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21/03/2024 | FRANCE | N°23/06422

France | France, Tribunal judiciaire de Versailles, Juge loyers commerciaux, 21 mars 2024, 23/06422


Minute n°


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES

LOYERS COMMERCIAUX

JUGEMENT DU 21 MARS 2024




N° RG 23/06422 - N° Portalis DB22-W-B7H-RWRD
Code NAC : 30C




DEMANDERESSE

La société SCI GARIBALDI, société civile immobilière immatriculée
au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro
419 557 004 dont le siège social est situé [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,

représentée par Maître Bertrand DE LACGER de la SELARL

LB AVOCAT, avocat plaidant au barreau de PARIS et par Maître Clément GAMBIN, avocat postulant au barreau de VERSAILLES.



DÉFENDERESSE

La s...

Minute n°

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES

LOYERS COMMERCIAUX

JUGEMENT DU 21 MARS 2024

N° RG 23/06422 - N° Portalis DB22-W-B7H-RWRD
Code NAC : 30C

DEMANDERESSE

La société SCI GARIBALDI, société civile immobilière immatriculée
au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro
419 557 004 dont le siège social est situé [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,

représentée par Maître Bertrand DE LACGER de la SELARL LB AVOCAT, avocat plaidant au barreau de PARIS et par Maître Clément GAMBIN, avocat postulant au barreau de VERSAILLES.

DÉFENDERESSE

La société RENAISSANCE, société à responsabilité limitée immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de VERSAILLES sous le numéro
524 104 627 dont le siège social est situé [Adresse 6], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,

représentée par Maître Monique TARDY de l’ASSOCIATION AVOCALYS, avocat postulant au barreau de VERSAILLES et par Maître Valérie GONDARD de la SELARL VALERIE GONDARD, avocat plaidant au barreau de PARIS.

DÉBATS

Madame GARDE, Juge, siégeant par délégation de Monsieur le Président du Tribunal Judiciaire de VERSAILLES, et statuant en matière de loyers commerciaux, conformément aux dispositions de l’article R. 145-23 du Code de Commerce, assistée de Madame LOPES DOS SANTOS, Greffier.

Après avoir entendu, lors de l’audience du 01 Février 2024, les avocats des parties en leurs plaidoiries, l’affaire a été mise en délibéré pour que le jugement soit rendu ce jour.

* * * * * *

EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte sous seing privé en date du 28 octobre 2010, la SCI Garibaldi a donné à bail en renouvellement à la société Maison Avril, aujourd’hui dénommée société Renaissance, un local commercial et des locaux à usage d’habitation situés [Adresse 6] à [Localité 22] (78), à destination de boulangerie, pâtisserie, confiserie, glaces, traiteur, vente à emporter, boissons et cuisine, pour une durée de neuf années à compter rétroactivement du
1er juillet 2008, moyennant un loyer annuel en principal de 41.716,80 € hors charges et hors taxes, payable par trimestre et d’avance, outre une provision sur charges payable par trimestre d’avance, égale à 5 % du loyer.

Arrivé à échéance le 30 juin 2017, le bail s’est poursuivi par tacite prolongation.

Aux termes d’un avenant au bail régularisé le 18 octobre 2018, l’assiette des locaux loués a été restreinte au seul local commercial et aux seuls locaux d’habitation du 1er étage, le studio du 3ème étage ayant été restitué par le preneur. Le loyer a été ramené, à compter du 1er novembre 2018, à la somme de 42.965,68 € hors charges et hors taxes.

Par acte extrajudiciaire délivré le 19 novembre 2021, la SCI Garibaldi a donné congé à la société Renaissance pour le 30 juin 2022 et lui a offert le renouvellement du bail à compter du 1er juillet 2022, moyennant un loyer annuel de 74.000 € hors charges et hors taxes.

C’est dans ces conditions qu’après avoir notifié à la société Renaissance un mémoire préalable dont l’accusé de réception a été signé le 8 juillet 2022, la SCI Garibaldi l’a fait assigner, par exploit introductif d’instance en date du
19 septembre 2022, devant le juge des loyers commerciaux de Versailles en fixation du loyer du bail renouvelé à la somme de 83.008 € par an ou à dire d’expert. L’affaire a été enrôlée sous le RG n° 22/05131.

Par jugement rendu le 9 février 2023, le juge des loyers commerciaux
de Versailles a constaté le principe du renouvellement du bail à effet du
1er juillet 2022, dit que le loyer du bail renouvelé devait être fixé à la valeur locative en raison de sa durée, ordonné une expertise et commis Madame [W] [S] pour y procéder.

L’expert judiciaire a déposé son rapport le 21 septembre 2023. Elle conclut à une valeur locative, au 1er juillet 2022, de 55.330 € dont 38.126 € au titre des locaux à usage commercial et 17.204 € au titre des locaux à usage d’habitation.

Puis l’affaire a été rétablie au rôle, en application de l’article R. 145-31 du code de commerce, sous le RG n° 23/06422.

