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30/08/2024 | FRANCE | N°22/01933

France | France, Tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion, 1ère chambre, 30 août 2024, 22/01933


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE ST DENIS

MINUTE N°
1ERE CHAMBRE
AFFAIRE N° RG 22/01933 - N° Portalis DB3Z-W-B7G-GCFZ

NAC : 70C

JUGEMENT CIVIL
DU 30 AOUT 2024

DEMANDEUR

M. [P] [V]
[Adresse 5]
[Localité 4]
Rep/assistant : Maître Eric HAN KWAN de la SCP MOREAU -NASSAR - HAN-KWAN, avocats au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION



DÉFENDEURS

Mme [R] [I] [A] épouse [U] (Décédée)
[Adresse 3]
[Localité 9]

M. [M] [U]
[Adresse 3]
[Localité 9]
Rep/ass

istant : Me Dominique LAW WAI, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/004118 du 15/09/...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE ST DENIS

MINUTE N°
1ERE CHAMBRE
AFFAIRE N° RG 22/01933 - N° Portalis DB3Z-W-B7G-GCFZ

NAC : 70C

JUGEMENT CIVIL
DU 30 AOUT 2024

DEMANDEUR

M. [P] [V]
[Adresse 5]
[Localité 4]
Rep/assistant : Maître Eric HAN KWAN de la SCP MOREAU -NASSAR - HAN-KWAN, avocats au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION

DÉFENDEURS

Mme [R] [I] [A] épouse [U] (Décédée)
[Adresse 3]
[Localité 9]

M. [M] [U]
[Adresse 3]
[Localité 9]
Rep/assistant : Me Dominique LAW WAI, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/004118 du 15/09/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de ST DENIS REUNION)

M. [Y] [U]
[Adresse 3]
[Localité 9]
Rep/assistant : Me Dominique LAW WAI, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/004117 du 15/09/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de ST DENIS REUNION)

Mme [R] [F] [U]
[Adresse 6]
[Localité 7]
Rep/assistant : Me Dominique LAW WAI, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

Copie exécutoire délivrée le : 30.08.2024
CCC délivrée le :
à Me Dominique LAW WAI, Maître Eric HAN KWAN de la SCP MOREAU -NASSAR - HAN-KWAN

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Le Tribunal était composé de :

Madame Patricia BERTRAND, Juge Unique
assistée de Madame Marina GARCIA, greffière

LORS DES DÉBATS

L’affaire a été évoquée à l’audience du 01 Juillet 2024.

LORS DU DÉLIBÉRÉ ET DU PRONONCÉ

A l’issue des débats, les parties présentes et leurs conseils ont été avisés que le jugement serait mis à leur disposition le 30 Août 2024.

JUGEMENT : Contradictoire , du 30 Août 2024 , en premier ressort

Prononcé par mise à disposition par Madame Patricia BERTRAND, Vice-présidente assistée de Madame Isabelle SOUNDRON, greffière

En vertu de quoi, le Tribunal a rendu le jugement dont la teneur suit :

EXPOSE DU LITIGE

Soutenant que Madame [R] [I] [U], Monsieur [M] [U], Monsieur [Y] [U] et Madame [R] [F] [U] occupent à titre précaire sa parcelle, cadastrée ES [Cadastre 1] sise [Adresse 8], en vertu d'une tolérance ancienne à laquelle il entend mettre un terme, Monsieur [P] [V] les a assignés en expulsion le 23 juin 2022.

Dans ses dernières conclusions enregistrées le 06.11.2023, il demande au tribunal au visa des articles 544, 555, 815-2 et 1240 du Code civil, de :

ORDONNER l’expulsion des consorts [U] et de tout occupant de leur chef, de la parcelle ES [Cadastre 1] sise [Adresse 8] , sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir ;

CONDAMNER les consorts [U] à la démolition des constructions édifiées sur la parcelle dans le lot C et dans le lot D, tels que définis dans le dossier de la SAFER, et à la remise en état des lieux , sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir ;

CONDAMNER solidairement les consorts [U] à lui payer la somme de 60.000 € au titre des indemnités d’occupation dues pour les cinq années précédant l’assignation introductive de la présente instance et la somme de 1.000€ par mois courue de ladite assignation jusqu’à libération complète des lieux;

CONDAMNER solidairement les consorts [U] à lui payer la somme de 10.000 € au titre du préjudice de jouissance,

DEBOUTER les consorts [U] de l’ensemble de leurs demandes ;

DEBOUTER les consorts [U] de leur demande de médiation ;

CONDAMNER solidairement les consorts [U] à lui payer la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile outre les dépens.

