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27/08/2024 | FRANCE | N°23/01337

France | France, Tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion, 1ère chambre, 27 août 2024, 23/01337


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REPUBLIQUE FRANCAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE ST DENIS

MINUTE N°
1ERE CHAMBRE
AFFAIRE N° RG 23/01337 - N° Portalis DB3Z-W-B7H-GJUW
NAC : 50D

JUGEMENT CIVIL
DU 27 AOUT 2024


DEMANDEUR

M. [Y] [N]
Né le 23 Octobre 1979 à [Localité 6]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Rep/assistant : Maître Diane MARCHAU de l’ASSOCIATION LAGOURGUE - MARCHAU, avocats au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION



DEFENDEURS

S.A.S.U. MARYLO DIAG Sous L’enseigne “ABC IMMODIAG” immatriculée au Registre

de commerce et des sociétés de Saint-Pierre de la Réunion sous le numéro 828 828 061, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse ...

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REPUBLIQUE FRANCAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE ST DENIS

MINUTE N°
1ERE CHAMBRE
AFFAIRE N° RG 23/01337 - N° Portalis DB3Z-W-B7H-GJUW
NAC : 50D

JUGEMENT CIVIL
DU 27 AOUT 2024

DEMANDEUR

M. [Y] [N]
Né le 23 Octobre 1979 à [Localité 6]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Rep/assistant : Maître Diane MARCHAU de l’ASSOCIATION LAGOURGUE - MARCHAU, avocats au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

DEFENDEURS

S.A.S.U. MARYLO DIAG Sous L’enseigne “ABC IMMODIAG” immatriculée au Registre de commerce et des sociétés de Saint-Pierre de la Réunion sous le numéro 828 828 061, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 3]
[Localité 5]
Rep/assistant : Me Marie françoise LAW YEN, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
Rep/assistant : Me Jean Marc PEREZ de la SELARL AVOX, avocat au barreau de PARIS

M. [W] [J] [S]
Né le 13 Février 1972 à [Localité 7]
[Adresse 1]
[Localité 7]
Rep/assistant : Me Isabelle MERCIER-BARRACO, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2023/002451 du 09/06/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de ST DENIS REUNION)

Mme [L] [C] épouse [S]
Née le 21 Mai 1971 à [Localité 7]
[Adresse 1]
[Localité 7]
Rep/assistant : Me Isabelle MERCIER-BARRACO, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2023/002449 du 23/06/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de ST DENIS REUNION)
Copie exécutoire délivrée le :27.08.2024
Expédition délivrée le :
à Maître Diane MARCHAU de l’ASSOCIATION LAGOURGUE - MARCHAU
Me Marie françoise LAW YEN
Me Isabelle MERCIER-BARRACO

COMPOSITION DU TRIBUNAL

LORS DES DEBATS :

Le Tribunal était composé de :

Madame Brigitte LAGIERE, Vice-Présidente
Madame Sophie PARAT, Vice-Présidente,
Madame Dominique BOERAEVE, Juge Honoraire,
assistées de Madame Isabelle SOUNDRON, Greffier

Les débats ont eu lieu à l’audience tenue le 28 Mai 2024.

MISE EN DELIBERE

A l’issue des débats, les parties présentes et leurs conseils ont été avisés que le
jugement serait mis à leur disposition le 27 Août 2024.

JUGEMENT : contradictoire, du 27 Août 2024, en premier ressort

Prononcé par mise à disposition par Madame Brigitte LAGIERE, Présidente assistée de Madame Isabelle SOUNDRON, Greffier

En vertu de quoi, le Tribunal a rendu le jugement dont la teneur suit :