Aux termes de son dernier mémoire, notifié à la société Renaissance
par lettre recommandée dont l’accusé de réception a été signé le
18 décembre 2023, la SCI Garibaldi demande au juge des loyers commerciaux de :

- Dire qu’en raison de la durée du bail qui par l’effet de la tacite reconduction a été supérieure à douze ans, le déplafonnement est acquis de plein droit et qu’en conséquence, le loyer doit être fixé à la valeur locative par application de l’article L. 145-34 du code de commerce,

A titre principal,
- Fixer le loyer de renouvellement à un montant principal de 83.008 € en principal par an à compter du 1er juillet 2022,

A titre subsidiaire,
- Fixer le loyer de renouvellement à un montant principal de 77.274 € en principal par an à compter du 1er juillet 2022,

A titre plus subsidiaire,
- Fixer le loyer de renouvellement à un montant principal de 61.564 € en principal par an à compter du 1er juillet 2022,

A titre infiniment subsidiaire,
- Fixer le loyer de renouvellement à un montant principal de 55.330 € en principal par an à compter du 1er juillet 2022,

En tout état de cause,
- Voir condamner la société Renaissance au paiement des intérêts de retard pour chaque partie d’échéance de loyer impayée, outre aux intérêts capitalisés conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil,
- Dire n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire du jugement à intervenir,
- Condamner la société Renaissance au paiement de la somme de 3.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’en tous les dépens, incluant les frais d’expertise d’un montant de 4.500 € lesquels seront recouvrés par Maître Bertrand de Lacger conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La SCI Garibaldi expose que l’immeuble dont dépendent les locaux loués est situé entre la [Adresse 13], où convergent les avenues [Adresse 8] et [Adresse 9], situées à 50 mètres des lieux loués, et la [Adresse 14], divisant la rue en deux tronçons. Elle indique que le quartier de [Adresse 11] présente les atouts d’un “village” dans la ville, à vocation résidentielle et commerciale, puisqu’il accueille de nombreux commerces de proximité et plusieurs enseignes nationales, outre des équipements et établissements scolaires. Elle considère que sa zone de chalandise est renforcée par l’attractivité du Château de [Localité 22] et souligne que trois boulangeries sont implantées sur la rue de [Adresse 11], ce qui témoigne de la vitalité du secteur. Elle observe que la rue est une voie à sens unique de circulation avec des places de stationnement du côté de la boulangerie et une place de livraison rue du Refuge, où le commerce dispose d’une sortie. Elle souligne, enfin, que les locaux donnés à bail bénéficient d’une excellente accessibilité, grâce aux gares de [Adresse 11] (650 mètres) et de [Localité 22] Rive Droite (950 mètres) ainsi que plusieurs lignes de bus desservant l’avenue de [Localité 20] (150 mètres) et [Adresse 10] (270 mètres). Elle conclut ainsi à une très bonne commercialité.

Elle soutient que l’immeuble dépend d’une construction ancienne élevée sur sous-sol d’un rez-de-chaussée, un premier étage en façade sur la rue de [Adresse 11] relié à un bâtiment sur cour, un deuxième étage en retrait et un troisième étage sous combles. Elle indique que les locaux commerciaux bénéficient d’un linéaire de façade de 7,50 mètres avec une vitrine de part et d’autre de la porte vitrée manuelle à deux vantaux de 5,80 mètres. Elle précise que la façade a été rénovée à l’été 2022 et réfute toute difficulté d’accès pour les personnes à mobilité réduite (en raison des deux marches d’accès). Elle fait valoir que le rez-de-chaussée est accessible par les parties communes et par la rue du Refuge. Elle souligne, s’agissant de la configuration des lieux, une grande hauteur sous plafond, de beaux volumes et un éclairement naturel. Elle fait aussi valoir les commodités d’accès (parties communes, [Adresse 19]). Elle estime que les problèmes de structure dans une partie des caves (étais) n’empêchent pas leur usage et que l’impression d’ensemble reste très bonne.

Elle émet plusieurs contestations relatives aux coefficients de pondération retenus par l’expert judiciaire. Elle explique que le fournil n° 1 devrait être pondéré à 0,50 et non 0,40 en raison de son volume et de son accès direct depuis la boutique. Elle rappelle que les deux fournils se suivent et que les livraisons peuvent être facilement opérées depuis la rue de [Adresse 11] (accès véhiculé), le cellier/garage, la rue du Refuge (trois ou quatre marches) ou la cour (deux petites marches). Elle ajoute que le coefficient de pondération du bureau devrait être revu à la hausse, de 0,6 à 0,9. Elle argue, sur ce point, de sa situation stratégique, juste derrière les présentoirs. Elle rappelle que les pondérations résultent des seules caractéristiques immobilières du bien et non de l’usage effectif qui en est fait par l’exploitant. Pour le cellier/garage, elle demande un coefficient de pondération de 0,40, son accès étant commode, son volume important et sa hauteur sous plafond satisfaisante. Elle considère que l’état d’usage allégué par l’expert judiciaire n’est pas démontré. En ce qui concerne les caves, elle estime que les parties se sont accordées sur une surface de 48.80 m2 et non de 46 m2 (excluant la surface dont la hauteur sous plafond est inférieure à 1,80 m). Ces caves étant reliées à l’aire de vente, elle demande l’application d’un coefficient de pondération de 0,25. Elle aboutit ainsi à une pondération de 114.79 m2p qu’elle arrondit à 115 m2p.

Pour la détermination du prix unitaire, elle rappelle que les offres locatives ne sont pas assimilables à des prix pratiqués au sens de l’article R. 145-7 du code de commerce. Elle ajoute que des références aux destinations diverses peuvent être retenues, sous réserve d’être corrigées. Elle produit notamment deux références portant sur des renouvellements amiables et huit références portant sur des nouvelles locations, outre d’autres termes de comparaison incluant des droits d’entrée. Elle prétend que l’évaluation de l’expert est insuffisante et demande la fixation du prix unitaire à 450 € / m2p.

