N° RG 24/01235 - N° Portalis DBZT-W-B7I-GI24
Minute n° 24/00074
AFFAIRE : [M] [X] épouse [H] / S.A.S. EOS FRANCE.
Code NAC : 78F Nature particulière :2E
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VALENCIENNES
LE JUGE DE L'EXÉCUTION
JUGEMENT DU 30 JUILLET 2024
JUGE DE L’EXÉCUTION : Madame Agnès DEIANA, Juge,
GREFFIER : Madame Anne Sophie BIELITZKI
DEMANDERESSE
Mme [M] [X] épouse [H], née le [Date naissance 2] 1961 à [Localité 5], demeurant [Adresse 1] ;
Représentée par Maître Frédéric MASSIN de la SCP TIRY-DOUTRIAUX, avocats au barreau de VALENCIENNES, vestiaire: 4 ;
DÉFENDERESSE
La S.A.S. EOS FRANCE (anciennement dénommée CONTENTIA France et venant aux droits de la société COFIDIS), inscrite au RCS de PARIS sous le n° 488 825 217, représentée par Monsieur [S] [Y], dont le siège social est sis [Adresse 3], prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège ;
Représentée par Maître Jean-Baptiste ZAAROUR de la SELARL VALJURIS AVOCATS, avocats au barreau de VALENCIENNES, vestiaire : 52 ;
Le juge de l’exécution après avoir entendu les parties et leurs avocats en leurs conclusions à l'audience du 02 juillet 2024 a mis l'affaire en délibéré et indiqué que le jugement sera prononcé par mise à disposition au greffe le 30 juillet 2024, date à laquelle a été rendu le jugement dont la teneur suit:
EXPOSE DU LITIGE
Le 21 avril 2023, Me [C], commissaire de justice à [Localité 4], agissant à la requête de la SAS EOS France, a procédé en vertu d'un jugement du tribunal d'instance de Maubeuge rendu le 10 mars 1995 à la signification à la personne de Mme [M] [X] d'un commandement aux fins de saisie-vente de payer 2144,82 euros en principal, frais et intérêts outre une cession de créance.
Le 1er décembre 2023, la SAS EOS France a été assignée à comparaître par Mme [M] [X] devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Valenciennes en l'audience du 5 décembre 2023 par acte signifié à personne morale.
L'affaire a fait l'objet d'une radiation par ordonnance rendue le 19 décembre 2023 puis d'une réinscription en l'audience du 4 juin 2024.
Après avoir fait l'objet de deux renvois à la demande de l'une ou l'autre des parties, l'affaire a été retenue à l'audience du 2 juillet 2024.
Les représentants des parties se sont référés au contenu de leurs écritures déposées à l'audience.
Mme [M] [X] demande au juge de l'exécution de prononcer la nullité des commandements de payer aux fins de saisie vente délivrés les 9 octobre 2015 et 24 avril 2023 et condamner la SAS EOS France, outre aux entiers dépens, à lui payer la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles.
Subsidiairement, elle demande de voir fixer le montant de la créance en principale à 2322,36 euros, 67,03 au titre des frais et 743,04 euros au titre des intérêts et lui accorder les plus larges délais de paiement ainsi que d'ordonner que les sommes dues porteront intérêts au taux réduit et que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital.
Elle fait valoir que le commandement délivré le 9 octobre 2015 n'a pu valablement interrompre la prescription du titre exécutoire en ce qu'à cette date la cession de la créance ne lui était pas opposable et qu'aucun élément ne permet d'individualiser la créance cédée de sorte que EOS ne justifie pas de sa qualité de créancier.
Subsidiairement, elle expose que les intérêts se prescrivent par deux ans s'agissant d'un service fournit par un professionnel à un consommateur et que la précarité de sa situation rend nécessaire l'octroi des plus larges délais.
La SAS EOS France demande pour sa part au juge de l'exécution de débouter Mme [M] [X] de l'ensemble de ses demandes et la condamner à lui payer la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre aux entiers dépens.
Elle excipe de ce qu'elle dispose d'un titre constatant une créance liquide et exigible, non prescrite, via un jugement du tribunal d'instance de Maubeuge condamnant Mme [M] [X] à payer à la société COFIDIS la somme de 9471 francs au taux contractuel de 16,80% à compter du 7 janvier 1994 ; que la créance a été cédée à EOS Contentia devenue EOS Credirec suivant contrat de cession en date du 30 novembre 2009 ; que la signification de la cession peut intervenir à tout moment, y compris par voie de conclusions dès lors que toutes les informations nécessaires et utiles sur le transfert de créance sont transmises au débiteur ; que si la signification de la cession de créance est nécessaire pour que le cessionnaire puisse opposer au tiers le droit acquis par celui-ci, le défaut d'accomplissement de ces formalités ne rend pas le cessionnaire irrecevable à réclamer au débiteur cédé l'exécution de son obligation quant cette exécution n'est susceptible de faire grief à aucun droit advenu depuis la naissance de la créance audit débiteur cédé; qu'en l'espèce Mme [M] [X] n'a effectué aucun paiement et ne justifie d'aucun grief ; qu'elle produit les éléments permettant l'identification de la créance cédée en produisant le titre exécutoire et l'annexe mentionnant la référence du contrat ; qu'il est indifférent que s'agissant du nom ce soit M [T] qui a été mis hors de cause par le jugement qui soit mentionné à la place de Mme [M] [X] ; qu'aucun texte n'impose une identification par le nom ou par le montant ; qu'elle justifie d'un commandement de payer valant saisie vente engageant la mesure d'exécution venue interrompre la prescription du titre et faisant courir un nouveau délai ;
Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est fait référence à leurs conclusions écrites respectives visées à l'audience.
