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21/03/2024 | FRANCE | N°23/04879

France | France, Tribunal judiciaire de Versailles, Juge loyers commerciaux, 21 mars 2024, 23/04879


Minute n°


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES

LOYERS COMMERCIAUX

JUGEMENT DU 21 MARS 2024




N° RG 23/04879 - N° Portalis DB22-W-B7H-RRRZ
Code NAC : 30C



DEMANDERESSE

La société MONOPRIX EXPLOITATION par abréviation « MPX », société par actions simplifiée immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de NANTERRE sous le numéro 552 083 297 dont le siège social est situé [Adresse 2], agissant poursuites et diligences de sa Présidente, Madame [H] [P], domiciliée en cette qualité audit siège,

représ

entée par Maître Michèle DE KERCKHOVE de la SELARL BVK AVOCATS ASSOCIES, avocat postulant au barreau de VERSAILLES et par Maître Sim...

Minute n°

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES

LOYERS COMMERCIAUX

JUGEMENT DU 21 MARS 2024

N° RG 23/04879 - N° Portalis DB22-W-B7H-RRRZ
Code NAC : 30C

DEMANDERESSE

La société MONOPRIX EXPLOITATION par abréviation « MPX », société par actions simplifiée immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de NANTERRE sous le numéro 552 083 297 dont le siège social est situé [Adresse 2], agissant poursuites et diligences de sa Présidente, Madame [H] [P], domiciliée en cette qualité audit siège,

représentée par Maître Michèle DE KERCKHOVE de la SELARL BVK AVOCATS ASSOCIES, avocat postulant au barreau de VERSAILLES et par Maître Simon ESTIVAL du cabinet INLO AVOCATS, avocat plaidant au barreau de PARIS.

DÉFENDERESSE

La société HALION, société civile immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 344 781 505 dont le siège social est situé [Adresse 4], prise en la personne de son Président domicilié en cette qualité audit siège,

représentée par Maître Véronique BUQUET-ROUSSEL de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, avocat postulant au barreau de VERSAILLES et par Maître Gina MARUANI de la SCP JACQUIN-MARUANI-PANAFIEU, avocat plaidant au barreau de PARIS.

DÉBATS

Madame GARDE, Juge, siégeant par délégation de Monsieur le Président du Tribunal Judiciaire de VERSAILLES, et statuant en matière de loyers commerciaux, conformément aux dispositions de l’article R. 145-23 du code de commerce, assistée de Madame LOPES DOS SANTOS, Greffier.

Après avoir entendu, lors de l’audience du 01 février 2024, les avocats des parties en leurs plaidoiries, l’affaire a été mise en délibéré pour que le jugement soit rendu ce jour.

* * * * * *

EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte sous seing privé en date du 1er octobre 2010, la société Halion a donné à bail à la société Monoprix Exploitation un bail portant sur divers locaux à usage commercial sis [Adresse 3] et [Adresse 1] à [Localité 10] (78), à destination de supermarché ou de magasin de type populaire, pour une durée de neuf années à compter du
1er avril 2012, moyennant un loyer annuel en principal de 650.000 € hors charges et hors taxes.

Le 28 janvier 2016, la société Monoprix Exploitation a renouvelé un bail de sous-location consenti à la société Boulangeries Paul, venant aux droits de la société Conflanaise, et portant sur une partie des locaux considérés, à compter du 1er juillet 2015 et jusqu’au 31 mars 2021, date d’échéance du bail principal.

Le 9 septembre 2020, la société Halion a donné congé à la société Monoprix Exploitation pour le 31 mars 2021, avec offre de renouvellement du bail à compter du 1er avril 2021, moyennant un loyer annuel de 178.400 €, hors charges et hors taxes (erreur matérielle reconnue par les parties, ce montant correspondant en réalité au loyer trimestriel).