Elle explique que l’appartement de quatre pièces situé au premier étage est accessible par la boutique et les parties communes. Elle s’accorde avec l’expert judiciaire pour souligner une belle hauteur sous plafond (2,65 mètres dans les pièces principales et 2,45 mètres dans les pièces d’eau), un éclairement naturel satisfaisant et une rénovation partielle récente (cuisine, salle de bains et chambre n° 2). Elle conteste, en revanche, les conclusions de l’expert judiciaire sur l’existence d’infiltrations d’eau par la toiture et le caractère inhabitable / indécent d’une partie des locaux. Elle relève que, lors du passage de son expert amiable, les pièces critiquées étaient aménagées et que le preneur avait reconnu avoir lui-même ôté le chauffage électrique existant le temps d’entreprendre des travaux de rénovation. Elle s’oppose ainsi à l’exclusion de ces surfaces, relevant qu’aux termes du bail, elles sont définies comme à usage de réserves.

Pour la détermination du prix unitaire, elle produit plusieurs éléments de comparaison complémentaires situés à [Localité 22] et se prévaut de l’avenant en date du 18 octobre 2018 aux termes duquel les parties auraient reconnu que la valeur locative de l’appartement était de 327,27 € / m2 par an. Elle souligne que les problèmes d’humidité allégués ne sont pas démontrés, à l’exception de traces anciennes relevant d’un défaut d’aération / entretien, et que la configuration des locaux reste adaptée, avec un double accès (parties communes et boutique) particulièrement commode. Elle observe, enfin, que le prix unitaire retenu par l’expert judiciaire (14,16 € / m2p) est inférieur à celui retenu par son pair en 2009 (14,50 € / m2p), alors même que rien n’atteste d’une dégradation du marché locatif sur la commune.

Aux termes de son dernier mémoire, notifié à la SCI Garibaldi par lettre recommandée dont une première présentation a été effectuée le
26 janvier 2024, la société Renaissance demande au juge des loyers commerciaux de :

A titre principal,
- Fixer à la somme de 49.371 € par an en principal le loyer du bail renouvelé au 1er juillet 2022 correspondant à la valeur locative des locaux commerciaux et à usage d’habitation situés [Adresse 6] à [Localité 22] (78) donnés à bail à la société Renaissance,

A titre subsidiaire,
- Fixer à la somme de 55.330 € par an en principal le loyer du bail renouvelé au 1er juillet 2022 correspondant à la valeur locative des locaux commerciaux et à usage d’habitation situés [Adresse 6] à [Localité 22] (78) donnés à bail à la société Renaissance,

En tout état de cause,
- Dire n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire du jugement à intervenir,
- Condamner la SCI Garibaldi à payer à la société Renaissance la somme de 3.200 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de la présente instance, incluant les honoraires de Madame l’expert judiciaire.

La société Renaissance expose que les locaux donnés à bail sont situés dans un quartier résidentiel, avec une commercialité de secteur (dont deux boulangeries concurrentes dans la [Adresse 16]). Elle relève que les gares ferroviaires, situées à plus de 350 mètres, n’ont aucune influence sur la zone d’achalandage de la boulangerie, tout comme le Château de [Localité 22], situé à plus d’un kilomètre. Elle réfute toute comparaison entre le quartier de [Adresse 11] et ceux de [Adresse 12] ou [Adresse 21], dont la commercialité est bien meilleure.

Elle explique que les locaux donnés à bail se développent sur trois niveaux, pour une surface utile totale de 347,90 m2, dont 46 m2 pour le sous-sol, 183,50 m2 pour le rez-de-chaussée et 118,40 m2 pour le premier étage. Elle indique que l’entrée de la boutique, dont la façade et la zone de vente ont été rénovés par ses soins en 2022, est située [Adresse 16]. Elle s’accorde avec l’expert judiciaire sur l’absence d’accès aux personnes à mobilité réduite (faible largeur du trottoir et marches à gravir). Elle observe que le fournil n° 2 est coupé du fournil n° 1 par le couloir de distribution aux étages d’habitation de l’immeuble (partie commune), ce qui crée une servitude de passage. Elle ajoute que, si les fournils sont accessibles par la rue de [Adresse 11] (cour pavée) ou la rue du Refuge, les livraisons de marchandises doivent être effectuées à dos d’homme (marches / largeur du portail insuffisante pour un accès véhiculé). S’agissant du garage, elle souligne que le bâti a été qualifié d’obsolète par l’expert judiciaire. Elle insiste sur le fait qu’elle est à l’origine de toutes les réfections et améliorations récentes réalisées dans les locaux commerciaux, comme dans ceux à usage d’habitation.

Elle réplique que les coefficients de pondération doivent tenir compte de la fonctionnalité de chaque espace, notamment en ce qui concerne le rez-de-chaussée et le sous-sol. Elle sollicite ainsi l’application d’un coefficient de 0,40 pour les fournils n° 1 et 2, un coefficient de 0,30 pour les vestiaires et le garage ainsi qu’un coefficient de 0,10 pour les caves (accès par un escalier en colimaçon et étais de soutènement). Elle fait enfin grief à l’expert d’avoir retenu un coefficient de 0,60 au lieu de 0,40 pour le bureau, alors même qu’une telle pondération s’applique, selon la Charte de l’expertise, aux zones de vente situées à plus de 5 mètres de profondeur.

Pour la détermination du prix unitaire, elle rappelle que l’activité de boulangerie pâtisserie n’est pas assimilable à celle d’institut de beauté, de prêt-à-porter, etc. Elle exclut, de facto, plusieurs termes de comparaison, considérant qu’ils ne sont pas pertinents. Elle produit, en revanche, les baux consentis à ses concurrents, tout en insistant sur le fait que son loyer annuel ne peut être supérieur à 6 % hors taxes du montant de son chiffre d’affaires. Elle évalue ainsi le prix unitaire des locaux commerciaux à hauteur de
372 € / m2.

