RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE ST DENIS
MINUTE N°
1ERE CHAMBRE
AFFAIRE N° RG 21/00407 - N° Portalis DB3Z-W-B7F-FXE6
NAC : 64B
JUGEMENT CIVIL
DU 30 AOUT 2024
DEMANDERESSE
Mme [V] [M] [Z] épouse [F]
Née le [Date naissance 4] 1964 à [Localité 12]
[Adresse 1]
[Localité 8]
Rep/assistant : Me Frédérique FAYETTE, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
DÉFENDERESSES
COMMUNE DE [Localité 11], prise en la personne de son maire en exercice
[Adresse 2]
[Localité 11]
Rep/assistant : Maître Aurore DOULOUMA de la SELARL DUGOUJON & ASSOCIES, avocats au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
OFFICE NATIONALE DES FORETS (ONF)
[Adresse 10]
[Adresse 10]
[Localité 7]
Siège social:
Direction Générale
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représenté par la Directrice Générale de l’ONF
Rep/assistant : Me Jean jacques MOREL, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
CAISSE GENERALE DE SECURITE SOCIALE DE LA REUNION - CGSSR , prise en la personne de son directeur en exercice
[Adresse 5]
[Localité 7]
Rep/assistant : Maître Philippe BARRE de la SELARL PHILIPPE BARRE, avocats au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
Copie exécutoire délivrée le : 30.08.2024
CCC délivrée le :
à Maître Aurore DOULOUMA de la SELARL DUGOUJON & ASSOCIES, Me Frédérique FAYETTE, Me Jean jacques MOREL, Maître Philippe BARRE de la SELARL PHILIPPE BARRE
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Le Tribunal était composé de :
Madame Patricia BERTRAND, Juge Unique
assistée de Madame Marina GARCIA, greffière
LORS DES DÉBATS
L’affaire a été évoquée à l’audience du 01 Juillet 2024.
LORS DU DÉLIBÉRÉ ET DU PRONONCÉ
A l’issue des débats, les parties présentes et leurs conseils ont été avisés que le jugement serait mis à leur disposition le 30 Août 2024.
JUGEMENT : Contradictoire , du 30 Août 2024 en premier ressort
Prononcé par mise à disposition par Madame Patricia BERTRAND, Vice-présidente assistée de Madame Isabelle SOUNDRON, greffière
En vertu de quoi, le Tribunal a rendu le jugement dont la teneur suit :
EXPOSE DU LITIGE
Le 28 janvier 2018 Madame [Z] a été victime d’une chute de branche sur le lieu de pique-nique d’[Localité 9], situé en forêt domaniale de la commune de [Localité 11] et géré par l’Office Nationel des Forêts ( l’ONF ) .
Par exploits délivré les 16 février 2021 Madame [Z] a assigné l'ONF et la caisse générale de sécurité sociale de la Réunion ( la CGSSR ) pour demander au tribunal, au visa des articles L.122-10 et L.221-1 du Code forestier et 1242 du Code civil, de :
HOMOLOGUER le rapport d'expertise judiciaire du Dr [R] [C] du 18 mars 2020;
CONDAMNER l'ONF à lui payer la somme 19.149,18 euros et décomposée comme suit :
- GTP classe II : 217,00 euros
- GTP classe I : 490,00 euros
- PGPA: 7.002,18 euros
- TPT : 1.240,00 euros
- SE : 6.000,00 euros
- AIPP : 4.200,00 euros
CONDAMNER l'ONF à lui payer la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, dont le coût du rapport d'expertise et des dépens de la procédure de référé ;
DIRE QUE dans l'hypothèse où à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans le jugement à intervenir, l'exécution forcée devra être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier, le montant des sommes retenues par cet huissier, par application du décret du n° 2016-230 du 26 février 2016 et de l'arrêté du même jour (tarif des huissiers) devront être supportées par le débiteur en sus de l'application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
DIRE n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la décision à intervenir.
Elle soutient que la responsabilité de l'ONF est engagée en tant que gestionnaire de la forêt domaniale.
La commune de [Localité 11] a été assignée en intervention forcée par l'ONF et les procédures ont été jointes.
