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21/03/2024 | FRANCE | N°23/04889

France | France, Tribunal judiciaire de Versailles, Juge loyers commerciaux, 21 mars 2024, 23/04889


Minute n°


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES

LOYERS COMMERCIAUX

JUGEMENT DU 21 MARS 2024




N° RG 23/04889 - N° Portalis DB22-W-B7H-RRSH
Code NAC : 30C



DEMANDERESSE

La société FONCIERE HM, société par actions simplifiée immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de VERSAILLES sous le numéro
799 119 177 dont le siège social est situé [Adresse 2] [Localité 4], représentée par son Président en exercice, Monsieur [Y] [F], domicilié en cette qualité audit siège,

représentée par Maître Mart

ine DUPUIS de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat postulant au barreau de VERSAILLES et par Maître Cécile ROUQUETTE-TEROUANNE de ...

Minute n°

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES

LOYERS COMMERCIAUX

JUGEMENT DU 21 MARS 2024

N° RG 23/04889 - N° Portalis DB22-W-B7H-RRSH
Code NAC : 30C

DEMANDERESSE

La société FONCIERE HM, société par actions simplifiée immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de VERSAILLES sous le numéro
799 119 177 dont le siège social est situé [Adresse 2] [Localité 4], représentée par son Président en exercice, Monsieur [Y] [F], domicilié en cette qualité audit siège,

représentée par Maître Martine DUPUIS de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat postulant au barreau de VERSAILLES et par Maître Cécile ROUQUETTE-TEROUANNE de la SELARL D’AVOCATS INTERBARREAUX CVS (CORNET-VINCENT-SEGUREL), avocat plaidant au barreau de PARIS.

DÉFENDERESSE

La société SERVICES ET TRANSACTIONS AUTOMOBILES STA, société par actions simplifiée à associé unique immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de VERSAILLES sous le numéro 318 732 781 dont le siège social est situé [Adresse 7], [Localité 3], représentée par son Président en exercice, Monsieur [T] [L], domicilié en cette qualité audit siège,

représentée par Maître Emmanuel MOREAU de la SELARL HOCHLEX, avocat postulant au barreau de VERSAILLES et par Maître Eric PARLANGE de la SCPA LASSOUX-PARLANGE, avocat plaidant au barreau de PARIS.

DÉBATS

Madame GARDE, Juge, siégeant par délégation de Monsieur le Président du Tribunal Judiciaire de VERSAILLES, et statuant en matière de loyers commerciaux, conformément aux dispositions de l’article R. 145-23 du Code de Commerce, assistée de Madame LOPES DOS SANTOS, Greffier.

Après avoir entendu, lors de l’audience du 01 Février 2024, les avocats des parties en leurs plaidoiries, l’affaire a été mise en délibéré pour que le jugement soit rendu ce jour.

* * * * * *

EXPOSE DU LITIGE

Aux termes d’un acte sous seing privé en date du 1er octobre 2012, la SCI Dalou, aux droits de laquelle se trouve la société Foncière HM, a donné à bail à la société Services et transactions automobiles (STA) un local commercial sis [Adresse 2] à [Localité 9] (78), zone industrielle des Ebisoires, à destination de stockage de véhicules automobiles, pour une durée de neuf années à compter du 1er octobre 2012, moyennant un loyer annuel en principal de 12.000 €, payable trimestriellement par avance.

A échéance, le bail s’est poursuivi par tacite prolongation.

Ce bail venait en complément d’un autre bail en renouvellement du 14 janvier 2011, entre les mêmes parties et dans le même ensemble immobilier, pour d’autres locaux commerciaux d’une superficie approximative de 336 m2, à destination de magasin d’exposition de vente de véhicules et atelier de mécanique, ainsi que 11 parkings privatifs, pour lesquels la société STA a donné congé à effet du 30 mars 2019.

La société STA exploite désormais son activité principale de concessionnaire automobile dans d’autres locaux situés dans la même zone industrielle, au
[Adresse 1],.

Par acte extrajudiciaire délivré le 23 septembre 2021, la société Foncière HM a fait signifier à la société STA un congé avec offre de renouvellement du bail à compter du 1er avril 2022, moyennant un loyer annuel de 21.120 €. Par acte en réponse délivré le 8 novembre 2021, la société STA a accepté le principe du renouvellement du bail mais s’est opposée au montant du loyer proposé.