Elle souligne que l’accès à l’appartement du premier étage s’effectue depuis l’arrière-boutique au moyen d’un escalier en colimaçon dans une trémie ouverte ou depuis les parties communes. Elle considère que sa distribution est particulièrement défavorable, les chambres n’ayant pas d’accès indépendant et le séjour, sur lequel s’ouvre l’une des chambres, donnant sur la salle de bains. Elle ajoute, à l’instar de l’expert judiciaire, que les réserves (pièces n° 1 et 2) ne peuvent être utilisées ni à des fins d’habitation, ni à des fins de stockage puisqu’elles sont dépourvues d’électricité, de chauffage et d’isolation. Elle réfute, sur ce point, avoir déposé le moindre chauffage. Elle souligne, enfin, les fissures et traces d’humidité relevées dans l’appartement, qu’elle impute à des travaux entrepris par le bailleur en 2016, ainsi que le défaut de conformité de l’escalier en colimaçon aux normes réglementaires en vigueur. Elle demande, en conséquence, l’exclusion de la surface litigieuse de 34,4 m2 de la surface habitable, pour une surface totale de 84 m2.

Pour la détermination du prix unitaire, elle explique que les références produites ne sont pas situées dans la rue de [Adresse 11]. Elle ajoute que doivent être pris en considération la configuration, les modalités d’accès et l’état de l’appartement. Elle conclut ainsi à un prix unitaire de 170 € / m2.

MOTIFS

Sur la compétence restreinte du juge des loyers commerciaux

En vertu de l’article R. 145-23 du code de commerce, les contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé sont portées, quel que soit le montant du loyer, devant le président du tribunal judiciaire ou le juge qui le remplace. Il est statué sur mémoire.
Les autres contestations sont portées devant le tribunal judiciaire qui peut, accessoirement, se prononcer sur les demandes mentionnées à l’alinéa précédent.

Le juge des loyers commerciaux est tenu de vérifier sa propre compétence.

En l’espèce, il n’appartient pas à la présente juridiction de prononcer des condamnations en paiement (hors dépens et frais irrépétibles).

La demande présentée en ce sens sera, par conséquent, déclarée irrecevable.

Sur la fixation judiciaire du montant du loyer du bail renouvelé

En application de l’article L.145-33 du code de commerce, le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative. A défaut d’accord, cette valeur est déterminée d’après :

1° les caractéristiques du local considéré ;
2° la destination des lieux ;
3° les obligations respectives des parties ;
4° les facteurs locaux de commercialité ;
5° les prix couramment pratiqués dans le voisinage.

La durée effective du bail étant supérieure à douze années, le montant du loyer du bail renouvelé doit être fixé, conformément aux termes du jugement rendu le 9 février 2023, à la valeur locative (hors plafonnement indiciaire).

Sur la valeur locative des locaux à la date d’effet du renouvellement

Sur les facteurs locaux de commercialité

En application de l’article R. 145-6 du code de commerce, les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l'intérêt que présente, pour le commerce considéré, l'importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l'attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d'une manière durable ou provisoire.

Dans son rapport, l’expert judiciaire indique que les locaux sont implantés à [Localité 22] et, plus précisément, dans le quartier de [Adresse 11], un quartier familial composé de cadres et professions supérieures disposant d’un revenu médian supérieur de plus de 50 % à celui de la moyenne nationale. Elle souligne que ce secteur, bien desservi par les gares ferroviaires et les lignes de bus, a une commercialité plus faible que le reste de la commune. Elle explique, en effet, qu’il se situe hors de la zone touristique du Château de [Localité 22] et de la zone de chalandise du marché [Adresse 12]. Elle relève, cependant, que la rue de [Adresse 11] est une rue commerçante importante, disposant d’une forte densité de commerces assurant un flux de passages à vocation d’achat. Les plans versés aux débats démontrent que le commerce est situé sur le meilleur tronçon de la rue, à proximité de plusieurs enseignes nationales.

En effet, il est établi par les pièces versées aux débats que les locaux bénéficient d’un très bon emplacement dans une rue dotée de commerces de proximité et d’enseignes nationales, avec une zone de chalandise de proximité, renforcée par l’existence d’entreprises, d’administrations et d’établissements variés.

La commercialité de la rue de [Adresse 11] ne saurait cependant être utilement comparée à d’autres quartiers de [Localité 22], comme le quartier [Adresse 12] ou le quartier [Adresse 21].

L’analyse de l’expert, en tous points adaptée, sera donc entérinée.

Sur la destination des lieux

En vertu de l’article R. 145-5 du code de commerce, la destination des lieux est celle autorisée par le bail et ses avenants ou par le tribunal dans les cas prévus aux articles L. 145-47 à L. 145-55 et L. 642-7.

Les locaux ont été donnés à bail à usage de boulangerie, pâtisserie, confiserie, glaces, traiteur, vente-à-emporter, boissons et cuisine.

Cette clause de destination permet au preneur d’exercer plusieurs activités complémentaires et de répondre, avec flexibilité, aux demandes de sa clientèle. Il en sera donc tenu compte dans la détermination ultérieure du prix unitaire.

Sur les caractéristiques du local considéré

Selon l’article R. 145-3 du code de commerce, les caractéristiques propres au local s’apprécient en considération de sa situation dans l’immeuble où il se trouve, de sa surface et de son volume, de la commodité de son accès pour le public ; de l’importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public, à l’exploitation ou à chacune des activités diverses qui sont exercées dans les lieux ; de ses dimensions, de la conformation de chaque partie et de son adaptation à la forme d’activité qui y est exercée ; de l’état d’entretien, de vétusté ou de salubrité et de la conformité aux normes exigées par la législation du travail ; de la nature et de l’état des équipements et des moyens d’exploitation mis à la disposition du locataire.

