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31/07/2024 | FRANCE | N°21/00726

France | France, Tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion, 1ère chambre, 31 juillet 2024, 21/00726


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE ST DENIS

MINUTE N°
1ERE CHAMBRE
AFFAIRE N° RG 21/00726 - N° Portalis DB3Z-W-B7F-FX7N

NAC : 70E

JUGEMENT CIVIL
DU 31 JUILLET 2024

DEMANDEURS

M. [M] [W]
[Adresse 4]
[Localité 7]
Rep/assistant : Me Frédéric CERVEAUX, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

Mme [C] [W]
[Adresse 4]
[Localité 7]
Rep/assistant : Me Frédéric CERVEAUX, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION


DÉFENDERESSES

Mme [L] [B]
[Adresse 5]


[Localité 7]
Rep/assistant : Me Nicole COHEN, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

S.A.M.C.V. MAIF
[Adresse 1]
[Localité 6]
Rep/assi...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE ST DENIS

MINUTE N°
1ERE CHAMBRE
AFFAIRE N° RG 21/00726 - N° Portalis DB3Z-W-B7F-FX7N

NAC : 70E

JUGEMENT CIVIL
DU 31 JUILLET 2024

DEMANDEURS

M. [M] [W]
[Adresse 4]
[Localité 7]
Rep/assistant : Me Frédéric CERVEAUX, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

Mme [C] [W]
[Adresse 4]
[Localité 7]
Rep/assistant : Me Frédéric CERVEAUX, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

DÉFENDERESSES

Mme [L] [B]
[Adresse 5]
[Localité 7]
Rep/assistant : Me Nicole COHEN, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

S.A.M.C.V. MAIF
[Adresse 1]
[Localité 6]
Rep/assistant : Me Caroline CHANE MENG HIME, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

Copie exécutoire délivrée à Me Frédéric CERVEAUX le :
CCC délivrée à Me Caroline CHANE MENG HIME, Me Nicole COHEN le :

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Le Tribunal était composé de :

Madame Patricia BERTRAND, Juge Unique
assistée de Madame Isabelle SOUNDRON, greffière

LORS DES DÉBATS

L’affaire a été évoquée à l’audience du 10 Juin 2024.

LORS DU DÉLIBÉRÉ ET DU PRONONCÉ

A l’issue des débats, les parties présentes et leurs conseils ont été avisés que le jugement serait mis à leur disposition le 31 Juillet 2024.

JUGEMENT :
Contradictoire
du 31 Juillet 2024
en premier ressort

Prononcé par mise à disposition par Madame Patricia BERTRAND, Vice-présidente assistée de Madame Isabelle SOUNDRON, greffière

En vertu de quoi, le Tribunal a rendu le jugement dont la teneur suit :

EXPOSE DU LITIGE

Madame [L] [B] est propriétaire d'une parcelle construite au [Adresse 9] du [Adresse 8] cadastrée BI [Cadastre 2] à [Localité 7]. Elle a pour voisins Monsieur [M] [W] et Madame [C] [W] qui possèdent la parcelle cadastrée BI [Cadastre 3], située au n°6 du lotissement, et qui se trouve en contrebas de sa parcelle.

Le 14 mars 2017, après un épisode pluvieux, le mur de soutènement édifié en limite séparative des parcelles s'est effondré opérant un glissement de la terre vers la maison des époux [W]. Des travaux de sécurisation ont été réalisés en urgence par l'entreprise GTOI.

Les époux [W] ont obtenu, en référé, l'exécution d'une mesure d'expertise confiée à Monsieur [H], qui s'est déroulée au contradictoire des parties et de la MAIF, assureur de Madame [B]. Monsieur [H] a déposé son rapport le 14 septembre 2018.

Soutenant que la fragilité du mur de soutènement édifié par Madame [B] a provoqué les désordre, les époux [W] l'ont assignée ainsi que la MAIF les 19 et 23 mars 2021 devant ce tribunal pour obtenir la reconstruction du mur et la réparation des préjudices subis.