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Suivant acte authentique reçu en l’office notarial NOT’AVENIR le 15 juin 2020, Monsieur [W] [J] [S] et Madame [L] [C] épouse [S] ont cédé à Monsieur [Y] [N] une parcelle de terrain sur laquelle est édifiée une maison d’une superficie de 128 m2 sise sur la commune de [Adresse 2], moyennant un prix de vente de 169.000 €. Les vendeurs déclaraient alors avoir eux-mêmes effectué des travaux d’agrandissement du bien en 2009, comprenant une extension de la cuisine, salle à manger, salle de bains et WC ainsi qu’une chambre à l’étage, étant alors précisé que la situation administrative de l’extension était irrégulière. La partie développée exposée à l’acte authentique de vente comportait une section DIAGNOSTICS TECHNIQUES, parmi laquelle une sous-section Termites qui indique :
«  L’immeuble se trouve dans une zone délimitée par arrêté préfectoral comme étant contaminée par les termites ou susceptible de l’être.
Un état relatif à la présence de termites délivré par la société ABC IMMODIAG, sise [Adresse 3], le 10 janvier 2020 est annexé ».
Sont ensuite reproduites les conclusions du diagnostic dont il résulte une absence d’indices d’infestation de termites sur les parties visitées de l’immeuble, précision étant faite que certaines zones de charpente n’ont pu être examinées faute d’accès, idem pour la structure bois de la maison « Bourbon Bois ».

Suivant assignation des époux [S] et d’ABC IMMODIAG délivrée le 30 novembre 2021 dans les intérêts de Monsieur [N], le juge des référés de ce tribunal a, par décision du 20 janvier 2022, a ordonné une mesure d’expertise et commis Madame [U] [P] [E] pour ce faire.

L’Experte a déposé son rapport le 17 novembre 2022.

Par acte de commissaire de justice en date des 06 et 17 avril 2023, [Y] [N] a assigné les époux [S] et la société MARYLO DIAG, exploitant l’enseigne ABC IMMODIAG, devant le Tribunal judiciaire de Saint-Denis aux fins de les voir condamnés in solidum en réparation de préjudices subis par lui à l’acquisition de la maison le 15 juin 2020.

Les défendeurs ont constitué avocat.

En l’état de ses dernières conclusions, notifiées par message RPVA en date du 08 novembre 2023, [Y] [N] sollicite le Tribunal de :
-DIRE ET JUGER les demandes de Monsieur [Y] [N] à l’encontre de Madame [S] [L], Monsieur [S] [W] [J], et la Société MARYLO DIAG sous l’enseigne « ABC IMMODIAG » recevables et bien fondées,
En conséquence,
-Les DÉCLARER responsables in solidum des préjudices subis par lui,
-Et les CONDAMNER in solidum à verser les sommes de :
-9.414,65 € au titre du préjudice financier correspondant au remboursement des travaux conservatoires effectués,
-17.550 € au titre du préjudice financier correspondant au chiffrage des travaux complémentaires à réaliser,
-10.421, 85 € au titre du trouble de jouissance futur,
-5.000 € au titre du trouble de jouissance subi,
-5.000 € au titre du préjudice moral,
Soit un total de 47.386, 50 € ;
-Les CONDAMNER à payer la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Au soutien de ses demandes, Monsieur [N] entend faire valoir que les vendeurs auraient sciemment occulté la présence de termites dans le but d’obtenir la vente de leur maison, ce qui les rendraient responsables des préjudices subis sur le fondement du dol.

D’autre part, se fondant sur la garantie des vices cachés, il soutient qu’en leur qualité de vendeur, les époux [S] seraient garants des défauts cachés qui diminueraient tellement l’usage de la chose que l’acquéreur en aurait donné un moindre prix.

Enfin, en leur qualité de constructeur des travaux d’extension qui se seraient révélés non-conformes aux règles de l’art, les vendeurs seraient tenus à garantie décennale des malfaçons qui en découlent.

En réponse aux époux [S], il indique que leur connaissance du vice serait démontrée par un premier rapport d’expertise amiable alors que l’Expert s’y étonnerait de ce que le diagnostiqueur n’ait pu constater la présence de termites lors de son passage, ce qui témoignerait de l’importance du sinistre et de son caractère visible.

Il ajoute que Madame [S] aurait répondu sans équivoque qu’elle avait bel et bien remarqué la présence de symptômes typiques d’une infestation de termites, mais l’aurait attribué à la présence de margouillats.

Il soutient finalement que le seul fait pour le vendeur d'avoir entrepris des travaux dans son immeuble lui interdirait d'invoquer toute clause exclusive de garantie, lors même qu'il n'aurait agi qu'en pur amateur.