Par ordonnance rendue le 25 avril 2023, le juge de la mise en état a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la commune de [Localité 11] et renvoyé l'affaire à la mise en état.
Madame [Z] n'a pas reconclu et son assignation vaut ainsi conclusions.
Dans ses dernières conclusions enregistrées le 16 aout 2023, la Caisse Générale de Sécurité Sociale de la Réunion ( la CGSSR ) demande au tribunal de condamner solidairement l'ONF et la Commune de Ste Rose à lui payer :
la somme de 6.465,33 € correspondants aux frais définitifs avec intérêts au taux légal à compter de l'assignationl'indemnité forfaitaire soit la somme de 1.162 €,la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Elle fait valoir qu'elle a exposés des frais pour les soins prodigués à Madame [Z] .
Dans ses dernières conclusions enregistrées le 07 juin 2024 l'ONF demande au tribunal, au visa des articles 1103, 1104, 1240 et 1241 du code civil, de :
DEBOUTER Madame [Z], la CGSSR et la Commune de [Localité 11] de l'ensemble de leurs demandes à l'encontre de l'ONF ;
A titre subsidiaire, LIMITER à 6907euros le quantum de l'indemnisation de Madame [Z] ;
CONDAMNER solidairement la Commune de [Localité 11] et Madame [Z] à verser à l'ONF la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il fait valoir que la commune de [Localité 11] est l'unique responsable de l'accident en ce qu'elle a méconnu son obligation de mise en sécurité des espaces destinés à l'accueil du public, prévue par la convention de partenariat signée le 18 janvier 2017, ainsi que son obligation d'élagage des palmes prévue par le le programme annuel d'interventions ; qu'elle a également méconnu l'article 3-3-2 de la convention qui lui impose d'intervenir en cas de danger immédiat de chute de branches ; à titre subsidiaire, conteste le bien fondé des demandes indemnitaires présentées au titre de la perte de gains professionnels actuels, de l'assistance tierce personne et au titre des souffrances endurées.
Dans ses dernières conclusions enregistrées le 08 septembre 2023 la commune de Sainte Rose demande au tribunal de :
- DEBOUTER Madame [Z] et la CGSSR de l’ensemble de leurs demandes ;
A TITRE SUBSIDIAIRE :
PRONONCER un partage de responsabilité entre la commune de [Localité 11] et l’ONF ;
A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE :
- LIMITER le préjudice de la demanderesse à hauteur de 6 907 euros.
En tout état de cause,
- CONDAMNER Madame [Z] et l’ONF à lui verser la somme de 3000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens d’incident.
Elle fait valoir que l'ONF est l'unique responsable de l'accident en tant que gestionnaire légal de la forêt domaniale ; que les articles 3-1 et 3-3.1 de la convention de partenariat mettaient à sa charge les travaux d'entretien de la forêt; que le programme annuel des interventions, revendiqué par l'ONF, est inapplicable car postérieur aux faits ; qu'il n'est pas démontré que la commune avait des travaux d'élagage à sa charge le jour de l'accident, ni qu'elle n'a pas fait le nécessaire pour sécuriser les palmiers ; à titre subsidiaire, elle demande un partage de responsabilité à hauteur de 50 % en faisant valoir que l'ONF n'a pas correctement contrôlé le bon entretien des palmes de cocotiers ; à titre plus subsidiaire, elle s'associe aux critiques émises par l'ONF sur le montant des indemnités sollicitées par Madame [Z].
Pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs conclusions respectives.
L'ordonnance de clôture a été rendu le 10 juin 2024 et l'affaire a été mise en délibéré au 30 aout 2024.
MOTIFS
Sur la responsabilité de l'accident
L'ONF est un établissement à caractère industriel et commercial sous tutelle de l'Etat dont l'une des missions est de gérer les forêts domaniales en vertu du 2ème alinéa de l'article L 221-2 et 1° de l'article D 221-2 du code forestier. Il peut voir sa responsabilité engagée à raison de chute d'arbre ou de branches en application de l'article 1242 alinéa 1er du code civil.
Il est établi que Madame [Z] a été victime d’une chute de palme de cocotiers sur le lieu de pique-nique d’[Localité 9] situé sur la forêt domaniale de la commune de [Localité 11] et géré par l’ONF.
