’une modification notable des facteurs locaux de commercialité et des caractéristiques des locaux loués.

Elle fait tout d’abord valoir l’accroissement de l’achalandage des locaux en raison de l’ouverture, en 2017, à proximité immédiate des lieux loués, du centre commercial “Le [Adresse 3]”, lequel comprend plusieurs enseignes de dimension nationale. Elle explique que ce centre, situé à moins de 100 mètres des locaux pris à bail, profite directement au fonds de commerce. En réponse aux moyens développés par la société Eurelec Distribution, elle indique que le bail est à destination de magasin d’électricité, sans distinction entre la vente de gros et de détail. Elle ajoute que la publicité et les travaux effectués par la société Eurelec Distribution visent à tirer profit de l’afflux de chalandise supplémentaire généré par l’installation du centre commercial. Elle fait notamment état d’un renforcement de la signalétique des locaux. Elle argue également de l’ouverture, au mois d’août 2020, du centre commercial “[Adresse 4]”. Elle observe que plusieurs enseignes nationales y sont implantées. Elle ajoute que cette ouverture a été précédée d’un projet d’aménagement et d’élargissement de la route départementale n° 30, entré en phase de réalisation au mois de janvier 2015, pendant le cours du bail échu. Elle réplique, enfin, que la construction d’un immeuble de bureaux et commerces à proximité des locaux donnés à bail après la date d’effet du renouvellement, loin de nuire à leur visibilité, a renforcé l’attractivité du secteur.

Elle expose, parallèlement, que la société Eurelec Distribution a entrepris, en fin d’année 2018 et début d’année 2019, des travaux de gros oeuvre touchant à la distribution des lieux loués sans, au préalable, lui avoir communiqué le descriptif détaillé établi par l’architecte en charge de leur supervision. Elle souligne que l’expert judiciaire a lui-même constaté une modification effective des caractéristiques des locaux loués avec la création d’un espace d’exposition et un nouvel aménagement des espaces. Elle réfute toute dualité dans la nature des travaux accomplis, considérant que les travaux de rénovation et d’amélioration retenus ne sont que la conséquence directe des travaux de modification des caractéristiques des locaux loués. Elle fait aussi grief au preneur d’avoir fourni une liste de travaux tronquée. Elle observe, enfin, que la clause d’accession en fin de jouissance n’a pas d’incidence dès lors que les travaux accomplis visent à transformer les locaux.

Pour déterminer la valeur locative des locaux pris à bail, elle rappelle que l’estimation réalisée en 2015 par la société ISAO Immobilier s’élevait à 37.440 € par an, hors taxes et hors charges. En raison de l’ouverture postérieure du centre commercial “le [Adresse 3]”, des aménagements routiers réalisés et des loyers pratiqués dans le voisinage, elle fixe la valeur locative en renouvellement à la somme de 46.800 € par an, hors taxes et hors charges, soit 100 € / m2. Elle note que ce prix unitaire est très inférieur à celui pratiqué dans le centre commercial “le [Adresse 3]”, c’est-à-dire 200 à 250 € / m2, alors même que les commodités de ces locaux sont comparables à ceux pris à bail. Elle plaide en outre pour une majoration de la valeur locative de 10 % en raison de la prise en charge de la taxe foncière par le bailleur et de l’absence de charges de copropriété.

Aux termes de son dernier mémoire en réponse, notifié à la SCI SCR Immo par lettre recommandée dont l’accusé de réception a été signé le 2 avril 2024, la société Eurelec Distribution demande au juge des loyers commerciaux de :

- Fixer le loyer du bail renouvelé au 1er mai 2020 au montant du loyer plafonné, soit 26.439,24 €,
- Condamner la SCI SCR Immo à lui verser la somme de 6.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Eurelec Distribution rappelle que les locaux pris à bail sont situés en partie arrière d’un immeuble à usage commercial datant des années 1970 et disposent d’une visibilité réduite depuis la voie publique. Elle indique ne pas pâtir d’une telle configuration dans la mesure où elle exerce une activité de grossiste et que ses locaux lui servent principalement d’espace de stockage.

Elle réfute l’existence de motifs de déplafonnement du montant du loyer du bail renouvelé, que ce soit au regard des facteurs locaux de commercialité ou des caractéristiques des locaux loués.