Faisant suite à son mémoire préalable, notifié à la société Halion le
28 janvier 2022, la société Monoprix Exploitation l’a fait assigner, par
exploit introductif d’instance en date du 27 juin 2022, devant le juge des
loyers commerciaux de [Localité 18] en fixation du loyer du bail renouvelé,
au 1er avril 2021, à la somme de 500.000 € par an, hors charges et hors taxes. L’affaire a été enrôlée sous le RG n° 22/03597.

Aux termes d’un jugement rendu le 23 novembre 2022, le juge des loyers commerciaux a notamment :
- constaté le renouvellement au 1er avril 2021 du bail commercial liant les parties et portant sur divers locaux dépendant d’un immeuble situé [Adresse 3] et [Adresse 1] à [Localité 10] (78) ;
- rejeté les demandes de la société Halion relatives à l’application de l’article R. 145-31 du code de commerce ;

- dit que les locaux étaient soumis à la règle du plafonnement édictée à l’article L. 145-34 du code de commerce ;
- ordonné une expertise judiciaire et commis pour y procéder Monsieur [R] [I].

L’expert judiciaire a déposé son rapport le 17 juillet 2023. Il conclut à une valeur locative de 604.581,88 € par an, hors charges et hors taxes.

Puis l’affaire a été rétablie au rôle, en application de l’article R. 145-31 du code de commerce, sous le RG n° 23/04879.

Aux termes de son dernier mémoire, notifié à la société Halion par lettre recommandée dont l’accusé de réception a été signé le 13 octobre 2023, la société Monoprix Exploitation demande au juge des loyers commerciaux de :

- Débouter la société Halion de l’ensemble de ses prétentions,
- Fixer le loyer du bail renouvelé à compter du 1er avril 2021 pour les locaux situés [Adresse 3] et [Adresse 1] à [Localité 10] (78) à la somme annuelle de 604.581,88 € hors charges et hors taxes, toutes les autres clauses, charges et conditions du bail demeurant inchangées,
- Juger que le surplus de loyer payé remboursable portera intérêts au taux légal à compter du 27 juin 2022, date de l’assignation de la société Monoprix Exploitation, et au fur et à mesure des échéances échues jusqu’à complet remboursement,
- Juger que les intérêts seront capitalisés par application de l’article 1343-2 du code civil,
- Ordonner le partage des dépens, en ce compris les frais d’expertise judiciaire,
- Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

La société Monoprix Exploitation explique que la valeur locative des locaux loués est inférieure au montant du dernier loyer exigible à la date d’effet du congé. Elle rappelle que les dispositions de l’article L. 145-34 du code de commerce s’appliquent exclusivement dans l’hypothèse où la valeur locative des locaux est supérieure plafond indiciaire.

Elle indique que la surface brute des locaux s’élève à 3.741,40 m2, dont 377,70 m2 sous-loués à l’enseigne Paul. Elle réplique, en reprenant à son compte l’argumentaire de l’expert judiciaire, qu’il n’y a pas lieu de procéder à une pondération distincte des surfaces respectivement exploitées par la société Monoprix et l’enseigne Paul, un seul et unique bail ayant été conclu. Elle ajoute que l’usage de certaines surfaces comme bureaux n’a pas d’incidence sur l’application d’un coefficient de pondération de 0,10. Elle retient, in fine, une surface pondérée de 2.110,51 m2p.

Elle souligne que l’expert judiciaire a tenu compte de toutes les références communiquées, ce qui l’a notamment conduit à rehausser son évaluation de près de 25 € par m2p, pour une incidence de plus de 50.000 € par an. Elle rétorque que le magasin Monoprix situé à [Localité 12] a son entrée principale sur la [Adresse 17], une artère très commerçante située dans le centre-ville de la commune, à 210 mètres de la gare de RER A. Elle relève, par ailleurs, que les magasins Carrefour d’[Localité 9] et Auchan de [Localité 11] sont situés dans des zones essentiellement résidentielles comportant des commerces situés en pieds d’immeubles. Elle fait grief à la société Halion de produire des clichés photographiques tronqués, portant exclusivement sur les zones de livraison ou les issues de secours situées à l’arrière des magasins. Elle demande au tribunal d’entériner l’évaluation de l’expert, à hauteur de
275 € / m2p.

