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27/08/2024 | FRANCE | N°21/02192

France | France, Tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion, 1ère chambre, 27 août 2024, 21/02192


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REPUBLIQUE FRANCAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE ST DENIS

MINUTE N°
1ERE CHAMBRE
AFFAIRE N° RG 21/02192 - N° Portalis DB3Z-W-B7F-F3GO
NAC : 75D

JUGEMENT CIVIL
DU 27 AOUT 2024


DEMANDERESSE

La S.A. RISS CAR
Immatriculée au RCS de SAINT DENIS sous le numéro 310 849 856, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 9]
[Localité 14]
Rep/assistant : Me Laurent BENOITON, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION



DEFENDERESSES

Mme [R] [Z]
Née le 08 Février 1965 à [Localité 12]
[Adresse 11]
[Adresse 11]
[Localité 12]
représentée par son tu...

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REPUBLIQUE FRANCAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE ST DENIS

MINUTE N°
1ERE CHAMBRE
AFFAIRE N° RG 21/02192 - N° Portalis DB3Z-W-B7F-F3GO
NAC : 75D

JUGEMENT CIVIL
DU 27 AOUT 2024

DEMANDERESSE

La S.A. RISS CAR
Immatriculée au RCS de SAINT DENIS sous le numéro 310 849 856, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 9]
[Localité 14]
Rep/assistant : Me Laurent BENOITON, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

DEFENDERESSES

Mme [R] [Z]
Née le 08 Février 1965 à [Localité 12]
[Adresse 11]
[Adresse 11]
[Localité 12]
représentée par son tuteur, Monsieur [V] [O] [S] [X], désigné suivant jugement du Juge des Contentieux de la Proctection de Saint Denis du 15 Septembre 2020
[Adresse 7]
[Localité 14]
Rep/assistant : Me Virginie GARNIER, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
Rep/assistant : Me Reynald BRONZONI, avocat au barreau de PARIS

Mme [Y] [P] [N] [U]
Née le 20 Août 1999 à [Localité 13]
[Adresse 4]
[Localité 8]
Rep/assistant : Me Virginie GARNIER, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
Rep/assistant : Me Reynald BRONZONI, avocat au barreau de PARIS

Mme [W] [N] [U]
Née le 25 Juillet 2001 à [Localité 10]
[Adresse 1]
[Localité 8]
Rep/assistant : Me Virginie GARNIER, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
Rep/assistant : Me Reynald BRONZONI, avocat au barreau de PARIS

Copie exécutoire délivrée le : 27.08.2024
Expédition délivrée le :
à Me Laurent BENOITON
Me Virginie GARNIER

COMPOSITION DU TRIBUNAL

LORS DES DEBATS :

Le Tribunal était composé de :

Madame Brigitte LAGIERE, Vice-Présidente
Madame Sophie PARAT, Vice-Présidente
Madame Dominique BOERAEVE, Juge Honoraire,
assistées de Madame Isabelle SOUNDRON, Greffier

Les débats ont eu lieu à l’audience tenue le 28 Mai 2024.

MISE EN DELIBERE

A l’issue des débats, les parties présentes et leurs conseils ont été avisés que le
jugement serait mis à leur disposition le 27 Août 2024.

JUGEMENT :contradictoire, du 27 Août 2024, en premier ressort

Prononcé par mise à disposition par Madame Brigitte LAGIERE, Présidente assistée de Madame Isabelle SOUNDRON, Greffier

En vertu de quoi, le Tribunal a rendu le jugement dont la teneur suit :

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Suivant acte authentique en date du 25 juillet 1989, les consorts [Z] ont donné bail à construction à la société RISS CAR, s’agissant d’une parcelle de terrain cadastrée AX [Cadastre 3] d’une surface de 2 450 m² située à [Adresse 9] sur la commune de [Localité 14].

Suivant lettre simple en date du 28 février 1996, contre-signée à une date non-indiquée, la société RISS CAR (preneuse) et Madame [Z] (bailleuse) se sont accordées s’agissant d’un bail locatif de droit commun sur une parcelle de 1.000m2 dans le prolongement de la parcelle AX [Cadastre 3].

Par actes extra-judiciaires des 24 et 26 août 2021, la société RISS CAR a assigné Mesdames [R] [Z], [Y] [P] et [W] [N] [U] devant le Tribunal judiciaire de Saint-Denis aux fins principales de constater l’absence de délivrance d’un congé régulièrement donné s’agissant de la parcelle AX [Cadastre 3], objet du bail à construction, et les condamner à payer une somme en responsabilité des préjudices causés par ce manquement.