C’est dans ces conditions qu’après avoir notifié à la société STA un mémoire préalable par lettre recommandée dont l’accusé de réception a été signé le 5 avril 2022, la société Foncière HM l’a fait assigner, par exploit introductif d’instance en date du 18 mai 2022, devant le juge des loyers commerciaux de Versailles aux fins de fixation du loyer du bail renouvelé, au 1er avril 2022, à la somme annuelle de 21.120 € ou, subsidiairement, à dire d’expert. L’affaire a été enrôlée sous le RG n° 22/03001.

Par jugement mixte rendu le 15 septembre 2022, le juge des loyers commerciaux a constaté le renouvellement du bail liant les parties au
1er avril 2022, ordonné une expertise sur la valeur locative des locaux ainsi que l’existence éventuelle de motifs de déplafonnement et commis Mme [R] [J] pour y procéder.

L’expert judiciaire a déposé son rapport le 17 août 2023. Elle conclut à une valeur locative, au 1er avril 2022, de 13.126 € par an et à l’absence de motifs de déplafonnement.

Puis l’affaire a été rétablie au rôle, en application de l’article R. 145-31 du code de commerce, sous le RG n° 23/04889.

Aux termes de son dernier mémoire, notifié à la société Services et transactions automobiles par lettre recommandée dont l’accusé de réception a été signé à une date inconnue, la société Foncière HM demande au juge des loyers commerciaux de :

- Fixer le montant du loyer du bail renouvelé au 1er avril 2022 à la somme annuelle de 21.120 €, hors charges et hors taxes, toutes les autres clauses, charges et conditions du bail demeurant inchangées,
- Ordonner le paiement des intérêts au taux légal sur la différence existant entre le loyer réellement payé et le loyer du bail renouvelé, tel que fixé par le tribunal,
- Ordonner la capitalisation des intérêts,

En toute hypothèse,

- Dire qu’à défaut d’exercice par les parties de leur droit d’option, la décision à intervenir constituera un titre exécutoire conforme aux dispositions des articles L. 111-2, L. 111-3 et L. 111-6 du code des procédures civiles d’exécution,
- Condamner la société Services et transactions automobiles au paiement de la somme de 10.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de l’instance.

La société Foncière HM expose que la zone industrielle des Ebisoires, d’une superficie de 8 hectares et accueillant 150 petites et moyennes entreprises aux activités artisanales et commerciales, deux administrations et de nombreux magasins, est implantée sur la commune de [Localité 9], dans le secteur de [Localité 14], 2ème pôle économique de l’ouest parisien et
1er pôle commercial des Yvelines. Elle indique que les locaux se situent le long de la ligne de transilien N, à proximité immédiate des noeuds autoroutiers ainsi que des gares de [Localité 10] et [Localité 9]-[Localité 6].

Elle relève qu’entre 2012 et 2020, le nombre annuel de création d’entreprises a plus que doublé, passant de 226 à 470. Elle fait également état de la création de 530 logements entre 2013 et 2018. Elle déduit de ces chiffres le dynamisme et l’attractivité du secteur. Elle soutient que les chiffres retenus par l’expert judiciaire démontrent une augmentation de la population dans le département des Yvelines et que l’analyse ne peut être valablement circonscrite, sur ce point, à la ville de [Localité 9], a fortiori eu égard à l’activité exercée et au bon emplacement des locaux.

Elle ajoute que, depuis le 27 août 2020, les locaux bénéficient de l’ouverture du centre commercial [8], d’une superficie de 39.000 m2, et de la chalandise qui s’y rend, le plus souvent en voiture. Elle souligne que l’ouverture du centre commercial s’inscrit dans le cadre d’une attention particulière portée par les pouvoirs publics pour le renouvellement de la zone des Ebisoires et le développement de son pôle voiture (étude commandée à l’agence d’urbanisme INterland en décembre 2016). Elle rappelle que le département des Yvelines a entrepris l’aménagement et l’élargissement de la route départementale n° 30 jouxtant les locaux, que plusieurs concessionnaires automobiles se sont implantés dans la zone (Toyota, Peugeot, Opel, Spoticar) et que ces concessions sont complétées par différents services liés à l’entretien automobile.