Il soutient que les défendeurs sont occupants sans droit ni titre de sa parcelle ; que son action est recevable s'agissant d'une mesure conservatoire qu'un co indivisaire peut engager seul ; que ni lui ni ses auteurs n'ont autorisé les actuels occupants de la parcelle litigieuse à y construire leur maison ; que ceux-ci ne sont pas de bonne foi et ont bénéficié d'une simple tolérance au regard des liens qui les unissaient ; que cette occupation gratuite pendant de nombreuses années justifie qu'ils versent une indemnité d'occupation ; qu'il subit un préjudice de jouissance pour les désagréments subis du fait de cette occupation illégale et des dommages causés à la qualité du sol agricole ;

Dans leurs conclusions enregistrées le 05.04.2024, les consorts [U] demandent au tribunal , au visa des articles 555 et 815-2 du code civil, de :

PRENDRE ACTE du décès de Madame [R] [I] [U] née [A] intervenu le 3.07.2022 et de CONSTATER l’extinction de l’instance à son encontre ;

JUGER l’action de Monsieur [P] [V] irrecevable,

JUGER ses demandes subséquentes irrecevables, faute d’accord des autres coindivisaires ;

A TITRE SUBSIDIAIRE, JUGER les demandes de Monsieur [V] non fondées ;

Si par extraordinaire elle devait être ordonnée, SUBORDONNER l’expulsion des consorts [U] au paiement d’une indemnité égale à la valeur des biens construits, soit d’un montant de 90.000 € ;

CONDAMNER Monsieur [V] à verser aux consorts [U] la somme de 90.000 €, correspondant à la valeur des constructions réalisées, par application des dispositions de l’article 555 du Code civil ;

JUGER les défendeurs bien fondés à exercer leur droit de rétention sur le fonds jusqu’au paiement intégral de l’indemnité qui leur est due;

ORDONNER à toutes fins utiles, en cas de contestation quant au quantum de l’indemnité sollicité, toute expertise aux fins de faire fixer l’indemnisation à laquelle les consorts [U] sont en droit de solliciter ;

En l’absence d’offre d’indemnisation soumise aux consorts [U], DEBOUTER Monsieur [P] [V] de ses demandes d’expulsion, de démolition et indemnitaires, par application des dispositions de l’article 555 du Code civil et faute de rapporter la preuve d’un préjudice effectif ;

Le DEBOUTER de toutes ses demandes, fins et prétentions ;

JUGER n’y avoir lieu à exécution provisoire ;

ORDONNER le cas échéant, une mesure de médiation entre les parties, afin de tenter de parvenir à une solution amiable apaisée;

Condamner Monsieur [V] à leur payer la somme de 4.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, et aux dépens dont distraction au profit de Maître LAW WAI.

Ils indiquent que Madame [R] [I] [A] épouse [U] est décédée ; que l'action est irrecevable en ce qu'il ne s'agit pas d'une mesure nécessaire à la conservation du bien indivis ; qu'ils sont de bonne foi et ont été autorisés à construire sur la parcelle litigieuse et à y demeurer ; que si par extraordinaire leur expulsion était ordonnée, elle serait subordonnée au paiement d'une indemnité égale à la valeur des biens construits qui s'élèvent à 90000 € ; qu'ils sont bien fondés à exercer leur droit de rétention sur le fond jusqu'au paiement de cette indemnité ;

L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 juin 2024 et l'affaire a été mise en délibéré au 30 août 2024.