Sur ce, les défenderesses ont constitué avocat.


En demande et en l’état de ses dernières conclusions, notifiées par message RPVA en date du 09 juin 2023, la société RISS CAR demande au Tribunal de :
DÉCLARER l’absence de délivrance de congé régulièrement donné par Mesdames [R] [Z], [Y] [P] et [W] [N] [U] ès qualités de bailleur à la société RISS CAR, s’agissant de la parcelle AX [Cadastre 3], objet d’un bail à construction ; PRONONCER que le bailleur a commis des manquements à ses obligations contractuelles et qu’il engage ainsi sa responsabilité en ce que ces manquements ont entraîné un préjudice à la société RISS CAR ; DÉCLARER que la rupture des pourparlers par les consorts [Z] est abusive et constitue une faute ; RECONNAITRE que la responsabilité délictuelle des consorts [Z] est engagée ; CONDAMNER le bailleur à payer la somme de 39.868,40 euros à la société RISS CAR au titre des dépenses supportées par cette dernière et de la perte commerciale afférente au comportement fautif des propriétaires bailleurs ; REJETER toutes demandes et prétentions contraires des défendeurs, en ce compris toutes leurs demandes reconventionnelles ; CONDAMNER les défenderesses, à payer la somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens ; PRONONCER l’exécution provisoire de la décision à intervenir, de principe selon la loi.
Elle soutient que l’arrivée à terme des baux à construction, tel celui qui lui a été consenti, seraient soumis à une obligation impérative de congé donné par le bailleur, suivant notification par lettre recommandée avec accusé réception, signification par acte d’huissier ou remise en main propre, et sous respect d’un préavis de six mois avant l’échéance.

Elle soutient, en outre, avoir pris l’initiative de pourparlers contractuels en vue de la conclusion d’un nouveau contrat avant l’arrivée à terme du bail à construire de la parcelle AX [Cadastre 3], ce, dès 2019. Dans ce contexte, elle fait grief aux bailleuses d’avoir fait durer des négociations qu’elles savaient ne pas vouloir faire aboutir en lui proposant des conditions qui seraient excessives et démesurées au vu de la situation économique et de l’ancienneté de la relation contractuelle.

Elle fait également grief aux bailleuses d’avoir manqué à leur obligation de délivrance s’agissant de la parcelle voisine AX [Cadastre 6] dont l’accès se serait uniquement fait par la parcelle AX [Cadastre 3], la forçant à demander un accès qui lui aurait été refusé, refusant de donner la preuve de l’existence d’un droit de passage par la parcelle AX [Cadastre 5] et refusant de créer une voie dont elles auraient pourtant promis le goudronnage.

Elle soutient finalement avoir subi un préjudice en termes de pertes commerciales et de frais engagé par un déménagement de son activité sur la parcelle voisine.

S’opposant à la demande indemnitaire reconventionnelle des défenderesses , elle soutient que les dommages allégués résulteraient de la propre faute des bailleresses qui auraient provoqué son déménagement précipité et qu’une partie des sommes invoqués résulterait de travaux d’agréments au bénéfice du nouveau preneur de la parcelle principale.

En défense et en l’état de leurs dernières conclusions, notifiées par message RPVA en date du 09 février 2023, Mesdames [R] [Z], [Y] [P] et [W] [N] [U] demandent au Tribunal de :
DÉBOUTER la société RISS CAR de ses demandes, fins et prétentions dirigées à leur encontre ; Et, à titre reconventionnel, de :
CONDAMNER la société RISS CAR à leur verser la somme de 125.840,02 euros au titre des travaux de réparation et de remise en état nécessités par le mauvais état de restitution des locaux ;CONDAMNER la société RISS CAR à verser une somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. La CONDAMNER aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Virginie GARNIER, avocat au barreau de SAINT DENIS, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Elles réfutent l’argument selon lequel l’extinction d’un bail à construire par son arrivée à terme soit conditionnée à une formalité impérative de délivrance d’un congé avec préavis de six mois.