Elle soutient que l’évolution favorable du contexte commercial pour la vente et le service automobile s’est traduite par une croissance du volume d’activité de la société STA qui exploitait une concession automobile Toyota au rez-de-chaussée de l’immeuble sis [Adresse 2] jusqu’au 30 mars 2019, avant que son activité ne soit transférée au [Adresse 1] tandis que les locaux, objets du présent litige, ont été conservés à destination de stockage des véhicules automobiles.

Elle souligne que, lorsqu’un local commercial est l’accessoire de locaux affectés à l’activité de vente de produit, ce local accessoire est directement concerné par une modification de l’activité en lien avec la commercialité du secteur, ce dont elle déduit que le local destiné au stockage des voitures a bénéficié des externalités positives liées à l’ouverture du centre commercial [8]. Elle demande, par conséquent, le déplafonnement du montant du loyer du bail renouvelé et sa fixation à la valeur locative.

Elle indique que le bâtiment dont dépendent les locaux loués est composé de trois niveaux partagés entre divers preneurs, avec une façade vitrée et un parking attenant. La société STA occupe l’entresol de l’immeuble, d’une superficie approximative de 352 m2. Elle reconnaît que les locaux n’ont pas de visibilité depuis la rue mais rappelle que cette circonstance n’a pas d’incidence sur la valeur locative du local, ce dernier étant loué pour une activité de stockage.

Elle explique qu’au 1er semestre 2019, les offres d’entrepôts sur le marché secondaire s’établissaient entre 45 et 75 m2 / an, avec une valeur locative unitaire moyenne de 63 € / m2 / an. Elle cite également plusieurs termes de comparaison situés à [Localité 9], [Localité 15] et [Localité 5], d’une superficie de
210 m2 à 756 m2, aux prix unitaires compris entre 75 et 110 / m2 / an. Elle propose, par conséquent, un prix unitaire de 60 € / m2 / an.

Elle relève que les caractéristiques d’un local doivent s’apprécier au regard de l’activité qui y est effectivement exercée. Pour un local à usage de stockage, elle rappelle que ni l’absence de linéaire de façade, ni la contrainte d’accès, ni l’éclairement naturel médiocre, ni l’absence de chauffage n’ont d’incidence particulière. Elle s’oppose ainsi aux minorations auxquelles l’expert judiciaire a procédé.

Aux termes de son dernier mémoire, notifié à la société Foncière HM
par lettre recommandée dont l’accusé de réception a été signé le
27 novembre 2023, la société Services et transactions automobiles demande au juge des loyers commerciaux de :

- Fixer le loyer du bail renouvelé au montant du loyer plafonné, soit
13.816,85 €,
- Dire que ce loyer sera indexé sur l’ILAT,
- Condamner la société Foncière HM à lui payer la somme de 5.000 € au titre des frais irrépétibles exposés, outre les dépens,
- Dire n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de droit.

La société Services et transactions automobiles souscrit aux conclusions du rapport d’expertise judiciaire et fait sienne l’analyse qui y est développée. Elle estime, en effet, que la société Foncière HM succombe dans la charge de la preuve qui lui incombe.

Elle rappelle que les locaux litigieux sont des locaux accessoires dont la capacité et la vocation n’ont pas changé, quelle qu’ait pu être par ailleurs l’évolution de l’environnement, au demeurant non significative pour les locaux considérés eu égard à leur situation, leur destination, leur état et leur équipement.

Elle fait encore grief au bailleur d’opérer des comparaisons qui n’ont pas lieu d’être et de ne pas tenir compte de la spécificité de locaux à usage de stockage.

MOTIFS

Sur la compétence restreinte du juge des loyers commerciaux

En vertu de l’article R. 145-23 du code de commerce, les contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé sont portées, quel que soit le montant du loyer, devant le président du tribunal judiciaire ou le juge qui le remplace. Il est statué sur mémoire.
Les autres contestations sont portées devant le tribunal judiciaire qui peut, accessoirement, se prononcer sur les demandes mentionnées à l’alinéa précédent.

Le juge des loyers commerciaux est tenu de vérifier sa propre compétence.