Par ailleurs, recherchant la responsabilité du diagnostiqueur sur le fondement délictuel, il entend tirer argument de ce que l’Expert amiable aurait relevé que l’infestation de termites était visible lors des visites et que l’Expert judiciaire aurait indiqué qu’ABC IMMODIAG n’avait pas relevé plusieurs entrées d’eau et une humidité ambiante nonobstant le diagnostic non destructif réalisé.

Partant, ABC IMMODIAG aurait manqué à sa mission de diagnostiqueur, lui causant un préjudice.

Répondant à ABC IMMODIAG, qui entend subsidiairement voir restreindre sa condamnation à hauteur de la prise en charge du coût du traitement des termites évalué par l’Expert, il soutient que sans la faute du diagnostiqueur, il aurait pu prendre sa décision d’acheter l’immeuble en toute connaissance de cause.

Il indique, en outre, que le rapport d’expertise judiciaire conclurait à une responsabilité du diagnostiqueur, que des travaux aient été réalisés ou non par l’acquéreur.

En défense, et suivant conclusions notifiées par message RPVA en date du 06 septembre 2023, les époux [S] demandent au Tribunal de :

-JUGER l’action de M. [N] mal fondée à l’encontre des époux [S] ;
-Le DÉBOUTER en conséquence de l’intégralité de ses demandes à leur encontre ;
-Le CONDAMNER aux entiers dépens.

Réfutant tout acte dolosif, ils indiquent qu’une société spécialisée et certifiée aurait réalisé un diagnostic relatif aux termites et aurait conclu qu’il n’y en avait pas. Selon eux, il resterait impossible qu’un nettoyage ait pu tromper sa vigilance. Ils indiquent également s’y être fiés et ne pas avoir pu imaginer que soit ce diagnostic eut été erroné ou qu’entre-temps des termites seraient apparues.

Ce faisant, ils affirment que lors de la remise des clés de leur bien, il n’aurait existé aucun indice permettant d’envisager la présence de termites et soutiennent ainsi que Monsieur [N] échouerait à rapporter la preuve de manœuvres ou mensonges caractérisant un dol.

S’agissant d’une éventuelle garantie des vices cachés, ils excipent les dispositions contractuelles de l’acte authentique de vente aux termes desquelles l’acquéreur déclarait prendre le bien dans l’état où il se trouvait au jour de l’entrée en jouissance, sans recours contre les vendeurs pour quelque cause que ce soit notamment en raison des vices apparents ou cachés, précisant que cette exonération de garantie ne s’applique pas si les vendeurs ont la qualité de professionnel de l’immobilier ou de la construction, ou s’ils sont réputés ou se sont comportés comme tel, ainsi que s’il est prouvé par l’acquéreur, dans les délais légaux, que les vices cachés étaient en réalité connus des vendeurs.

Sur ce point, ils soutiennent qu’[Y] [N] se contenterait du constat factuel de la présence de termites, s’abstenant de l’incombance d’avoir à prouver que les vices cachés étaient en réalité connus des vendeurs.

Quant à la garantie décennale, ils rappellent que les travaux se sont achevés en 2009, tel qu’il est précisé à l’acte authentique de vente, soit il y a plus de 10 ans.

En défense également, et en l’état de ses dernières conclusions notifiées par message RPVA en date du 24 janvier 2024, la société MARYLO DIAG exploitant l’enseigne ABC IMMODIAG demande au Tribunal de :
-DÉBOUTER Monsieur [N] de toutes ses demandes, fins et conclusions, en ce qu’elles sont dirigées à l’encontre de MARYLO DIAG ;
-CONDAMNER Monsieur [N] ou, à défaut, les époux [S], à verser à la société MARYLO DIAG une indemnité de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
-Le CONDAMNER aux dépens ;
Subsidiairement,
-LIMITER l’indemnisation de Monsieur [N] à la somme de 1500 €, correspondant au coût du traitement anti-termites ;
-DÉBOUTER Monsieur [N] du surplus de ses demandes.