S’agissant de la conduite des pourparlers de négociation d’un nouveau bail, elles soutiennent l’existence de désaccords sur les conditions essentielles d’un éventuel bail commercial, et en particulier : l’exigence d’une caution à laquelle la société RISS CAR aurait refusé de se livrer, la conclusion d’un bail commercial sur une durée de dix années ainsi que l’inclusion de la TVA au montant du loyer.

S’agissant de la délivrance de la parcelle limitrophe, elles indiquent avoir donné congé à la société RISS CAR par courrier du 21 décembre 2020 pour le 30 juin 2021 et reprochent à celle-ci de s’être maintenue dans les lieux. Elles soutiennent, en outre, que la société preneuse n’aurait eu aucun mal à accéder à la parcelle.

Reconventionnellement, les bailleuses font grief à la société RISS CAR d’avoir soustrait de nombreux éléments d’équipements du site attachés à l’immeuble (portail, volets et rideaux roulants, climatiseurs, prises électriques et téléphoniques, points lumineux…) et d’avoir fait dériver les alimentations en eau et électricité vers la parcelle voisine ce qui violerait son obligation de restitution des lieux en bon état d’entretien.

Conformément aux termes de l’article 455 du code de procédure civile, il sera renvoyé aux écritures des parties pour le surplus des moyens développés au soutien de leurs prétentions.

Par ordonnance en date du 08 avril 2024, la juge de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure d’instruction et fixé l’affaire à l’audience de plaidoirie du 28 mai 2024. Les parties ont été informées que le jugement de l’affaire sera rendu le 27 août 2024 par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

À titre liminaire, il convient de rappeler les dispositions de l’article 768 du code de procédure civile, aux termes duquel les conclusions des parties doivent formuler expressément leurs prétentions ainsi que les moyens en fait et en droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

De plus, il doit être rappelé que l'article 4 du code de procédure civile dispose en son premier alinéa que l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. Il en résulte que l’opinion formulée par les parties sur un point de pur droit ne constitue pas un terme du litige.

Aussi, il n’y a pas lieu à statuer sur les demandes visant à voir dire, juger, donner acte ou constater l’opinion des parties sur la qualification juridique de faits ou d’actes de nature à nourrir les moyens et arguments en débat.

Par ailleurs, il résulte de l’article 9 du même code qu’il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Sur le bail à construire échu

Aux termes de l’article L251-1 du code de la construction et de l’habitation, dans sa version applicable à l’acte authentique en date du 25 juillet 1989 :

« Constitue un bail à construction le bail par lequel le preneur s'engage, à titre principal, à édifier des constructions sur le terrain du bailleur et à les conserver en bon état d'entretien pendant toute la durée du bail.

Le bail à construction est consenti par ceux qui ont le droit d'aliéner et dans les mêmes conditions et formes.

Il est conclu pour une durée comprise entre dix-huit et quatre-vingt-dix-neuf ans. Il ne peut se prolonger par tacite reconduction. »

Le régime spécifique des baux à construire, disposé aux articles L. 251-1 à L. 251-9 du code de la construction et de l’habitation, ne comporte pas de disposition relative à une éventuelle obligation de préavis préalable à son arrivée à terme ou le conditionnant.

En outre, s’agissant du droit commun des baux, l’article 1737 code civil dispose : « Le bail cesse de plein droit à l'expiration du terme fixé, lorsqu'il a été fait par écrit, sans qu'il soit nécessaire de donner congé. »

En l’espèce, la société RISS CAR, qui soutient l’existence d’une norme impérative imposant au bailleur à construire d’avoir à donner congé sous préavis à son preneur six mois avant l’arrivée à terme contractuel du bail, n’étaye pas son moyen en droit.

En outre, s’il soutient que la loi ALUR du 24 mars 2014 permettrait une nouvelle forme de congé qui serait désormais admise par remise en mains propre contre récépissé, elle n’explicite pas le mécanisme juridique par laquelle cette LOI n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové serait applicable à un bail à construire, a fortiori, rétroactivement à un bail authentifié le 25 juillet 1989 sans connaître de novation depuis lors.

Il n’apparaît pas de tel mécanisme qu’il incombe à l’office de la juridiction de céans de relever.

Partant, le moyen pris d’une absence fautive de délivrance d’un congé par les bailleresses du bail à construire concernant la parcelle AX [Cadastre 3], arrivée à terme contractuel de plein droit le 30 avril 2020, ne saurait prospérer.

