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15/07/2024 | FRANCE | N°24/00430

France | France, Tribunal judiciaire de Saint-Etienne, Service des référés, 15 juillet 2024, 24/00430


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ORDONNANCE DU : 15 Juillet 2024
DOSSIER N° : N° RG 24/00430 - N° Portalis DBYQ-W-B7I-IKYT
AFFAIRE : [W]-[J] (SELARL), [O] [W] C/ [C] [J]


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE SAINT ETIENNE

Service des référés

ORDONNANCE DE REFERE

REFERE A HEURE INDIQUEE


PRESIDENTE : Alicia VITELLO

GREFFIERE : Céline TREILLE


PARTIES :

DEMANDERESSES

SELARL [W]-[J], demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Pierre BERGER, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE, avocat postulant, Cabinet ARCHIBALD, Me Sophie DECHELETTE-ROY, avoc

at au barreau de LYON, vestiaire : 669, avocat plaidant

Madame [O] [W], demeurant [Adresse 1] ( LOIRE)

représentée par Me Pierre BER...

MINUTE
ORDONNANCE DU : 15 Juillet 2024
DOSSIER N° : N° RG 24/00430 - N° Portalis DBYQ-W-B7I-IKYT
AFFAIRE : [W]-[J] (SELARL), [O] [W] C/ [C] [J]

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE SAINT ETIENNE

Service des référés

ORDONNANCE DE REFERE

REFERE A HEURE INDIQUEE

PRESIDENTE : Alicia VITELLO

GREFFIERE : Céline TREILLE

PARTIES :

DEMANDERESSES

SELARL [W]-[J], demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Pierre BERGER, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE, avocat postulant, Cabinet ARCHIBALD, Me Sophie DECHELETTE-ROY, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 669, avocat plaidant

Madame [O] [W], demeurant [Adresse 1] ( LOIRE)

représentée par Me Pierre BERGER, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE, avocat postulant, Cabinet ARCHIBALD, Me Sophie DECHELETTE-ROY, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 669, avocat plaidant

DEFENDEUR

Monsieur [C] [J], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Valérie ROSSARD, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE, avocat postulant, Me Alain GUIDI, avocat associé du cabinet BGDM, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant

Débats tenus à l'audience du : 04 Juillet 2024
Date de délibéré indiquée par la Présidente: 15 Juillet 2024

EXPOSE DU LITIGE

Par ordonnance en date du 24 juin 2024, la SELARL [W] [J] et Madame [O] [W] ont été autorisées par le Président du Tribunal Judiciaire de SAINT-ETIENNE a assigné à heure indiquée Monsieur [C] [J], pour l'audience du jeudi 27 juin 2024 à 9 heures.

Par acte d'huissier en date du 25 juin 2024, la SELARL [W] [J] et Madame [O] [W] ont fait assigner Monsieur [C] [J] devant le juge des référés du Tribunal Judiciaire de SAINT-ETIENNE, selon la procédure de référé à heure indiquée, afin de voir :
- prononcer l'interdiction à Maître [C] [J] d'accéder aux locaux de la SELARL [W] [J] situés [Adresse 3] et ce, jusqu'au jour du prononcé de l'ordonnance à venir dans le cadre de l'action à jour fixe initiée par la SELARL [W] [J] à l'encontre de Maître [J] ;
- prononcer l'interdiction à Maître [C] [J] d'accéder ou d'utiliser tout moyen, outil ou dispositif de paiement appartenant à la SELARL [W] [J] et ce, jusqu'au jour du prononcé de l'ordonnance à venir dans le cadre de l'action à jour fixe initiée par la SELARL [W] [J] à l'encontre de Maître [J] ;
- condamner Maître [C] [J] à payer à la SELARL [W] [J] la somme de 2 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'affaire a fait l'objet d'un renvoi afin de permettre à Monsieur [C] [J] de préparer sa défense. Elle est retenue à l'audience du 4 juillet 2024. La SELARL [W] [J] et Madame [O] [W] maintiennent leurs demandes, y ajoutant sollicitent de voir rejeter les demandes reconventionnelles formulées par Maître [J].