Elle soutient que l’expert a retenu une majoration de 12 % et non de 5 % au titre de la large destination du bail, de la cession libre du droit au bail et de la faculté de sous-location. Elle considère que cette majoration est suffisante, la faculté de sous-location ou de cession restant encadrée et la destination des lieux devant rester conforme à son objet social. Elle rappelle, enfin, que le paiement de la taxe foncière par le preneur reste une charge exorbitante du droit commun, facteur de minoration de la valeur locative.

Aux termes de son dernier mémoire, notifié à la société Monoprix Exploitation par lettres recommandées dont les accusés de réception ont été signés les 18 et 19 janvier 2024, la société Halion demande au juge des loyers commerciaux de :

- Débouter la société Monoprix Exploitation de l’ensemble de ses prétentions puisque la valeur locative est supérieure au loyer plafond,
- Juger qu’aucun abattement ne peut être retenu en l’espèce,
- Juger que le loyer du bail renouvelé à compter du 1er avril 2021, pour les locaux situés [Adresse 3] et [Adresse 1] à [Localité 10] (78) doit être fixé au loyer indexé conformément aux dispositions légales, soit à la somme annuelle de 714.129,71 € HC et HT,
- Juger que le dépôt de garantie sera réactualisé dans ces conditions,

En tout état de cause,

- Condamner la société Monoprix au paiement de 5.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
- Condamner la société Monoprix aux entiers dépens qui comprendront les frais de l’expertise, en sa qualité de demanderesse,
- Rappeler que l’exécution provisoire de la décision est de droit.

La société Halion expose que les locaux sont localisés dans le département des Yvelines, à [Localité 10], une commune située à 12 kilomètres de [Localité 13]. Implantés sur une voie à double sens de circulation, ils sont aisément accessibles, que ce soit depuis la route départementale n° 321 (parking extérieur outre 47 emplacements privatifs) ou les transports en commun (bus). Ils disposent d’une excellente visibilité (auvent, enseigne, portes vitrées coulissantes, totems). Elle souligne que l’environnement est mixte, avec des habitations, services publics et commerces en pieds d’immeubles, outre la tenue d’un marché bi-hebdomadaire. Elle relève, enfin, que les locaux bénéficient d’un quai de chargement et de déchargement situé à l’extérieur, ce qui est commode pour l’activité exercée.

Elle fait grief à l’expert judiciaire de ne pas avoir procédé à une pondération distincte de la surface sous-louée à l’enseigne Paul d’une part, et d’avoir pondéré les locaux à usage de bureaux comme des annexes d’autre part. Elle retient, in fine, une surface pondérée de 117,54 m2 pour la surface sous-louée et une surface pondérée de 2.109,34 m2 pour le reste des locaux loués.

Elle critique les termes de comparaison retenus par l’expert judiciaire, motif pris qu’ils portent essentiellement sur des boutiques et/ou des moyennes surfaces dont les règles de pondération diffèrent. Elle ajoute que les références tirées des magasins Monoprix de [Localité 12], Carrefour d’[Localité 9] et Auchan de [Localité 11] ont des situations géographiques bien moins avantageuses que le local litigieux. Elle demande la prise en compte de plusieurs autres termes de comparaison et sollicite la fixation du prix unitaire pour la partie sous-louée à l’enseigne Paul à 500 € / m2p et, pour la partie Monoprix, à 350 € / m2p.

Elle considère que la majoration appliquée pour la clause de cession / sous-location doit tenir compte du loyer perçu par la société Monoprix en raison de la sous-location opérée au profit de l’enseigne Paul. Elle indique, en tout état de cause, que la majoration totale demandée, à hauteur de 20 % de la valeur locative, est conforme à la jurisprudence.

Elle fait valoir que, depuis l’entrée en vigueur de la loi dite Pinel, le transfert à la charge du preneur de la taxe foncière n’est plus une charge exorbitante du droit commun. Elle ajoute qu’un tel transfert est usuel en matière de supermarché et qu’il n’y a pas lieu de procéder à un abattement de ce chef.