ABC IMMODIAG entend, en premier lieu, rappeler que sa responsabilité n’est recherchée que sur la base du rapport relatif à la recherche de termites qu’elle a réalisé, si bien que les autres désordres invoqués, et constatés par l’expert, qui seraient sans lien aucun avec la problématique « termites » ne sauraient engager sa responsabilité. Ce faisant, elle cite en exemple la pose d’un carrelage sur du contreplaqué dans l’extension qui ne serait pas conforme aux règles de l’art ou encore l’absence de régularisation administrative des travaux.

Ce faisant, elle indique que le coût du traitement anti-termites serait chiffré par l’Expert judiciaire à la somme de 1 500 € tandis que le surplus de travaux, pour un montant de 16 050 €, ne serait pas en lien avec l’infestation de termites, mais serait la conséquence des travaux d’extension réalisés sans respect des règles de l’art par les vendeurs. En outre, Monsieur [N] ajouterait une somme de 9.414,65 € qui correspondrait aux travaux qu’il aurait lui-même réalisés avant l’expertise amiable. Ceux-ci n’auraient pas été débattus devant l’Expert judiciaire et Monsieur [N] se refuserait à en produire les factures, si bien qu’il serait impossible de savoir si ces travaux étaient nécessaires et s’ils concernaient la présence de termites ou d’autres désordres.

De même, le trouble de jouissance serait la conséquence de la reprise des désordres qui ne concerneraient pas l’infestation par les termites, mais les travaux d’extension réalisés par les vendeurs.

Par ailleurs, elle expose que la présence de termites n’aurait pu être constatée contradictoirement, ni par l’Expert amiable ni par l’Expert judiciaire, alors que les travaux de reprises effectués par Monsieur [N] en auraient fait disparaître les traces.

Elle reconnaît cependant que la présence de termites a été constatée par la société OPTIMUM au mois de juillet 2020, soit 6 mois après son propre passage. Elle indique toutefois que, par nature et définition, la situation parasitaire d’un bien à l’égard d’une infestation par des termites serait évolutive et sa responsabilité en tant que diagnostiqueur ne pourrait être engagée que s’il était démontré que les indices d’infestation par des termites étaient visibles et accessibles sans travaux destructifs le jour de son intervention. Elle indique également que l’Expert judiciaire ne lui adresserait pas de reproche pertinent, alors que ni la réglementation, ni la norme, ne prévoiraient de signaler des désordres extérieurs à la mission, tels que des entrées d’eau ou une éventuelle humidité. Ainsi, sa mission de diagnostiqueur aurait été strictement limitée à la recherche de termites et d’indices infestation.

Conformément aux termes de l’article 455 du code de procédure civile, il sera renvoyé aux écritures des parties pour le surplus des moyens développés au soutien de leurs prétentions.

Par ordonnance en date du 08 avril 2024, la juge de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure d’instruction et fixé l’affaire à l’audience de plaidoirie du 28 mai 2024. Les parties ont été informées que le jugement de l’affaire sera rendu le 27 août 2024 par mise à disposition au greffe.
MOTIFS DE LA DÉCISION :

À titre liminaire, il convient de rappeler les dispositions de l’article 768 du code de procédure civile, aux termes duquel les conclusions des parties doivent formuler expressément leurs prétentions ainsi que les moyens en fait et en droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

En outre, il résulte de l’article 9 du même code qu’il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Sur le dol

Aux termes de l’article 1137 du code civil, le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manœuvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie. Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation.

La qualification de dol nécessite la constatation du caractère intentionnel du manquement et déterminant de l’erreur provoquée par celui-ci.

En l’espèce, Monsieur [N] reproche aux époux [S] d’avoir dissimulé la présence de termites au sein du bien acquis le 15 juin 2020.

Pour étayer son grief, il verse aux débats l’impression d’un échange courriel aux termes duquel :
-Monsieur [N] le 06 juillet 2020 : « Bonjour Madame [S], vous m’avez confirmé avoir connaissance de rejets de sciure de bois dans la chambre en lambris au niveau du dressing lors de notre conversation téléphonique, aviez vous pensé à en parler au diagnostiqueur lors de sa visite ? Merci. [Y] » ;
-Madame [S] le 07 juillet 2020 : « Non parce que j’ai remarqué seulement quand j’ai enlevé tous les vêtements du dressing et comme j’ai dit c’est sûrement les petits lézards qui rongent le bois il y a eu le diagnostic il y a pas de thermite ».