Par ordonnance rendue le 12 juillet 2022 le juge de la mise en état, saisi d'un incident engagé par Madame [B], s'est notamment déclaré incompétent pour examiner la demande d'annulation du rapport d'expertise judiciaire et a rejeté la demande de complément d'expertise présentée par la défenderesse à titre subsidiaire. Il lui a également enjoint de faire procéder par un bureau d'études au contrôle des travaux de sécurisation réalisés en avril 2017 et à la remise en état des bâches.

Dans leurs dernières conclusions enregistrées le 8 mars 2024 les époux [W] demandent au tribunal, au visa des 1240, 1241 et 1244 du Code civil, 175 et 232 du Code de procédure civile et L. 113-1 du Code des assurances, de :

- DEBOUTER Madame [B] de sa demande de nullité du rapport d’expertise et de sa demande de nouvelle expertise judiciaire ;

- CONDAMNER solidairement Madame [B] et la S.A. FILIA-MAIF à leur payer la somme de 402.925,60 € correspondant au devis de la société GTOI du 20 janvier 2020 afin qu’ils réalisent les travaux de réfection du mur de soutènement, et ce sous astreinte de 1.000,00 € par jour de retard à compter de l’expiration d’un délai de 15 jours suivant la signification de la décision à intervenir.
- ORDONNER à Madame [B] de ne pas s’opposer à la réalisation de la partie des travaux qui auront lieu sur sa propriété, et ce, sous une astreinte de 1.000 € par jour, à compter du constat de l’infraction par tout moyen.

- DEBOUTER Madame [B] et de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions

Subsidiairement,
Sur le fondement de l’article L 131-1 du code des procédures civiles d’exécution.
- ORDONNER solidairement à Madame [B] et la S.A. FILIA-MAIF de réaliser les travaux de réfection du mur de soutènement suivant l’offre technique et financière de GTOI annexée au rapport d’expertise du 14 septembre 2018, et ce, sous une astreinte de 1.000 € par jour de retard à compter de l’expiration d’un délai de 15 jours suivant la signification de la décision à intervenir.

En tout état de cause,
- CONDAMNER solidairement Madame [B] et la S.A. FILIA-MAIF à leur payer les sommes suivantes :
25.775,10 € (à parfaire) au titre du préjudice matériel hors travaux, avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir.
60.000 €, au titre du préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir.
5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

- CONDAMNER solidairement Madame [B] et la S.A. FILIA-MAIF aux dépens.

Dans ses dernières conclusions enregistrées le 8 mars 2024, Madame [B] demande au tribunal de :

IN LIMINE LITIS ET PAR JUGEMENT AVANT DIRE DROIT :

DIRE ET JUGER que le rapport de l’Expert Judiciaire est atteint de nullité,

EN CONSEQUENCE : DESIGNER tel expert qu’il plaira au Tribunal de désigner remplissant les compétences en ce domaine lequel sera imparti d’une mission identique à celle du précédent expert judiciaire.

SI LE TRIBUNAL NE FAISAIT PAS DROIT A LA DITE DEMANDE PAR JUGEMENT AVANT DIRE DROIT

RENVOYER LA CAUSE ET LES PARTIES A LA MISE EN ETAT POUR QU’IL SOIT CONCLU SUR LE FOND.
PRENDRE ACTE de ce que Madame [B] entend solliciter des dommages et intérêts au regard des lourds préjudices qu’elle a subis du fait de l’attitude des Epoux [W] et de son assureur,
CONDAMNER les Epoux [W] et la SA FILIA-MAIF la somme de 5 000 € en application de l’article 700 du Code de Procédure civile outre les dépens.