Elle réplique que son commerce n’est pas visible depuis le centre commercial “le [Adresse 3]” et que l’ouverture du centre commercial “[Adresse 4]” est postérieure à la date de prise d’effet du renouvellement. Elle ajoute que les travaux d’aménagement de la route départementale n° 30 étaient prévus au jour de la signature du premier bail et que les travaux réalisés étaient, à cette date, quasiment achevés. Elle en déduit que l’évolution du tissu urbain a été prise en compte par les parties en 2011 et qu’elle ne peut justifier un déplafonnement du montant du loyer du bail renouvelé au 1er mai 2020. Bien plus, elle remarque que les locaux pris à bail ne disposent d’aucun accès direct depuis la route départementale n° 30. Elle s’accorde enfin avec l’expert judiciaire pour relever que la nouvelle zone de chalandise créée n’est pas de nature à modifier les facteurs locaux de commercialité du local (manque de visibilité, absence de synergie dans le type de commerces, clientèles différentes).

Elle rétorque, en parallèle, que la clause d’accession en fin de jouissance stipulée au bail s’oppose à ce que la SCI SCR Immo se prévale des travaux réalisés au cours du bail expiré pour justifier le déplafonnement du loyer. Subsidiairement, elle prétend que les aménagements réalisés constituent des améliorations et non des modifications des caractéristiques des locaux. En toute hypothèse, elle soutient que lorsque les travaux sont mixtes, c’est le régime des améliorations qui prime sur celui des modifications, de sorte que le déplafonnement du montant du loyer est reporté au second renouvellement.

Elle rappelle, s’agissant de la détermination de la valeur locative, que la SCI SCR Immo ne peut tirer profit des aménagements réalisés, ceux-ci restant sa propriété pendant la durée de la location. Elle ajoute que les termes de comparaison cités ne portent pas sur des locaux équivalents, de sorte qu’aucune référence utile ne peut y être faite.

Elle conclut ainsi à une valeur locative ne pouvant dépasser le loyer plafonné, soit 26.439,24 € par an, hors taxes et hors charges.

MOTIFS

Sur la fixation judiciaire du montant du loyer du bail renouvelé

En application de l’article L.145-33 du code de commerce, le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative. A défaut d’accord, cette valeur est déterminée d’après :

1° les caractéristiques du local considéré ;
2° la destination des lieux ;
3° les obligations respectives des parties ;
4° les facteurs locaux de commercialité ;
5° les prix couramment pratiqués dans le voisinage.

L’article L. 145-34 du code de commerce dispose qu’à moins d'une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d'effet du bail à renouveler, si sa durée n'est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation, intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires mentionnés aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 112-2 du code monétaire et financier, publiés par l'Institut national de la statistique et des études économiques. A défaut de clause contractuelle fixant le trimestre de référence de cet indice, il y a lieu de prendre en compte la variation de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires, calculée sur la période de neuf ans antérieure au dernier indice publié.
En cas de renouvellement postérieur à la date initialement prévue d'expiration du bail, cette variation est calculée à partir du dernier indice publié, pour une période d'une durée égale à celle qui s'est écoulée entre la date initiale du bail et la date de son renouvellement effectif.
Les dispositions de l'alinéa ci-dessus ne sont plus applicables lorsque, par l'effet d'une tacite prolongation, la durée du bail excède douze ans.
En cas de modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article
L. 145-33 ou s'il est fait exception aux règles de plafonnement par suite d'une clause du contrat relative à la durée du bail, la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente.

En l’espèce, le bail a été renouvelé à effet du 1er mai 2020.

Sur le plafond légal à la date d’effet du renouvellement

Ni l’expert judiciaire ni la SCI SCR Immo ne se sont prononcés sur le plafond légal à la date d’effet du renouvellement. Seule la société Eurelec Distribution l’a évalué, sans préciser son mode de calcul, à la somme de 26.439,24 €.

Il n’a pas davantage été fait état d’une clause contractuelle fixant le trimestre de référence de l’indice.

Dès lors, le bail ayant été renouvelé à échéance, le montant du plafond indiciaire sera calculé de la manière suivante : loyer x indice publié à la date d’effet du renouvellement / indice en vigueur neuf années auparavant.

23.800 x 116,16 (4ème trimestre 2019) / 102,92 (4ème trimestre 2010)
= 26.861,72 €.

Les parties reconnaissant que la valeur locative des locaux au 1er mai 2020 est au moins égale au montant du plafond indiciaire, soit 26.861,72 €, la question relative à d’éventuels motifs de déplafonnement sera tranchée dès à présent.

Sur l’existence de motifs de déplafonnement

Sur la modification notable des caractéristiques des locaux loués

Selon l’article R. 145-3 du code de commerce, les caractéristiques propres au local s’apprécient en considération de sa situation dans l’immeuble où il se trouve, de
sa surface et de son volume, de la commodité de son accès pour le public ; de l’importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public, à l’exploitation ou à chacune des activités diverses qui sont exercées dans les
lieux ; de ses dimensions, de la conformation de chaque partie et de son adaptation à la forme d’activité qui y est exercée ; de l’état d’entretien, de vétusté ou de salubrité et de la conformité aux normes exigées par la législation du travail ; de la nature et de l’état des équipements et des moyens d’exploitation mis à la disposition du locataire.