Il tire également argument du rapport d’expertise judiciaire aux termes duquel : « Avec un nettoyage minutieux du bien, les poussières peuvent ne pas être visibles ».

Ces éléments, à eux seuls, sont insuffisants à démontrer que les époux [S] aient eu connaissance de la présence de termites au sein du bien vendu, ni qu’ils aient employé de manœuvres ou menti en vue d’en dissimuler la présence à Monsieur [N].

Partant, ce moyen est écarté.

Sur la garantie des vices cachés

Aux termes de l’article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

Toutefois, aux termes de l’article 1643 du même code, le vendeur est tenu des vices cachés, quand bien même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie.

L’interprétation constante de cet article conduit à retenir que le vendeur qui a réalisé lui-même les travaux à l'origine des vices de la chose vendue, est tenu de les connaître et ne peut se prévaloir d'une clause limitative ou exclusive de garantie des vices cachés.

Par application spéciale, l’article L. 271-4 du code de la construction et de l’habitation dispose (I.) qu’en cas de vente de tout ou partie d'un immeuble bâti, un dossier de diagnostic technique, fourni par le vendeur, est annexé à la promesse de vente ou, à défaut de promesse, à l'acte authentique de vente. Il comprend notamment (3°) l'état relatif à la présence de termites dans le bâtiment prévu à l'article L. 126-24 du même code. (II.) En l'absence, lors de la signature de l'acte authentique de vente, de ce document en cours de validité, le vendeur ne peut pas s'exonérer de la garantie des vices cachés correspondante.

Cette règle n'oblige le propriétaire de l'immeuble qu'à transmettre à l'acquéreur l'état établi par le professionnel. Dès lors, à défaut d'engagement exprès de livrer un immeuble exempt de termites, le vendeur ne manque pas à son obligation d'information et n'engage pas sa responsabilité si le constat est erroné.

Aux termes de l’article L. 271-6 du même code, l'état relatif à la présence de termites dans le bâtiment est établi par une personne présentant des garanties de compétence et disposant d'une organisation et de moyens appropriés. Cette personne est tenue de souscrire une assurance permettant de couvrir les conséquences d'un engagement de sa responsabilité en raison de ses interventions.

La responsabilité du diagnostiqueur ne se trouve engagée que lorsque le diagnostic n'a pas été réalisé conformément aux normes édictées et aux règles de l'art et qu'il se révèle erroné. En particulier, elle ne saurait être utilement recherchée lorsqu'il a réalisé sa mission conformément à l’Arrêté du 29 mars 2007 définissant le modèle et la méthode de réalisation de l'état du bâtiment relatif à la présence de termites qui précise que l'opérateur examine l'ensemble des niveaux et la totalité des pièces et volumes, procède à un examen visuel minutieux de l'ensemble des éléments et ouvrages constituant le bâtiment et procède à des sondages sur les ouvrages bois.

Aussi, le contrôle auquel doit procéder le diagnostiqueur n'est pas purement visuel et il lui appartient d'effectuer les vérifications n'impliquant pas de travaux destructifs. Engage également sa responsabilité à l'égard des acquéreurs le diagnostiqueur qui n'a pas visité l'une des pièces infestées.

S’agissant de la présence de termites

En l’espèce, la présence effective de termites dans le bien acquis par Monsieur [N] des époux [S] n’est pas contestée. Elle a été constatée par OPTIMUM DIAGNOSTIC IMMOBILIER suivant rapport du 09 juillet 2020 au sein de la pièce désignée salon 2 au rez-de-chaussée et chambre 1 à l’étage. La liste des moyens d’investigation utilisés est une liste type et s’il est précisé que « pour chacun des éléments inspectés, le type d’outil utilisé est précisé » tel n’est pas le cas.

En outre, il ressort du rapport d’expertise judiciaire déposé le 17 novembre 2022, que des termites étaient présentes lors de l’acquisition du bien par Monsieur [N].

