N° RG 24/00809 - N° Portalis DBZT-W-B7I-GHZ6
Minute n° 24/00071
AFFAIRE : [R] [Y] / [E] [V]
Code NAC : 78F Nature particulière :0A
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VALENCIENNES
LE JUGE DE L'EXÉCUTION
JUGEMENT DU 30 JUILLET 2024
JUGE DE L’EXÉCUTION : Madame Agnès DEIANA, Juge,
GREFFIER : Madame Anne Sophie BIELITZKI
DEMANDEUR
M. [R] [Y], né le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 5] (ALGÉRIE), demeurant [Adresse 3] ;
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2024/001100 du 26/02/2024 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Valenciennes) ;
Représenté par Me Soraya KRONBY HALHOULI, avocat au barreau de VALENCIENNES, vestiaire : 1 ;
DÉFENDERESSE
Mme [E] [V], née le [Date naissance 2] 1970 à [Localité 6], demeurant [Adresse 4];
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2024/001582 du 16/04/2024 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Valenciennes)
Représentée par Maître Christelle MATHIEU de la SCP MINET-MATHIEU, avocats au barreau de VALENCIENNES, vestiaire : 36 ;
Le juge de l’exécution après avoir entendu les parties et leurs avocats en leurs conclusions à l'audience du 18 juin 2024 a mis l'affaire en délibéré et indiqué que le jugement sera prononcé par mise à disposition au greffe le 30 juillet 2024, date à laquelle a été rendu le jugement dont la teneur suit:
EXPOSE DU LITIGE
Le 15 février 2024, Me [G], commissaire de justice à [Localité 6], agissant à la requête de Mme [E] [V], a procédé en vertu d'un jugement du juge aux affaires familiales du 14 octobre 2014 à la signification au domicile de M.[R] [Y] d'un commandement aux fins de saisie-vente de payer 1579,48 euros en principal, frais et intérêts.
Le 3 avril 2024, Mme [E] [V] a été assignée à comparaître par M.[R] [Y] devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Valenciennes en l'audience du 21 mai 2024 par acte signifié à domicile élu.
Après avoir fait l'objet de deux renvois à la demande de l'une ou l'autre des parties, l'affaire a été retenue à l'audience du 18 juin 2024.
Les représentants des parties se sont référés au contenu de leurs écritures déposées à l'audience.
M.[R] [Y] demande au juge de l'exécution le bénéfice de son acte introductif d'instance :
- suspendre la procédure d'exécution dans l'attente de la décision du juge aux affaires familiales;
- lui accorder les plus larges délais de paiement pour s'acquitter de sa dette ;
- suspendre les intérêts dus sur la somme en principal et juger que les paiements effectués s'effectueront d'abord sur le capital ;
- débouter Mme [E] [V] de sa demande au titre des frais de recouvrement
- débouter Mme [E] [V] de l'ensemble de ses demandes
- condamner Mme [E] [V] aux entiers dépens ;
Il fait valoir qu'il a cessé de payer la pension alimentaire mise à sa charge en février 2023 suite à des difficultés financières et justifie de sa situation, que Mme [E] [V] s'est rapprochée de la CAF de sorte qu'il lui fait sommation d'avoir justifier du non paiement des pensions alimentaires par la CAF, qu'il a saisi le juge aux affaires familiales pour faire réviser la pension alimentaire ;
Mme [E] [V] demande pour sa part au juge de l'exécution, au visa de l'article R 121-1 du code des procédures civiles d'exécution de :
- déclarer M [R] [Y] irrecevable en sa demande suspension
- à titre subsidiaire, le débouter ;
- condamner M [R] [Y] à payer à Mme [E] [V] la somme de 2000 euros pour procédure abusive
- condamner M [R] [Y] à payer à Mme [E] [V] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre aux entiers frais et dépens ;
Elle excipe de ce que le juge de l'exécution n'a pas compétence pour suspendre les procédures d'exécution de sorte que la demande est irrecevable ; que sur le fond les demandes de délais reviennent à modifier la décision du juge aux affaires familiales servant le fondement aux poursuites, qu'il appartient à M [R] [Y] de saisir le juge aux affaires familiales pour voir modifier la pension alimentaire, qu'elle justifie en outre ne pas avoir eu de paiement par l'organisme d'aide au recouvrement des pensions alimentaires. Elle estime la procédure abusive.
L'affaire a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 30 juillet 2024.
