La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/08/2024 | FRANCE | N°23/00104

France | France, Tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion, Ctx protection sociale, 21 août 2024, 23/00104


REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE
SAINT-DENIS DE LA RÉUNION

POLE SOCIAL


N° RG 23/00104 - N° Portalis DB3Z-W-B7H-GJIN

N° MINUTE 24/00411


JUGEMENT DU 21 AOUT 2024


EN DEMANDE

CAISSE GENERALE DE SECURITE SOCIALE DE LA REUNION

Pôle Expertise Juridique Recouvrement
[Adresse 4]
[Localité 2]

représentée par M. [C] [T], Agent audiencier


EN DEFENSE

Monsieur [N] [W] [D]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 1]

représenté par Me Pierre HOARA

U, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION





COMPOSITION DU TRIBUNAL

Lors des débats en audience publique du 12 Juin 2024

Président : Madame DUFOURD Nath...

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE
SAINT-DENIS DE LA RÉUNION

POLE SOCIAL

N° RG 23/00104 - N° Portalis DB3Z-W-B7H-GJIN

N° MINUTE 24/00411

JUGEMENT DU 21 AOUT 2024

EN DEMANDE

CAISSE GENERALE DE SECURITE SOCIALE DE LA REUNION

Pôle Expertise Juridique Recouvrement
[Adresse 4]
[Localité 2]

représentée par M. [C] [T], Agent audiencier

EN DEFENSE

Monsieur [N] [W] [D]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 1]

représenté par Me Pierre HOARAU, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Lors des débats en audience publique du 12 Juin 2024

Président : Madame DUFOURD Nathalie, Vice-présidente, statuant seule avec l’accord des parties présentes et après avoir recueilli l’avis de l’assesseur présent, en application de l’article L.218-1 du Code de l’organisation judiciaire.

Assesseur : Monsieur BIENAIME Alexis, Représentant les salariés

assistés par : Madame BERAUD Marie-Andrée, Greffière

Le tribunal, après en avoir délibéré conformément à la loi, a statué en ces termes :

Formule exécutoire délivrée
le :
à :

Copie certifiée conforme délivrée
aux parties le :

EXPOSE DU LITIGE :

Vu l'opposition formée le 2 mars 2023 devant ce tribunal par Monsieur [N] [W] [D] à l’encontre de la contrainte décernée le 23 mars 2022 par la caisse générale de sécurité sociale de la Réunion pour le recouvrement de la somme de 5.173 euros au titre des cotisations et contributions personnelles du travailleur indépendant, et majorations, des mois d’août à décembre 2013 ;

Vu l'audience du 12 juin 2024, à laquelle les parties ont soutenu leurs écritures respectives, déposées à ladite audience pour la caisse et le 17 avril 2024 pour l’opposant, représenté par avocat, et auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties par application des articles 446-1 et 455 du code de procédure civile ; la décision ayant été mise en délibéré au 21 août 2024 ;

MOTIFS DE LA DECISION :

- Sur la fin de non-recevoir tirée de la forclusion de l'opposition à contrainte :

La caisse soulève une fin de non-recevoir tirée de la forclusion de l'opposition à la contrainte litigieuse au motif que celle-ci a été formée après l'expiration du délai de quinze jours prescrit par l'article R. 133-3 du code de la sécurité sociale.

Selon ce texte, le débiteur peut former opposition par inscription au secrétariat du tribunal compétent dans le ressort duquel il est domicilié ou pour les débiteurs domiciliés à l'étranger, au secrétariat du tribunal compétent dans le ressort de l'organisme créancier par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée au secrétariat dudit tribunal dans les quinze jours à compter de la notification ou de la signification.

Ce délai est impératif.

En l’espèce, au soutien de sa fin de non-recevoir, la caisse se prévaut d’une notification de la contrainte litigieuse par lettre recommandée avec avis de réception signé le 4 avril 2022.

L’opposant conteste la régularité de cette notification, aux motifs d’une part que la signature y apposée n’est pas la sienne, n’ayant par ailleurs donné aucune procuration à cette fin, et d’autre part que la lettre de notification ne fait pas référence au délai de recours en violation des prescriptions de l’article R. 133-3 du code de la sécurité sociale.