L'affaire a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 30 juillet 2024.
MOTIVATION
Sur la demande relative à la saisie vente :
Aux termes de l'article L221-1 du code des procédures civiles d'exécution " tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, après signification d'un commandement, faire procéder à la saisie et à la vente des biens meubles corporels appartenant à son débiteur, qu'ils soient ou non détenus par ce dernier. "
En matière de cession de créance, l'article 1689 ancien du code civil dispose que dans le transport d'une créance, d'un droit ou d'une action sur un tiers, la délivrance s'opère entre le cédant et le cessionnaire par la remise du titre.
En outre, l'article 1690 du code civil ancien, précise que le cessionnaire n'est saisie à l'égard des tiers que par la signification du transport faite au débiteur.
Néanmoins, le cessionnaire peut être également saisie par l'acceptation du transport faire par le débiteur dans un acte authentique.
Il résulte de l'application de ces articles que :
- les formalités de l'article 1690 précité ne sont exigées qu'en matière de cession de créance et non pas lorsqu'il y a transmission des éléments actifs et passifs à titre universelle, comme en cas de fusion entre sociétés et d'absorption d'une société par une autre ;
- que les formalités de l'article 1690 du code civil précité ne sont pas non plus exigées en cas de simple changement de dénomination sociale ;
- que la signification de la cession ou l'acceptation authentique est en principe nécessaire pour que le cessionnaire puisse opposer aux tiers le droit acquis par lui, le défaut d'accomplissement de ces formalités ne rend pas le cessionnaire irrecevable à réclamer au débiteur cédé l'exécution de son obligation quand cette exécution n'est susceptible de faire grief à aucun droit advenu depuis la naissance de la créance, soit audit débiteur cédé soit à une autre personne étrangère ;
- la signification de la cession de créance peut intervenir dans une assignation en paiement ou même en cours d'instance ;
- la cession de créance a pour effet de transférer les titres exécutoires qui sont les accessoires de la créance cédée.
C'est à l'organisme auquel la créance a été cédée qu'il appartient de rapporter la preuve de la réalité de celle ci.
Il est constant que si l'indication précise du montant de la créance cédée n'est pas prescrite à peine de nullité d'un acte de cession de créance, ce dernier doit néanmoins contenir les éléments permettant l'identification et l'individualisation de la créance cédée.
En l'espèce, la SAS EOS France produit le contrat de cession du 30 novembre 2009 mentionnant en annexe la cession de la créance ainsi identifiée : " numéro de dossier : 604146704 Mr [T] [G] 16-07-47 " et le jugement rendu par le tribunal d'instance de Maubeuge le 10 mars 1995 condamnant Mme [M] [X] et mettant hors de cause Mr [T] [G] en ce que seule Mme [M] [X] a reconnu avoir souscrit le contrat de crédit.
Force est de constater que le contrat de crédit initialement souscrit n'est pas produit, que le titre exécutoire ne mentionne aucune numéro ou référence de contrat et que le débiteur est Mme [M] [X] uniquement. Rien ne permet de lier le numéro de dossier ou de créance au jugement constituant le titre exécutoire, étant précisé que Mr [T] ne peut être considéré comme un codébiteur puisque COFIDIS a été débouté de toute demande à son encontre. En conséquence ni le numéro ni le nom du débiteur ne permettent de lier la créance cédée à celle qui est réclamée à Mme [M] [X] sur le fondement du jugement produit.
D'où il suit que la mesure d'exécution n'est pas fondée et la nullité du commandement de payer sera prononcée.
S'agissant du commandement de payer dressé le 9 octobre 2015 à la demande de la SAS Contentia France venants aux droits de la SA Cofidis, qui n'est pas partie à l'instance, aucune nullité ne saurait être prononcée ;
Il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes subsidiaires.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Vu les articles 696 et 700 du Code de procédure civile ;
En l'espèce, la SAS EOS France qui succombe au principal sera condamnée aux dépens de l'instance et à verser à Mme [M] [X] la somme de mille euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Le juge de l'exécution statuant publiquement par jugement contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en premier ressort :
Le dit jugement étant exécutoire de plein droit en vertu de l'article R. 121-21 du code des procédures civiles d'exécution et de l'article 504 du code de procédure civile ;
PRONONCE la nullité du commandement de payer aux fins de vente dressé le 21 avril 2023 à la demande de la SAS EOS France en vertu d'un jugement du tribunal d'instance de Maubeuge rendu le 10 mars 1995 ;
DÉBOUTE Mme [M] [X] de sa demande de nullité du commandement de payer dressé le 9 octobre 2015 à la demande de la SA CONTENTIA France ;
CONDAMNE la SAS EOS France à verser à Mme [M] [X] la somme de mille euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile;
CONDAMNE la SAS EOS France aux dépens de l'instance lesquels seront recouvrés, le cas échéant, conformément aux dispositions relatives à l'aide juridictionnelle.
LE GREFFIER LE JUGE DE L'EXÉCUTION