En l’espèce, il n’appartient pas à la présente juridiction de statuer sur les modalités de reconduction des clauses et conditions du bail (dont l’indexation) et/ou de prononcer des condamnations en paiement (hors dépens et frais irrépétibles).

Les demandes présentées en ce sens seront, par conséquent, déclarées irrecevables.

Sur la fixation judiciaire du montant du loyer du bail renouvelé

En application de l’article L.145-33 du code de commerce, le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative. A défaut d’accord, cette valeur est déterminée d’après :

1° les caractéristiques du local considéré ;
2° la destination des lieux ;
3° les obligations respectives des parties ;
4° les facteurs locaux de commercialité ;
5° les prix couramment pratiqués dans le voisinage.

L’article L. 145-34 du code de commerce dispose qu’à moins d'une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article
L. 145-33, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d'effet du bail à renouveler, si sa durée n'est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation, intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires mentionnés aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 112-2 du code monétaire et financier, publiés par l'Institut national de la statistique et des études économiques. A défaut de clause contractuelle fixant le trimestre de référence de cet indice, il y a lieu de prendre en compte la variation de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires, calculée sur la période de neuf ans antérieure au dernier indice publié.
En cas de renouvellement postérieur à la date initialement prévue d'expiration du bail, cette variation est calculée à partir du dernier indice publié, pour une période d'une durée égale à celle qui s'est écoulée entre la date initiale du bail et la date de son renouvellement effectif.
Les dispositions de l'alinéa ci-dessus ne sont plus applicables lorsque, par l'effet d'une tacite prolongation, la durée du bail excède douze ans.
En cas de modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33 ou s'il est fait exception aux règles de plafonnement par suite d'une clause du contrat relative à la durée du bail, la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente.

Sur le plafond légal à la date d’effet du renouvellement

En cas de renouvellement postérieur à la date initialement prévue d’expiration du bail, la variation indiciaire est calculée à partir du dernier indice publié, pour une période d’une durée égale à celle qui s’est écoulée entre la date initiale du bail et la date de son renouvellement effectif.

En l’espèce, le bail a été renouvelé à effet du 1er avril 2022, soit 9 années et 2 trimestres après sa prise d’effet initiale (1er octobre 2012).

Dernier indice ILAT publié à la date d’effet du renouvellement : 4ème trimestre 2021 (118,97)
Indice ILAT publié 9 années et 2 trimestres plus tôt : 2ème trimestre 2012 (106).

12.000 x 118,97 / 106
= 13.468,30 €

Le plafond indiciaire s’élève ainsi à hauteur de 13.468,30 €.

Sur la valeur locative des locaux à la date d’effet du renouvellement

Sur les facteurs locaux de commercialité et la destination des locaux loués

En application de l’article R. 145-6 du code de commerce, les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l'intérêt que présente, pour le commerce considéré, l'importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l'attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d'une manière durable ou provisoire.

Dans son rapport, l’expert judiciaire indique que les locaux sont implantés à [Localité 9], dans le [Adresse 11], une zone industrielle composée de commerces (prédominance des activités en lien avec l’automobile et les motocycles) et immeubles de bureaux longeant, au nord, la voie ferrée. Elle souligne que le site est aisément accessible par voie routière (RD n° 30) et transports en commun (transilien N à 400 mètres, arrêt de bus à 230 mètres). Elle précise que la [Adresse 12] est une courte voie en U à double sens de circulation et stationnement bilatéral. Elle conclut à un bon emplacement, dans un quartier dédié aux activités.

Le rapport d’expertise amiable établi par le cabinet Colomer Expertises relève, quant à lui, que la [Adresse 12], accessible par les routes départementale 11 et nationale 12, relie la [Adresse 13], où la société STA exploite son activité principale, en ses deux extrémités.

Les pièces versées aux débats démontrent un certain dynamisme de la commune de [Localité 9] avec un nombre annuel de création d’entreprises en hausse au cours du bail expiré (226 en 2012 contre 470 en 2020).