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La mauvaise foi des époux [S] n'ayant pas été démontrée, la délivrance d'un diagnostic erroné établi par un professionnel n'écarte pas le jeu normal de la clause exonératoire des vices cachés contenue à l’acte authentique de vente en date du 15 juin 2020.

L’acte authentique de vente en date du 15 juin 2020 comprenait la clause exonératoire suivante :

«  ÉTAT DU BIEN
L’ACQUÉREUR prend le BIEN dans l’état où il se trouve au jour de l’entrée en jouissance, sans recours contre le VENDEUR pour quelque cause que ce soit notamment en raison :
des vices apparents,des vices cachés.
S’agissant des vices cachés, il est précisé que cette exonération de garantie ne s’applique pas :
si le VENDEUR a la qualité de professionnel de l’immobilier ou de la construction, ou s’il est réputé ou s’est comporté comme tel,s’il est prouvé par l’ACQUÉREUR, dans les délais légaux, que les vices cachés étaient en réalité connus du VENDEUR. »
Or, Monsieur [W] [J] [S] est identifié à la partie normalisée de l’acte en tant que VENDEUR, exerçant la profession de maçon.

Dès lors, et contrairement à ce qu’il indique, celui-ci a la qualité de professionnel de la construction, alors même qu’il aurait agi à l’acte à titre personnel. Il y est par ailleurs indiqué qu’il a lui-même réalisé des travaux d’agrandissement du bien, agrandissements que l’Experte judiciaire rapporte être non-conformes aux règles de l’art et ayant favorisé l’infestation de la vermine.

Aussi, l’exonération de garantie des vices cachés ne saurait s’appliquer.

Pour sa part, l’état relatif à la présence de termites dans les bâtiments établi le 10 janvier 2020 par ABC IMMODIAG, annexé à l’acte authentique de vente en date du 15 juin 2020, concluait à une absence d’indices d’infestation de termites. Il y est précisé que l’ensemble des pièces ont pu être visitées, mais que certaines zones de charpentes n’ont pu être examinées faute d’accès. Idem pour la structure bois de la maison « Bourbon Bois ». La liste des moyens d’investigation utilisés consiste en une liste type et non relative aux investigations effectivement menées sur le bien litigieux le jour de la visite.

Or, un rapport d’expertise amiable a été établi le 23 septembre 2020 par le bureau Union d’Experts - Agence de la Réunion, à l’initiative de l’assureur de Monsieur [N]. À cette fin, une visite des lieux a été effectuée le 04 septembre 2020, en présence contradictoire d’ABC IMMODIAG. Ce rapport précise qu’à la demande de Monsieur [N], alerté par la présence de rejets de sciure de bois au niveau des placards de la chambre 1 dès le lendemain de la remise des clés, le diagnostiqueur d’ABC IMMODIAG s’est rendu sur site le 24 juin 2020 et a conclu à la présence de termites. Bien qu’il soit précisé que la zone exacte d’infestation n’a pu être constatée contradictoirement, Monsieur [N] ayant procédé à des travaux de reprises en juillet 2020 et que le diagnostiqueur d’ABC IMMODIAG ait opposé la période de 6 mois entre son constat et celui réalisé par OPTIMUM DIAGNOSTIC IMMOBILIER, ABC IMMODIAG indiquait avoir réalisé son diagnostic sans démontage, mais uniquement sur les parties visibles.

Il ressort du rapport d’expertise judiciaire qu’au jour de sa visite, aucune dégradation liée aux insectes xylophages et en particulier aux termites n’a pu être constatée par l’Experte, eu égard les reprises effectuées par Monsieur [N].

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L’analyse de ces éléments permet d’établir que le diagnostic réalisé par ABC IMMODIAG le 10 janvier 2020 ne l’a pas été conformément aux normes édictées et aux règles de l'art, alors que seules des constatations purement visuelles ont été réalisées par l’opérateur bien que l'arrêté du 29 mars 2007 définissant le modèle et la méthode de réalisation de l'état du bâtiment relatif à la présence de termites précise que l'opérateur procède à des sondages sur les ouvrages bois. Il s’est révélé erroné.

