RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE ST DENIS
MINUTE N°
1ERE CHAMBRE
AFFAIRE N° RG 23/01685 - N° Portalis DB3Z-W-B7H-GJX4
NAC : 74D
JUGEMENT CIVIL
DU 30 AOUT 2024
DEMANDEURS
M. [S] [F]
[Adresse 9]
[Localité 17]
Rep/assistant : Me Sylvie MOUTOUCOMORAPOULE, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
Mme [O] [V] épouse [F]
[Adresse 9]
[Localité 17]
Rep/assistant : Me Sylvie MOUTOUCOMORAPOULE, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
DÉFENDEUR
M. [H] [Y]
[Adresse 8]
[Localité 17]
Rep/assistant : Me Jean jacques MOREL, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
Copie exécutoire délivrée le : 30.08.2024
CCC délivrée le :
à Me Jean jacques MOREL, Me Sylvie MOUTOUCOMORAPOULE
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Le Tribunal était composé de :
Madame Patricia BERTRAND, Juge Unique
assistée de Madame Marina GARCIA, greffière
LORS DES DÉBATS
L’affaire a été évoquée à l’audience du 01 Juillet 2024.
LORS DU DÉLIBÉRÉ ET DU PRONONCÉ
A l’issue des débats, les parties présentes et leurs conseils ont été avisés que le jugement serait mis à leur disposition le 30 Août 2024.
JUGEMENT : Contradictoire, du 30 Août 2024 en premier ressort
Prononcé par mise à disposition par Madame Patricia BERTRAND, Vice-présidente assistée de Madame Isabelle SOUNDRON, greffière
En vertu de quoi, le Tribunal a rendu le jugement dont la teneur suit :
EXPOSE DU LITIGE
Par exploit délivré le 17/05/2023 Mr et Mme [F] ont assigné Mr [Y] devant ce tribunal pour faire fixer la servitude grevant la parcelle AP n° [Cadastre 5] au profit de la parcelle AP n° [Cadastre 1];
Dans leurs dernières conclusions enregistrées le 9 février 2024 ils demandent au tribunal, au visa de l'article 483 du Code civil, de :
FIXER l’assiette de la servitude grevant la parcelle AP n° [Cadastre 5], pour partie anciennement n° [Cadastre 16] au profit de la parcelle AP n° [Cadastre 1], anciennement n° [Cadastre 15].
En conséquence, JUGER que la bande de terrain située sur le côté EST de la parcelle AP n° [Cadastre 5] ne correspond pas à la servitude conventionnelle mentionnée par l’acte de donation-partage du 11 janvier 1980 et l’acte de vente du 25 novembre 2011 établie au profit de la parcelle AP n° [Cadastre 1], anciennement n° [Cadastre 15] ;
Avant dire droit, ORDONNER une expertise judiciaire, confiée à tel expert qu’il plaira, avec pour mission d’analyser les titres de propriété des parties, dont l’acte de donation partage du 11 janvier 1980 et l’acte de vente du 25 novembre 2011, d’identifier la servitude conventionnelle et de déterminer le cas échéant l’assiette de ladite servitude grevant la parcelle AP [Cadastre 5] au profit de la parcelle AP [Cadastre 1].
DEBOUTER Monsieur [Y] [H] de ses demandes plus amples et contraire.
CONDAMNER Monsieur [Y] [H] à payer aux époux [F] la somme de 2000,00 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens.
Ils soutiennent qu'ils ont acquis le 25 novembre 2011 des consorts [Y] une parcelle cadastrée section AP n° [Cadastre 5] issue d'une parcelle plus importante anciennement cadastrée section AP n°[Cadastre 16] qui est grevée d'une servitude de passage au profit d'une parcelle cadastrée section AP n° [Cadastre 15] ; qu'ultérieurement, cette parcelle AP n° [Cadastre 16] a été divisée en plusieurs parcelles cadastrées AP n° [Cadastre 2], [Cadastre 4] et [Cadastre 5] ; que dans leur acte d'acquisition, une servitude a été créée au profit du terrain cadastré n°[Cadastre 4] ; que la même parcelle bénéficiait également de deux servitudes de passage : Une première sur les parcelles cadastrées section AP n° [Cadastre 14], [Cadastre 13], [Cadastre 12] dont l’assiette n’est pas détaillée dans l’acte ; Une seconde sur la parcelle cadastrée section AP n° [Cadastre 4] d’une largeur de quatre mètres (4m) et cinquante mètres et soixante-dix-sept centimètres de longueur (50,77 m ) ; que Mr [Y] , propriétaire de la parcelle AP n° [Cadastre 1], anciennement n° [Cadastre 15], prétend à tort bénéficier d’une servitude de passage prenant son origine coté Est de leur parcelle et longeant les parcelles [Cadastre 12], [Cadastre 13] et [Cadastre 14] pour déboucher sur le chemin [Adresse 19] ; qu'il veut faire passer la servitude devant leur propriété sans qu'aucun élément ne l'établisse alors qu'il n'est nullement précisé que la servitude passe à l'est de leur parcelle ; que Mr [Y] n'a pas hésité à falsifier le document d'arpentage soumis au juge des référés à l'occasion d'un litige les ayant opposé en 2019 et 2021 ; qu'en outre la parcelle de Mr [Y] n'est pas enclavée puisque la servitude grevant la parcelle AP [Cadastre 14] lui permet d’accéder à sa parcelle en voiture, comme a pu le constater Maître [I] dans son procès-verbal de constat du 11 juillet 2019 ;
Dans ses dernières conclusions enregistrées le 3 octobre 2023 Mr [Y] conclut au rejet des prétentions des demandeurs et déclare ne pas s'opposer à l'expertise sollicitée.