L’existence d’un “pôle automobile” au sein de la zone industrielle des Ebisoires est en outre avérée, plusieurs concessions automobiles et services liés à l’entretien automobile y étant implantés. Ni la société STA ni l’expert judiciaire ne contestent, sur ce point, l’installation à proximité des locaux litigieux, au cours du bail expiré, de huit nouveaux commerces en lien avec le secteur automobile (Mondial Pare Brise, Euromaster, Carglass, Auto [Localité 9], Axial, Autosur, Banshee Pneus, Spoticar), dont une nouvelle concession automobile.

Doit aussi être soulignée l’inauguration, le 27 août 2020, du centre commercial [8], proposant une cinquantaine de boutiques et de restaurants, outre un parking de 1.100 places, dans la zone de chalandise des locaux donnés à bail.

De telles évolutions, qui renforcent l’attractivité du site, ont une incidence directe sur le nombre de chalands susceptibles de s’y rendre et, partant, sur la commercialité de la zone industrielle des Ebisoires, dont l’activité est en partie orientée sur le secteur automobile.

Cela étant, si la société Foncière HM prétend que des travaux d’aménagement et d’élargissement de la route départementale n° 30, qui jouxte les locaux situés [Adresse 2], ont été entrepris au cours du bail expiré, aucun élément probant n’est produit (même si le projet de réhabilitation l’est). Sur le plan démographique, la population de la commune a baissé (- 1,21 % entre 2012 et 2021) même si la population départementale a, quant à elle, augmenté (+ 3,22 % sur la même période).

Les parties relèvent, à juste titre, que l’appréciation des facteurs locaux de commercialité doit être opérée en fonction du commerce considéré et, plus précisément, de la destination contractuelle.

En vertu de l’article R. 145-5 du code de commerce, la destination des lieux est celle autorisée par le bail et ses avenants ou par le tribunal dans les cas prévus aux articles L. 145-47 à L. 145-55 et L. 642-7.

En l’espèce, les locaux sont à usage de stockage de véhicules automobiles. Le caractère accessoire de cette activité par rapport à celle de concessionnaire automobile, exploitée au [Adresse 1], fait consensus entre les parties.

L’intérêt que présente, pour la société STA, la mise à disposition de locaux à usage de stockage de véhicules automobiles dans la zone industrielle des Ebisoires dépend, entre autres, de l’essor de l’activité automobile à proximité et de la zone de chalandise qui y est attachée. En effet, plus une activité principale est susceptible de se développer, plus le besoin d’espaces de stockage s’accroît. En l’occurrence, la société Foncière HM démontre que les locaux à usage de stockage litigieux sont situés à proximité immédiate des différentes concessions automobiles implantées sur le secteur. Il s’ensuit que leur prise à bail est susceptible de constituer un avantage pour le preneur en lui offrant une plus grande souplesse dans la gestion de sa flotte automobile et, partant, un avantage concurrentiel.

En conclusion, les locaux considérés bénéficient d’un bon emplacement au sein d’une zone industrielle et commerciale en plein renouvellement et à l’activité automobile importante, située à proximité immédiate de divers axes routiers, dont la zone de chalandise a été renforcée par l’inauguration, au cours du bail expiré, du centre commercial [8].

Sur les caractéristiques du local considéré

Selon l’article R. 145-3 du code de commerce, les caractéristiques propres au local s’apprécient en considération de sa situation dans l’immeuble où il se trouve, de sa surface et de son volume, de la commodité de son accès pour le public ; de l’importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public, à l’exploitation ou à chacune des activités diverses qui sont exercées dans les lieux ; de ses dimensions, de la conformation de chaque partie et de son adaptation à la forme d’activité qui y est exercée ; de l’état d’entretien, de vétusté ou de salubrité et de la conformité aux normes exigées par la législation du travail ; de la nature et de l’état des équipements et des moyens d’exploitation mis à la disposition du locataire.

Les caractéristiques propres au local peuvent être affectées par des éléments extrinsèques constitués par des locaux accessoires, des locaux annexes ou des dépendances, donnés en location par le même bailleur et susceptibles d'une utilisation conjointe avec les locaux principaux.