Dans ses dernières conclusions enregistrer le 29 mars 2003 la MAIF demande au tribunal , au visa des articles 1103,1108 C. Civil et L113-1 Al 2 C. Assurances, de :

- JUGER que le sinistre de 2014 était accidentel et que la MAIF avait mis en garde Mme [B] sur sa responsabilité et de son obligation de procéder çà des travaux de reprise et consolidation
- JUGER que le sinistre de 2017 et ses conséquences ne sont pas accidentels car ils résultant de la carence de Mme [B] qui n’a pas effectué les travaux requis EN CONSEQUENCE :
- JUGER que la garantie contractuelle de la MAIF n’est pas engagée envers Mme [B]
- JUGER que le MAIF ne doit donc pas garantie à Mme [B] des faits non accidentels qui engagent sa responsabilité
- DEBOUTER les époux [W] de leurs demandes envers MAIF relatives à la reconstruction du mur de Mme [B] ( 402.925,60 € correspondant au devis de la société GTOI du 20 janvier 2020) et de leurs demande d’astreinte corrélative
- DONNER ACTE à la MAIF qu’elle maintient cette proposition globale et forfaitaire d’indemnisation pour la somme de 53 136.11€, au titre des seuls dommages matériels causés aux tiers (à l’exclusion du cout de reconstruction du mur) sur la base de l’évaluation du cabinet EUREXO (pièce 14)
- ECARTER l’exécution provisoire envers la MAIF au-delà de son offre d’indemnisation, au vu de l’exclusion de garantie qui s’applique à Mme [B] s’agissant d’un sinistre non accidentel
- CONDAMNER les époux [W] à payer à la MAIF la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du CPC et aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des faits et et prétentions des parties il convient de se reporter à leurs conclusions respectives.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 mai 2024 et l'affaire a été mise en délibéré au 31 juillet 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il est établi par les pièces du dossier que :

- les parties ont acquis leurs parcelles respectives en 1993 et 1994 ; qu'en 2001, Madame [B] a fait construire un mur en retrait de sa limite parcellaire lui permettant le remblai de la partie basse de son terrain ; que ces travaux ont été confiés à l'entreprise BOYER et Frères qui a été liquidée ; qu'en 2013 une fissure est apparue dans ce mur donnant lieu à une déclaration de sinistre réalisée auprès des assureurs respectifs des parties ; que le 27 mai 2014, le cabinet SARETEC, mandaté par la MAIF, assureur de Madame [B], a déposé son rapport dans lequel il était constaté « une fissure importante du mur de soutènement qui menace de s'effondrer » et dans lequel l'expert préconisait « la démolition du mur le plus rapidement possible et sa reconstruction dans les règles de l'art » en précisant que « le mur de soutènement initial de la propriété de Mme [B], qui pourrait être conservé, ne peut pas servir de base à la reconstruction du mur de soutènement  »;

- en janvier 2015, Madame [B] a fait conforter le mur par l'installation de buttons métalliques sur plots béton par la société LGDS ;

- le 24 novembre 2015 le cabinet POLYEXPERT, mandaté par la GMF, assureur des époux [W], pour une visite de contrôle, a constaté que « Madame [B] a fait procéder aux travaux de confortement du mur ainsi qu'à l'amélioration de ce dernier. Elle a précisé qu'elle ferait procéder à des travaux d'amélioration sur le mur afin de canaliser les eaux de ruissellement vers l'évacuation se déversant dans le caniveau situé en bas du lotissement et qu'à terme, elle ferait procéder au remplacement de ce mur par éventuellement un mur en moellons »

- le 14 mars 2017 après un épisode pluvieux l'ensemble des ouvrages de soutènement entre les deux parcelles s'est effondré ; l'éboulement constitué de remblai terreux et de morceaux de mur a atteint la maison des époux [W] sans impacter la façade arrière de la villa ;

- des travaux de sécurisation ont été réalisés en urgence en avril 2017 par la société GTOI dans l'attente de la déconstruction et la réalisation de nouveau mur de soutènement ;