Au visa des articles 485 et 835 du code de procédure civile, les demanderesses exposent que Maître [W] et Maître [J] sont commissaires de justice à [Localité 4], associés au sein de la SELARL [W] [J] en 2018. Elles prétendent avoir découvert que Maître [J] a commis des actes susceptibles de constituer des infractions pénales, des manquements civils, des infractions aux règles professionnelles des commissaires de justice, gravement contraires aux intérêts de la SELARL. Elles ajoutent que, depuis le début de l'état 2023, Maître [J] a cessé de se présenter régulièrement au sein de la SELARL et ne s'est pas présenté à un contrôle de comptabilité organisé le 1er septembre 2023, mais que, placé en arrêt de travail le 14 août 2023, ce dont Maître [W] n'a pas été informée, Maître [J] a pourtant continué d'intervenir dans des affaires en cours pour le compte de la SELARL. Elles indiquent que, par courrier recommandé du 13 septembre 2023, le conseil de Maître [W] a mis en demeure Maître [J] de restituer l'ensemble des outils nécessaires à l'exercice de son mandat social et dont il était resté en possession, et de cesser toute activité pour le compte de la SELARL, ce qu'il a fait le 19 octobre 2023, dans un état de dégradation avancé. Elles disent que Maître [J] s'est abstenu de procéder à toute démarche, laissant Maître [W] gérer seule son absence et que le possible retour de Maître [J] au sein de la SELARL expose cette dernière à la réitération d'actes qui lui seraient hautement préjudiciables. Concernant la demande de dépaysement du dossier formulée par Monsieur [C] [J], elles indique que l'application de l'article 47 du code de procédure civile est contraire à l'autorisation d'assigner en référé à heure indiqué qui leur a été accordée.

A titre principal, Monsieur [C] [J] sollicite de voir ordonner le renvoi de la procédure devant la juridiction limitrophe.

A titre subsidiaire, il sollicite de voir renvoyer les demanderesses à mieux se pourvoir.

A titre reconventionnel, il demande la désignation d'un conciliateur aux fins de permettre de trouver une solution au conflit qui l'oppose à Madame [O] [W].

A titre subsidiaire, il sollicite la désignation d'un administrateur provisoire aux fins de gérer la société [W] [J].

En tout état de cause, il sollicite la désignation d'un mandataire ad hoc, aux fins de représenter la société en lieu et place des dirigeants.

Il sollicite enfin de voir débouter les demanderesses de leur demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Au visa des articles 47, 131-1, 700 et 835 du code de procédure civile, Monsieur [C] [J] expose qu'il exerce la profession de commissaire de justice, et qu'il demeure commissaire de justice tant que la séparation ne sera pas actée par une décision d'assemblée générale de la société qui sera ensuite soumise aux autorités de tutelle. Il affirme qu'il est toujours en arrêt maladie, et ce jusqu'au mois d'août 2024, de sorte que la demande est sans objet, et qu'il a présenté sa démission au Garde des Sceaux, qui ne l'a pas encore acceptée. Il précise avoir sollicité la tenue d'une assemblée générale extraordinaire, aux fins de statuer sur la cession de ses titres à titre gracieux à son associée, sur la démission de ses fonctions jusqu'à la publication de l'arrêté, et sur la suppression de son droit de présentation dont la société est propriétaire. Il estime que les demandes formulées par la SELARL [W] FRANCHIR et Madame [O] [W] ont pour objet d'interdit l'activité d'un commissaire de justice, alors même qu'il ne fait l'objet d'aucune interdiction d'exercer la profession et qu'il n'existe aucun dommage imminent ni trouble manifestement illicite.

L'affaire est mise en délibéré au 15 juillet 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, sur le dépaysement

Aux termes de l'article 47 du code de procédure civile, lorsqu'un magistrat ou un auxiliaire de justice est partie à un litige qui relève de la compétence d'une juridiction dans le ressort de laquelle celui-ci exerce ses fonctions, le demandeur peut saisir une juridiction située dans un ressort limitrophe. Le défendeur ou toutes les parties en cause d'appel peuvent demander le renvoi devant une juridiction choisie dans les mêmes conditions. A peine d'irrecevabilité, la demande est présentée dès que son auteur a connaissance de la cause de renvoi. En cas de renvoi, il est procédé comme il est dit à l'article 82.