Dans son rapport, l’expert judiciaire acte l’accord des parties pour retenir une surface réelle de 352 m2. Elle indique que les locaux dépendent d’un immeuble ancien de type R + 4 sur rez-de-jardin sous toiture-terrasse à usage principal de bureaux, avec desserte goudronnée à sens unique de circulation autour du bâtiment et sortie sous pont de faible hauteur, ainsi qu’aire de stationnement à l’avant et à l’arrière. Elle explique qu’il s’agit d’un local rectangulaire d’un seul tenant comprenant six poteaux de soutènement, avec une hauteur sous plafond moyenne de 2,75 mètres (2,70 mètres sous poutres). La capacité de stockage est d’environ quinze véhicules. Elle évoque un éclairement naturel faible et un système de fermeture par des portes coulissantes en PVC double vitrage. Elle souligne l’absence de chauffage, de sécurisation et de système d’extraction de fumées. Elle conclut à une configuration peu optimale pour le stockage de véhicules et à un état d’usage.

Ces constats sont corroborés par le rapport d’expertise amiable établi par le cabinet Colomer Expertises.

Les locaux étant à usage de stockage de véhicules automobiles, leur visibilité importe peu. Il en est de même pour leur éclairage naturel et l’absence de chauffage.

En revanche, leurs modalités d’accès (voie à sens unique de circulation, sortie sous pont de faible hauteur, poteaux de soutènement, hauteur sous plafond) ont une incidence directe sur leur valeur locative puisqu’elles conditionnent, indépendamment de l’absence de clientèle, l’usage qui peut en être fait (hauteur maximale des véhicules stockés, facilité de stationnement, etc.)

La société Foncière HM, qui se prévaut d’un système de vidéo-surveillance sur le périmètre extérieur, n’en rapporte pas la preuve. S’agissant plus spécifiquement de l’abonnement de télésurveillance mis en place à l’intérieur des locaux loués, cette initiative a été prise par le bailleur pour pallier la défaillance momentanée du système de fermeture des portes à la fin de l’année 2021 / début de l’année 2022. Or, si ce système n’a pas été maintenu, c’est parce qu’une fois les réparations effectuées, le bailleur a demandé au preneur s’il souhaitait reprendre l’abonnement de télésurveillance à son compte (et à ses frais). Les conditions de sécurisation existantes se limitent, par conséquent, au système de fermeture susvisé, ce qui doit être pris en compte au regard de la marchandise stockée.

En conclusion, les locaux donnés à bail, d’une superficie de 352 m2, pâtissent d’un accès restreint marqué par une desserte circulaire à sens unique de circulation avec une sortie sous pont de faible hauteur bien que les portes coulissantes facilitent l’entrée et la sortie des véhicules ; d’une configuration incommode en raison d’une hauteur sous plafond limitée (2,70 mètres) et de six poteaux de soutènement grevant l’espace de stationnement pouvant accueillir une quinzaine de véhicules au maximum ; d’une sécurisation limitée (pas de grille ou de rideau de protection) et d’un état d’usage.

Sur les obligations respectives des parties

L’article R. 145-8 du code de commerce indique que du point de vue des obligations respectives des parties, les restrictions à la jouissance des lieux et les obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci se serait déchargé sur le locataire sans contrepartie constituent un facteur de diminution de la valeur locative. Il en est de même des obligations imposées au locataire au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages. Les améliorations apportées aux lieux loués au cours du bail à renouveler ne sont prises en considération que si, directement ou indirectement, notamment par l'acceptation d'un loyer réduit, le bailleur en a assumé la charge.
Les obligations découlant de la loi et génératrices de charges pour l'une ou l'autre partie depuis la dernière fixation du prix peuvent être invoquées par celui qui est tenu de les assumer.
Il est aussi tenu compte des modalités selon lesquelles le prix antérieurement applicable a été originairement fixé.

Le paiement de la taxe foncière (en ce compris la taxe sur l’enlèvement des ordures ménagères) incombe en principe au propriétaire du bien immobilier même si celui-ci peut, en application de l’article R. 145-35, 3°, du code de commerce, en répercuter le coût sur le preneur.

Si le transfert à la charge du preneur du paiement de la taxe foncière demeure une charge exorbitante du droit commun, que cette pratique soit ou non usuelle dans les termes de comparaison cités, la minoration qu’elle implique au sens de l’article R. 145-8 du code de commerce peut soit résulter du choix d’un prix unitaire minoré tenant compte des modalités de fixation du prix des baux de référence, soit de l’application - a posteriori - d’un abattement.