MOTIFS

Propos liminaires

Après vérification des pièces versées aux débats, il appert que l’adresse des locaux loués comporte une erreur matérielle puisque le contrat de bail vise l’avenue de Guilbert alors que les locaux sont en réalité implantés sur l’avenue [Adresse 6] (78).

Les parties, informées de la difficulté, ont consenti à la rectification proposée qui sera, dès lors, entérinée.

Sur la compétence restreinte du juge des loyers commerciaux

En vertu de l’article R. 145-23 du code de commerce, les contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé sont portées, quel que soit le montant du loyer, devant le président du tribunal judiciaire ou le juge qui le remplace. Il est statué sur mémoire.
Les autres contestations sont portées devant le tribunal judiciaire qui peut, accessoirement, se prononcer sur les demandes mentionnées à l’alinéa précédent.

Le juge des loyers commerciaux est tenu de vérifier sa propre compétence.

En l’espèce, il n’entre pas dans le champ de compétence du juge des loyers commerciaux de statuer sur les conditions d’actualisation du montant du dépôt de garantie. Il ne lui appartient pas davantage de se prononcer sur les modalités de reconduction des clauses et conditions du bail expiré.

Ces demandes seront donc déclarées irrecevables.

Sur la fixation judiciaire du montant du loyer du bail renouvelé

En application de l’article L.145-33 du code de commerce, le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative. A défaut d’accord, cette valeur est déterminée d’après :

1° les caractéristiques du local considéré ;
2° la destination des lieux ;
3° les obligations respectives des parties ;
4° les facteurs locaux de commercialité ;
5° les prix couramment pratiqués dans le voisinage.

L’article L. 145-34 du code de commerce dispose qu’à moins d'une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article
L. 145-33, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d'effet du bail à renouveler, si sa durée n'est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation, intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires mentionnés aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 112-2 du code monétaire et financier, publiés par l'Institut national de la statistique et des études économiques. A défaut de clause contractuelle fixant le trimestre de référence de cet indice, il y a lieu de prendre en compte la variation de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires, calculée sur la période de neuf ans antérieure au dernier indice publié.
En cas de renouvellement postérieur à la date initialement prévue d'expiration du bail, cette variation est calculée à partir du dernier indice publié, pour une période d'une durée égale à celle qui s'est écoulée entre la date initiale du bail et la date de son renouvellement effectif.
Les dispositions de l'alinéa ci-dessus ne sont plus applicables lorsque, par l'effet d'une tacite prolongation, la durée du bail excède douze ans.
En cas de modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33 ou s'il est fait exception aux règles de plafonnement par suite d'une clause du contrat relative à la durée du bail, la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente.

Sur le plafond légal à la date d’effet du renouvellement

Le plafond légal se calcule de la manière suivante : loyer x indice publié neuf années après l’indice de base contractuel (3ème trimestre 2020) / indice de base contractuel (3ème trimestre 2011).

650.000 x 115,70 / 105,31 = 714.129,71 €.

Le plafond indiciaire s’élève ainsi à la somme de 714.129,71 €.

Sur la valeur locative des locaux à la date d’effet du renouvellement

Sur les facteurs locaux de commercialité

En application de l’article R. 145-6 du code de commerce, les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l'intérêt que présente, pour le commerce considéré, l'importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l'attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d'une manière durable ou provisoire.

Dans son rapport, l’expert judiciaire indique que les locaux sont situés à [Localité 10], une commune d’environ 20.000 habitants située à 12 kilomètres de [Localité 13], dans le département des Yvelines. Ils sont desservis par les transports en commun (gare à 800 mètres) et par voie routière depuis l’avenue André René Guibert, à double sens de circulation. Deux parkings, l’un extérieur et l’autre intérieur, inclus dans l’assiette du bail, sont à la disposition de la clientèle (47 places).

L’environnement est mixte avec des habitations, des services publics et des commerces (banques, boulangerie, boucherie, fleuriste, pressing, caviste, bar-tabac, etc.) Les locaux bénéficient aussi de la tenue d’un marché en plein air tous les mardis matins et vendredis sur la place du Jumelage, située en face. L’expert conclut à une bonne commercialité et à un environnement, majoritairement résidentiel, adapté à l’activité.