En l'espèce, la SELARL [W] FRANCHIR et Madame [O] [W] ont été autorisées par le Président du Tribunal Judiciaire de SAINT-ETIENNE à assigner à heure indiquée Monsieur [C] [J], selon ordonnance du 24 juin 2024.

L'application de l'article 47 du code de procédure civile est contraire à cette autorisation d'assigner à heure fixe et serait de nature à faire définitivement échec aux prétentions du requérant.

Il convient donc de débouter Monsieur [C] [J] de sa demande d'application des dispositions de l'article 47 du code de procédure civile.

Sur les demandes de la SELARL [W] FRANCHIR et de Madame [O] [W]

Aux termes de l'article 835 alinéa 1er du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Il résulte des pièces versées aux débats que Maître [C] [J] semble avoir mis à la charge des comptes de la SELARL [W] [J], par le biais d'un changement de coordonnées bancaires, des prélèvement mensuels d'un montant de 779,42 euros entre le 1er novembre 2021 et le 31 octobre 2022, correspondant au prêt d'installation souscrit par Maître [C] [J].

Madame [O] [W] a déposé plainte auprès du Procureur de la République de [Localité 4] par courrier du 20 décembre 2022, ayant découvert que Maître [C] [J] a ordonné la réalisation de deux virements du compte affecté « [J] » vers son compte personnel, les 8 et 13 décembre 2022, pour un montant total de 6 000,00 euros.

Maître [O] [W] a en outre dénoncé avoir constaté, au 1er août 2023, que des prélèvements dont les libellés ne sont rattachables à aucune mission confiée à l'étude sont effectués sur le compte de l'office [J] pour la somme de 142,44 euros en date du 31 juillet 2023 et pour la somme de 179,92 euros en date du 1er août 2023.

Les demanderesses produisent également des échanges de mail qui démontrent que Maître [J] a exercé des activités rattachées à son statut de commissaire de justice, alors même qu'il était en arrêt de travail (mails du 8 août 2023).

Selon le rapport suite à la mission occasionnelle des 8 et 9 février 2023, réalisée au sein de l'office SELARL [W] [J], « la représentation des fonds détenus pour le compte des clients n'a pas été assurée entre le 8 décembre 2022 et le 10 février 2023 dans l'office [J] par le virement de fonds directement sur le compte personnel du titulaire à hauteur de 6 000,00 euros et l'anticipation du versement par un client d'un honoraire facturé sans contrepartie bancaire à hauteur de 24 000,00 euros. La comptabilité générale de l'étude et l'activité accessoire devront faire l'objet d'une application stricte des fondamentaux. Cependant, les états de rapprochements bancaires sont, dans l'ensemble, correctement établis. La situation de trésorerie est considérée comme inquiétante, malgré l'obtention d'un prêt garanti par l’État (PGE) d'un montant de 150 000 euros, le solde du compte bancaire de gestion de la société est négatif de plus de 49 000 euros au 31 décembre 2022 ». Le rapport précise en outre que Maître [J] a indiqué avoir des problèmes d'ordre privé, et rencontrer des difficultés financières, tout en confirmant les dires de son associée, précisant les dates et les montants des opérations « exotiques » qu'il a effectuées ».

Au mois de janvier 2024, Maître [O] [W] a constaté que des prélèvements mensuels d'un montant de 501,78 euros (501,37 euros au mois de septembre) ont été effectués, correspondant aux mensualités du prêt de Maître [C] [J].

Par mail du 13 juin 2024, Monsieur [C] [J] a demandé à ce que ses identifiants, mots de passe et télécommande d'accès aux comptes de la SELARL ainsi que de la SCI soient mis à sa disposition, et a indiqué qu'il souhaitait les récupérer à compter du 1er juillet 2024.

Enfin, la démission de Maître [C] [J], si elle a bien été adressée au Garde des Sceaux, n'est pas encore effective, de sorte que ce dernier peut encore exercer son activité de commissaire de justice.