- le cabinet EUREXO, mandaté par la MAIF, a commandé à la société GTOI une étude de stabilité des sols et a conclu, dans son rapport clos le 4 juillet 2007, que «  le sinistre résulte de la défaillance du mur n°3 déjà révélé et connu depuis 2014 et qui n'a pas donné lieu à la démolition reconstruction qui s'imposait. La chute du mur n°3, incapable de résister aux contraintes normales de soutènement était alors certaine. L'épisode pluvieux du 14 mars 2017 ne peut être retenu comme la cause du sinistre mais comme événement révélateur de l'effondrement. Nous relevons par ailleurs que les ouvrages de soutènement voisins et de bonne construction n'ont pas subi de dommages »

- En novembre 2017, la société GTOI a réalisé une étude financière et technique à la demande de les époux [W];

- le 14 septembre 2018, l'expert judiciaire a déposé son rapport dans lequel il conclut ceci :

« Le sinistre de mars 2017 résulte de la défaillance propre du mur 3 réalisé sur la parcelle de Mme [B] en 2001. Le mur mal dimensionné était incapable de résister aux contraintes normales de soutènement. Le sinistre ne revêt pas de caractère accidentel, une première expertise réalisée en juin 2014- avait déjà révélé la défaillance du mur. Et les conclusions alarmantes de l'expert de l'assurance “ Le mur doit être démoli dans les plus brefs délais pour éviter tout risque d'accident lié à sa chute” n'ont pas donné lieu à la démolition et reconstruction qui s'imposaient. La chute du mur était certaine.
L'épisode pluvieux du 14/03/2017 ne peut être retenu comme la cause du sinistre, mais comme l'évènement révélateur de l'effondrement. Les ouvrages de soutènement voisins et de bonne construction n'ont pas subi de dommages.
La mission d'expertise met en évidence le caractère urgent de réaliser les travaux de reprise avant la prochaine saison cyclonique pour les raisons suivantes : L'entreprise GTOI a réalisé en avril 2017 les travaux de sécurisations, en attente de la reconstruction du mur. Ces travaux avaient une garantie de 6 mois hors événement cyclonique.
Les mesures conservatoires mises en oeuvre, à la demande du bureau d'expertise EUREXO par l'entreprise GTOI ne sont plus garanties.
Les fortes précipitations d' un évènement cyclonique pourraient déstabiliser le talus au- dessus de la propriété de Mr et Mme [W], et le glissement du terrain pourrait recouvrir la maison d'habitation. La rupture du talus entraînerait également des désordres sur les équipements et la construction de Mme [B]. »

Sur la demande d'annulation du rapport d'expertise judiciaire

Madame [B] critique ce rapport dont elle demande d'annulation en soutenant, en substance, que l'expert a manqué de sérieux en s'abstenant de procéder aux analyses et mesures complémentaires qui s'imposaient et en ne réalisant qu'un accedit d'une heure 30 uniquement sur la parcelle des époux [W] ; qu'il a manqué d'objectivité en se fondant exclusivement sur l'étude de GTOI, mandatée par les époux [W], et en validant le devis de cette entreprise, dont les coûts sont exorbitants, sans chercher d'autres professionnels à titre de comparaison ; que les conclusions de cet expert sont remises en causes par les constatations du cabinet Co-EXPERT.

D'une part, le tribunal relève que le rapport CO -EXPERT versé aux débats par Madame [B] a été établi non contradictoirement et sur les seules indications fournies par celle-ci ; il ne saurait donc être admis pour critiquer le contenu du rapport d'expertise judiciaire .

D'autre part, le tribunal relève que les constatations de Me [H], réalisées de manière contradictoire, sont circonstanciées, étayées, et confortées par des pièces et les constatations des experts précédents ; Que Madame [B] n'apporte aucune explication technique susceptible de remettre en cause les éléments décrits par Mr [H] et n'a pas demandé la tenue d'autres réunions durant l'exécution de la mesure ; qu'enfin, elle s'est bornée, dans ses dires, à mettre en cause les entreprises et les cabinets d'expertise qui sont intervenus sans critiquer le sérieux du travail réalisé par Mr [H].