L’analyse de l’expert, qui est corroborée par les pièces versées aux débats, sera entérinée.

Sur la destination des lieux

En vertu de l’article R. 145-5 du code de commerce, la destination des lieux est celle autorisée par le bail et ses avenants ou par le tribunal dans les cas prévus aux articles L. 145-47 à L. 145-55 et L. 642-7.

Les locaux ont été donnés à bail pour une activité conforme à l’objet social du preneur soit “supermarché ou magasin de type populaire”.

L’expert judiciaire indique que cette destination, relativement large, justifie une majoration de la valeur locative de 5 %.

S’il est exact que la clause de destination du bail permet au preneur une adaptation de son activité et, plus particulièrement, du choix des produits proposés en rayons à sa clientèle, elle n’est pas pour autant assimilable à une clause de destination tous commerces.

Dans ces conditions, la majoration de 5 % proposée par l’expert judiciaire est adaptée et sera entérinée.

Sur les caractéristiques du local considéré

Selon l’article R. 145-3 du code de commerce, les caractéristiques propres au local s’apprécient en considération de sa situation dans l’immeuble où il se trouve, de sa surface et de son volume, de la commodité de son accès pour le public ; de l’importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public, à l’exploitation ou à chacune des activités diverses qui sont exercées dans les lieux ; de ses dimensions, de la conformation de chaque partie et de son adaptation à la forme d’activité qui y est exercée ; de l’état d’entretien, de vétusté ou de salubrité et de la conformité aux normes exigées par la législation du travail ; de la nature et de l’état des équipements et des moyens d’exploitation mis à la disposition du locataire.

L’article R. 145-4 du même code précise que les caractéristiques propres au local peuvent être affectées par des éléments extrinsèques constitués par des locaux accessoires, des locaux annexes ou des dépendances, loués par le même bailleur et susceptibles d’une utilisation conjointe avec les locaux principaux.

Dans son rapport, l’expert judiciaire relève que l’ensemble immobilier, en état d’usage, est desservi par une allée à double sens de circulation desservant le quai de chargement / déchargement du magasin au fond à droite par rapport à la façade et l’entrée du parking pour les clients à l’arrière.

Il indique que le premier sous-sol est composé d’un parking avec caisse automatique accessible aux clients par deux accès intérieurs et un ascenseur ; des locaux de réserves, deux chambres froides positives, une chambre froide négative, un local électrique et une salle de réunion desservis par un monte-charge et un escalier réservés au personnel de Monoprix ; un bureau, des réserves, un laboratoire de préparation, une chambre froide positive, une chambre froide négative, des vestiaires et des sanitaires pour les employés de l’enseigne Paul.

Il souligne que le rez-de-chaussée est composé de deux surfaces de vente distinctes, l’une dédiée à l’enseigne Monoprix et l’autre à l’enseigne Paul. S’y trouvent aussi des chambres froides, bureaux, réserves, locaux sociaux, divers locaux techniques ainsi que l’accès au quai de chargement / déchargement.

Les locaux donnés à bail bénéficient donc d’une surface, d’un volume et d’une configuration adaptés à l’activité exercée. Ils sont aussi facilement accessibles, que ce soit par la clientèle, le personnel ou les services logistiques.

Sur la pondération des locaux

La pondération est immobilière, elle est effectuée à partir des surfaces utiles brutes ou, si le bail le précise, la surface de plancher.