Partant, la responsabilité du diagnostiqueur se trouve engagée.

En outre, en l'absence de clause exonératoire de garantie efficace et eu égard le diagnostic erroné, les vendeurs doivent répondre de la présence de termites dans le bien vendu au titre de leur obligation de garantie des vices cachés.

Sur les travaux non-conformes aux règles de l’art

Par ailleurs, il ressort du rapport d’expertise judiciaire en date du 17 novembre 2022 qu’une partie des travaux d’extension n’a pas été réalisée dans les règles de l’art et qu’elle impacte le bâti de départ. En outre, il est indiqué que la solidité de l’ouvrage est remise en cause au niveau des sols de l’étage et sur les deux points d’accroche de l’extension.

L’Experte précise que, pour un profane, ces travaux non-conformes aux règles de l’art ne peuvent être repérés.

Dès lors, les époux [S] sont responsables de ces dommages qui rendent le bien impropre à sa destination.

Sur la garantie décennale due par les constructeurs-vendeurs

La responsabilité des défendeurs étant acquise à ce stade, il n’y a pas lieu de statuer sur ce moyen du demandeur.

Sur le montant des préjudices

Aux termes de l’article 1644 du code civil, dans le cas des articles 1641 et 1643, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix.

Cette action permettant de replacer l'acheteur dans la situation où il se serait trouvé si la chose vendue n'avait pas été atteinte de vices, l'acquéreur d'un immeuble est fondé à demander la restitution du prix correspondant au coût des travaux nécessaires pour remédier aux vices.

Par ailleurs, aux termes de l’article 1240 du même code, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Sur ce fondement, le préjudice constitué par le coût des travaux de réparation des dégâts causés par les insectes et le préjudice de jouissance subis par les acheteurs du fait d'un diagnostic erroné présentent un caractère certain et doivent être indemnisés par le diagnostiqueur fautif.

En l’espèce, l’Experte judiciaire rapportait qu’au jour de sa visite, aucune dégradation liée aux termites n’était constatée, Monsieur [N] ayant réalisé des travaux de reprises concernant le plafond du séjour, la cabine de la salle de bains, le plancher et l’intérieur de l’une des chambres du premier étage, la structure, le plancher, le revêtement de sol, le placo plâtre, l’isolation et la peinture.

Ces travaux ont été réalisés pour un coût estimé à 9.414,65 euros tel que constaté par l’Expert amiable ayant rendu rapport le 23 septembre 2020. Lui avaient alors été remis un certain nombre de factures par Monsieur [N]. Or, si ABC IMMODIAG reproche à présent à Monsieur [N] de ne pas produire ces factures, force est de constater qu’il n’est justifié d’aucune sommation interpellative, ni saisine du juge de la mise en état, à cette fin au stade de la procédure d’instruction de l’affaire.

Il apparaît donc que cette somme, à laquelle s’ajoute le montant de 1.500 euros pour un traitement anti-termites à prévoir tel que préconisé par l’Experte judiciaire, est de nature à indemniser le préjudice matériel résultant de la présence de termites au sein du bien.

En outre, il convient encore à ce stade d’indemniser le préjudice de jouissance résultant des travaux déjà effectués au sein du bien. En l’absence de tout élément produit aux débats pour justifier de l’ampleur exacte de la privation de jouissance résultant des travaux déjà réalisés, celle-ci sera justement indemnisée par l’attribution d’une somme de 2.000 euros.

Dès lors, les époux [S] et ABC IMMODIAG seront tenus, in solidum, d’avoir à indemniser Monsieur [N] d’une somme de 12.914,65 euros en réparation des dégâts causés par les termites et le préjudice de jouissance subis.

Par ailleurs, l’Experte judiciaire précise que d’autres travaux sont à réaliser pour éviter d’autres dégradations et une vétusté anormale du bâtiment. Ces travaux sont chiffrés par elle à la somme totale de 17.550 euros. Cette somme comprend toutefois un montant de 2.000 euros de régularisation administrative de l’extension y compris le dépôt d’un permis de construire. Or, l’acte authentique de vente fait état de ce que l’extension réalisée par les vendeurs eux-mêmes en 2009 n’avait pas fait l’objet d’une autorisation de construire. Dès lors, Monsieur [N] ne saurait prétendre à la régularisation de ce vice qui était connu et accepté de lui à l’origine. En outre, cette somme totale inclut le montant de 1.500 euros s’agissant du traitement anti-termites à prévoir.