Madame [B] reproche également à l'expert l'inexécution de mesures complémentaires tels que des études sur le degré de saturation des terres en eau potable, la qualité des sols des parties, la réalisation de sondages, qu'elle s'est abstenue de solliciter durant les opérations d'expertise et qui s'avèrent injustifiées pour les motifs indiqués par le juge de la mise en état et que le tribunal adopte.

Elle fait valoir que le sinistre pourrait avoir été provoqué par « l'existence d'infiltrations souterraines non portées à la connaissance des experts d'assurances et de l'expert judiciaire»  alors qu'il lui était loisible de soumettre ces éléments à l'expert judiciaire dont elle avait connaissance en 2018, ce qu'elle n'a pas fait.

Elle affirme que la question des infiltrations d'eau potable serait en lien avec l'effondrement du mur sans l'établir par aucune pièce et en l'état des éléments fournis à l'expert judiciaire, celui-ci n'avait aucune raison de prendre en considération cet élément dans l'origine de l'effondrement du mur ; En conséquence, le grief tiré de l'absence de mise en cause de la société Veolia et des représentants de la commune de [Localité 7] durant les opérations d'expertise est inopérant ; En toute hypothèse, il lui appartenait de l'indiquer à l'expert judiciaire ce qu'elle n'a pas fait.

Enfin, Madame [B] critique l'insuffisance de recherche par l'expert de solutions techniques et d'entreprises concurrentes.

Il est établi que l'expert a repris intégralement l'étude technique et financière réalisée par GTOI qui avait été mandatée par les époux [W]. L'expert explique ce choix par le fait qu'il n'était pas chargé d'une mission de maîtrise d'œuvre et que sa mission ne porte que sur l'évaluation des travaux établis à l'aide de devis d'entreprises fournies par les parties. Il rappelle également que les travaux de démolition et de démantèlement des ouvrages effondrés et le confortement du talus avant la reconstruction des murs sont complexes. Que l'accès et le manque d'espace de manœuvre autour du sinistre rendent les travaux difficiles. Que la présence de propriétés avoisinantes nécessitera la mise en œuvre de moyens importants afin de réduire les délais d'intervention et les nuisances au voisinage. Que les travaux ne peuvent être confiés qu'à une entreprise structurée, possédant son bureau des méthodes et les qualifications pour la reprise en sous-œuvre de terre armée et génie civil VRD.

Ces explications sont pertinentes et révèlent qu'il lui était difficile d'obtenir une entreprise capable de reprendre de tels travaux ; De son côté, Madame [B] s'est abstenue durant les opérations d'expertise de fournir tout élément technique et devis d'entreprises concurrentes qu'il lui était loisible de soumettre à l'expert judiciaire à titre de comparaison ; Enfin, si elle reproche aux époux [W] d'avoir refusé aux entreprises et professionnels l'accès à leur parcelle, elle ne l'établit pas et n'a, de surcroît, présenté aucun dire contestant le choix de l'entreprise GTOI et le chiffrage proposé.

Il résulte de ce qui précède que la demande d'annulation de l'expertise judiciaire n'est pas fondée et sera en conséquence rejetée.

Sur la responsabilité des désordres

A titre liminaire le tribunal relève que Madame [B] a pris deux jeux de conclusions enregistrés par voie électronique les 6 octobre 2022 et 10 mars 2023 dans lesquelles elle demandait la nullité du rapport d'expertise et sollicitait, tantôt le débouté des demandes des époux [W] et de la MAIF et la condamnation des époux [W] à l'indemniser des préjudices subis, tantôt le renvoi à la mise en état pour qu'elle conclut au fond.