Le péril imminent est en l'espèce caractérisé par le risque que font peser les agissements de Monsieur [C] [J] sur la SELARL [W] [J], et le seul fait que celui-ci soit placé en arrêt de travail jusqu'à la fin du mois d'août 2024 ne suffit pas à garantir à la SELARL [W] [J] qu'il ne tentera pas de commettre de nouveaux méfaits à son préjudice.

Il convient donc de prononcer l'interdiction à Maître [C] [J] d'accéder aux locaux de la SELARL [W] [J] situés [Adresse 3] et ce, jusqu'au jour du prononcé de l'ordonnance à venir dans le cadre de l'action à jour fixe initiée par la SELARL [W] [J] à l'encontre de Maître [J], et de prononcer l'interdiction à Maître [C] [J] d'accéder ou d'utiliser tout moyen, outil ou dispositif de paiement appartenant à la SELARL [W] [J] et ce, jusqu'au jour du prononcé de l'ordonnance à venir dans le cadre de l'action à jour fixe initiée par la SELARL [W] [J] à l'encontre de Maître [J].

Sur la demande reconventionnelle

L'article 131-1 du code de procédure civile dispose que le juge saisi d'un litige peut, après avoir recueilli l'accord des parties, ordonner une médiation. Le médiateur désigné par le juge a pour mission d'entendre les parties et de confronter leurs points de vue pour leur permettre de trouver une solution au conflit qui les oppose. La médiation peut également être ordonnée en cours d'instance par le juge des référés.

En l'espèce, cette mesure n'apparaît pas adaptée au présent litige et incompatible avec la procédure à heure indiquée.

S'agissant de l'administrateur provisoire, il apparaît que Maître [W] gère la société depuis plus d'un an en l'absence de son associé et qu'il n'est pas démontré qu'il y ait un fonctionnement anormal de la société, nonobstant l'absence de Maître [J] et la mésentente entre les associés. Une difficulté de trésorerie n'est pas un motif suffisant pour ordonner cette désignation. Par ailleurs, un administrateur provisoire n'aura pas la qualité de commissaire de justice et ne pourra donc pas accomplir les actes relevant de cette fonction. Il convient donc de rejeter cette demande, tout comme celle au titre d'un mandataire ad hoc pour les mêmes raisons.

Sur la demande accessoire

Maître [C] [J] succombant à l'instance, il sera condamné aux dépens.

Il sera également condamné à payer à la SELARL [W] [J] la somme de 1500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le juge des référés, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe en application des articles 450 à 453 du code de procédure civile, les parties préalablement avisées, par ordonnance contradictoire et en premier ressort ;

REJETTE la demande de dépaysement de Maître [C] [J] ;

PRONONCE l'interdiction à Maître [C] [J] d'accéder aux locaux de la SELARL [W] [J] situés [Adresse 3] et ce, jusqu'au jour du prononcé de l'ordonnance à venir dans le cadre de l'action à jour fixe initiée par la SELARL [W] [J] à l'encontre de Maître [J] ;

PRONONCE l'interdiction à Maître [C] [J] d'accéder ou d'utiliser tout moyen, outil ou dispositif de paiement appartenant à la SELARL [W] [J] et ce, jusqu'au jour du prononcé de l'ordonnance à venir dans le cadre de l'action à jour fixe initiée par la SELARL [W] [J] à l'encontre de Maître [J] ;

REJETTE toutes les demandes de Maître [C] [J] ;

CONDAMNE Maître [C] [J] à payer à la SELARL [W] [J] la somme de 1 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Maître [C] [J] aux dépens.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
Céline TREILLE Alicia VITELLO

Grosse + Copie :
Me Sophie DECHELETTE-ROY ( par Me Pierre BERGER)
COPIES
-Me Alain GUIDI ( par Me Valérie ROSSARD)
- DOSSIER
Le 15 Juillet 2024


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Saint-Etienne
Formation : Service des référés
Numéro d'arrêt : 24/00430
Date de la décision : 15/07/2024
Sens de l'arrêt : Autres mesures ordonnées en référé

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-15;24.00430 ?
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