L’article R. 145-4 du même code précise que les caractéristiques propres au local peuvent être affectées par des éléments extrinsèques constitués par des locaux accessoires, des locaux annexes ou des dépendances, donnés en location par le même bailleur et susceptibles d'une utilisation conjointe avec les locaux principaux.

* S’agissant des locaux commerciaux

Dans son rapport, l’expert judiciaire indique que la façade sur rue mesure environ 7,5 mètres, dont 5,30 mètres de façade vitrée et 1,20 mètres de porte ouvrante. Elle explique que la façade, la boutique et les comptoirs de présentation ont fait l’objet de travaux par le preneur pendant l’été 2022 (pour un montant de 83.700 € HT). Elle relève que, pour accéder à la boutique, il faut gravir deux marches depuis un trottoir de faible largeur, ce qui exclut tout accès aux personnes à mobilité réduite. Elle indique que les deux espaces se situant de part et d’autre du couloir de distribution commun sont des zones de fournils, que l’espace “garage” sert au stockage de matières premières et armoires à lever, que l’espace bureau contient les fournitures de boulangerie-pâtisserie et que les caves servent tant au stockage de matières premières qu’aux aspects techniques (moteurs des armoires réfrigérées).

Elle estime que les surfaces louées sont adaptées à leur fonction et que la partie commerciale est lumineuse, avec une hauteur sous plafond satisfaisante. Elle souligne que les travaux réalisés par le preneur ont permis d’améliorer la surface de vente. Elle relève aussi que les locaux techniques sont vastes et disposent de volumes suffisants pour l’installation des équipements techniques.

Elle observe, en revanche, que le couloir d’accès à l’escalier des logements coupe la zone de fournil en deux et que les accès extérieurs (depuis la cour pavée ou la rue du Refuge) comportent des marches et nécessitent des livraisons de matières premières à dos d’homme ou avec un diable. Elle ajoute que des problèmes de structure rendent l’utilisation d’une partie des caves aléatoire (étais) et que le bâti de la partie garage est obsolète. Elle souligne, enfin, que les lieux pâtissent de différences de niveau importantes, compensées par une rampe entre le fournil et le magasin mais par des marches dans le garage et entre le fournil et le vestiaire.

La description des lieux loués faite par l’expert, précise et détaillée, est corroborée par un reportage photographique.

Ainsi, l’entrée de la boutique suppose de gravir deux marches, ce qui ne permet pas l’accès aux personnes à mobilité réduite. Les autres accès, depuis la rue du Refuge et les parties communes, nécessitent aussi le passage de seuils (indépendamment d’un éventuel accès véhiculé depuis la cour pavée commune de l’immeuble) et, partant, une livraison de marchandises, au moins pour partie, à dos d’homme (l’accès à l’un ou l’autre des fournils impliquant de traverser le couloir).

S’agissant du garage, les photographies versées aux débats, avec et sans éclairage, confirment un état d’usage avancé, si ce n’est un bâti obsolète (décollements, etc.)

Les caves, accessibles depuis le premier étage et le rez-de-chaussée par un escalier en colimaçon, comportent, quant à elles, des étais de soutènement (sans que les parties ne se prononcent sur l’existence de tels renforts au jour du renouvellement du bail).

En conclusion, la boutique, fraîchement rénovée par le preneur, bénéficie d’une configuration, d’un volume et d’un éclairage naturel tout à fait favorables à l’activité exercée. Aussi bien l’importance des surfaces affectées aux fournils que l’existence d’un garage et de caves, utiles au stockage de matières premières, est un atout pour le commerce. Il en est de même des accès séparés (par la rue du Refuge et la cour commune pavée, donnant sur la rue de [Adresse 11]). Cela étant, la configuration des lieux reste, en partie, malcommode (pas d’accès PMR, séparation des deux fournils par une partie commune, escalier en colimaçon non sécurisé, livraison de marchandises à dos d’homme, différences de niveaux). De plus, certaines parties des locaux sont en état d’usage avancé, si ce n’est médiocre (garage, caves).

En tout état de cause, il convient d’observer que le contrat de bail prévoit une clause d’accession en fin de jouissance. Dans ces conditions, les travaux d’amélioration entrepris par le preneur avant la date d’effet de renouvellement du bail (lesquels ne sont pas contestés par le bailleur) restent sa propriété, ce dont il sera tenu compte dans l’appréciation ultérieure du prix unitaire.

* S’agissant des locaux à usage d’habitation

Dans son rapport, l’expert indique que l’appartement est accessible, d’une part, depuis l’arrière-boutique, par un escalier métallique qui descend jusqu’aux caves et, d’autre part, depuis les parties communes de l’immeuble, dont l’état est qualifié de “moyen”. Elle observe que l’appartement présente une belle hauteur sous plafond, un éclairement naturel satisfaisant et que des travaux ont été récemment entrepris (cuisine, salle de bains et chambre n° 2). Elle relève, cependant, des traces d’humidité. Elle soutient que les pièces de l’appartement sont commandées puisqu’il faut passer par une chambre pour arriver dans le séjour, étant précisé qu’une différence de niveaux existe entre les deux pièces. Elle reconnaît que l’accès au logement par le commerce peut présenter un avantage mais relève que l’escalier existant, en colimaçon, n’est pas encloisonné, ce qui s’inscrit en violation des normes réglementaires actuelles. S’agissant des deux pièces donnant sur la rue de [Adresse 11], elle considère qu’elles ne répondent pas aux conditions de décence et d’habitabilité d’un logement (murs fissurés, traces d’humidité importantes, absence de chauffage). Elle a donc procédé à une pondération de 50 % de leur surface.

