RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE ST DENIS
MINUTE N°
1ERE CHAMBRE
AFFAIRE : N° RG 22/02561 - N° Portalis DB3Z-W-B7G-GDUH
NAC : 10B
JUGEMENT CIVIL
DU 27 Août 2024
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COMPOSITION DE LA JURIDICTION AYANT DÉLIBÉRÉE APRES DÉBATS DEVANT UN JUGE RAPPORTEUR
Président : Madame Brigitte LAGIERE, Vice-présidente
Assesseur : Madame Sophie PARAT, Vice-présidente
Assesseur : Madame Patricia BERTRAND, Vice-présidente
Greffier : Madame Isabelle SOUNDRON,
DEMANDEUR
M. [C] [X] [P]
né le 31 Août 1993 à [Localité 6] (MADAGASCAR)
[Adresse 1]
[Localité 2]
Rep/assistant : Me Nacima DJAFOUR, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
DEFENDERESSE
Madame la Procureure de la République près le Tribunal Judiciaire de Saint-Denis de la Réunion
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Copie exécutoire délivrée le :27.08.2024
Expédition délivrée le :
à Me Nacima DJAFOUR, Madame la Procureure de la République près le Tribunal Judiciaire de Saint-Denis de la Réunion
A la demande des parties lors de la clôture de l’affaire, le Juge de la Mise en Etat a autorisé le dépôt de leurs dossiers à la date du 05 juillet 2024 en les informant que le jugement serait rendu en Juge rapporteur par Brigitte LAGIERE, assistée de Isabelle SOUNDRON, par mise à disposition le 27 Août 2024.
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FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
Par décision du 21 octobre 2019, le tribunal d’instance de Paris a refusé la délivrance d’un certificat de nationalité française à Monsieur [C] [X] [P] né le 31 août 1993 à [Localité 6] (Madagascar).
Par acte du 30 août 2022 , Monsieur [P] a assigné le Procureur de la République près le Tribunal Judiciaire de Saint Denis de la Réunion devant le tribunal de céans aux fins de voir dire et juger qu’il est de nationalité française par filiation paternelle .
Il fait principalement valoir dans son assignation et ses conclusions du 2 février 2024 que :
-il est le fils de [I] [P] né le 5 juin 1974 à Madagascar qui est français par filiation maternelle étant l ’enfant légitime de Madame [V] [S] [Y] née le 17 juin 1952 à [Localité 5](réunion) mariée le 7 septembre 1968 avec Monsieur [F] [P].
-son acte de naissance a été valablement transcrit par le consul de France à [Localité 7] et sur les registres consulaires français de l’État civil français et est détenu par le SCEC de [Localité 4].
-sa mère étant de nationalité malgache ,sa filiation est régie par la loi malgache.
Selon cette loi , la filiation paternelle résulte soit des présomptions légales soit d’une reconnaissance de paternité soit d’une déclaration en justice.
En l’espèce , il a été reconnu par son père dans l’acte même de naissance et donc pendant sa minorité.
Il justifie donc d’un État civil fiable et certain et d’un lien de filiation légalement établi à l’ égard de [I] [P].
- son père et lui jouissent d’une possession d’état de français comme l’attestent de nombreux documents.
- la mère de son père est française. La filiation maternelle de son père est établie par son acte de naissance. L’acte de naissance de son père mentionne en effet que celui-ci est le fils de [F] [P] et de [V] [S] [Y] “son épouse”. Or ,la mention “son épouse” dans un acte de naissance établit bien la filiation légitime de l’enfant selon la Cour de cassation.
En tout état de cause, il produit la preuve du mariage des parents de son père.
Au surplus ,la preuve du mariage des parents de son père est rapportée par la possession d’état.
Peu importe que l’acte de mariage n’énonce pas la profession de l’épouse et les professions et résidences habituelles des témoins, ces mentions ne sont pas substantielles.
Peu importe qu’il ne soit pas mentionné le consentement des parents de l’épouse alors mineure , cette omission ne remet pas en cause la validité de l’acte.
La nationalité française de [V] [S] [Y] , sa grand-mère paternelle est établie étant française comme née en France d’une mère française.
Dans ses conclusions n° 4 notifié le 2 avril 2024, le Ministère Public a demandé au tribunal de débouter Monsieur [P] de ses demandes, de constater son extranéité et d'ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil.
Il fait valoir que :
-le demandeur ne justifie pas de lien de filiation légalement établie entre [I] [P] et [V] [S] [Y] .
La copie de l’acte de mariage de [F] [P] et [V] [S] [Y] ne mentionne pas la profession de l’épouse ni les professions et résidence habituelle des témoins et ne mentionne pas le consentement des parents de l’épouse au mariage alors qu’elle était mineure.