L’article R. 145-8 du code de commerce indique que du point de vue des obligations respectives des parties, les restrictions à la jouissance des lieux et les obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci se serait déchargé sur le locataire sans contrepartie constituent un facteur de diminution de la valeur locative. Il en est de même des obligations imposées au locataire au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages. Les améliorations apportées aux lieux loués au cours du bail à renouveler ne sont prises en considération que si, directement ou indirectement, notamment par l'acceptation d'un loyer réduit, le bailleur en a assumé la charge.
Les obligations découlant de la loi et génératrices de charges pour l'une ou l'autre partie depuis la dernière fixation du prix peuvent être invoquées par celui qui est tenu de les assumer.
Il est aussi tenu compte des modalités selon lesquelles le prix antérieurement applicable a été originairement fixé.

Dans son rapport, l’expert judiciaire considère que d’importants travaux de restructuration et d’embellissement ont été réalisés par le preneur dans les locaux loués entre les années 2018 et 2019. Il explique que la notion de travaux d’amélioration prime et empêche le bailleur de solliciter le déplafonnement du montant du loyer lors du premier renouvellement suivant leur exécution. S’il est fait exception à cette règle dans l’hypothèse où le bailleur a participé, de façon directe ou indirecte, au financement des travaux, il indique que tel n’a pas été le cas.

Comme le relève à juste titre la société Eurelec Distribution, le contrat de bail comporte une clause d’accession libellée dans les termes suivants :

“[Le preneur s’engage à] laisser, en cas de départ, en cours ou en fin de bail, tous les aménagements ou installations, qu’il s’agisse de finitions effectuées à la prise de possession, ou d’améliorations, de modifications ou de réparations réalisées pendant le cours du bail. Ces aménagements ou installations deviendront la propriété du bailleur par voie d’accession, sans indemnité d’aucune sorte, à moins que ce dernier n’exige pour partie ou en totalité la remise des lieux dans leur état primitif, tel que défini par l’état des lieux.”

Le renouvellement du bail étant incompatible avec la remise des lieux dans leur état primitif, cette clause doit être interprétée comme étant d’accession en fin de jouissance.

Il s’ensuit que le preneur reste l’unique propriétaire, jusqu’à son départ effectif des locaux loués, des travaux qu’il a réalisés. Il est ainsi fait obstacle à la possibilité, pour le bailleur, de s’en prévaloir pour obtenir le déplafonnement du montant du loyer du bail renouvelé.

Le moyen tiré d’une modification notable des caractéristiques des locaux loués sera, par conséquent, rejeté.

Sur la modification notable des facteurs locaux de commercialité

En application de l’article R. 145-6 du code de commerce, les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l'intérêt que présente, pour le commerce considéré, l'importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l'attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d'une manière durable ou provisoire.

Dans son rapport, l’expert judiciaire reconnaît qu’en 2017, des commerces de fleuriste et de boulangerie ont ouvert à proximité immédiate des locaux loués, au sein du [Adresse 3]. Il conteste, en revanche, tout caractère notable à cette modification des facteurs locaux de commercialité. Il explique que le [Adresse 3] n’est pas visible depuis les locaux litigieux. Il ajoute que les commerces exploités de part et d’autre ont des clientèles distinctes (la société Eurelec Distribution disposant d’une clientèle majoritairement professionnelle).

Les pièces versées aux débats établissent que le centre commercial des Ebisoires, situé à 100 mètres des locaux donnés à bail, est composé d’une dizaine d’enseignes et bénéficie d’emplacements de stationnement extérieurs. Sa création au cours du bail expiré constitue ainsi, grâce à la clientèle supplémentaire qu’il draine, une modification des facteurs locaux de commercialité.

Pour s’opposer à l’assertion de l’expert selon laquelle la clientèle de la société Eurelec Distribution serait majoritairement professionnelle, la SCI SCR Immo produit deux factures, datées des 4 et 5 novembre 2021, établies aux noms de “[Z]” (sic) et “Mr [L]”. Elle produit aussi une capture d’écran du site internet d’Eurelec indiquant “Vous êtes un particulier : vous êtes les bienvenus dans nos agences auprès de nos conseillers pour vous accompagner dans votre projet. A très vite.” Outre le fait que les factures ont été éditées postérieurement à la date d’effet du renouvellement, ces maigres éléments ne sont pas suffisamment probants pour contredire les constatations de l’expert, lesquelles sont corroborées par la distribution des lieux, articulés autour d’une salle d’exposition mais aussi et surtout de divers espaces de réserve et de stockage. Il sera donc considéré que le fonds de commerce exploité s’adresse en priorité aux professionnels et/ou à la récupération de commandes.