A l’instar des développements précédents, les constats opérés par l’expert judiciaire sont corroborés par un reportage photographique précis et détaillé. S’il n’entrait pas dans la mission de l’expert de donner son avis sur l’origine des désordres repérés, il lui appartenait bien, en application de l’article
R. 145-3 du code de commerce, de se prononcer sur l’état d’entretien, de vétusté et/ou de salubrité des locaux.

Or, les pièces versées aux débats témoignent clairement, d’une part, de problèmes d’humidité dans les pièces à vivre et, d’autre part, du caractère inhabitable des pièces n° 1 et 2 donnant sur la rue de [Adresse 11], les murs étant nus, fissurés et l’aménagement sommaire. Si la SCI Garibaldi produit une photographie d’une des chambres aménagées (l’aménagement consistant en l’existence de quelques meubles, sans remettre en cause le caractère brut de béton des murs), cette photographie n’est pas datée et le rapport d’expertise amiable invoqué n’est pas produit. En outre, l’existence d’un système de chauffage dans ces deux pièces, dont le bailleur reconnaît lui-même qu’elles devraient, aux termes du bail, être considérées comme des réserves, n’est pas démontrée.

S’agissant, enfin, de l’escalier en colimaçon, l’expert judiciaire a justement considéré que sa structure ne répondait pas aux normes en vigueur.

Dans ces conditions, s’il n’apparaît pas justifié de procéder à une réduction totale ou partielle de la surface du 1er étage, un abattement de 80 % du prix unitaire ultérieurement retenu sera appliqué à la surface litigieuse, de
34,40 m2.

Sur la pondération des locaux

La pondération est immobilière, elle est effectuée à partir des surfaces utiles brutes ou, si le bail le précise, la surface de plancher.

* S’agissant des locaux commerciaux

Dans son rapport, l’expert judiciaire acte l’accord des parties quant aux surfaces relevées par la société AGT, géomètre-topographe, le 28 janvier 2009.

Si la SCI Garibaldi conteste la surface retenue par l’expert judiciaire pour les caves, celle-ci est conforme aux relevés du géomètre-expert, le calcul de la surface en loi Carrez s’appliquant uniquement aux surfaces de plancher des pièces dont la hauteur égale ou excède 1,80 mètres.

Dans son rapport, l’expert judiciaire s’est utilement référée aux préconisations de la Charte de l’expertise en évaluation immobilière pour les boutiques de centre-ville, 5ème édition :
- La zone de vente, d’une surface de 34 m2, doit être pondérée d’un coefficient 1 ;
- Les deux fournils, d’une surface respective de 53,50 m2 et 54,50 m2, qui ne sont pas assimilables à des zones de vente et ce, quelle que soit leur configuration, mais bien à des annexes situées en rez-de-chaussée, doivent être pondérés d’un coefficient 0,4 ;
- Le bureau, d’une surface de 6,3 m2, situé à l’arrière de la zone de vente, reste une annexe et doit, par conséquent, être pondéré d’un coefficient de 0,4 (le coefficient de 0,6 correspondant à une zone de vente et n’étant pas, en l’occurrence, justifié) ;
- Le garage et le vestiaire, d’une surface respective de 26,90 m2 et 8,3 m2, qui sont aussi des annexes, doivent être pondérés, au regard de leur configuration et de leur état, d’un coefficient de 0,3 ;
- Les caves, qui sont reliées au rez-de-chaussée par un escalier en colimaçon non encloisonné et pâtissent de la présence d’étais de soutènement diminuant leur surface utile, doivent quant à elles être pondérées d’un coefficient de 0,15.

Pour une surface pondérée totale de : 97,18 m2p.

* S’agissant de l’appartement situé au 1er étage

Conformément aux développements précédents, la surface des locaux à usage d’habitation sera retenue en m2 réels, soit 118,40 m2.

Sur les obligations respectives des parties

L’article R. 145-8 du code de commerce indique que du point de vue des obligations respectives des parties, les restrictions à la jouissance des lieux et les obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci se serait déchargé sur le locataire sans contrepartie constituent un facteur de diminution de la valeur locative. Il en est de même des obligations imposées au locataire au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages. Les améliorations apportées aux lieux loués au cours du bail à renouveler ne sont prises en considération que si, directement ou indirectement, notamment par l'acceptation d'un loyer réduit, le bailleur en a assumé la charge.
Les obligations découlant de la loi et génératrices de charges pour l'une ou l'autre partie depuis la dernière fixation du prix peuvent être invoquées par celui qui est tenu de les assumer.
Il est aussi tenu compte des modalités selon lesquelles le prix antérieurement applicable a été originairement fixé.

Les parties ne revendiquent aucune majoration ou abattement au titre de charges exorbitantes du droit commun.

Sur les prix couramment pratiqués dans le voisinage

Selon l’article R. 145-7 du code de commerce, les prix couramment pratiqués dans le voisinage, par unité de surfaces, concernent des locaux équivalents eu égard à l'ensemble des éléments mentionnés aux articles R. 145-3 à
R. 145-6.
A défaut d'équivalence, ils peuvent, à titre indicatif, être utilisés pour la détermination des prix de base, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence.
Les références proposées de part et d'autre portent sur plusieurs locaux et comportent, pour chaque local, son adresse et sa description succincte. Elles sont corrigées à raison des différences qui peuvent exister entre les dates de fixation des prix et les modalités de cette fixation.