Dans ses dernières conclusions et après avoir contesté longuement la nationalité française de [V] [S] [Y] , le ministère public au vu des dernières pièces produites reconnaît qu’elle était bien française à la date de naissance de [I] [P].
Il fait valoir que la possession d’état de français est un mode subsidiaire de preuve de la nationalité française qui cède devant la preuve contraire.
Or, il estime avoir établi que la nationalité française de [I] [P] au jour de la naissance du requérant n’était pas démontrée faute de justifier d’un lien de filiation légalement établie entre [I] [P] et [V] [S] [Y] .
SUR CE, LE TRIBUNAL
-Sur la régularité de la procédure :
Aux termes de l’article 1043 du code de procédure civile, dans toutes les instances où s'élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l'assignation est déposée au Ministère de la Justice qui en délivre récépissé. En l’espèce, le Ministère de la Justice a délivré ce récépissé le 3 octobre 2022.
La condition de l’article 1043 du code de procédure civile est ainsi respectée.
L'action est recevable.
- Sur la nationalité :
En l’espèce il est constant que le requérant justifie d’un État civil fiable et certain et d’un lien de filiation légalement établi à l’égard de [I] [P].
Après avoir longuement contesté la nation était française de [V] [S] [Y], le ministère public a fini par reconnaître au vu des dernières pièces produites par le requérant qu’elle était bien française.
En revanche , le Ministère public estime que le lien de filiation de [I] [P] à l’égard de [V] [S] [Y] n’est pas établi.
Or, le requérant produit l’acte de naissance de [I] [P] qui mentionne qu’il est né de [F] [P] et de [V] [S] [Y] , “son épouse”.
Le fait que l’acte de mariage produit ne mentionne pas la profession de l’épouse ni les professions et résidences habituelle des témoins et ne mentionne pas le consentement des parents au mariage ne remet pas en cause de façon suffisamment pertinente la validité de cet acte , les mentions et professions et domiciles n’étant pas des formalités substantielles de cet acte et l’absence du consentement des père et mère au mariage d’un enfant mineur ne pouvant plus être désormais contesté par le ministère public ,les délais légaux étant expirés et Madame [V] [S] [Y] jouissant depuis ce mariage de la possession d’état d’une femme mariée; par ailleurs, la jurisprudence estime de façon constante que la mention “son épouse” dans un acte de naissance établit la filiation légitime de l’enfant.
[I] [P] est donc l’enfant légitime né à l’étranger d’une mère française [V] [S] [Y].
Selon l’article 30 -2 du Code civil lorsque la nationalité française ne peut avoir sa source dans la filiation, elle est tenue pour établie sauf la preuve contraire si l’intéressé et celui de ses père et mère qui a été susceptible de la lui transmettre ont jouit d’une façon constante de la possession d’état de français.
Pour être efficace, la possession d’état doit être constante, continue, non équivoque et ne pas avoir été constituée ou maintenue par fraude ou mauvaise foi .
En l’espèce, force est de constater que le requérant démontre bien que son père et lui-même ont joui d’une façon constante de la possession d’état de français par la production:
- En ce qui concerne son père , de l’acte de naissance de celui-ci transcrit par le consul de France à [Localité 7] et enregistrée au service central de l’État civil à [Localité 4] , du livret de famille français , du certificat de nationalité française délivré en 1998, de la transcription de son acte de mariage à la chancellerie détachée de France à [Localité 7] , de l’apposition de son nom dans le livret de famille français de sa mère et des cartes d’identité et passeports français régulièrement renouvelés.
- En ce qui le concerne , de la transcription de son acte de naissance par le consulat de France à [Localité 7] quelques mois seulement après sa naissance, de son inscription au registre consulaire français, de l’apposition de son nom dans le livret de famille français de son père et de ses cartes d’identité et passeports français régulièrement renouvelés.
Il s'ensuit que Le demandeur a bien la nationalité française par filiation paternelle. Il y a lieu d’ordonner la mention prévue à l’article 28 du Code civil.
PAR CES MOTIFS,
Le tribunal statuant en premier ressort, par jugement contradictoire susceptible d'appel, prononcé par mise à disposition au greffe,
CONSTATE que la procédure est régulière au regard de l’article 1043 du code de procédure civile;
DIT que Monsieur [C] [X] [P] né le 31 août 1993 à [Localité 6] (Madagascar) est de nationalité française par filiation paternelle;
ORDONNE la mention prévue par l' article 28 du code civil en marge de son acte de naissance;
DIT que les entiers dépens seront à la charge du Trésor Public.
AINSI JUGE ET PRONONCE le 27 août 2024 et nous avons signé avec Madame le GREFFIER.
Le Greffier, La Présidente,
Isabelle SOUNDRON Brigitte LAGIERE