La Charte de l’expertise en évaluation immobilière pour les locaux de centre-ville dont la superficie totale est supérieure à 3.000 m2, 5ème édition, prévoit une pondération de 1 pour la zone de vente et une pondération de 0,10 pour les annexes (réserves, locaux techniques, dégagements). Elle précise qu’il y a “lieu de distinguer dans cette catégorie très particulière les locaux qui sont exploités sur un seul niveau (de plain-pied) et ceux qui sont exploités sur plusieurs niveaux. Dans cette seconde hypothèse, une pondération est susceptible d’être pratiquée pour tenir compte de la configuration, de l’accessibilité, du nombre de niveaux et des hauteurs sous plafond. De plus, il y a lieu d’apprécier le découpage opéré par l’exploitant entre les surfaces de vente et celles des autres parties du local dès lors que celles-ci ne sont pas précisées dans le contrat locatif ou qu’elles excèdent les normes d’usage.”

L’expert évalue la surface totale des locaux à 3.741,70 m2, dont 3.364 m2 exploités par l’enseigne Monoprix et 377,70 m2 exploités par l’enseigne Paul. Il propose une pondération conforme aux préconisations de la Charte de l’expertise en évaluation immobilière s’agissant des grandes surfaces, pour une surface pondérée de 2.110,51 m2p.

La sous-location d’une partie des locaux à l’enseigne Paul n’a pas pour conséquence de modifier l’assiette du bail liant la société Halion à la société Monoprix Exploitation et partant, les règles de pondération applicables. En outre, les bureaux aménagés, utiles à la gestion quotidienne de l’activité, n’ont pas à être pondérés différemment des autres annexes, leur accès étant limité au personnel.

Dès lors, la pondération effectuée par l’expert sera entérinée, à hauteur de 2.110,51 m2p.

Sur les obligations respectives des parties

L’article R. 145-8 du code de commerce indique que du point de vue des obligations respectives des parties, les restrictions à la jouissance des lieux et les obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci se serait déchargé sur le locataire sans contrepartie constituent un facteur de diminution de la valeur locative. Il en est de même des obligations imposées au locataire au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages. Les améliorations apportées aux lieux loués au cours du bail à renouveler ne sont prises en considération que si, directement ou indirectement, notamment par l'acceptation d'un loyer réduit, le bailleur en a assumé la charge.
Les obligations découlant de la loi et génératrices de charges pour l'une ou l'autre partie depuis la dernière fixation du prix peuvent être invoquées par celui qui est tenu de les assumer.
Il est aussi tenu compte des modalités selon lesquelles le prix antérieurement applicable a été originairement fixé.

* Sur la taxe foncière

Le paiement de la taxe foncière incombe en principe au propriétaire du bien immobilier même si celui-ci peut, en application de l’article R. 145-35, 3°, du code de commerce, en répercuter le coût sur le preneur.

Si le transfert à la charge du preneur du paiement de la taxe foncière demeure une charge exorbitante du droit commun, que cette pratique soit ou non usuelle dans les termes de comparaison cités, la minoration qu’elle implique au sens de l’article R. 145-8 du code de commerce peut soit résulter du choix d’un prix unitaire minoré tenant compte des modalités de fixation du prix des baux de référence, soit de l’application - a posteriori - d’un abattement.

En l’espèce, l’expert judiciaire a précisé, pour quatre références, que les baux prévoyaient bien le transfert à la charge du preneur du paiement de la taxe foncière. Tel n’est cependant pas le cas pour les autres termes de comparaison.

Dans ces conditions, le montant de la taxe foncière 2021 sera déduit du montant de la valeur locative. Corrélativement, le prix unitaire des quatre références litigieuses sera, dans l’appréciation ultérieure, corrigé à la hausse.

* Sur la faculté de cession et de sous-location

En vertu de l’article L. 145-31, alinéa 1, du code de commerce, et sauf stipulation contraire au bail ou accord du bailleur, toute sous-location totale ou partielle est interdite.

Par ailleurs, il s’infère des dispositions de l’article L. 145-16 du code de commerce que, si le bailleur ne peut interdire à son preneur de céder son droit au bail à l’acquéreur de son fonds de commerce, il peut s’opposer à toute autre cession.

En l’espèce, le contrat de bail interdit à la société Monoprix Exploitation de céder ou sous-louer les locaux loués sans le consentement exprès et par écrit du bailleur, sauf au successeur dans son commerce, son entreprise ou si le cessionnaire / sous-locataire est une société apparentée, contrôlée à 50 % au moins par le preneur.