Sur la loyauté des pourparlers contractuels en vue d’un nouveau bail

Il résulte des articles 1104 et 1112 du code civil que les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Ainsi, si l'initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres, ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi. Cependant, en cas de faute commise dans les négociations, la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser ni la perte des avantages attendus du contrat non conclu, ni la perte de chance d'obtenir ces avantages.

L’interprétation constante de ces dispositions conduit à nier tout caractère fautif à une rupture des négociations, même d’un stade avancé, compte tenu de motifs légitimes, tel le refus de propositions non-excessives.

En l’espèce, il résulte des éléments produits aux débats par les parties que des négociations en vue de l’établissement d’un bail commercial en succession du bail à construire devant expirer le 30 avril 2020 ont eu lieu . Cela ressort notamment d’une première lettre officielle du Conseil de la société RISS CAR délivrée le 02 septembre 2019. Ce courrier laisse apparaître des désaccords poignants. La société RISS CAR proposait alors un loyer mensuel de 8.500 euros s’agissant des deux parcelles (AX [Cadastre 3] et la parcelle contigüe).

Les consorts [Z] répondaient par la voie d’un notaire mandaté à l’effet d’avoir à établir un bail commercial s’agissant des deux parcelles. Il était alors exposé les conditions d’un bail à durée décennal, moyennant un loyer de 10.000 euros hors taxe, la prise en charge par le preneur de la taxe foncière, un dépôt de garantie de deux termes et une caution des associés pour un montant de douze termes.

En réponse et par courrier officiel de son Conseil délivré le 26 novembre 2019, la société RISS CAR exprimait son désaccord quant à l’ensemble de ces conditions.

Suivant courrier officiel de son Conseil délivré le 30 avril 2020, la société RISS CAR indiquait que trois points souffraient toujours de désaccord : l’exigence d’une caution, le terme dérogatoire décennal et le prix (la société concédant sur ce point un montant de 9.000 euros TTC). Elle indiquait qu’en cas de désaccord, un délai de six mois lui serait nécessaire pour quitter les lieux. Elle indiquait en outre qu’il conviendrait de régulariser l’accès à la parcelle voisine.

En réponse, les consorts [Z] répondaient par la voie du notaire mandaté, selon courrier du 07 mai 2020, que la caution bancaire et le terme décennal étaient conditions non-négociables. Elles proposaient un loyer de 9.000 euros HT. Un bail dérogatoire était également proposé pour une durée de 6 mois au loyer de 9.000 euros HT avec possibilité pour les bailleuses de faire visiter le bien à d’autres preneurs potentiels.

Suivant courrier officiel de son Conseil délivré le 18 mai 2020, la société RISS CAR prenait acte de l’échec des négociations.

Il ressort de ce qui précède que la rupture des négociations est à imputer à la société RISS CAR.

En outre, il n’est pas démontré que les conditions contractuelles proposées par les bailleuses n’aient été excessives, alors que la négociation de prix a échoué sur un différentiel de 20%, que l’exigence d’une caution personnelle des associés est usuelle en matière de baux commerciaux et que le bail décennal ne contrevient pas aux dispositions de l’article L 145-4 du code de commerce.

S’il eut été opportun d’avoir à comparer les conditions offertes au repreneur effectif par les bailleuses, afin d’estimer plus avant la loyauté des négociations, force est de constater que le nouveau contrat de bail n’est pas produit aux débats, pas plus que la société RISS CAR n’a sommé les défenderesses d’avoir à le produire.

En conséquence, la déloyauté des consorts [Z] dans la tenue des négociations précontractuelles n’est pas établie.

Sur la délivrance conforme de la parcelle voisine

Aux termes de l’article 1719 du code civil, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée.

En conséquence, il appartient au bailleur, tenu de délivrer au preneur la chose louée conformément à la destination prévue par le bail, de prouver qu'il s'est libéré entièrement de cette obligation.