En vertu de l’article R. 145-4, alinéa 2, du code de commerce, lorsque les lieux loués comportent une partie affectée à l'habitation, la valeur locative de celle-ci est déterminée par comparaison avec les prix pratiqués pour des locaux d'habitation analogues faisant l'objet d'une location nouvelle, majorés ou minorés, pour tenir compte des avantages ou des inconvénients présentés par leur intégration dans un tout commercial.

* Sur les locaux à usage commercial

Dans son rapport, l’expert judiciaire recense treize références, dont trois offres locatives, trois nouvelles locations de boutiques situées [Adresse 16] (pour des surfaces bien plus petites, comprises entre 18 et 59 m2p), deux renouvellements situés [Adresse 16] (pour des surfaces comprises entre 31,50 et 68,25 m2p) et trois références situées dans d’autres quartiers de [Localité 22], étant observé que pour deux d’entre elles, les destinations évoquées (pâtisserie fine / commerce de papeterie) ne correspondent pas aux illustrations photographiques (Atelier de l’ongle / Phildar).

Il convient de rappeler que les offres locatives ne constituent pas des prix pratiqués au sens de l’article R. 145-7 du code de commerce. En outre, il ne saurait être tenu compte de références dont les dates de prise d’effet sont postérieures à la date d’effet du renouvellement (1er juillet 2022). Enfin, s’il est loisible à l’expert judiciaire et aux parties de produire des termes de comparaison qui présentent des différences avec les locaux litigieux (surface, destination, etc.), il leur appartient de procéder aux corrections nécessaires.

Sur ce point, il appert que les références portant sur les boulangeries [O] et [N] et Maison Richard ne peuvent, en l’absence de toute précision sur leur surface, être utilement exploitées. Par ailleurs, les loyers décapitalisés ne correspondent pas à des prix pratiqués au sens de l’article R. 145-7 du code de commerce, le droit au bail étant acquitté auprès du cédant (et non du bailleur) et le pas-de-porte ne pouvant être assimilé à un loyer.

S’agissant des termes de comparaison complémentaires visés par la SCI Garibaldi, la plupart d’entre eux portent sur des références situées [Adresse 18], dans des quartiers différents de celui de l’espèce, dont l’expert judiciaire a, à juste titre, relevé la meilleure commercialité. Peut néanmoins être soulignée la référence portant sur la boutique Marionnaud, située [Adresse 4], sur le même axe commerçant que le local concerné.

En tout état de cause, la valeur locative des locaux donnés à bail n’a pas à être subordonnée au plafond de 6 % hors taxes du chiffre d’affaires hors taxes du preneur, les seuls critères à prendre en compte étant ceux fixés par la loi.

Ainsi, en tenant compte :
- des facteurs locaux de commercialité (très bon emplacement dans une rue dotée de commerces de proximité et d’enseignes nationales, avec une zone de chalandise de proximité, renforcée par l’existence d’entreprises, d’administrations et d’établissements variés),
- de la destination des locaux (permettant au preneur d’exercer plusieurs activités complémentaires et de répondre, avec flexibilité, aux demandes de sa clientèle),

- des caractéristiques du local considéré (la boutique, fraîchement rénovée par le preneur, bénéficie d’une configuration, d’un volume et d’un éclairage naturel tout à fait favorables à l’activité exercée. Aussi bien l’importance des surfaces affectées aux fournils que l’existence d’un garage et de caves, utiles au stockage de matières premières, est un atout pour le commerce. Il en est de même des accès séparés. Cela étant, la configuration des lieux reste, en partie, malcommode De plus, certaines parties des locaux sont en état d’usage avancé, si ce n’est médiocre),
- de l’inclusion dans le bail de locaux à usage d’habitation avec accès direct à la boutique,
- de la clause d’accession en fin de jouissance stipulée au bail (ce qui suppose que les travaux de rénovation de la boutique restent la propriété du preneur),
- de la surface pondérée (97,18 m2p),
- des prix couramment pratiqués dans le voisinage (exclusion des offres locatives, corrections des différences constatées, panachage entre nouvelles locations, renouvellements amiables et fixations judiciaires),

Le prix unitaire des locaux sera fixé à hauteur de 395 € par m2p pour une valeur locative, au 1er juillet 2022, de 38.386,10 €, hors charges et hors taxes.

* Sur les locaux à usage d’habitation

Dans son rapport, l’expert judiciaire recense six références, dont quatre offres locatives du mois de juin 2023 et deux termes de comparaison produits par la SCI Garibaldi.

A l’instar des développements précédents, les offres locatives ne peuvent être prises en considération.

Les références produites par le bailleur, situées [Adresse 1], [Adresse 3], [Adresse 5] et [Adresse 15] ne contiennent aucune date de prise d’effet du bail. Par ailleurs, les termes de comparaison tirés de l’observatoire des loyers de l’agglomération parisienne doivent être corrigés en fonction de leur situation géographique (autres quartiers de [Localité 22]), de la date de prise d’effet du bail (seules quatre références ont une date de prise d’effet postérieure à 2017), des prestations proposées (gardien / digicode), des commodités d’accès (ascenseur) et de leur état (très bien / moyen / bien).