Sont néanmoins autorisées :
- la sous-location en cours au profit de la boulangerie Paul,
- toute sous-location pouvant intervenir au profit du groupe Monoprix - Casino - Galeries Lafayette,
- la location-gérance au profit de toute société du groupe Monoprix - Casino - Galeries Lafayette.

Si les facultés de cession et de sous-location autorisées par le bail sont exorbitantes du droit commun, elles n’en demeurent pas moins encadrées.

Par ailleurs, le choix du coefficient de majoration n’a à souffrir ni de la mise en oeuvre effective de la clause, ni du montant du loyer de sous-location éventuellement perçu par le preneur, tout litige sur ce point relevant, le cas échéant, de l’article L. 145-31, alinéa 3, du code de commerce.

La majoration de 7 % de la valeur locative retenue par l’expert judiciaire, en tous points cohérente, sera donc entérinée.

Sur les prix couramment pratiqués dans le voisinage

Selon l’article R. 145-7 du code de commerce, les prix couramment pratiqués dans le voisinage, par unité de surfaces, concernent des locaux équivalents eu égard à l'ensemble des éléments mentionnés aux articles R. 145-3 à
R. 145-6.
A défaut d'équivalence, ils peuvent, à titre indicatif, être utilisés pour la détermination des prix de base, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence.
Les références proposées de part et d'autre portent sur plusieurs locaux et comportent, pour chaque local, son adresse et sa description succincte. Elles sont corrigées à raison des différences qui peuvent exister entre les dates de fixation des prix et les modalités de cette fixation.

L’expert judiciaire produit neuf références portant sur des nouvelles locations aux surfaces et destinations semblables, quatre références portant sur des renouvellements amiables aux destinations semblables mais surfaces distinctes (moyennes surfaces) et cinq références portant sur des fixations judiciaires aux destinations semblables mais surfaces majoritairement distinctes (boutiques ou moyennes surfaces).

Outre le fait que la nature des références produites par la société Halion n’est pas connue (nouvelles locations ou renouvellements amiables), les termes de comparaison visés par l’expert judiciaire doivent être corrigés au regard de la situation géographique des locaux concernés. En effet, la commercialité des locaux litigieux n’est pas comparable à celle de supermarchés situés [Adresse 7], [Adresse 15],[Adresse 16]) ou [Adresse 8].

Les termes de comparaison doivent aussi être corrigés en fonction de leurs surfaces et des règles de pondération appliquées (boutiques, moyennes surfaces et grandes surfaces). Par exemple, le magasin Carrefour situé [Adresse 14] a été pondéré en base boutique (105,70 m2b). Sa comparabilité est donc limitée.

Les termes de comparaison doivent, enfin, être corrigés en fonction des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence. En l’occurrence, peu d’éléments sont fournis par le rapport d’expertise judiciaire (parking, commercialité, configuration, etc.) En revanche, s’agissant du magasin Monoprix situé [Adresse 5] (92) d’une surface pondérée de 1.191 m2p, dont le bail a été conclu, à effet du 1er juillet 2019, moyennant un prix unitaire de 198 € / m2p, les pièces versées aux débats établissent qu’il est situé dans une rue commerçante du centre-ville, à proximité de la gare de RER A.

Ainsi, en tenant compte :
- des facteurs locaux de commercialité (bonne commercialité avec la tenue, à proximité, d’un marché en plein air bi-hebdomadaire ; environnement mixte adapté à l’activité),

- des caractéristiques du local considéré (surface, volume et configuration adaptés à l’activité exercée / locaux facilement accessibles, que ce soit par la clientèle, le personnel ou les services logistiques),
- de la pondération effectuée (2.110,51 m2p)
- de la destination des lieux (majoration de 5 % pour large destination),
- des obligations respectives des parties (abattement au réel de la taxe foncière, majorations de 7 % au titre des clauses de cession et de
sous-location),
- des prix couramment pratiqués dans le voisinage (références produites, corrections nécessaires, appréciation à la hausse des prix unitaires incluant le transfert à la charge du preneur de la taxe foncière),
- de l’ensemble des développements précédents,