En l’espèce, la convention portant bail de la parcelle voisine (désignée AX [Cadastre 6] par la société RISS CAR, AX [Cadastre 2] par les consorts [Z]) est constituée d’une lettre d’intention de la société RISSCAR en date du 28 février 1996, contresignée par Madame [Z]. Celle-ci porte les indications principales suivantes :
«  Suite à nos divers entretiens, pouvez-vous me confirmer votre accord sur la location d’une parcelle de terrain de 1000m2, pour une période minimun de 5 ans, fin de travaux
SITUATION : dans le prolongement du parking actuel, vers la ravine sur 30 mètres.
Je m’engage à niveler et nettoyer votre terrain sur environ 2500m2 (voir plan cadastre ci-joint)De cloturer le park, réaliser tous travaux de sol (bicouche) et d’aménagements divers.Cet espace est destiné au gardiennage de véhicules à ciel ouvert, donc sans construction.
En contrepartie des investissements conséquents (voir 2 devis ci joints) je vous demande d’envisager un loyer modeste de 3500 frs mensuels ; indexé sur le cout de la pierre : échéance au 5 de chaque mois à échoir. 1er loyer le 05.04.96 par virement automatique

Je vous rappelle que l’apport pour travaux d’a peu près 300 000 frs représente à lui seul l’équivalence d’un loyer de 4000 frs par mois sur 6 ans. »

Il ressort des conclusions respectives, et ne fait l’objet d’aucune contestation, qu’initialement l’accès à la parcelle voisine AX [Cadastre 6] / AX [Cadastre 2] se faisait via la parcelle principale AX [Cadastre 3].

Nonobstant, suivant courriels officiels de leur Conseil en date des 21 et 22 octobre 2020, les consorts [Z] ont informé la société RISS CAR de ce qu’elle bénéficiait d’un accès dans le prolongement de celui de la parcelle AX [Cadastre 3] résultant d’une servitude leur bénéficiant. Était jointe copie des premières pages de l’acte notarié relatant dite servitude. Ceci était confirmé par courrier du curateur de Madame [R] [Z] en date du 28 octobre 2020 tel que produit aux débats par la société RISS CAR.

Par ailleurs, il ressort des termes de la lettre d’intention du 28 février 1996 valant bail, que le preneur avait pour charge les travaux de clôture de la parcelle.

Enfin, suivant procès-verbal d’huissier dressé le 04 novembre 2020 sur réquisition de la société RISS CAR, il était constaté l’existence d’une voie goudronnée qui, bien qu’imparfaite, offrait manifestement un accès à la parcelle conforme à la destination du bail, à savoir l’entreposage de véhicules terrestres à moteur. De plus, un procès-verbal d’huissier dressé le 06 novembre 2020 sur réquisition de Madame [R] [Z] permet de constater l’enrobage complet et définitif de la voie.

Il ressort des conclusions respectives, et ne fait l’objet d’aucune contestation, que la société RISS CAR a restitué la parcelle AX [Cadastre 3] le 31 octobre 2020. Elle ne justifie pas de la concrétisation d’un préjudice de jouissance concret.

Partant, le grief tiré d’une délivrance non-conforme de la parcelle AX [Cadastre 6] / AX [Cadastre 2] ne saurait prospérer.

Sur la demande reconventionnelle en indemnisation des dégradations sur les constructions de la parcelle AX [Cadastre 3]

Il résulte du droit commun des baux, tel que disposé à l’article 1731 du code civil, que s'il n'a pas été fait d'état des lieux, le preneur est présumé les avoir reçus en bon état de réparations locatives, et doit les rendre tels, sauf la preuve contraire.

Aux termes de l’article L. 251-2 du code de la construction et de l’habitation, en matière de bail à construire, les parties conviennent de leurs droits respectifs de propriété sur les constructions existantes et sur les constructions édifiées. À défaut d'une telle convention, le bailleur en devient propriétaire en fin de bail et profite des améliorations.

Il résulte des articles 517, 523 et 525 du code civil que les biens sont immeubles par leur nature, par leur destination ou leur affectation ; que les tuyaux servant à la conduite des eaux sont immeubles et font partie du fonds auquel ils sont attachés ; et que sont immeubles par destination les effets mobiliers attachés au fond à perpétuelle demeure, quand ils y sont scellés ou lorsqu'ils ne peuvent être détachés sans être fracturés et détériorés, ou sans briser ou détériorer la partie du fonds à laquelle ils sont attachés.

En application de l’article 1217 du code civil, la partie envers laquelle un engagement contractuel n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut notamment demander réparation des conséquences de l'inexécution ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter.

Aux termes de l’article 1231 du Code, et à moins que l'inexécution soit définitive, les dommages et intérêts ne sont dus que si le débiteur a préalablement été mis en demeure.