En l’espèce, il n’est pas démontré que les prix couramment pratiqués dans le voisinage cités de part et d’autre incluent le transfert à la charge du preneur du coût de l’impôt foncier.

En conséquence, le montant retenu par l’expert judiciaire, à hauteur de
4.474 €, sera entériné et déduit de la valeur locative ultérieurement déterminée.

Les parties ne se prévalent d’aucune autre majoration ou minoration au titre des charges exorbitantes du droit commun.

Sur les prix couramment pratiqués dans le voisinage

Selon l’article R. 145-7 du code de commerce, les prix couramment pratiqués dans le voisinage, par unité de surfaces, concernent des locaux équivalents eu égard à l'ensemble des éléments mentionnés aux articles R. 145-3 à
R. 145-6.
A défaut d'équivalence, ils peuvent, à titre indicatif, être utilisés pour la détermination des prix de base, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence.
Les références proposées de part et d'autre portent sur plusieurs locaux et comportent, pour chaque local, son adresse et sa description succincte. Elles sont corrigées à raison des différences qui peuvent exister entre les dates de fixation des prix et les modalités de cette fixation.

Dans son rapport, l’expert judiciaire produit une vingtaine de références portant sur des nouvelles locations à [Localité 9] et dans les Yvelines, dont elle indique l’état (ancien, rénové, neuf). Outre le fait que la destination des locaux visés n’est pas connue (seule l’identité du preneur l’est), que leur situation géographique par rapport aux locaux donnés à bail n’est pas précisée et que les différences existant entre les locaux de référence et les locaux litigieux ne sont pas détaillés (exemple : local donné à bail à la société Magic Form qui, de notoriété publique, exploite des salles de sport), les termes de comparaison relevés dans le [Adresse 11] ont une date de prise d’effet antérieure à l’inauguration du centre commercial [8].

Au surplus, les prix couramment pratiqués dans le voisinage, au sens de l’article R. 145-7 du code de commerce, reposent sur un panachage entre nouvelles locations, renouvellements amiables et fixations judiciaires. A défaut de références utiles pour des renouvellements amiables et fixations judiciaires, le prix unitaire doit donc être apprécié à la baisse (la valeur locative de l’article L. 145-33 du code de commerce, dite encadrée, ne se confondant pas avec la valeur locative libre, dite de marché).

Enfin, il convient de rappeler que les offres locatives ne constituent pas des prix “pratiqués” et ne peuvent donc valablement fonder la détermination du prix unitaire applicable.

Ainsi, en tenant compte :
- des facteurs locaux de commercialité (bon emplacement au sein d’une zone industrielle en plein renouvellement et à l’activité automobile importante, à proximité immédiate de divers axes routiers, dont la zone de chalandise a été renforcée par l’inauguration, au cours du bail expiré, du centre commercial [8]),
- de la destination des lieux (locaux à usage de stockage automobile),
- des caractéristiques du local considéré (accès restreint marqué par une desserte circulaire à sens unique de circulation et une sortie sous pont de faible hauteur ; configuration incommode en raison d’une hauteur sous plafond limitée et de six poteaux de soutènement grevant l’espace de stationnement ; capacité de stockage de quinze véhicules ; sécurisation limitée ; état d’usage),
- de la surface des locaux (352 m2),
- des obligations respectives des parties (abattement au réel de la taxe foncière),
- des prix couramment pratiqués dans le voisinage (références produites ; corrections nécessaires ; mise à l’écart des offres locatives ; appréciation à la baisse du prix unitaire en l’absence de panachage des nouvelles locations avec des renouvellements amiables et des fixations judiciaires),
- de l’ensemble des développements précédents,

Le prix unitaire des locaux sera fixé à hauteur de 55 € / m2 pour une valeur locative annuelle de 19.360 €, avec application d’un abattement de 4.474 € au titre de la taxe foncière, pour un total de 14.886 € par an, hors charges et hors taxes.

La valeur locative des locaux au 1er avril 2022 (14.886 €) étant supérieure au plafond indiciaire (13.468,30 €), il appartient au bailleur d’établir un motif de déplafonnement.