Le prix unitaire des locaux sera fixé à hauteur de 275 € par m2p (montant auquel acquiesce le preneur) pour une valeur locative de 580.390,25 €, avec application des majorations et abattements suivants :

+ 5 % pour la large destination,
+ 7 % pour la clause de cession et de sous-location,
- 40.585 € au titre de la taxe foncière 2021,

Pour un total de 609.452,08 € par an, hors charges et hors taxes (la majoration de 12 % devant être appliquée sur la valeur locative brute, avant déduction de la taxe foncière).

La valeur locative des locaux au 1er avril 2021 étant inférieure au plafond légal, c’est à la valeur locative que le prix du bail renouvelé doit être fixé, c’est-à-dire 609.452,08 €.

Sur le point de départ des intérêts au taux légal sur le différentiel de loyer

Les intérêts dus sur la différence entre le montant du loyer du bail renouvelé et le montant du loyer provisionnel courent, en l’absence de convention contraire, à compter de la délivrance de l'assignation introductive d'instance en fixation du prix lorsque le bailleur est à l'origine de la procédure et à compter de la notification du premier mémoire en défense lorsque c'est le preneur qui a saisi le juge.

En l’espèce, c’est la société Monoprix Exploitation qui est à l’origine de la procédure. Les intérêts dus sur la différence entre le montant du loyer du bail renouvelé et le montant du loyer provisionnel courent donc à compter de la notification du premier mémoire en défense. 

En application de l’article 1343-2 du code civil, les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, seront capitalisés.

Sur les autres demandes

Sur les dépens

Conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Dans la mesure où chacune des parties a intérêt à la fixation du loyer en renouvellement, les dépens de l’instance, en ce compris les frais d’expertise, seront partagés entre elles par moitié.

Sur les frais irrépétibles

Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.

En l’espèce, chaque partie conservera à sa charge les frais irrépétibles qu’elle a exposés pour faire valoir ses droits.

Sur l’exécution provisoire

En application de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la décision rendue n’en dispose autrement.

PAR CES MOTIFS

Le Juge des loyers commerciaux, statuant publiquement, par jugement contradictoire rendu en premier ressort,

DECLARE irrecevables les demandes portant sur les conditions d’actualisation du montant du dépôt de garantie et les modalités de reconduction des clauses et conditions du bail expiré,

FIXE, à compter du 1er avril 2021, le montant du loyer du bail renouvelé liant les parties et portant sur locaux situés [Adresse 3] et [Adresse 1] à [Localité 10] (78) à la somme de 609.452,08 € par an, hors charges et hors taxes,

DIT que intérêts dus sur la différence entre le montant du loyer du bail renouvelé et le montant du loyer provisionnel courent à compter de la notification du premier mémoire en défense de la société Halion,

ORDONNE la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par l’article 1343-2 du code civil,

RAPPELLE que la présente décision est un titre exécutoire qui permet au créancier d’agir à ses risques et péril en exécution forcée pour recouvrer le trop-perçu de loyer sous réserve du recours au droit d’option prévu par l’article L. 145-57 du code de commerce,

DIT que chaque partie restera tenue des frais irrépétibles qu’elle a engagés pour la défense de ses droits,

PARTAGE par moitié entre les parties les dépens de l’instance, en ce compris les frais de l’expertise judiciaire diligentée,

REJETTE les autres demandes,

RAPPELLE que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit.

Ainsi fait, jugé et prononcé par mise à disposition au greffe le 21 MARS 2024, par Madame GARDE, Juge des Loyers Commerciaux, assistée de Madame LOPES DOS SANTOS, Greffier, lesquelles ont signé la minute du présent jugement.

LE GREFFIERLE JUGE DES LOYERS COMMERCIAUX
Carla LOPES DOS SANTOS Angéline GARDE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Versailles
Formation : Juge loyers commerciaux
Numéro d'arrêt : 23/04879
Date de la décision : 21/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-21;23.04879 ?
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