Selon ce texte, dans sa rédaction applicable à la cause, « à peine de nullité, l'acte d'huissier ou la notification mentionne la référence de la contrainte et son montant, le délai dans lequel l'opposition doit être formée, l'adresse du tribunal compétent et les formes requises pour sa saisine ».

La caisse défend la régularité de sa notification motifs pris du caractère inopérant de l’absence alléguée de signature de l’avis de réception par le destinataire en application de l’adage « pas de nullité sans texte » et de la jurisprudence de la Cour de cassation en matière de notification des actes de procédure et notamment des mises en demeure, dont la validité n’est pas subordonnée à leur réception effective ou à la signature de l’accusé de réception par le cotisant (Ass. plén., 7 avril 2006, pourvoi n° 04-30.353). Elle considère que la contrainte et sa notification comportent tous les éléments expressément visés par l’article R. 133-3, à savoir la référence de la contrainte, le montant réclamé, le délai de recours, le tribunal compétent et les formes requises pour la saisine.

Sur ce,

Il convient de retenir, au visa des articles R. 133-3 du code de la sécurité sociale et 670 du code de procédure civile, ce dernier éclairé par la jurisprudence de la Cour de cassation (2e Civ., 1 octobre 2020, pourvoi n° 19-15.753), que, si l'avis de réception en cause a été manifestement signé par une autre personne que la destinataire du pli, l’opposant, qui supporte le risque de la preuve, ne prouve pas l’absence de mandat alléguée – la fiche de la poste produite étant insuffisante à rapporter cette preuve puisque mise à jour (29 juillet 2022) après la notification litigieuse -, et donc l’irrégularité de la notification sur ce point.

(La caisse ne peut cependant se prévaloir de la solution issue de l’arrêt rendu le 7 avril 2006 par la Cour de cassation réunie en assemblée plénière puisque celle-ci concerne les mises en demeure préalables aux contraintes, considérées comme n’étant pas de nature contentieuse - à la différence des contraintes, qui constituent un acte de recouvrement forcé -.)

Mais, le tribunal constate que la lettre de notification ne comporte pas l’indication du délai de recours, pourtant exigé à peine de nullité par l’article R. 133-3 rappelé plus haut, si bien que le délai contentieux n’a pu commencer à courir à compter de la date de réception de ladite lettre comme invoqué par la caisse (par analogie : 2e Civ., 3 juin 2021, pourvoi n° 20-10.729).

La fin de non-recevoir tirée de la forclusion de l’opposition à contrainte sera donc rejetée.

- Sur le bien-fondé de l'opposition à contrainte :

Suivant une jurisprudence constante, il appartient à l'opposant de rapporter la preuve du caractère infondé de la créance faisant l'objet de la contrainte (en ce sens : Cass. Civ., 2e 26 mai 2016, n° 14-29.358).

En l'espèce, à l'appui de son opposition, Monsieur [N] [W] [D] soutient que l’action en recouvrement des cotisations antérieures au mois d’avril 2019 est prescrite.

La caisse entend se prévaloir d’une cause d’interruption de la prescription, tirée de la demande d’échéancier formée par le cotisant en juin 2017 et de l’existence d’un paiement partiel, de la suspension du cours de la prescription entre le 12 mars 2020 et le 30 juin 2020 (d’une durée de 111 jours) et du décalage d’un an de la date limite de prescription pour les actes de recouvrement qui auraient dû être envoyés entre le 2 juin 2021 et le 30 juin 2022, prévu par l’article 25 de la loi de finances rectificative n° 2021-953 publiée le 19 juillet 2021.

Sur ce,

Selon l’article L. 244-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à la cause, l’action en recouvrement doit être précédée d’une mise en demeure.

Selon l’article L. 244-3 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à la cause, l'avertissement ou la mise en demeure ne peut concerner que les cotisations exigibles au cours des trois années civiles qui précèdent l'année de leur envoi ainsi que les cotisations exigibles au cours de l'année de leur envoi.

Selon l’article L. 244-11 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à la cause, l'action civile en recouvrement des cotisations se prescrit par cinq ans à compter de l'expiration du délai imparti par les avertissements ou mises en demeure prévus aux articles L. 244-2 et L. 244-3.

Il résulte de ces textes que la question de la prescription, d’abord de la dette de cotisations, puis de l’action en recouvrement, ne peut être tranchée que par l’examen des mises en demeure qui doivent obligatoirement précéder l’action en recouvrement.