S’agissant de la configuration des locaux, l’expert judiciaire souligne à juste titre qu’ils sont situés en retrait de la chaussée et pâtissent d’un défaut de visibilité, y compris depuis le [Adresse 3]. Si la signalétique envisagée dans la demande d’autorisation préalable de travaux prévoyait l’installation d’un caisson lumineux sur totem, son effectivité n’est pas démontrée.

En ce qui concerne les travaux d’aménagement et d’élargissement de la route départementale n° 30, la SCI SCR Immo produit un extrait de site internet évoquant une “phase de réalisation au mois de janvier 2015", sans préciser l’incidence concrète des travaux entrepris sur les facteurs locaux de commercialité et leur caractère notable pour le commerce exercé. En tout état de cause, il résulte des plans versés aux débats que les locaux donnés à bail ne sont pas directement accessibles depuis la route départementale. La SCI SCR Immo succombe ainsi dans la charge de la preuve qui lui incombe.

Enfin, il sera observé que l’implantation du centre commercial “[Adresse 4]” est postérieure à la date de prise d’effet du renouvellement. Aucune conclusion utile ne saurait donc en être tirée.

En conclusion, l’achalandage supplémentaire généré par la création du [Adresse 3], dont le nombre limité de commerces s’adresse à une clientèle différente de celle de la société Eurelec Distribution, n’apparaît pas suffisamment notable pour justifier, compte tenu des développements précédents et de l’activité exercée, le déplafonnement du montant du loyer du bail renouvelé.

Corrélativement, le montant du loyer du bail renouvelé sera fixé, à compter du
1er mai 2020, au plafond indiciaire, soit 26.861,72 €.

Sur le point de départ des intérêts au taux légal sur le différentiel de loyer

Les intérêts dus sur la différence entre le montant du loyer du bail renouvelé et le montant du loyer provisionnel courent, en l’absence de convention contraire, à compter de la délivrance de l'assignation introductive d'instance en fixation du prix lorsque le bailleur est à l'origine de la procédure et à compter de la notification du premier mémoire en défense lorsque c'est le preneur qui a saisi le juge.

En l’espèce, c’est la SCI SCR Immo qui est à l’origine de la procédure. Les intérêts dus sur la différence entre le montant du loyer du bail renouvelé et le montant du loyer jusqu’à présent acquitté courent donc à compter de l’assignation introductive d’instance. 

En application de l’article 1343-2 du code civil, les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, seront capitalisés.

Sur les autres demandes

Sur les dépens

Conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Dans la mesure où chacune des parties a intérêt à la fixation du loyer en renouvellement, les dépens de l’instance, en ce compris les frais d’expertise, seront partagés entre elles par moitié.

Sur les frais irrépétibles

Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.

En l’espèce, chaque partie conservera à sa charge les frais irrépétibles qu’elle a exposés pour faire valoir ses droits.

Sur l’exécution provisoire

En application de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la décision rendue n’en dispose autrement.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort,

FIXE, à compter du 1er mai 2020, le prix du bail liant les parties pour les locaux situés [Adresse 1] à [Localité 5] (78), au montant du plafond indiciaire soit 26.861,72 € / an,

DIT que les intérêts dus sur la différence entre le montant du loyer du bail renouvelé et le montant du loyer jusqu’à présent acquitté courent à compter du 7 mai 2021,

ORDONNE la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par l’article 1343-2 du code civil,

LAISSE à chaque partie les frais irrépétibles qu’elle a personnellement exposés pour la défense de ses droits,

PARTAGE par moitié entre les parties les dépens de l’instance, en ce compris les frais de l’expertise judiciaire,

REJETTE les autres demandes,

RAPPELLE que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit.

Ainsi fait, jugé et prononcé par mise à disposition au greffe le 04 JUILLET 2024, par Madame GARDE, Juge des Loyers Commerciaux, assistée de Madame LOPES DOS SANTOS, Greffier, lesquelles ont signé la minute du présent jugement.

LE GREFFIERLE JUGE DES LOYERS COMMERCIAUX
Carla LOPES DOS SANTOS Angéline GARDE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Versailles
Formation : Juge loyers commerciaux
Numéro d'arrêt : 23/03016
Date de la décision : 04/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-04;23.03016 ?
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