MOTIVATION
À titre préliminaire il sera rappelé qu'en application des dispositions de l'article 753 du code de procédure civile issu du décret 2017-892 du 6 mai 2017 portant diverses mesures de modernisation et de simplification de la procédure civile : " Les conclusions doivent formuler expressément les prétentions des parties ainsi que les moyens en fait et en droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. (…) Le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion."
Par ailleurs, les demandes de " donner acte ", de " constater ", de " dire que " ne constituent pas, sauf exception, des prétentions sur lesquelles le juge doit se prononcer au sens de l'article 4 du code de procédure civile, l'éventuelle décision de donner acte étant en tout état de cause dépourvue d'effet. Il n'y a donc pas lieu de statuer sur les " prétentions " formulées en ce sens et notamment sur sommation faite à Mme [E] [V] ou sur la demande constater l'insuffisance des ressources de M [R] [Y].
Sur la demande de suspension des procédures d'exécution :
Aux termes de l'article L221-1 du code des procédures civiles d'exécution " tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, après signification d'un commandement, faire procéder à la saisie et à la vente des biens meubles corporels appartenant à son débiteur, qu'ils soient ou non détenus par ce dernier. "
Selon l'article R. 121-1 du code des procédures civiles d'exécution, le juge de l'exécution ne peut suspendre l'exécution de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites.
En l'espèce, la procédure de saisie vente est fondée sur un jugement du juge aux affaires familiales rendu le 14 octobre 2024 régulièrement signifié à M [R] [Y] le 1er février 2024 et partant sur un titre exécutoire et définitif constatant une créance liquide et exigible qui n'est d'ailleurs pas contestée en son principe. Il importe peu que M [R] [Y] ait saisi le juge aux affaires familiales aux fins de modification de la pension alimentaire et qu'il démontre de réelles difficultés de paiement. Il n'appartient pas au juge de l'exécution de trancher sur le fond du droit et le bien fondé ou non de la créance. Les développements des parties sur ce point sont indifférents.
Par ailleurs, il n'est pas inutile de rappeler qu'il appartient au débiteur d'apporter la preuve du paiement de la pension alimentaire et non pas au créancier de la pension qu'elle n'a rien perçu.
D'où il suit que la demande de suspension sera rejetée.
Sur la demande de délai de paiement :
En vertu de l'article 1343-5 du Code Civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues ; par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital ; il peut subordonner ces mesures à l'accomplissement par le débiteur d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette ; la décision du juge suspend les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d'intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge ; toute stipulation contraire est réputée non écrite ; les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux dettes d'aliment ;
En l'espèce, compte tenu de la nature alimentaire de la créance, destinée à satisfaire aux besoins primaires de l'enfant et des délais dont le débiteur a déjà bénéficié de fait il ne peut y avoir octroi de délai de paiement ;
En conséquence, la demande sera rejetée ;
Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive :
Aux termes de l'article L. 213-6 du Code de l'organisation judiciaire : " Le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit, à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire. (...)
Il connaît, sous la même réserve, des demandes en réparation fondées sur l'exécution ou l'inexécution dommageables des mesures d'exécution forcée ou des mesures conservatoires " ;
En l'espèce, Mme [E] [V] ne démontre pas en quoi l'action diligentée par M [R] [Y] lui porte préjudice ni l'existence d'une faute ouvrant droit à réparation ;
D'où il suit que Mme [E] [V] sera déboutée de sa demande ;
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Vu les articles 696 et 700 du Code de procédure civile ;
En l'espèce, M [R] [Y] qui succombe au principal sera condamné aux dépens de l'instance et à verser à Mme [E] [V] la somme de huit cent euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile;
PAR CES MOTIFS
Le juge de l'exécution statuant publiquement par jugement contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en premier ressort :
Le dit jugement étant exécutoire de plein droit en vertu de l'article R. 121-21 du code des procédures civiles d'exécution et de l'article 504 du code de procédure civile ;
REJETTE la demande de suspension de la procédure d'exécution forcée ;
DÉBOUTE M [R] [Y] de sa demande de délai de paiement ;
DÉBOUTE Mme [E] [V] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
CONDAMNE M [R] [Y] à verser à Mme [E] [V] la somme de huit cent euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
DÉBOUTE M [R] [Y] de sa demande au titre des frais irrépétibles;
CONDAMNE M [R] [Y] aux dépens de l'instance lesquels seront recouvrés, le cas échéant, conformément aux dispositions relatives à l'aide juridictionnelle ;
LE GREFFIER LE JUGE DE L'EXÉCUTION