Le 09 octobre 2023, le juge de la mise en état lui faisait injonction de conclure pour l'audience de mise en état du 11 décembre 2023 et le 11 mars 2024 ce magistrat a renvoyé le dossier à l'audience de mise en état du 15 mai 2024 pour qu'elle présente une vraie demande subsidiaire et non un renvoi à la mise en état pour que la juridiction puisse statuer utilement.

Dans ses dernières conclusions enregistrées le 08 mars dernier Madame [B] se borne à solliciter, à titre principal, la nullité de l'expertise, et à titre subsidiaire, le renvoi de l'affaire à la mise en état pour qu'il soit conclu au fond .

En faisant ce choix, alors que sa responsabilité est recherchée depuis l'origine, Madame [B] a exprimé sa volonté de ne pas conclure au fond .

En conséquence, l'affaire sera examinée, en l'état, sans renvoi à la mise en état.

Sur la responsabilité de Madame [B]

Vu les dispositions de l'article 1240 du Code civil ;

Il ressort des explications et des pièces fournies que le mur de soutènement litigieux, d'une hauteur d'environ 7 m, était constitué de trois murs successifs : un mur n°1de type moellons construit en 1989, ; un mur n°2 construit en 1989 en béton armé, situé en retrait du mur 1 et un mur n°3, construit par Madame [B] en 2001; que c'est la non conformité et le mauvais dimensionnement du mur n°3 qui ne pouvait pas reprendre le soutènement des terres, qui est à l'origine du sinistre ;

L'expert judiciaire explique parfaitement que le mur n°3 a été construit sans respecter les règles de l'art ; que sa mauvaise exécution et sa ruine annoncées sont connues depuis 2014 ; que la chute de ce mur, incapable de résister aux contraintes normales de soutènement, était inévitable ; que les travaux réalisés ont ralenti la progression de la ruine de l'ouvage mais la démolition et la reconstruction étaient obligatoires ; que l'épisode pluvieux des 13 et 14 mars 2017 ne peut être retenu comme la cause du sinistre, il a détrempé les sols et activé l'effondrement du mur déjà instable ; Les ouvrages de soutènement voisins et de bonne construction n'ont pas subi de dommages ;

Il est suffisamment établi qu'en dépit des constatations du cabinet SARETEC en 2014, qui préconisait la démolition urgente et la reconstruction du mur, Madame [B] a préféré réaliser en janvier 2015, des travaux de confortement qui se sont révélés manifestement insuffisants ; Que la non-conformité du mur de soutènement réalisé en 2001 et le refus de Madame [B] de prendre les mesures qui s'imposaient dès 2014 sont directement et exclusivement à l'origine du sinistre.

La responsabilité de Madame [B] est donc incontestablement engagée sur le fondement de l'article 1240 du code civil et elle n'est pas contestée par son assureur.

Sur la réparation des désordres

sur les travaux de reprise

Il ressort du rapport d'expertise que la reconstruction du mur s'avère indispensable. L'entreprise GTOI a fait une proposition de démantèlement des murs écroulés et de reconstruction dont le détail des prestations est décrit en page 16 et 17 du rapport d'expertise et qui s'élève à la somme totale de 504.130 €.

Madame [B] n'avait fourni aucun devis comparatif susceptible de remettre en cause cette analyse financière et n'a pas respecté l'ordonnance du juge de mise en état lui faisant injonction de mandater un bureau d'études pour contrôler l'état des travaux de sécurisation de 2017 et de procéder au remplacement des bâches et des étais puisqu'elle affirme avoir été condamnée par le juge de l'exécution à payer une somme de 3.300 euros au titre de la liquidation de l'astreinte ;

A ce jour, elle ne démontre pas avoir entrepris quoi que ce soit pour remédier au problème et ses critiques dirigées contre la décision du juge de l'exécution ainsi que ses développements sur l'apparition récente de fissures sur sa propriété sont inopérants.