Dès lors, les époux [S] seront tenus d’indemniser Monsieur [N] d’une somme de 14.050 euros s’agissant des travaux nécessaires pour remédier aux vices résultant des travaux d’extensions non-conforme aux règles de l’art qu’ils ont réalisés sur le bien.

À cette somme, doit s’ajouter le préjudice de jouissance à venir du bien alors que les travaux de mise en conformité ont été estimés par l’Experte judiciaire à une durée d’environ deux mois. Ce préjudice sera justement indemnisé par l’allocation d’un montant supplémentaire de 6.000 euros.

Enfin, s’agissant de l’indemnisation du préjudice moral auquel prétend Monsieur [N], force est de constater que la mauvaise foi des époux [S] n’a pas été retenue au stade du dol. En effet, en l’absence de mauvaise foi établie, seule leur responsabilité objective a été retenue s’agissant de la garantie du vendeur contre les vices cachés de la chose alors qu’ils ne peuvent se prévaloir d’aucune exonération.

Toutefois, les agissements fautifs d’ABC IMMODIAG, qui n’a pas réalisé son diagnostic conformément aux normes édictées et aux règles de l'art, lequel s’est révélé erroné, ont nécessairement causé un préjudice moral à Monsieur [N] qu’il convient d’indemniser par l’allocation d’une somme de 2.000 euros.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Tant l’issue du litige que l’équité commandent de condamner solidairement les défendeurs, qui succombent, à payer une somme de 3.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Ils seront, en outre, tenus aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,

CONDAMNE, in solidum, Monsieur [W] [J] [S], Madame [L] [C] épouse [S] et la société MARYLO DIAG, exploitant de l’enseigne ABC IMMODIAG, à payer à Monsieur [Y] [N] une somme de 12.914,65€ (douze mille neuf cent quatorze euros et soixante-cinq centimes) en réparation des dégâts causés par les termites sur le bien sis [Adresse 2] à [Localité 7], et le préjudice de jouissance actuel en ayant résulté ;

CONDAMNE, in solidum, Monsieur [W] [J] [S] et Madame [L] [C] épouse [S] à payer à Monsieur [Y] [N] une somme de 14.050€ (quatorze mille cinquante euros) en réparation des dommages compromettant la solidité des extensions construites par eux en 2009 sur le bien sis [Adresse 2] à [Localité 7], ou qui, les affectant dans l'un de leurs éléments constitutifs, les rendent impropres à sa destination ;

CONDAMNE, in solidum, Monsieur [W] [J] [S] et Madame [L] [C] épouse [S] à payer à Monsieur [Y] [N] une somme de 6.000€ (six mille euros) en réparation du préjudice de jouissance futur du bien sis [Adresse 2] à [Localité 7] ;

CONDAMNE la société MARYLO DIAG, exploitant l’enseigne ABC IMMODIAG, à payer à Monsieur [Y] [N] une somme de 2.000€ (deux mille euros) en réparation du préjudice moral qu’elle lui a causé ;

CONDAMNE, in solidum, Monsieur [W] [J] [S], Madame [L] [C] épouse [S] et la société MARYLO DIAG, exploitant l’enseigne ABC IMMODIAG, à payer à Monsieur [Y] [N] une somme de 3.500€ (trois mille cinq cent euros) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE toute demande plus ample ou contraire ;

CONDAMNE, in solidum, Monsieur [W] [J] [S], Madame [L] [C] épouse [S] et la société MARYLO DIAG, exploitant l’enseigne ABC IMMODIAG, aux entiers dépens ;

Et le présent jugement a été signé par Brigitte LAGIERE, Présidente et Isabelle SOUNDRON, Greffière.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23/01337
Date de la décision : 27/08/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 02/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-08-27;23.01337 ?
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