Or le tribunal constate que la contrainte litigieuse, qui a été décernée pour le recouvrement des cotisations et majorations des mois d’août à décembre 2013, se réfère à plusieurs mises en demeure, datées des 12 septembre 2013, 11 octobre 2013, 12 novembre 2013, 16 décembre 2013 et 13 février 2014, qui ne sont pas produites aux débats, ni même évoquées par la caisse.

Il convient de rappeler sur ce point que l’article R. 133-5 du code de la sécurité sociale impose à l’organisme créancier, dès que celui-ci a connaissance de l'opposition, d’adresser au secrétaire du tribunal compétent une copie de la contrainte, accompagnée d'une copie de la mise en demeure comportant l'indication du détail des sommes qui ont servi de base à l'établissement de la contrainte, ainsi que l'avis de réception, par le débiteur, de ladite mise en demeure.

Il convient de rappeler également qu’en cas de contestation sur ce point, les juges du fond doivent rechercher si l’action en recouvrement engagée par la caisse au titre des cotisations litigieuses n’était pas prescrite (en ce sens : 2e Civ., 20 juin 2019, pourvoi n° 18-17.762).

En tout état de cause, le tribunal considère qu’en se prévalant de causes d’interruption et de suspension ou de report du cours de la prescription pour conclure au rejet du moyen tiré de la prescription, la caisse admet nécessairement que, sans l’intervention de ces causes d’interruption et de suspension, l’action en recouvrement serait prescrite.

La caisse se prévaut ainsi, au visa des articles 2234 et 2240 du code civil, d’une première cause d’interruption intervenue en juin 2017 en produisant un courrier, daté du 16 juin 2017, par lequel le régime social des indépendants notifie au cotisant une proposition d’échéancier, suite à sa demande, portant sur les périodes de juin à décembre 2009, et de mars et avril 2012 (et « autres »).

Aux termes de l'article 2240 du code civil, « La reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription. »

Il est de jurisprudence constante que, pour interrompre une prescription, la reconnaissance doit émaner du possesseur ou du débiteur ou de son mandataire.

La reconnaissance tacite des droits du créancier peut résulter notamment du paiement par le débiteur d'un ou plusieurs acomptes.

Or le courrier produit n’émane pas du cotisant, ne concerne pas expressément les cotisations litigieuses, et il n’est pas non plus prouvé qu’il en ait reçu notification. Le paiement partiel allégué n’est pas plus établi.

La première cause d’interruption n’étant pas prouvée, les arguments tirés des mesures prises dans le cadre de la crise sanitaire de 2021 et de ses suites sont inopérants.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que l’action civile en recouvrement des cotisations litigieuses était prescrite bien avant la notification de la contrainte.

Par suite, la contrainte sera annulée.

- Sur les mesures de fin de jugement :

La caisse succombant, elle sera condamnée aux dépens de l’instance par application de l’article 696 du code de procédure civile. L’équité et la situation respective des parties commandent de la condamner au paiement d’une indemnité de 500 euros.

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal judiciaire de Saint-Denis de la Réunion, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,

REJETTE la fin de non-recevoir tirée de la forclusion de l’opposition à contrainte ;

DECLARE en conséquence Monsieur [N] [W] [D] recevable en son opposition à la contrainte décernée le 23 mars 2022 par la caisse générale de sécurité sociale de la Réunion pour le recouvrement de la somme de 5.173 euros au titre des cotisations et contributions personnelles du travailleur indépendant, et majorations, des mois d’août à décembre 2013 ;

DIT en conséquence que ce jugement se substitue à cette contrainte ;

ANNULE la contrainte pour cause de prescription de l’action civile des cotisations et majorations y réclamées ;

CONDAMNE la caisse générale de sécurité sociale de La Réunion à payer à Monsieur [N] [W] [D] une indemnité de 500 euros au titre des frais irrépétibles ;

CONDAMNE la caisse générale de sécurité sociale de La Réunion aux dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition du jugement au greffe du pôle social du tribunal judiciaire de Saint-Denis de la Réunion, le 21 août 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, la minute étant signée par la présidente et la greffière.

La greffière, La présidente,

Marie-Andrée BERAUD Nathalie DUFOURD


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion
Formation : Ctx protection sociale
Numéro d'arrêt : 23/00104
Date de la décision : 21/08/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 31/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-08-21;23.00104 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award