Les époux [W] sont ainsi fondés à demander qu'elle soit condamnée à leur payer la somme de 402.925,60 € correspondant au devis de la société GTOI du 20 janvier 2020 pour qu'ils réalisent les travaux de réfection du mur de soutènement. Il sera fait droit à leur demande .

Vu l'urgence, il convient de prévoir une astreinte de 500 € par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de 15 jours suivant la signification de la décision.

En tant que de besoin, il convient d'ordonner à Madame [B] de ne pas s'opposer à la réalisation de la partie des travaux qui auront lieu sur sa propriété. L'astreinte ne s'applique pas à cette mesure.

Sur l'indemnisation des préjudices subis par les époux [W]

L'effondrement a recouvert une partie de la propriété des époux [W] dont le jardin, les plantations et les aménagements ; ils ne peuvent plus profiter de la partie arrière de leur propriété depuis le sinistre et redoutent les conséquences à chaque épisode pluvieux ; enfin, ils supportent la présence d'étais et de bâches depuis 2017.

Ils soutiennent que les travaux de réfection du mur de soutènement engendreront des coûts évalués à la somme de 17.290,10 € représentant notamment des frais de relogement, de remise en état de haies/clôtures, de divers objets de jardinage.

La MAIF relève à juste titre que les frais de relogement réclamés pour 10 000 € sont surévalués et les époux [W] ne versent aucun justificatif. Ils seront évalués à la somme de 2.532 € .

Le coût des végétaux sera évalué à 2.000 € .

Ils demandent le remboursement d'un véhicule et d'une échelle pour un montant de 8.485 €. Concernant les dommages causés au véhicule KIA, la MAIF indique avoir reçu de la GMF une réclamation de 8.090 € qui a été réglée. Il n'y a donc pas lieu d'admettre le prix d'achat du véhicule PEUGEOT acheté en remplacement.
La violence du sinistre, les tracas occasionnés par la procédure et les nuisances occasionnés par les travaux de démantèlement et de déblaiement ainsi que la perte de jouissance de leur maison leur causent un préjudice moral certain qu'il convient d'évaluer à la somme de 40.000 €.

En conséquence, Madame [B] sera condamnée à leur payer ces indemnités.

Sur la garantie de la MAIF

Les époux [W] estiment que la MAIF doit sa garantie pour le sinistre causé par son assurée ; que l'article L 113-1 du code des assurances ne s'applique pas en l'absence de faute intentionnelle ou dolosive de Madame [B] ; qu'en outre, la MAIF doit garantir sa sociétaire en vertu du contrat .

La MAIF refuse sa garantie, au visa de l'article L113-1 précité, en soutenant que le sinistre n'est pas accidentel et résulte de la faute de son assurée; elle ajoute qu'au regard des conditions contractuelles du contrat, sa garantie ne peut pas davantage jouer.

Sur les dispositions de l'article L 113-1 du code des assurances,

Il est suffisamment établi que l'effondrement du 14 mars 2017 n’est pas un évènement accidentel puisqu'il résulte exclusivement de la carence et de l'entêtement de Madame [B] qui a refusé de reconstruire le mur, malgré la situation et l'imminence de la ruine annoncée par les experts en 2014 et 2015 ; qu'en procédant à des travaux minimalistes, insuffisants, sans maître d'œuvre, ni bureau d'études, elle a laissé perdurer, en toute connaissance de cause, une situation qui faisait courir un risque pour la sécurité de ses voisins, situés juste en contrebas ; qu'elle savait l'effondrement du mur inéluctable, vu les compte rendu des experts ; qu'en agissant ainsi, elle a commis une faute dolosive. La MAIF se trouve donc fondée à refuser de garantir sa sociétaire.

Sur les dispositions contractuelles

Les époux [W] considèrent que la garantie contractuelle est nécessairement due par la MAIF au visa des articles 28.11.1, 28.11.2 et 28.12 du contrat.