Sur le déplafonnement du montant du loyer du bail renouvelé

Les développements précédents établissent, au cours du bail expiré, un renforcement du pôle automobile de la zone industrielle des Ebisoires et une extension de sa zone de chalandise grâce à l’inauguration du centre commercial [8] qui, par sa nature, draine une clientèle nouvelle sur le secteur, clientèle véhiculée.

De telles modifications des facteurs locaux de commercialité sont non seulement notables par leur ampleur et leur simultanéité, mais présentent aussi un intérêt direct pour des locaux à usage de stockage de véhicules automobiles, lesquels permettent aux commerces du pôle automobile de disposer d’une souplesse supplémentaire dans la gestion de leur flotte et de répondre, plus facilement, aux demandes de leur clientèle.

Le montant du loyer du bail renouvelé doit, par conséquent, être déplafonné et fixé à la valeur locative de 14.886 € par an, hors charges et hors taxes.

Sur le point de départ des intérêts au taux légal sur le différentiel de loyer

Les intérêts dus sur la différence entre le montant du loyer du bail renouvelé et le montant du loyer provisionnel courent, en l’absence de convention contraire, à compter de la délivrance de l'assignation introductive d'instance en fixation du prix lorsque le bailleur est à l'origine de la procédure et à compter de la notification du premier mémoire en défense lorsque c'est le preneur qui a saisi le juge.

En l’espèce, c’est le bailleur qui a introduit la présente procédure.

Les intérêts dus sur la différence entre le montant du loyer du bail renouvelé et le montant du loyer provisionnel courent, par conséquent, à compter
de la délivrance de l’assignation introductive d’instance, c’est-à-dire du
18 mai 2022.

En application de l’article 1343-2 du code civil, les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, seront capitalisés.

Sur les autres demandes

Sur les dépens

Conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Dans la mesure où chacune des parties a intérêt à la fixation du loyer en renouvellement, les dépens de l’instance, en ce compris les frais d’expertise, seront partagés entre elles par moitié.

Sur les frais irrépétibles

Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.

En l’espèce, chaque partie conservera à sa charge les frais irrépétibles qu’elle a exposés pour faire valoir ses droits.

Sur l’exécution provisoire

En application de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la décision rendue n’en dispose autrement.

PAR CES MOTIFS

Le Juge des loyers commerciaux, statuant publiquement, par jugement contradictoire rendu en premier ressort :

DECLARE irrecevables les demandes tendant à statuer sur les modalités de reconduction des clauses et conditions du bail et/ou de prononcer des condamnations en paiement,

FIXE, à compter du 1er avril 2022, le montant du loyer du bail renouvelé liant la société Foncière HM à la société Services et transactions automobiles (STA) pour les locaux situés [Adresse 2] à [Localité 9] (78), zone industrielle des Ebisoires, à la valeur locative déplafonnée de 14.886 € par an, hors charges et hors taxes,

DIT que les intérêts dus sur la différence entre le montant du loyer du
bail renouvelé et le montant du loyer provisionnel courent à compter
de la délivrance de l’assignation introductive d’instance, c’est-à-dire du
18 mai 2022,

ORDONNE la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par l’article 1343-2 du code civil,

RAPPELLE que la présente décision est un titre exécutoire qui permet au créancier d’agir à ses risques et péril en exécution forcée pour recouvrer le trop-perçu de loyer sous réserve du recours au droit d’option prévu par l’article L. 145-57 du code de commerce,

PARTAGE par moitié entre les parties les dépens de l’instance, en ce compris les frais de l’expertise judiciaire,

DIT que chaque partie conservera à sa charge les frais irrépétibles qu’elle a exposés pour la défense de ses droits,

RAPPELLE que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit.

Ainsi fait, jugé et prononcé par mise à disposition au greffe le 21 MARS 2024, par Madame GARDE, Juge des Loyers Commerciaux, assistée de Madame LOPES DOS SANTOS, Greffier, lesquelles ont signé la minute du présent jugement.

LE GREFFIERLE JUGE DES LOYERS COMMERCIAUX
Carla LOPES DOS SANTOS Angéline GARDE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Versailles
Formation : Juge loyers commerciaux
Numéro d'arrêt : 23/04889
Date de la décision : 21/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-21;23.04889 ?
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