Il fait valoir que la revendication des époux Mr et Mme [F] est dénuée de fondement et que la question du tracé de la servitude, matérialisé en orange sur le plan versé aux débats, est superfetatoire ; qu'il dispose d'une servitude de passage prévue par l'acte de partage des parents des consorts Mr [Y] en date du 14 avril 1982 ; que les demandeurs n'ont pas appelé dans la cause les héritiers du propriétaire de la parcelle voisine n° [Cadastre 14] qui est décédé ;
Pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures respectives.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 juin 2024 et l'affaire a été mise en délibéré au 30 août 2024.
MOTIFS
La détermination de l' assiette du passage peut résulter de la convention ou, en cas de contestation, d'une décision judiciaire. En effet, si la servitude de passage existe de plein droit en faveur d'un fonds enclavé et grève tous les fonds qui l'entourent, son assiette, à défaut d'entente entre les parties, ne peut être déterminée que par le juge, qui doit se conformer aux dispositions de l'article 683 du code civil (Civ. 15 mai 1950, D. 1950. 482. – Civ. 3e, 3 juill. 1969, D. 1969. 646 ; 4 janv. 1991, no 89-18.492 , Bull. civ. III, no 7).
Il faut également que tous les propriétaires concernés soient mis en cause pour que le juge puisse fixer cette assiette (Civ. 3e, 23 avr. 1992, RTD civ. 1993. 620,).
Sur la demande de fixation de l'assiette
En l'espèce, il ressort des explications et des pièces fournies et notamment des annexes du pré rapport établi par Monsieur [R] le 06/09/2017, parmi lesquelles un document d'arpentage établi le 11/01/1980 par Mr. [D] et l'acte de partage rédigé par Maître [M], les 10 et 19 mai 1982, que Madame [J] [U] [Y] a divisé et partagé ses parcelles cadastrées AP [Cadastre 3], [Cadastre 6] et [Cadastre 7] entre les consorts [Y] ;
Qu'ainsi la parcelle AP n°[Cadastre 3] est devenue, après division, la parcelle n°[Cadastre 12] attribuée à [B] [Y], la parcelle n°[Cadastre 13] attribuée à [G] [Y] et la parcelle n°[Cadastre 14] attribuée à [L] [Y].
La parcelle AP n° [Cadastre 7] est devenue, après division, la parcelle AP n°[Cadastre 15] attribuée à [H] [Y] et la n°[Cadastre 16] attribuée à [Z] [Y] ;
La parcelle AP n°[Cadastre 6] est devenue, après division, les parcelles n° [Cadastre 10] à [Cadastre 11] attribuées à [P] [Y], [X] [Y] [J] [Y], [A] [Y], [C] [T] [Y] et [W] [N] [Y].
Dans cet acte notarié, les parties ont crée une servitude conventionnelle rédigée ainsi : « les attributaires des lots composant l'immeuble ci-dessus décrit sous le paragraphe un conviennent de créer à leurs frais un chemin de 3,50 m de large le long des parcelles cadastrées section AP lieu-dit « [Localité 18] » sous les numéros [Cadastre 12],[Cadastre 13] et [Cadastre 14] rejoignant un autre chemin de 4 m de large au sud-ouest de celle portant le numéro [Cadastre 16] jusqu'à la borne du [Cadastre 15], le tout afin d'accéder au chemin « pente châssis » ;
Les époux [F] affirment, sans être contestés que la parcelle AP [Cadastre 16] a été ultérieurement divisée en plusieurs parcelles cadastrées AP n°[Cadastre 2], AP n°[Cadastre 4] et AP n° [Cadastre 5] et il est établi qu'ils ont acquis la parcelle AP [Cadastre 5] par acte notarié dressé le 25/11/2011 dans lequel il était mentionné ceci :
« 1 ) premier rappel de servitude :
suivant acte reçu par Me [M] les 10 et 19 mai 1982 ( …. ) il a été crée la servitude ci après littéralement rapportée : '' Un terrain sis à [Localité 20] cadastré sous le numéro [Cadastre 16] de la section AP au lieu-dit « [Localité 18] » pour une superficie de 37 ares 53 centiares… (grevé d'une servitude de passage au profit de AP [Cadastre 15] et bénéficiant d'une servitude de passage sur AP [Cadastre 14],[Cadastre 13] et [Cadastre 12]) .