Cet accident lui a occasionné des blessures dont elle est fondée à demander réparation à l'ONF, en tant que gestionnaire du site et ce, en application de l'article 1242 du code civil.
L'ONF réplique que la commune de [Localité 11] est responsable de l'accident et se fonde sur la convention de partenariat signé avec elle le 18 janvier 2017 et sur le programme annuel d'intervention de 2018 et 2020.
D'une part, comme le relève à juste titre la commune, ces programmes annuels d'intervention ont été établis postérieurement à l'accident de sorte qu'ils sont inopposables au litige.
D'autre part, l’article 3-1 de la convention prévoit que : « outre l’application du régime forestier, mission légale impérative incombant à l’ONF, celui-ci reste en charge de la réalisation des travaux sylvicoles et autres travaux de mise en valeur de la forêt domaniale du littoral » ;
Il s'en déduit que, les travaux sylvicoles pesaient sur l'ONF à la date de l'accident. Celui-ci réplique qu'une exception, prévue à l'article 3-3 -2 alinéa 2 de la convention, met ces travaux à la charge de la commune, en cas de danger immédiat relatif à la chute de branches dangereuses sur les aires d'accueil.
Mais l'ONF n'établit pas que le 28 janvier 2018, la palme de cocotiers qui a blessé Mme [Z] présentait un danger immédiat . Il n'est d'ailleurs versé aucune pièce permettant de connaître les circonstances de l'accident et le tribunal ignore dans quel état se trouvait le cocotier à l'origine de l'accident ainsi que les conditions climatiques.
En l'état l'ONF échoue à démontrer que la responsabilité de la commune de [Localité 11] est engagée. En conséquence, il sera déclaré seul responsable de l'accident en application de l'article 1242 alinéa 1 er du code civil
Sur l'indemnisation de Madame [Z]
Madame [Z] fonde ses demandes sur les conclusions du rapport d'expertise judiciaire qu'il n'y a pas lieu d'homologuer.
Les défendeurs contestent uniquement les demandes présentées au titre des pertes de gains professionnels actuels, des souffrances endurées et de l'assistance tierce personne. Le tribunal en déduit que les autres préjudices sont admis par les défendeurs.
En l'espèce, le Dr [R] a retenu une date de consolidation fixée au 24 aout 2018.
Sur les pertes de gains professionnels actuels
Le Dr [R] a retenu une perte de gains sur la base des arrêts de travail de Madame [Z] pour les périodes du 28 janvier au 4 février 2018 et du 19 février au 24 août 2018.
La requérant sollicite la somme de 7002, 18 € pour une période d'inactivité de 6 mois et 12 jours en indiquant qu'elle percevait un revenu net de 1094,09 € en tant qu'agent polyvalent de restauration scolaire et en produisant ses bulletins de paie 2017 et son avis d'imposition sur les revenus 2018.
L'ONF s'y oppose en arguant du défaut de production des arrêts de travail et la commune de [Localité 11] s'y oppose en faisant valoir qu'elle a bénéficié de la continuité de son traitement en tant qu'agent contractuel territorial .
Les articles 7 et 8 du décret n°88-145 du 15 février 1988 prévoient qu'en cas de congé de grave maladie et de congé maladie ordinaire l'agent conserve l'intégralité de son traitement sous certaines conditions.
Madame [Z] a fait l'objet d'un congé de maladie ordinaire sur la période courant de fin janvier à fin mai 2018 et d'un congé pour grave maladie de trois mois de juin à août 2018 et elle ne répond pas au moyen de défense opposé par la commune. En outre, elle ne justifie pas d'une perte réelle de gains professionnels. Par conséquent, sa demande sera rejetée.
Déficit fonctionnel temporaire
Le Dr [R] a relevé une gêne temporaire partielle : « classe 2 du 28/01/2028 au 28/02/2018 et classe 1 du 01/03/2018 au 23/08/2018 ».
Madame [Z] sollicite l'indemnisation suivante :
Classe II : 7 euros par jour x 31 jours = 217 €
Classe I : 2,80 € x 175 jours = 490 €.