MOTIFS

Les demandes des parties tendant à voir «  juger  »  ne sont pas prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile mais des moyens ou arguments qui ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques.

Il résulte de l’article 370 du code de procédure civile qu’à compter de la notification qui en est faite à l’autre partie , l’instance est interrompue par le décès d’une partie dans les cas où l’action est transmissible. Il résulte de l’article 373 du même code que l’instance peut être volontairement reprise dans les formes prévues pour la présentation des moyens de défense.

L’acte de décès de Madame [I] [A] épouse [U] (décès survenu le [Date décès 2] 2022) a été produit aux débats. Les défendeurs demandent de constater «  l'extinction de l'instance à son encontre  » et présentent des demandes reconventionnelles. En l'état, le tribunal en déduit qu'ils reprennent l'instance en tant qu'ayant droits de la défunte qui semble être leur mère.

Sur la demande de médiation

Les consorts [U] sollicitent une médiation que Mr [V] refuse et il est établi qu'une conciliation tentée en 2020 a échoué. Cette demande sera donc rejetée.

Sur l'irrecevabilité de l'action engagée par Mr [V]

Les Consorts [U] soutiennent que l'action est irrecevable en ce qu'il ne s'agit pas d'une mesure conservatoire que le demandeur, en tant que co indivisaire, peut engager seul.

Mais, ainsi que le rappelle justement Mr [V], co indivisaire de la parcelle litigieuse, l’action engagée tendant à l’expulsion d'un occupant sans droit ni titre et au paiement d’une indemnité d’occupation, qui a pour objet la conservation des droits des co-indivisaires, entre dans la catégorie des actes conservatoires que tout indivisaire peut accomplir seul, sans avoir à justifier d’un péril.

De surcroît, cette fin de non recevoir est irrecevable devant le tribunal par application de l’article 789 du code de procédure civile.

Sur la demande d'expulsion

Il ressort des explications et des pièces des parties que Monsieur [P] [V], en qualité d'héritier de son père, Monsieur [L] [V], est propriétaire indivis de la parcelle ES [Cadastre 1] [Adresse 8] à [Localité 9] ; qu'une

portion de cette parcelle a été donnée en location aux consorts [U] aux fins d'exploitation dans les années 1950 ; que des baux à colonat ont été conclus à cette fin, ce que reconnaissent expressément les défendeurs qui confirment avoir exploité depuis 1953 cette parcelle de terrain appartenant en indivision aux héritiers [Z]/ [V] ;

Pour s'opposer aux prétentions du requérants, les consorts [U] font valoir qu'ils ont édifié au fil du temps leurs maisons d'habitation qu'ils occupent depuis plusieurs générations et ce avec l'accord de Monsieur [L] [V] et de son père et se fondent, notamment sur la pièce adverse n°8 et leur pièce n°18.

La pièce adverse n°8 constitue une notification de la décision rendue par la commission départementale d'aménagement foncier, le 8 juillet 2019, dans laquelle il est noté : «  ces cases ont été autorisées à l'époque par Monsieur [L] [V] et son père  » ; Il s'en déduit que l'indivision [V] souhaitait ainsi régulariser les cases des anciens colons présentes sur sa propriété.

La pièce n°18 constitue une autorisation donnée par un membre de la famille [V] de « rénover une partie de la façade et toiture de sa maison existante » ;

Les consorts [U] produisent également plusieurs attestations de personnes qui témoignent de leur occupation ancienne de la parcelle.

Il résulte de ces pièces que la famille [U] vit depuis plus de 70 ans sur une partie de la parcelle litigieuse dont elle sait qu'elle n'est pas propriétaire ; qu'en demandant à la SAFER d'instruire un dossier destiné à régulariser ces occupations, l'indivision [V] n'a nullement autorisé les défendeurs à bâtir sur la parcelle ; qu'en réalité, elle cherchait à mettre fin à ces occupations précaires issues d'une tolérance ancienne et à délimiter l'espace bâti des terres agricoles qu'elle souhaitait exploiter.