Le MAIF s'y oppose en faisant valoir que le sinistre n'est pas accidentel et verse aux débats les conditions générales et particulières du contrat d'assurance conclu avec Madame [B].

L'article 28.11.1 du contrat prévoit que : « la société garantit, dans les limites fixées aux conditions particulières, les conséquences péuniaires de la responsabilité civile que l'assuré peut encourir à la suite d'un accident  » ; L'article 28.12 du contrat qui prévoit « la société garantit, dans les mêmes limites, les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile que l'assuré peut encourir en tant que propriétaire ou gardien d'un bien immobilier assuré ».

L'article 17.5 des conditions générales définit l'accident ainsi : « par accident, il faut entendre tout fait dommageable, non intentionnel de la part de l'assuré, normalement imprévisible et provenant de l'action soudaine d'une cause extérieure ».

En outre, l'article 18.2 prévoit que sont exclus des garanties « les dommages résultant pour lui même ou pour toute autre personne de la faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré »

Il est suffisamment démontré que le sinistre n'est pas accidentel et provient exclusivement de la faute de Madame [B] ; que l'effondrement du mur était inéluctable et ne présentait aucun caractère aléatoire ; Dès lors, la MAIF ne peut pas être condamnée à supporter le cout des travaux de reconstruction du mur.

La MAIF avait proposé en 2017 d’indemniser les dommages matériels causés aux époux [W] pour la somme de 53 136.11 € . Elle réitère cette offre aujourd'hui. Il lui en sera donné acte.

La demande présentée par les époux [W] au titre du préjudice moral contre la MAIF sera rejetée puisque ce poste n'entre pas dans le cadre de la garantie des dommages aux tiers.
Sur les autres demandes

La MAIF demande d'écarter l'exécution provisoire. Cette demande sera rejetée vu l'urgence de la situation.

Madame [B] et la MAIF, qui succombent, seront condamnées in solidum aux dépens, comprenant les frais d'expertise judiciaire.

L'équité commande de les condamner in solidum à payer aux époux [W] la somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Statuant par jugement contradictoire susceptible d'appel

REJETTE la demande de Madame [B] tendant à l'annulation du rapport d'expertise judiciaire,

REJETTE la demande de Madame [B] tendant au renvoi de l'affaire à la mise en état ,

JUGE Madame [B] responsable de l'effondrement de soutènement ,

CONDAMNE Madame [L] [B] à payer à Monsieur [M] [W] et à Madame [C] [W] la somme de 402.925,60 € sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de l’expiration d’un délai de 15 jours suivant la signification de la présente décision;

ORDONNE à Madame [L] [B] de ne pas s’opposer à la réalisation de la partie des travaux qui auront lieu sur sa propriété,

CONDAMNE Madame [L] [B] à payer à Monsieur [M] [W] et à Madame [C] [W] la somme de 4532 € au titre du préjudice matériel

CONDAMNE Madame [L] [B] à payer à Monsieur [M] [W] et à Madame [C] [W] la somme de 40.000 € au titre du préjudice moral,

DEBOUTE les époux [W] de leurs demandes dirigées contre la MAIF relatives à la reconstruction du mur et à la réparation de leur préjudice moral,

DONNE ACTE à la MAIF qu’elle maintient sa proposition globale et forfaitaire d’indemnisation pour la somme de 53 136.11 € au titre des seuls dommages matériels causés aux tiers ;

REJETTE la demande tendant à écarter l’exécution provisoire ;

REJETTE toutes les autres demandes des partis ;

CONDAMNE in solidum la MAIF et Madame [B] à payer aux époux [W] la somme de 3000 € au titre de l’article 700 du CPC

CONDAMNE in solidum la MAIF et Madame [B] aux dépens comprenant les frais d'expertise judiciaire.

La Greffière La Juge


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/00726
Date de la décision : 31/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 06/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-31;21.00726 ?
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