Peuvent notamment être relevées :
- la référence portant sur des locaux de 156 m2 (7 pièces) en très bon état, avec digicode et ascenseur situés [Adresse 15], à [Localité 22], dont le prix unitaire a été fixé, au mois d’août 2020, à la somme de 19,2 € / m2 ;
- la référence portant sur des locaux de 150 m2 (8 pièces) en très bon état situés [Adresse 7], à [Localité 22], dont le prix unitaire a été fixé, au mois de juillet 2019, à la somme de 21,30 € / m2 ;
- la référence portant sur des locaux de 129 m2 (5 pièces) en bon état avec digicode et ascenseur situés [Adresse 17], à [Localité 22], dont le prix unitaire a été fixé, au mois de septembre 2015, à la somme de 18 € / m2.

Si la SCI Garibaldi prétend que, lors de la régularisation de l’avenant du
18 octobre 2018, les parties seraient convenues de fixer la valeur locative de l’appartement à la somme de 327,70 € / m2, elle n’en rapporte pas la preuve. En effet, les parties sont seulement convenues de ramener le montant du loyer de 46.565,68 € à 42.965,68 €, sans pour autant se prononcer sur la question de la valeur locative.

Ainsi, en tenant compte :
- des volumes, de la surface et de la configuration de l’appartement (belle hauteur sous plafond, éclairage naturel satisfaisant, distribution malcommode),
- de ses commodités d’accès (depuis les parties communes et la boutique),
- de son bon état pour les pièces à vivre (à l’exception de quelques traces d’humidité),
- des termes de comparaison visés (exclusion des offres locatives, corrections liées aux quartiers concernés, à la date de prise d’effet du bail et aux différences constatées),

Le prix unitaire sera fixé, au 1er juillet 2022, à hauteur de 192 € / m2 par an (soit 16 € / m2 / mois). Pour les 34,4 m2 litigieux qui ne répondent pas aux critères d’habitabilité et de décence, un abattement de 80 % sera pratiqué, avec un prix unitaire de 38,4 € / m2 par an.

La valeur locative de l’appartement du premier étage doit ainsi être évaluée, au 1er juillet 2022, à hauteur de 17.448,96 €, selon le calcul suivant :

(84 x 192) + (34,4 x 38,4)
= 16.128 + 1.320,96 €
= 17.448,96 € par an.

*

In fine, la valeur locative totale des locaux donnés à bail par la SCI Garibaldi à la société Renaissance s’élève, au 1er juillet 2022, à hauteur de
55.835,06 € par an, hors charges et hors taxes.

Sur le point de départ des intérêts au taux légal sur le différentiel de loyer

Les intérêts dus sur la différence entre le montant du loyer du bail renouvelé et le montant du loyer provisionnel courent, en l’absence de convention contraire, à compter de la délivrance de l'assignation introductive d'instance en fixation du prix lorsque le bailleur est à l'origine de la procédure et à compter de la notification du premier mémoire en défense lorsque c'est le preneur qui a saisi le juge.

En l’espèce, l’instance en fixation du loyer du bail renouvelé a été introduite par le bailleur.

Les intérêts dus sur la différence entre le montant du loyer du bail renouvelé et le montant du loyer provisionnel courent donc à compter du 19 septembre 2022, date de l’assignation.

Sur les autres demandes

Sur les dépens

Conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Dans la mesure où chacune des parties a intérêt à la fixation du loyer en renouvellement, les dépens de l’instance, en ce compris les frais d’expertise, seront partagés entre elles par moitié.

La demande de distraction au profit de Maître Bertrand de Lacger sera rejetée, celui-ci ayant la qualité d’avocat plaidant et non postulant.

Sur les frais irrépétibles

Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.

En l’espèce, chaque partie conservera à sa charge les frais irrépétibles qu’elle a exposés pour faire valoir ses droits.

Sur l’exécution provisoire

En application de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la décision rendue n’en dispose autrement.

PAR CES MOTIFS

Le Juge des loyers commerciaux, statuant publiquement, par jugement contradictoire rendu en premier ressort :

DECLARE irrecevable la demande tendant à prononcer une condamnation en paiement aux intérêts,

FIXE, à compter du 1er juillet 2022, le montant du loyer du bail renouvelé
liant la SCI Garibaldi à la société Renaissance, pour les locaux situés [Adresse 6] à [Localité 22] (78) à la somme de 55.835,06 € par an, hors charges et hors taxes, dont 38.386,10 € au titre des locaux commerciaux
et 17.448,96 € au titre des locaux à usage d’habitation,

DIT que les intérêts dus sur la différence entre le montant du loyer du
bail renouvelé et le montant du loyer provisionnel courent à compter
du 19 septembre 2022, date de l’assignation,

ORDONNE la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par l’article 1343-2 du code civil,

RAPPELLE que la présente décision est un titre exécutoire qui permet au créancier d’agir à ses risques et péril en exécution forcée pour recouvrer le trop-perçu de loyer sous réserve du recours au droit d’option prévu par l’article L. 145-57 du code de commerce,

DIT que chaque partie restera tenue des frais irrépétibles qu’elle a engagés pour la défense de ses droits,

PARTAGE par moitié entre les parties les dépens de l’instance, en ce compris les frais de l’expertise judiciaire diligentée,

REJETTE les autres demandes,

RAPPELLE que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit.

Ainsi fait, jugé et prononcé par mise à disposition au greffe le 21 MARS 2024, par Madame GARDE, Juge des Loyers Commerciaux, assistée de Madame LOPES DOS SANTOS, Greffier, lesquelles ont signé la minute du présent jugement.

LE GREFFIERLE JUGE DES LOYERS COMMERCIAUX
Carla LOPES DOS SANTOS Angéline GARDE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Versailles
Formation : Juge loyers commerciaux
Numéro d'arrêt : 23/06422
Date de la décision : 21/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-21;23.06422 ?
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