2 ) deuxième rappel de servitude
suivant acte reçu par Maître [E], notaire, il a été crée la servitude ci après littéralement rapportée :
- SERVITUDE DE PASSAGE ET DE RÉSEAUX
Fonds Servants
parcelle cadastrée section AP n°[Cadastre 4]
parcelle cadastrée section AP n°[Cadastre 5]
désignation du fonds dominant
parcelle cadastrée section AP n° [Cadastre 4]
parcelle cadastrée section AP n° [Cadastre 5]
assiette de la servitude cette servitude s'exercera sur une bande de terrains de 4 m de large et de 50,77 m de, à cheval sur la limites séparative des deux fonds sus désignés sur 2 m de large de chaque côté de ladite limite. Tel que cette assiette figure sous teinte jaune sur le plan de bornage qui demeure annexer aux présentes »
Les époux [F] soutiennent que l'assiette de la servitude consentie au profit de la parcelle AP [Cadastre 15] ( devenue entre temps la parcelle AP [Cadastre 1] ) n'est pas détaillée.
Mr [H] [Y] réplique que l'assiette de la servitude actuelle est matérialisée par le tracé en jaune figurant sur sa pièce n°1 mais le tribunal relève que la pièce produite par le défendeur est une photocopie en noir et blanc de sorte que la couleur jaune n'est pas identifiable.
Mr et Mme [F] soutiennent en outre que ce document a été falsifié par Mr [Y].
Cette pièce constitue une copie du document d'arpentage dressé le 11 janvier 1980 qui ne pouvait effectivement pas faire apparaître l'assiette de la servitude de passage litigieuse puisqu'elle a été crée en 1982.
Pour autant, les époux [F] ne proposent aucune autre assiette de servitude alors que l'acte de partage des 10 et 19 mai 1982, qui constitue le titre de propriété de Mr [Y], décrit l'assiette de la servitude de passage dont bénéficie la parcelle du défendeur sur les parcelles AP [Cadastre 12], [Cadastre 13] et [Cadastre 14] .
Le tracé ajouté sur la pièce n°1 susvisée correspond à la description faite dans l'acte de partage puisqu'il permet à la parcelle du défendeur de rejoindre le chemin pente châssis en empruntant un chemin qui part en direction de l'ancienne parcelle AP [Cadastre 16] puis qui tourne sur la gauche et longe les parcelles AP [Cadastre 12], [Cadastre 13], [Cadastre 14] jusqu'à atteindre la voie publique.
Cette analyse est confortée par l'extrait du plan cadastral ( pièce 3 des requérants) et par le plan expertal dressé par Mr [R] (annexe 9 de son pré rapport d'expertise ) sur lesquels figure un chemin qui part de l'angle de la parcelle AP [Cadastre 1] ( correspondant à la borne C du plan de Mr [R]) , qui longe une partie des parcelles AP [Cadastre 14] et [Cadastre 5], en direction du sud ouest de la parcelle [Cadastre 5] et qui tourne sur la gauche au niveau de la borne B' pour longer la parcelle AP [Cadastre 14] .
Il ressort également du procès-verbal de constat du 11 juillet 2019 que la borne C de la parcelle de Mr [Y] et le chemin de servitude sont visibles et qu'en réalité, la difficulté réside dans le fait que le défendeur gare ses véhicules sur ce chemin, ce qui gêne les requérants.
Il ressort notamment de l'ordonnance de référé rendue le 26/12/2019, confirmée par un arrêt rendu le 20/04/2021 par la cour d'appel de céans, que les époux [F], se plaignant de ce que leur voisin gène leur entrée en stationnant ses véhicules, ont remis en cause la servitude en édifiant un mur en parpaing qu'ils ont été condamnés à démolir afin de remettre en état la servitude.
Il s'en déduit qu'il n'existe pas de difficulté sur l'assiette de la servitude et qu'en réalité le litige porte sur l'usage qu'en fait Mr [Y] .
En outre, la servitude de passage étant de nature conventionnelle, la circonstance que la parcelle de Mr [Y] ne soit plus enclavée est inopérante. Et si tel est le cas, il leur appartient d'agir en suppression de ladite servitude.
En conséquence, la demande des époux [F] , qui est injustifiée, sera rejetée.
Sur la demande d'expertise judiciaire
Le tribunal considère qu'il est suffisamment informé de la situation des parcelles concernées et que les pièces susmentionnées permettent suffisamment de déterminer l'assiette de la servitude de passage, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une mesure d'expertise .
Sur les autres demandes
Mr et Mme [F] , qui succombent, seront condamnés aux dépens. L'équité commande de les condamner à payer à Mr [Y] une indemnité de 1.500 € au titre des frais irrépétibles .
PAR CES MOTIFS
le tribunal statuant par jugement contradictoire et susceptible d'appel
REJETTE l'intégralité des prétentions de Mr et Mme [F];
CONDAMNE Mr et Mme [F] à payer à Mr [Y] une indemnité de 1.500€ au titre des frais irrépétibles ;
CONDAMNE Mr et Mme [F] aux dépens.
La greffière La juge