En l’espèce, l’acte authentique portant bail à construction sous conditions suspensives, reçu par Maître [T] le 25 juillet 1989, stipule en son article CHARGES ET CONDITIONS - A -
VI - Entretien des constructions : « Le preneur devra pendant tout le cours du bail conserver en bon état d’entretien les constructions et tous les aménagements qu’il y aura apportés, et effectuer à ses frais, et sous sa responsabilité, les réparations de toute nature, y compris les grosses réparations telles qu’elles sont définies par l’article 606 du code civil et par l’usage ainsi que le remplacement de tous éléments de la construction t de son aménagement au fur et à mesure que le tout se révèlera nécessaire. (…) »

XII - Propriété des constructions édifiées par le preneur : « Les constructions et tous travaux d’aménagement effectués par le preneur resteront sa propriété et celle de ses ayants cause pendant toute la durée du bail à construction.
À l’expiration du bail, toutes les constructions et aménagements réalisés par le preneur, deviendront de plein droit la propriété du bailleur sans que cette accession ait besoin d’être constatée par un acte. »

Le procès-verbal d’huissier dressé le 06 novembre 2020 sur réquisition de Madame [R] [Z], permet de constater : le retrait du portail de clôture de la parcelle, l’arrachage de l’ensemble d’arrivé électrique, la section et redirection du tuyau servant à l’alimentation en eau vers la parcelle voisine, la présence de res derelictae éparses, le retrait de rideaux roulants dans les garages et le mauvais état des locaux en général (peintures, trous de fixations aux murs, etc).

Il ressort de ce qui précède que la société RISS CAR a violé ses engagements contractuels d’entretien et de transfert de propriété au bailleur des constructions édifiées par lui sur la parcelle.

Elle doit donc être tenue responsable des travaux de reprises rendus nécessaires par son inexécution.

Suivant lettre officielle de son Conseil délivrée le 22 décembre 2020, Madame [Z] mettait en demeure la société RISS CAR d’avoir à payer les sommes de 20.545,13 euros s’agissant du remplacement des volets roulant ainsi que 15.949,07 euros s’agissant de la réfection de l’électricité, de travaux de gros-œuvre et de peinture. Elle indiquait également que le re-branchement d’eau et d’électricité était en cours de chiffrage et lui serait ultérieurement communiqué.

Il n’est pas produit d’autre mise en demeure. En outre, le surplus des factures produites comprend des doublons (telles la réalisation de maçonneries au droit de la tôle de clôture voisin, la refacturation fourniture et pose portail, la refacturation des peintures ateliers et bureaux, etc) ainsi que des travaux d’amélioration tel la mise en place de projecteurs led extérieurs, si bien que les comptes y afférents ne sont pas probants.

En conséquence, la société RISS CAR sera condamnée à payer la somme de 36.494,20 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son inexécution contractuelle d’avoir à rendre les constructions faites sur la parcelle AX [Cadastre 3] en bon état d’entretien.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Tant l’issue du litige que l’équité commandent de faire droit, dans son principe, à la demande de Mesdames [R] [Z], [Y] [P] et [W] [N] [U] formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile, bien que dans un quantum réduit à de plus justes proportions.

En outre, la société RISS CAR, qui succombe, sera condamnée aux entiers dépens de l’instance, dont distraction au profit de Maître Virginie GARNIER, avocat au barreau de SAINT DENIS, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,

DÉBOUTE la société anonyme RISS CAR de l’ensemble de ses demandes ;

CONDAMNE reconventionnellement la société anonyme RISS CAR à verser à Mesdames [R] [Z], [Y] [P] et [W] [N] [U], la somme de 36.494,20€ (trente-six mille quatre cent quatre-vingt-quatorze euros et vingt centimes) au titre des travaux de réparation et de remise en état nécessités par le mauvais état de restitution des constructions issues du bail à construire reçu par acte authentique en date du 29 juillet 1989 ;

CONDAMNE la société anonyme RISS CAR à payer à Mesdames [R] [Z], [Y] [P] et [W] [N] [U] une somme de 3.500€ (trois mille cinq cent euros) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE toute demande plus ample ou contraire ;

CONDAMNE la société anonyme RISS CAR aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Virginie GARNIER, avocat au barreau de SAINT DENIS, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

RAPPELLE l’exécution provisoire de plein droit du présent jugement ;

Et le présent jugement a été signé par Brigitte LAGIERE, Présidente et Isabelle SOUNDRON, Greffière.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/02192
Date de la décision : 27/08/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 02/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-08-27;21.02192 ?
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