Mr [V] se trouve ainsi fondé à solliciter l'expulsion des défendeurs et à obtenir la démolition des ouvrages édifiés sur la parcelle litigieuse selon les modalités fixée dans le dispositif de la décision.

Les défendeurs invoquent les dispositions des alinéas 3 et 4 de l'article 555 du Code civil ainsi que leur bonne foi pour demander le paiement d'une indemnisation mais ils ne peuvent pas être regardés comme étant de bonne foi et dans la mesure où Monsieur [V] sollicite la démolition des constructions illégales, toute indemnisation des occupants illégitimes est exclue.

Les consorts [U] seront ainsi déboutés de leur demande indemnitaire et de leur demande d'expertise.

Sur l'indemnité d'occupation

Monsieur [V] demande la condamnation solidaire des défendeurs à lui régler, à charge pour lui d’en rendre compte à l’indivision, les sommes de :

- 1.000 € x 12 mois x 5 ans = 60.000 € au titre des indemnités d’occupation dues pour les cinq années précédant l’assignation introductive de la présente instance,
- 1.000 € d’indemnité d’occupation par mois couru de l'assignation jusqu’à la libération complète des lieux.

Les consorts [U] s'y opposent sans développer aucun moyen.

Vu ce qui précède, la demande de Monsieur [V] sera accueillie.

sur le préjudice de jouissance

Mr [V] sollicite l'allocation de dommages-intérêts au titre d'un préjudice de jouissance de la parcelle.

Il est constant que l'indivision [V] a consenti à l'occupation gratuite de sa parcelle pendant de nombreuses années et qu'elle n'a jamais revendiqué la moindre indemnité locative ; En outre, le requérant ne justifie pas des dommages causés à la qualité du sol. Il sera en conséquence débouté de sa demande.

Sur les autres demandes

Les défendeurs supporteront les dépens. L'équité commande de les condamner in solidum à payer à Mr [V] une indemnité de 2000 € au titre des frais irrépétibles.

La demande tendant à écarter l'exécution provisoire présentée par les défendeurs sera rejetée comme n'étant pas suffisamment motivée.

PAR CES MOTIFS

Statuant par jugement contradictoire et susceptible d'appel

DECLARE la fin de non recevoir irrecevable ;

CONSTATE la reprise de l'instance par les ayant droit de feue [R] [I] [A] épouse [U] ,

REJETTE la demande de médiation ;

ORDONNE l’expulsion de Monsieur [M] [U], Monsieur [Y] [U] et Madame [R] [F] [U] et de tout occupant de leur chef, de la parcelle ES [Cadastre 1] sise [Adresse 8] ; sous astreinte de 100 € par jour de retard passé le délai de six mois suivant la signification de la décision ;

CONDAMNE Monsieur [M] [U], Monsieur [Y] [U] et Madame [R] [F] [U] à la démolition des constructions bâties à leur charge exclusive sur la parcelle ES [Cadastre 1] sise [Adresse 8] dans le lot C et dans le lot D, tels que définis dans le dossier de la SAFER, et à la remise en état des lieux, sous astreinte de 100 € par jour de retard passé le délai de six mois suivant la signification de la décision ;

CONDAMNE in solidum Monsieur [M] [U], Monsieur [Y] [U] et Madame [R] [F] [U] à payer à Monsieur [P] [V] les sommes suivantes :

- 60.000 € au titre des indemnités d’occupation dues pour les cinq années précédant l’assignation ;
1.000 € par mois due depuis le 23 juin 2022 jusqu’à libération complète des lieux ;
REJETTE la demande présentée au titre du préjudice de jouissance,

CONDAMNE in solidum Monsieur [M] [U], Monsieur [Y] [U] et Madame [R] [F] [U] à payer à Monsieur [P] [V] la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum Monsieur [M] [U], Monsieur [Y] [U] et Madame [R] [F] [U] aux dépens

La greffière la juge


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22/01933
Date de la décision : 30/08/2024
Sens de l'arrêt : Expulsion "ferme" ordonnée au fond (sans suspension des effets de la clause résolutoire)

Origine de la décision
Date de l'import : 07/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-08-30;22.01933 ?
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