Les défendeurs ne s'y opposent pas. Il sera donc fait droit à ces demandes.
Assistance par tierce personne
Madame [Z] sollicite l'indemnisation suivante : 2 heures ×31 jours x 20€ = 1240 €.
Les défendeurs s'y opposent en faisant valoir que ce poste de préjudice n’était préalablement pas retenu dans le pré-rapport du docteur [R] et n'a été retenu qu'après le dire du conseil de Madame [Z].
Le Dr [R] a retenu ce poste à raison de « 2h par jour en classe 2 » en retenant notamment « le nombre de séances de kinésithérapie, des traitements antalgiques renouvelés et documentés »
Vu ces conclusions, qui ne sont pas utilement critiqués par les défendeurs, il convient de retenir une tierce personne temporaire pour la période du 28 janvier au 28 février 2018, soit 31 jours x 18 € x 2 h = 1116 €.
Déficit fonctionnel permanent :
L'expert judiciaire a retenu une AIPP de 3%.
Madame [Z] sollicite la somme de 4.200 € en se fondant sur le référentiel intercours de septembre 2020.
Les défendeurs ne s'y opposent pas.
Vu l'âge de la requérante au moment des faits, 54 ans, et la valeur du point
( 1.400 € ) , ce poste sera indemnisé ainsi : 1.400 x 3% = 4200 €.
Sur les souffrances endurées
L'expert judiciaire avait initialement chiffré le poste à 2,5/7 et a finalement retenu 3/7 pour les motifs indiqués précédemment.
Madame [Z] sollicite la somme de 6.000 € et les défendeurs offrent de verser une indemnité de 2.000 €.
Ce poste sera justement indemnisé à hauteur de 4.000 €.
Sur les demandes de la CGSSR
Les frais définitifs déboursés par la caisse s'établissent à la somme, non contestée, de 6.465,33 €.
L'ONF sera condamné à lui régler cette somme qui produira intérêts au taux légal à compter de l'assignation.
Sur les mesures de fin de jugement
Succombant, l'ONF sera condamné aux dépens, qui comprendront les frais d'expertise. Il a été statué sur le sort des dépens de la procédure de référé de sorte que ce chef de demande sera rejeté.
L'ONF sera également condamné à payer à Madame [Z] la somme de 1.800 € et à la commune de [Localité 11] la somme de 1.800 € au titre des frais irrépétibles.
Il sera condamné à payer à la CGSSR la somme de 1.162 € au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par l'ordonnance n° 96-51 du 24 janvier 1996 du Code de la Sécurité Sociale, et la somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de '' dire '' présentée par Madame [Z] , en cas de défaut de règlement spontané, dès lors qu'il ne s'agit pas d'une prétention au sens de l'article 4 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
le tribunal, statuant publiquement, par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,
Déclare l'OFFICE NATIONAL DES FORETS responsable de l'accident survenu le 28 janvier 2018 au préjudice de Madame [Z] ,
Prononce la mise hors de cause de la commune de [Localité 11],
Condamne l'OFFICE NATIONAL DES FORETS à payer à Madame [V] [M] [Z] les sommes suivantes :
- les frais d'assistance tierce personne : 1116 €
- -les souffrances endurées :4.000 €
-le déficit fonctionnel permanent : 4.200 €
- le déficit fonctionne temporaire : 707 €
Rejette les autres demandes indemnitaires présentées par Madame [Z];
Condamne l'OFFICE NATIONAL DES FORETS à payer à la Caisse Générale de Sécurité Sociale de la Réunion les sommes suivantes :
- 6.465,33 € qui produira intérêts au taux légal à compter du 16 février 2021;
- 1.162 € au titre de l'indemnité forfaitaire ,
Condamne l'OFFICE NATIONAL DES FORETS à payer à Madame [Z] la somme de 1.800 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne l'OFFICE NATIONAL DES FORETS à payer à la commune de [Localité 11] la somme de 1.800 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne l'OFFICE NATIONAL DES FORETS à payer à la CGSSR la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
REJETE toutes les autres demandes des parties ; .
Condamne l'OFFICE NATIONAL DES FORETS aux dépens qui comprendront les frais d’expertise judiciaire.
Le Greffier Le Juge